∇ QUE LE RÊVE DEVIENNE VOTRE REALITÉ ∇ HOLDEN & ALIX

Le soleil se levait sur les falaises enneigées de l'île de Wight, tandis que Portsmouth baignait encore dans une brume nocturne. Un banc de poissons volants argentés traversa le ciel, laissant derrière lui une traînée de confettis qui vinrent recouvrir les hautes herbes des pâturages à moutons. Dans l'une des maisons aux volets roses et aux portes en pain d'épice, s'éveillait une adolescente blonde. Elle s'étira et descendit en rappel les baldaquins qui entouraient, tels des remparts, les quatorze matelas formant son sommier. Un petit pois glissa de son oreiller, trouvant refuge sous l'armoire en bois massif de saule pleureur. La blondinette gagna le rez-de-chaussée et passa au jardin, récupérant au passage une tasse de thé en forme de cartable dans lequel elle plongea un scone à la confiture de jus de pied. Elle réprima une grimace en avalant le scone à l'amère agrément et fit demi-tour pour rejoindre la maison. En quittant la terrasse pour le salon, elle ne vit pas un pan de mur qu'elle se prit de plein fouet...

« Bouse de troll » pesta l'adolescente en se frottant le front. Elle récupéra ses esprits et regarda autour d'elle. Où était son lit ? Où étaient ses amies ? Où était son dortoir ? « Pas encore... » soupira-t-elle en cherchant dans le couloir le moindre signe qui lui indiquerait à quel étage elle se trouvait et dans quelle partie du château. En longeant plusieurs salles, elle comprit rapidement qu'elle était bien plus loin de la salle commune que de coutume. C'était bien la première fois que son somnambulisme la menait si loin de ses repères habituels. Les autres nuits, elle n'avait qu'à remonter un couloir ou tourner à un croisement pour rejoindre la salle commune des serdaigles et retrouver le confort de son lit. Visiblement, ce ne serait pas aussi facile.

En marchant au hasard dans un couloir, Alix tourna la tête et se retrouva face à un vitrail dont les couleurs sombres et peu illuminées par une lune cachée derrière les nuages lui permettaient de percevoir son reflet. « Génial » souffla-t-elle en découvrant que pour couronner le tout, elle avait sorti la chemise de nuit ultra-confort mais ultra-mémère qu'elle ne portait qu'en cas d'extrême nécessité, lorsque son pyjama habituel passait son tour. Elle se retrouvait donc vêtue d'une chemise de nuit coquille d’œuf à col de dentelle et fanfreluches ostentatoires – un vrai plaisir pour les amoureux du romantisme de gare. L'adolescente jura de sacrifier aux dieux de toutes les religions si elle rejoignait sa salle commune sans faire de rencontre intempestive et continua sa marche nocturne. Il faisait froid et malheureusement pour elle, la mode automne-hiver nocturne venait sans manches et sans petit cardigan de laine – là, tout de suite, elle n'aurait pas craché sur une paire de chaussons, tout sauf le contact de ses pieds nus avec les pierres glaciales du couloir.

Un bruit se répercuta alors dans le couloir, la faisant sursauter. Elle se retourna aussitôt, le cœur battant la chamade. Qui pouvait donc se trouver au même endroit à cette heure indue ? Quelle heure était-il, d'ailleurs ? Il pouvait parfaitement n'être que minuit, comme six heures et demi – et la journée ne tarderait pas à commencer, avec une Alix en pyjama magistralement hideux dans les couloirs. Le bruit revint, cette fois plus proche. « Qui est là ? » lança l'adolescente d'une voix qu'elle voulait forte et claire mais qui ne parvint qu'à ressembler à un miaulement de chaton effrayé.

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La Terre fit quarante tours sur elle-même et un salto arrière, laissant Alix étourdie et déconfite face au visage du gryffondor qu'elle estimait le moins. C'était un véritable cauchemar. Non seulement, elle se retrouvait perdue dans le château, vêtue d'un pyjama absolument abominable et il avait fallu que son chemin croise celui d'Holden Cassidy. Avait-elle offusqué les divinités de l'intégralité de l'histoire humaine, pour mériter ça ? Le rouge et or semblait ravi de la situation et ne tarda pas à l'exprimer.

Alix s'empourpra. Pour cacher son malaise, elle se para du plus de froideur possible et arqua un sourcil méprisant. « Ah, ah, très drôle. C'est tout ce que t'as en magasin ? » lança-t-elle pour se donner contenance. Elle pivota sur elle-même, fit un pas et se prit les pieds dans le tapis couvrant le parquet au sol. Son équilibre s'envola – en même temps que sa dignité – et elle plongea en avant, terminant sa course à plat-ventre.

Elle se releva aussi vite que possible, les joues rouges de honte et les cheveux en bataille, se traitant de tous les noms d'oiseaux magiques et moldus de son répertoire. Pouvait-on être aussi gourde ? Des éclats de rire entrecoupés de quintes de toux s'élevèrent des murs : les occupants des tableaux parant le couloir semblaient avoir apprécié son numéro d'acrobaties et le lui faisaient bien savoir.

« Bref » dit-elle d'une voix tremblante de colère. « Tu m'expliques ce que tu fais ici, Cassidy ? » demanda-t-elle au rouge et or avec agressivité, l'accablant dans ses paroles de tous les maux du monde – et surtout des siens. Ben oui, si elle était perdue dans le château, de nuit et en robe de nuit immonde, c'était forcément sa faute ! Tout comme il était responsable de sa chute et de la honte qui lui cuisait les joues à petit feux.

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Holden la baleine se gaussait bien de son ridicule et dans sa tête, Alix imaginait les pires scénarios de vengeance dont une serdaigle bien pensante était capable – c'est-à-dire pas grand chose à côté des plans machiavéliques des serpentards pour prendre le contrôle du monde. Mais tout de même.

Drapée dans le peu – très peu – de dignité qu'il lui restait, l'adolescente attendait la réponse du gryffondor comme un sésame qui mettrait fin au silence fort gênant, seulement troublé par les gloussements de pintade de l'autre baleine. La réponse ne se fit pas attendre et fut incisive. Alix déglutit et tenta de contenir sa frustration – oui, bon, c'était pas sa faute si on ne l'avait pas désignée comme préfète cette année. Ce n'était pas faute d'avoir espéré parer son poitrail de cette distinction si honorifique que son grand frère avait portée, comme tant d'autres Folkhart avant lui en ces murs.

« Attends de voir l'an prochain, tu riras moins quand je te collerai un week-end de retenue » lança l'adolescente avec la plus mauvaise des fois du monde – quelle certitude avait-elle d'être nommée préfète à sa rentrée en sixième année ? « Et puis cette horreur, c'était un pari » mentit-elle en pointant son pyjama. « Et je suis somnambule » ajouta-t-elle. « Content ? » demanda-t-elle en croisant les bras, sacrément énervée. Il était très rare qu'elle perde son sang-froid et son calme mais certaines personnes avaient le don de la faire sortir de ses gonds en moins de temps qu'il n'en fallait pour dire potiron. Et le gryffondor en faisait partie.

« C'est tes aventures de super-héros rouge et or qui t'ont mené jusqu'ici ? Je suppose que tu sais donc où on est ? » demanda-t-elle avec agressivité. « Parce que moi, j'en ai absolument aucune idée » avoua-t-elle, se traitant de tous les noms de devoir ainsi afficher une faiblesse. Mais il fallait bien le reconnaître, Alix n'avait pas la moindre idée d'où les escaliers et son sommeil l'avaient menée. Et la nuit apportait de biens étranges alliés...