Bartemius était fou de rage contre Père. Pourquoi avait-il fallu qu'il eut un tel paternel qui se rapprochait plus d'un despote que d'une véritable personne qu'on affectionnait ? L'adolescent, suite à la violente dispute qui avait éclaté dans le manoir Croupton avait été expédié dans sa chambre contre son gré. Et il comptait finalement bien y rester enfermé toute la soirée pour ne pas recroiser Père. Et dire qu'il voulait juste aller à la Coupe du Monde de Quidditch. C'était injuste.
Le Serpentard ruminait désormais dans sa chambre aussi austère que le reste de la demeure, recroquevillé dans un coin de la pièce à déchirer des morceaux de parchemin. Il avait fermé les volets. Il se retenait de tout renverser dans la pièce, s'acharnant sur ce pauvre morceau de parchemins qui avait jadis été un brouillon. On s'estimait heureux qu'il n'eut pas l'idée de fabriquer une poupée vaudou représentant Père.
On toqua alors à la porte. Il ne répondit pas. Il ne voulait voir personne. Il voulait être seul. La douce voix rassurante de Mère l'appela à travers la porte en bois. Silence. Toujours silence. Elle l'appela de nouveau. Cette fois, Bartemius se leva et se dirigea vers la porte pour écouter. Et si Père était avec elle ? Il n'entendit aucune voix masculine pouvant ressembler à la sienne. Il ouvrit alors, découvrant Mère avec l'air maussade. Sans aucune expression et avec une grande froideur, il la détailla du regard. Elle semblait fatiguée. Il s'y attendait un peu, à sa venue, au fond. Elle n'allait pas laisser passer cette dispute ainsi sans vouloir en discuter. Elle tenait beaucoup trop à une atmosphère de paix toute relative sous son toit.
« Il est où ? » demanda-t-il, méfiant.
Père était véritablement devenu un indésirable. Surtout dans la chambre de son fils.

L'adolescence frappait Bartemius de plein fouet. Il s'agissait certainement l'étape la plus difficile à gérer pour des parents quand elle survenait chez leur enfant. Il fallait s'y attendre, s'y préparer. Cette période de la vie se caractérisait par non seulement des changements d'ordre physique mais aussi psychique. Cela pouvait se manifester par une envie d'indépendance, une tendance à vouloir défier l'autorité ou encore des premiers émois amoureux. Père aurait certainement voulu que cet âge avec ses difficultés ne se manifestent pas chez Junior. Hélas pour lui, l'adolescence de ce dernier promettait d'être particulièrement virulente, d'autant plus accentuée de par sa relation avec son géniteur qui était loin d'être au beau fixe.
Sa mauvaise relation avec Père était certes symptomatique du début de son adolescence mais aussi plus profonde et risquait de s'étendre sur les années. Le patriarche ne lui avait jamais accordé l'attention qu'il aurait dû, malgré tout les efforts de l'enfant pour l'attirer. La tristesse d'une enfance sans Père. Néanmoins, Bartemius se montrait bien moins hostile à l'égard de Mère qui avait toujours été là pour lui. Elle était comme un repère pour le jeune garçon. Elle lui dit ignorer où se trouvait Père et lui demandait si elle pouvait entrer, en veillant à ne pas le brusquer ni le braquer. Il la regarda longuement, toujours avec autant de méfiance. Ne faisait-il pas confiance à Mère ? Finalement, il fit un léger oui de la tête avant d'aller s'asseoir en tailleur sur son lit. Un désordre inhabituel régnait dans la pièce, vestige du violent élan de colère du Serpentard.
« C'est de sa faute à lui. » se dédouana aussitôt l'adolescent.
Tout était toujours de la faute à Père. C'était lui le mauvais paternel qui n'avait pas su être juste et présent. C'était bien la plus grande chose qu'il avait échoué dans sa vie sans intérêt, trop enfermé dans son travail.

Mère était le seul parent digne de ce nom que Bartemius avait. Elle était celle qui l'avait tenue tout près contre elle, qui lui avait donné le sein, qui vérifiait s'il n'y avait pas de monstre sous son lit. S'il y avait bien eu une personne que le jeune homme aimait le plus sur cette terre, cela aurait été elle. Cependant, il n'était pas un garçon à être très expressif quant à ses sentiments et encore moins démonstratifs. Alors de l'extérieur, il ne semblait qu'à peine plus lui porter d'affection qu'il en aurait porté à quelqu'un d'autre. En fait, il n'aimait pas le contact physique avec d'autres êtres humain dont la plupart du temps la présence le dérangeait. Le genre humain était une basse espèce dont lui même faisait parti mais tellement intrigante. Un homme n'allait jamais être identique à son voisin. Jamais une telle diversité n'avait été observée dans le règne animal. Bartemius aurait pu les observer en cage des heures et des heures. Comprendre et analyser chacun de leur comportement comme des rats de laboratoire.
Parfois, il en oubliait sa propre humanité qui semblait inhumaine par moment comme l'absence de sentiments se dessinant sur les traits de son visage encore enfant. Est-ce qu'il pouvait faire confiance à Mère qui elle aussi été humaine ? Une espèce à la nature trompeuse, manipulatrice pour les éléments les plus intelligents. Bien sûr. Une mère était bienveillante à l'égard de ses enfants, elle les protégeait. C'était dans leur nature maternelle. Sinon, n'aurait-ce pas été une mauvaise mère ? A la question de la psychomage, Bartemius hochait la tête. Elle était des siens. Elle aussi pensait que c'était de la faute de Père. Pourquoi aurait-elle menti ?
« Je mérite d'y aller. Il n'a pas le droit de m'y empêcher. »
L'adolescent se retenait d'à nouveau insulter Père. Mère n'aurait pas apprécié. Il voulait qu'elle l'autorise à aller à la Coupe du Monde de Quidditch.

Bartemius ne regrettait aucunement les mots qu'il avait dit à Père. Il le méritait bien. Il n'avait qu'à avoir été plus présent lors de son éducation. L'adolescent avait beaucoup souffert de l'absence de présence paternelle. La société en vantait l'importance dans l'éducation d'un jeune garçon ou même d'une jeune fille. C'était perçu comme étant la figure autoritaire qui faisait que l'enfant marchait droit. Car il y avait toujours un parent strict, le père, et un parent plus laxiste, la mère. Une image bien stéréotypée du cercle familial que la société patriarcale lui avait véhiculé. Mais plus le temps avançait, plus le jeune homme se persuadait qu'il s'agissait de sottises sans nom. Il n'y avait que Mère qui comptait dorénavant. Il n'accordait pas plus d'importance à Père qu'à un inconnu. Un rat.
Tandis que Mère lui donnait raison, elle se mit à attirer son attention sur un "détail". Junior sut que cela n'allait pas lui plaire, ce "détail". Il fronça les sourcils, sachant déjà ce qu'elle allait lui reprocher. En effet, elle lui demanda de ne plus insulter Père. Pourquoi ? Il le méritait, non ? Et il devait avoir l'habitude, vu la mauvaise réputation qu'il avait auprès d'une bonne partie de la communauté sorcière. Si même son fils avait une mauvaise image de lui, c'était que cela signifiait quelque chose.
« Pourquoi je ne pourrais pas s'il le mérite ? C'est la vérité, non ? »
On lui avait toujours dit de ne pas mentir et quand il disait vraiment ce qu'il pensait et que c'était véridique, on le réprimandait. Certes, il n'était pas obligé de le dire. Mais Junior omettait volontairement cet élément. Toutes vérités n'étaient pas bonnes à dire et il y avait des façons de le faire. Surtout avec Père. Parce que c'était grâce -ou à cause- de lui qu'il était présent et il le logeait, même s'il n'était réduit qu'au rang d'un inconnu avec qui il cohabitait. Bartemius avait vraiment du mal à voir pourquoi il aurait dû respecter Père qui le traitait comme une vermine et s'il n'avait rien eu à y gagner. Vivement le retour à Poudlard.

Mère exposa de nouveau à Junior ce qu'il risquait s'il insultait Père de la sorte. Mais l'adolescent ne voulait pas comprendre. Tout du moins, il faisait exprès de ne pas comprendre l'avertissement, persuadé qu'il était en son bon droit de se défendre face aux propos du patriarche si bien qu'il était à la limite de prendre sa mère pour une hérétique s'opposant à sa liberté de parole. Junior se disait qu'il n'avait plus l'âge de se laisser diriger par ses parents, que maintenant il était presque un adulte qui prenait ses décisions seul même s'il n'était pas encore majeur.
Il regardait Mère se saisir de quelques objets, notamment des jouets pour enfant dont il se souvenait encore, même si ce n'était que vaguement. Pourquoi étaient-ils toujours là ? Ils n'avaient plus rien à faire dans sa chambre. Il n'était plus un enfant. Et c'était encombrant et poussiéreux. Ensuite, elle expliqua que Junior ne devait pas faire ce qu'il ne voulait pas qu'on lui fasse ce qui le fit froncer des sourcils. Pourquoi disait-elle cela à lui comme si c'était lui qui avait lancé les hostilités ? Elle manquait de logique ou bien elle approuvait cette injustice.
« Mais pourquoi tu dis ça à moi ? C'est lui qui a commencé ! J'aurais rien dit s'il n'avait rien dit. »
Il n'y avait pas un Bartemius pour rattraper l'autre. Ils se rejetaient mutuellement la faute sans admettre leur tort. L'adolescent pensait sincèrement qu'il n'avait rien à se reprocher car ce n'était pas de sa faute. C'était Père ! Même Mère le disait. A moins qu'elle ne lui mente ? Bien sûr qu'il comprenait que ce qu'elle voulait dire, c'était qu'il n'aurait pas fallu renchérir. Mais il n'acceptait pas cette éventualité de soumission à l'autorité paternelle qu'il n'estimait pas légitime. S'il n'avait pas été là pour les fondements de son éducation, il n'avait pas à être là pour le reste.

Junior savait qu'il ressemblait de plus en plus à Père. En se regardant dans le miroir, il revoyait en ses propres traits les siens. Combien de fois avait-il eu envie de briser ce miroir en question, par rage de ressembler autant à un homme qu'il commençait à détester ? Quand il agissait de la même façon que l'aurait fait Père et qu'il s'en rendait compte, ça l'énervait. Le fait de porter le même prénom que lui semblait avoir lancé une malédiction sur sa personne. C'était comme Père lui privait le privilège d'avoir une identité qui lui était propre, qui lui appartenait. Allait-il, lui aussi, finir directeur du Département de la Justice Magique quand bien même c'était une chose qui ne l'intéressait pas du tout ? De plus en plus, Junior tentait de se différencier, de s'opposer à lui.
Qu'est-ce que Mère avait trouvé à Père ? Il était ennuyeux, froid et pas particulièrement beau. En plus d'être un père exécrable. Comme quoi il ne brillait pas et n'était pas parfait dans tout les domaines comme il semblait le croire. Mère, au moins, elle était belle et chaleureuse. Un peu trop chaleureuse mais chacun avait ses défauts.
« Mais s'il recommence ? Je vais pas me laisser faire. » contredit Junior.
Même si elle avait plusieurs fois donné les mêmes directives à son mari, ce dernier n'avait pas changé. L'adolescent le savait déjà: ce n'était plus à son âge que l'on changeait. Il était trop tard pour s'améliorer. Ainsi, Père allait rester un patriarche médiocre jusqu'à sa mort. Ce n'était pas à la vieille racine de mandragore que l'on apprenait à chuchoter. Il ne voulait plus être soumis à l'unique volonté d'un père qui s'en fichait de lui, qui ne lui souhaitait un bon avenir que pour être tranquille car son fils n'allait avoir besoin d'aucune aide. Et faire comme s'il n'avait jamais existé.
Mère revint s'asseoir sur le lit de Junior tout en gardant une distance réglementaire de sécurité. Chose assez rare pour le mentionner: elle utilisa son surnom pour s'adresser à lui. Oui, c'était Père qui rendait la vie dure. Tout aurait été mieux sans lui. C'était lui l'élément perturbateur.
« Tout serait mieux sans lui. » marmonna l'adolescent.
Il savait qu'il y avait peu de risque que Mère ne le gronde pour avoir dit ça. C'était ce qu'il pensait et elle ne pouvait pas l'empêcher de penser ce qu'il voulait bien. Eventuellement avait-elle aussi l'espoir que ce ne fut que la crise d'adolescente qui donnait ces sombres pensées à son fils, et qu'elles allaient bientôt repartir d'ici quelques années, elle espérait.

La guerre était un des fondamentales de l'humanité. Depuis la genèse de l'Homme, la guerre existait et continuait encore aujourd'hui d'exister. Partout et en tout temps. Les raisons étaient nombreuses. Pour avoir plus de terre, de ressources, de richesse. Pour prendre le pouvoir. Elle était à l'origine de grands changements. Elle était nécessaire pour faire évoluer le monde dans lequel nous vivions. Si Junior devait faire la guerre à Père pour obtenir gain de cause, il allait le faire. Il n'y avait pas de petite guerre, toujours des grandes guerres à différentes échelles. Alors, quand Mère lui disait que les conflits n'étaient pas une chose saine, il n'était absolument pas d'accord. S'il n'y avait pas de conflits, c'était qu'il n'y avait pas de problèmes. Or, les problèmes étaient bien souvent créés par les divergences d'opinion et d'objectif. Si tout les êtres humains avaient tous les mêmes opinions, il n'y aurait pas de conflits. Vivre dans un monde où tout le monde vivait en osmose aurait signifié que les êtres humains n'auraient plus d'identités propres. N'était-ce pas quelque chose de malsain ? Bartemius voyait le conflit comme une preuve que l'humanité se portait bien, justement.
« Mais si je ne réponds pas, il va croire que j'accepte ce qu'il dit. »
Junior s'en fichait bien de prouver qu'il était plus mature que Père. Il voulait juste qu'il reconnaisse ses droits et ses mérites. Il s'en fichait des conflits que cela pouvait engendrer, si ça lui permettait de se faire entendre. Aucune Révolution ne s'était faite en discutant avec ses ennemis. Une Révolution se faisait par la force. Père était à l'image d'un Roi qui recevait plus qu'il ne donnait, regardant de haut et méprisant le peuple. Junior aurait voulu que Père lui donne d'avantage de raison de l'aimer comme un fils était sensé aimer son père. Mais Senior avait échoué quand bien même il lui avait donné tellement d'occasion pour essayer de faire quelque chose qui aurait pu le faire aller en ce sens. Au final, l'adolescent en avait déduit que cela lui était égal d'être un père aimant. Il ne voulait juste pas d'enfant à la base.