Faîtes que les cartes soient avec moi | A. LLOYD

Agatha s'était éclipsée de la présence de son frère Boleslaw près de la cage des gnomes malformés. Elle espérait qu'il s'y fasse enlever pour avoir la paix, mais elle doutait que cela arrive dans un futur proche. En tout cas, elle lui avait admirablement fait faux bond ! Armée d'une barbe-à-papa qui avait un goût de patacitrouille pétillante, la jolie autrichienne pénétra dans la roulotte de la voyante, curieuse. La Serdaigle avait quelque chose sur le coeur, qu'elle n'osait avouer à personne.
James avait rompu avec elle quelques mois auparavant et le petit coeur d'Agatha était toujours brisé et ses yeux pleins de larmes. Elle paraissait digne, pourtant, à manger sa barbe à papa avec appétit. Mais au fond d'elle, elle mourrait d'envie d'avoir une réponse. Elle voulait savoir et en ressentait le besoin. Avait-elle encore une chance ? L'aimait-il toujours ? Tant de questions qui attendaient des réponses... « Bonjour ? » s'avança-t-elle timidement dans la roulotte, de peur de provoquer une intrusion dans la vie privée. L'atmosphère était horrible et la peau si blanche d'Agatha sembla se recouvrir d'un voile aigre. C'était infect. Et pourtant, derrière une table, se trouvait la voyante. Agatha se sentait minuscule devant elle, alors qu'elle la dépassait d'une tête, probablement. La jeune femme s'assit sur la chaise en tendant ses deux tickets. « Hum... Désolée de vous importuner je... Je voudrais savoir si ce garçon » - elle tendit une photo d'elle et James qu'ils avaient pris peu avant qu'il ne rompe... - « est toujours amoureux de moi... ». Les joues pivoines, Agatha détourna le regard pendant que la voyante tirait le tarot.

Madame Irmage observa d’un drôle d’oeil Agatha pénétrer dans sa tente, comme si elle avait transporté de terribles nouvelles. Elle se radoucit pourtant lorsque sa petite main blanche et lisse lui tendit la simple photo d’un jeune garçon. Elle fut forcée de mettre une grosse lunette lui faisant un oeil de chouette sur son oeil valide et scruta attentivement son âme sous ses traits. « Mmmh … » commença-t-elle à battre son jeu de tarot sans cesser d’observer la photographie mouvante du maraudeur qui commençait à chercher derrière quel angle il pourrait bien se cacher. Elle retourna du côté gauche de la table l’étoile, à droite le chariot, en haut le fou. « ... Intéressant … ». Elle tira enfin la dernière carte qu’elle déposa en bas d’une main tremblante.

1, 2 : « Le diable - sa voix chevrota-t-elle avant qu’elle ne rallume un bâton d’encens pour chasser le mal - il n’a jamais arrêté de vous aimer mais je vois du danger, une rivale jalouse lui fait boire la potion d’amour, méchante sorcière prête à tout ! ».
3, 4 : « La justice - sourit-elle avec tempérance - il vous aime encore un peu … mais pas de la manière dont vous le voudriez, un autre par contre, vous aime à la folie ».
5, 6 : « Le pendu - grimaça-t-elle d’un air désolé - oh il est fou amoureux … mais pas de vous, il ne vous a jamais vraiment regardé ma pauvre enfant, il vous trouve encore moins intéressante qu'une partie de bavboules ».

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'Le dé ' : 5

Agatha s'était attendue à une réponse basique de type "oui" ou "non". Une partie d'elle restait convaincue que leur histoire ne pouvait se finir comme elle s'était finie. L'autrichienne avait toujours malgré elle des étoiles dans les yeux lorsqu'on parlait de James... Car quel garçon charmant il avait été ! C'était en tout cas la jolie vision qui dansait dans l'esprit de la serdaigle. Vision, très tôt balayée d'un revers de tarot par la voyante, Madame Irmage. Hébétée, perdue, Agatha poussa un petit couinement de souris qui accompagna une larme qui coulait sur sa joue. Tout son amour et tous ses espoirs s'écroulaient, balayés par les paroles cruelles de la voyante qui la comparaît à une partie de bavboules. C'était donc cela qu'elle était ? Une boule puante ? La jeune femme s'essuya la joue, en essayant d'être digne, mais ses joues aussi rouges que ses yeux qui menaçaient de laisser sortir un torrent ne trompaient personne. « Merci de m'avoir accordé votre temps... » fit-elle d'un air absente. Elle s'arrêta à mi-chemin de la sortie et se retourna comme si elle était prise d'une vision terrible : « Vous pouvez brûler la photographie ».

Madame Irmage raccompagna de sa démarche claudiquante la jeunesse éconduite et, après que celle-ci lui ait intimé de brûler la photographie, s’accrocha vivement à son bras, se courbant comme une vieille dame à l’agonie.

1 : Elle soulève son bandeau et approche son oeil de verre, orbe magique, du visage de la jeune sorcière. Il lui renvoie d’abord son propre reflet pétrifié par la peur avant de se voiler pour lui offrir à la place … la vision funeste de sa mort.
2, 3, 4, 5, 6 : Elle finit par donner une petite tape sur son épaule pour la gratifier d'un semblant de courage.

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'Le dé ' : 5