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Elle s'appelle Neolina | CLOS

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Razvan Vacaresco

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L'homme n'est libre que de choisir sa servitude.

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MessageSujet: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Jeu 15 Avr 2021 - 23:49

Mi-avril 1979

Avrig, Roumanie





Le temps était plutôt clément sur la Transylvanie. C'était une jolie journée d'avril, une journée où la douceur se fait sentir, comme si rien de terrible ne pourrait arriver dans ces lieux. Revenir en Roumanie était toujours porteur d'un léger choc pour Razvan qui cette fois-ci pourtant, n'était pas venu seul. La main glissée dans celle de Neolina, ils avaient pris un portoloin ensemble pour arriver à Bucarest, et transplaner de là vers la contrée de leur enfance. Neo et Razvan avaient grandi à Sibiu et Avrig n'était qu'une banlieue de la jolie ville de Transylvanie. Mais ce n'était absolument pas pour faire du tourisme que tous les deux avaient décidé de faire un si long voyage. Ce n'était ni pour se remémorer une enfance qui était bien loin d'eux, ce n'était pas non plus pour rendre visite à la vieille mère de Neolina, matriarche qui était probablement la fan n°1 de Razvan depuis toujours. Mais quoiqu'il en soit, ils ne s'étaient pas lâchés la main. Toujours incapables de ne pas se toucher, hein ? Maladif, presque. A peu près autant que le teint du médicomage qui faisait de son mieux pour faire bonne figure.

C'est que visiter Mihaela amenait toujours son lot de remords, son lot de trop. Sa rancœur le blessait à chaque visites un peu plus, mais il continuait, parce qu'elle en avait besoin, parce qu'il se refusait obstinément peut-être à couper le lien avec elle. Une voix intérieure lui soufflait pourtant que c'était la seule bonne chose qu'il aurait à faire. Mais allez savoir, Razvan était têtu, têtu comme un roumain. Tellement qu'il amenait maintenant sa petite amie pour rencontrer en bonne et due forme sa fille. Comme si c'était l'idée du siècle. Lorsqu'il avisa l'érable qui se situait pile en face de la maison, le médicomage ralentit machinalement le pas, en laissant son regard courir la rue comme pour s'assurer que la petite fille n'était pas en train de s'amuser dans les parages. C'est que les chiens étaient ses amis - contrairement à lui - et qu'elle aimait beaucoup jouer avec pour tuer le temps. Tirant un peu sur la main de Neolina pour lui faire ralentir le pas, Razvan posa son regard dans ses yeux en la rapprochant doucement de lui : « Je ne sais pas quoi lui dire » admit-il brusquement, « je pensais que ça viendrait en chemin, mais rien ne vient ». Imaginez un peu de devoir présenter la personne qu'on aimait à une petite fille de sept ans qui avait perdu sa maman et qui n'attendait que ça d'en avoir une - prenant en compte que la dite personne à présenter ne pouvait pas être mère biologique, c'était impensable. Ça n'avait aucun foutu sens, c'était une mauvaise idée, il regretta même de le lui avoir proposé la semaine précédente dans leur sortie au Pays de Galles. Mais l'instant, peut-être, l'avait poussé à cette stupidité et il en faisait maintenant les frais. Au fond, il savait que Mihaela ne serait pas méchante, il le savait, il la connaissait. Mais voilà, Razvan regrettait de ne pouvoir continuer à vivre dans le déni. Pour une fois, et contrairement à ses habitudes, il devait affronter les choses et diable, il ne s'en sentait terriblement pas le courage. Une brise légère vint agiter ses cheveux noirs, soulever un peu ceux blonds de Neolina. Sa vie n'était qu'un monticule de difficultés et il avait tristement l'impression que celui-ci était insurmontable.


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Dernière édition par Razvan Vacaresco le Lun 26 Avr 2021 - 20:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Ven 16 Avr 2021 - 0:27

Retourner en Roumanie. Plus le temps passait, et plus les voyages étaient pénibles pour Neolina, pour son coeur, son moral, sa patience. Elle qui aimait tant aller de l’avant n’associait à ce pays que des souvenirs. Beaucoup étaient heureux, son enfance, son insouciance, ses frasques avec ses soeurs, son début d’histoire avec Razvan. Et puis, il y avait les autres, plus lourds, les on-dit, les échecs, les tourments. Et s’ils étaient moins nombreux, peut-être pesaient-ils plus dans la balance que le reste. La dernière fois qu’elle était venue, par exemple, 3 mois plus tôt… Depuis, Neo était toujours résolument fâchée contre sa mère et boudait son pays natal de peur qu’en foulant la terre du lieu, sa rancoeur ne déferle à nouveau.

Mais voilà, sa main rivée dans celle de Razvan, Neo affrontait à nouveau l’épreuve et cette fois, cette fois oui, plus question de passé. Au contraire, c’était là la perspective d’un avenir qui la terrifiait sans qu’elle ne puisse réellement se l’expliquer. Rencontrer Mihaela était inéluctable, après tout, n’avait-elle pas elle-même provoqué la conversation qui avait mené à ce jour-là ? Mais la nuit qui avait précédé, celles d’avant aussi, Neolina avait bien eu du mal à trouver le sommeil, même dans les bras de son amour. L’appréhension amenait son cerveau à se poser tant de questions, à envisager toutes les possibilités et elle si spontanée n’aimait pas tant anticiper les choses et imaginer le pire, surtout. Mais c’était quoi exactement, le pire ? Que cet enfant la rejette farouchement, obligeant Razvan à faire un choix terrible ? Ou qu’elle l’accueille comme la mère qu’elle n’avait pas, réveillant sa plus intense douleur ? Sans doute aurait-elle du en parler à son groupe de soutien, mais le courage lui avait cruellement manqué. Pas comme aujourd’hui où plus brave que jamais, Neo avait saisi le portoloin en essayant de ne pas trembler. C’était que sa main dans celle de Razvan n’aurait fait que la trahir.

Peut-être aurait-elle du parler de ses angoisses. Peut-être oui, mais Razvan semblait presque plus mortifié qu’elle, aussi la roumaine avait fait ce qu’elle savait faire le mieux : faire passer les autres avant elle-même. C’était plus vrai encore avec lui peut-être, et la peur qu’elle ressentait chez lui lui donnait suffisamment de force pour cacher la sienne, et elle affichait donc un sourire qui se voulait paisible tandis qu’ils approchaient de cette maison dont elle avait franchi le seuil quelques mois plus tôt. Intérieurement, elle crevait de peur, mais avoir peur ne changeait rien au fait qu’il allait falloir affronter le moment, alors… Alors elle y allait, le coeur cognant comme un tambour dans sa poitrine, ses pieds la portant alors qu’elle aurait pu se tétaniser mais non. Non, ce fut Razvan qui la retint un peu sous l’ombre du grand érable. Aussitôt, Neo vint planter son regard compatissant dans ses grands yeux sombres, cherchant à se connecter à lui parce qu’à deux, ne pouvaient-ils pas tout traverser ?

L’aveu de Razvan aurait pu sembler terrible, mais Neo n’en fut pas tellement surprise. Elle-même s’était posé la question, avait eu comme un début de réponse mais n’avait pas voulu mettre le sujet sur le tapis. Son roumain n’était pas bien doué avec les mots, elle le savait, et moins encore dans un contexte aussi lourd de sens, de conséquences aussi. Saisissant sa deuxième main dans la sienne, ses pouces vinrent caresser sa peau comme toujours quand elle essayait de l’apaiser. « C’est normal, Razvan. C’est parfaitement normal. » commença-t-elle pour le rassurer un peu. « Ecoute, j’y ai moi même un peu réfléchi, et… » Et sa solution était-elle la bonne ? Elle n’en savait rien. « Je pense qu’il ne faut pas brûler les étapes. Et puis, l’amour entre deux adultes, tout ça, ça ne parle pas à des enfants. Enfin, je suppose. » Qu’est-ce qu’elle y connaissait après tout ? Soufflant un grand coup, elle continua. « Quand je suis venue la dernière fois, j’ai dit que j’étais ton amie. Je pense que les autres détails peuvent attendre un peu, non ? » De ce qu’elle avait compris, la petite reprochait beaucoup de choses à Razvan. Alors qu’en serait-il s’il lui disait qu’il aimait quelqu’un d’autre ?
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Ven 16 Avr 2021 - 15:22

Neolina ne voyait peut-être que le malaise de devoir présenter quelqu'un que l'on aimait à sa fille qui avait perdu sa mère. Certes. Elle voyait peut-être cette impression étrange que pourrait avoir Mihaela de se sentir remplacée par quelqu'un. Mais pire que ça, et peut-être fort égoïstement, Razvan voyait surtout avec une clairvoyance désarmante la pénible après-midi qu'il allait passer. Il savait pertinemment que, comme à chaque fois qu'il passait, l'animosité de la petite fille allait le rendre mal-à-l'aise, ses beaux-parents aussi et que dire, que dire, de Neolina ? Ça n'aurait clairement rien de paisible, pour personne et c'était de sa faute à lui, il l'assumait pleinement. Ce n'était que la juste conséquence de ses mauvaises décisions qu'il devait affronter là. Bien fait pour lui.
Les gentils mots de sa petite amie avaient du sens, la caresse sur ses mains aussi. Pour autant, il préféra ne pas la regarder dans les yeux, détourner le regard comme si elle pouvait lire ce qui allait se passer. Razvan se sentait mal parce qu'il savait très bien qu'il allait se sentir profondément humilié. Mais il ne dit rien, hocha silencieusement la tête en serrant ses mains un peu plus fort dans les siennes. D'ici quelques heures, il pourrait souffler, car le moment pénible serait loin derrière lui (jusqu'à la prochaine).

Il fallut bien prendre son courage à deux mains pour toquer à la porte de ses ex beaux-parents. Sans pour autant lâcher la main de Neo, parce qu'il ne s'en sentait pas capable, parce qu'aussi, il leur avait dit. Il leur avait dit qu'elle n'était pas qu'une amie et ils avaient été ravis. Ce n'étaient pas des gens que la rancœur étouffait bien au contraire. Aniela et Jacek étaient fréquemment désolés parce que Razvan semblait toujours incapable de reconstruire sa vie. Aussi, la vieille dame ouvrit la porte avec un sourire joyeux : « Ah Razvan mon chéri ! » - elle avait ce ton de vieille tante ravie de voir son neveu, en lui claquant un bisou de bienvenue sur chacune de ses joues, avant de se tourner vers Neolina - « Ravie de vous revoir Neolina. Entrez donc ! ». La bonne humeur naturelle de la vieille dame n'était pas feinte, il le savait bien et elle ferma derrière eux la porte par laquelle ils étaient entrés. Aniela les entraîna au salon où, en bonne matriarche roumaine qu'elle était, elle avait sorti une théière avec des tasses. « Comment allez vous ? » demanda-t-il poliment. Il avait beau les connaître depuis quasiment vingt ans, il ne savait pas s'empêcher de les vouvoyer. Quand bien même il s'était toujours entendu avec eux. « Oh ça va toujours tu sais, la routine ». La vieille femme avait un regard malicieux et profondément gentil : « Vous prendrez bien un thé ma fille ? » demanda-t-elle à Neolina en lui envoyant un beau sourire.
La porte d'entrée s'ouvrit dans un même temps pour laisser passer un homme, aux cheveux blancs, accompagné de Mihaela qu'il tenait par l'épaule. Les cheveux embrouillés, on sentait qu'elle avait dû passer sa journée à crapahuter dehors avec les chiens, les genoux abîmés par diverses chutes mais hé, c'est qu'elle avait du courage. Du courage et même pas mal ! Sa robe jaune était tâchée de terre, histoire de parfaire l'image parfaite du petit garçon manqué qu'elle était. « Regarde qui est là » fit son grand-père d'un ton joyeux, « NEOLINAAAAA ». Inutile de préciser que la tornade se rua sur Neolina pour un lui faire un beau, et très sincère câlin.


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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Ven 16 Avr 2021 - 17:53

C’était terrible. Terrible de se dire que Neo avait besoin d’être rassurée à cet instant, mais qu’hélas, la seule personne qui aurait pu le faire en était incapable. Oh, c’était qu’elle ne lui en voulait pas, loin de là. Comme toujours, Neo savait compenser les faiblesses de Razvan et souvent, l’inverse était vrai. Souvent oui, mais pas aujourd’hui. Peut-être aussi était-ce de sa faute, car elle ne montrait rien justement de ce qui la tourmentait à cet instant. L’écouter parler ainsi de ce genre de choses pouvait presque donner l’illusion que tout ça était facile pour elle. Que la peur ne lui rongeait pas le ventre, que ses pieds n’avaient pas envie d’aller dans la direction opposée. La gentille pression des mains de Razvan sur les siennes ne l’apaisa même pas, mais c’était comme ça. Enfin, le fait qu’il ne la lâche pas en frappant à la porte - il lui sembla que les coups étaient donnés contre sa poitrine tant elle sentait son coeur cogner fort - était tout de même un réconfort, même si cela mettait un peu à mal ce qu’ils venaient de se dire. Et puis, surtout, Neo ne craignait pas seulement ses retrouvailles avec Mihaela ce jour-là…

L’accueil de la belle-mère de Razvan fut extrêmement chaleureux, autant sûrement que celui que réservait sa propre mère à ses invités, la petite remarque désagréable en moins. Neo ne savait pas bien ce que lui avait dit son gendre à son sujet, et elle sentait le rose déjà monter un peu à ses joues alors qu’elle tenait la main de Razvan comme une enfant s’accrocherait à la silhouette rassurante d’un adulte - du moins, c’était l’image qu’elle s’en faisait. Comme jamais, Neo eut l’impression de ne pas être à sa place, d’être de trop. La petite cellule familiale était ébréchée malgré les apparences, elle le savait bien, et elle ne venait que créer un déséquilibre un peu plus fort après tout. « Merci… » fut tout ce qu’elle eut le courage de souffler d’un ton timide qui ne lui ressemblait pas. Elle avait l’impression de s’imposer, d’imposer sa présence dans la maison qui avait vu grandir celle qu’elle… pas remplaçait, non, mais tout de même. Si Mara avait toujours été en vie, alors Neo n’aurait rien à faire là. Peut-être même qu’elle n’avait rien à faire là d’ailleurs.

La suite des banalités s’enchaîna tranquillement, et Neo avait l’impression d’observer la scène de l’extérieur, enfin, de ne pas vraiment être là, en fait. C’était terriblement gênant, alors même que la vieille dame l’accueillait avec une gentillesse incommensurable. Est-ce que ça n’en rendait pas tout ça que pire ? « Un thé oui, ça sera parfait. Je vous remercie… » Elle réalisa à ce cruel instant qu’elle avait oublié le nom de ses hôtes, ne serait-ce que parce qu’en voulant éviter le sujet brûlant avec Razvan, elle avait eu peur de lui poser les plus banales des questions. Bon sang, c’était pourtant écrit sur la lettre qu’il lui avait envoyées en décembre, pourquoi n’avait-elle pas vérifié ? Et puis, Neo se fit alors la remarque qu’elle n’aurait jamais, mais jamais osé les appeler par leur prénom, alors… « … madame Ionescu. » Au moins se souvenait-elle du nom de jeune fille de Mara, c’était déjà ça.

Mais Neo aurait préféré affronter une conversation de trois heures en tête-à-tête avec cette charmante femme plutôt que la suite, en vérité. La dernière fois déjà, ce fut douloureux. Mais rien à voir avec cette fois. Rien à voir, non, parce que la petite se souvenait d’elle, comme l’avait sous-entendu Razvan, et qu’elle se précipita dans ses jambes avec un enthousiasme débordant, snobant complètement son propre père au passage. Décontenancée, Neo lâcha sa main qui la raccrochait un peu à la réalité et encaissa le choc de Mihaela dans ses genoux, ne sachant trop quoi faire de ses bras habitués à enlacer n’importe qui, oui mais n’importe qui d’adulte. Elle posa donc ses mains dans le dos de l’enfant, un peu gauchement, alors que la gamine semblait s’accrocher à sa jambe comme si elle ne voulait plus la laisser partir. « Mihaela… Quelle jolie robe tu as là ! » Pi-to-yable Neo, pitoyable que de détourner le sujet comme ça ! Mais qu’est-ce qu’elle aurait pu lui dire, hein ? Elle sentait bien que toute l’affection de la petite était tournée vers elle, et absolument pas vers son père, et c’était une tragédie dans son coeur plein d’empathie. Profitant que la petite n’était pas attentive, Neo glissa une main dans sa poche et attrapa le petit paquet qui s’y trouvait, qu’elle tendit à Razvan pour qu’il le prenne. Après tout, les enfants, c’était comme les croup non ? Il suffisait de détourner leur attention et le tour était joué ? « Si tu me rends ma jambe, ton papa a un petit cadeau pour toi. » Papa. Le mot lui fit l’effet d’une lame chauffée à blanc dans son coeur mais soit. Soit. Après tout, il fallait bien se rendre à l’évidence. Et jamais l’évidence ne lui était apparue aussi clairement qu’à cet instant.
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Ven 16 Avr 2021 - 21:45

Que c'était pénible pour tout le monde. Razvan s'en voulu de ne pas avoir demandé à avoir Mihaela seul avec Neolina au moment où son ex belle-mère lui claqua deux bises sur les joues. Il s'en voulu parce que c'était rajouter du malaise au malaise. Aussi agréable fut Aniela, elle restait la grand-mère de Miha, son ex-belle mère, la mère de Mara. La vieille dame était toujours ravie de recevoir, ne serait-ce que parce qu'elle était très bavarde et faisait parfaitement office de grand-mère slave. Le genre à préparer trois fois trop de thé, trois fois trop de nourriture - Razvan était prêt à mettre sa baguette à couper qu'elle allait leur proposer de rester manger - et à resservir tout le monde à table parce que "manger ça ne fait pas de mal". Elle avait d'ailleurs préparé du thé avec beaucoup d'amour il le savait et elle en proposa naturellement à son invitée en ayant sur le visage l'expression de la plus franche bienveillance. « Appelez moi Aniela, va ! » fit-elle en tapotant l'épaule de Neo comme si elle était une petite fille qu'elle avait vu grandir dans son enfance.
En fait, la gêne fut d'autant plus intense après, lorsque la petite fille aux genoux tâchés de terre entra dans la maison pour se réfugier dans les jambes de Neo et lui faire un bon gros câlin. Il n'avait jamais réussi à lui faire passer cette habitude étrange et ses grand-parents avaient fini par arrêter d'essayer. Mihaela aimait les câlins, comme s'il lui fallait autre chose de plus pour la différencier de son père. Machinalement, Neo lui avait lâché la main et le médicomage posa la sienne dans son dos, par instinct.

« J'aime pas les robes moi » fit-elle d'un ton particulièrement fier, « vif les pantalons ». Son petit cheveux sur la langue était mignon, si mignon que Razvan afficha un sourire à mi-chemin entre le sourire attendri et le sourire triste. Avec une vivacité qu'il fallait bien reconnaître à Neo, elle sortit de la poche le paquet qu'ils avaient acheté pour la petite fille et le lui tendit sans qu'elle ne le remarque. S'il le prit, il lui jeta pourtant un regard indéchiffrable. Dans son esprit, c'était un cadeau de la part de Neolina. Pas un cadeau de sa part à lui. Et sans doute ne s'en rendait-elle pas compte, mais l'émetteur avait particulièrement de l'importance pour le cas en l'espèce. « On va vous laisser un peu, n'est-ce pas ? » - Aniela venait de reposer la théière après avoir servi deux tasses avant de regarder son mari qui se tenait un peu plus loin, les bras ballants. Razvan les remercia silencieusement, parce qu'il vivrait mieux d'avoir peu de public pour un rejet de plus. Mihaela ne semblait pas très réceptive à l'idée d'avoir un cadeau, surtout pas de la part de son père. Il était persuadé qu'elle aurait bondi partout, pourtant, si c'était Neolina qui le lui avait donné. S'agenouillant à côté de Neo, le médicomage tendit le petit paquet à la gamine. « Merci... ». Le mot était soufflé si bas qu'il cru un instant qu'elle n'avait fait que bouger les lèvres pour feindre de l'avoir dit, mais non. On entendrait presque les points de suspension. Elle prit le paquet de ses mains en lâchant la jeune femme et il resta agenouillé par terre, comme si... Comme si. Comme si elle allait lui bondir dessus en lui faisant un gros câlin alors que pas du tout. Sans calculer son père plus que cela, la petite fille se jeta sur le canapé pour ouvrir le petit paquet. C'était un petit objet en bois, fait main par un menuisier du village sorcier où ils avaient été. L'objet était un espèce de cadre carré avec un chien de bois enchanté au centre qui se promenait, un peu comme dans un enclos. Le bibelot était mit sous verre pour pouvoir être transporté et exposé. Elle qui aimait tant les chiens... « Il reffemble à Gabi non ?! » fit-elle en relevant la tête pour s'adresser à Neolina et exclusivement à Neolina. Razvan se releva en ravalant sa salive et prit sa propre tasse de thé qu'il se vida cul sec dans le gosier.


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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Sam 17 Avr 2021 - 2:57

Aniela ! Mais oui, c’était bien sûr. La familiarité de leur hôte laissa Neo un peu pantoise, elle qui pourtant était prompte à laisser tomber la barrière des politesses inutiles pour emmener la relation vers des territoires tout de suite plus chaleureux… Cette fois, c’était presque trop pour elle, et Neo se sentit mal devant tant de bonté à son égard, ressentant presque qu’elle ne la méritait pas alors que, quoi ? Qu’avait-elle fait de mal après tout ? Rien, et à part ce malheureux dérapage dans le placard, jamais elle n’avait eu le moindre geste déplacé envers Razvan alors que Mara était encore en vie. Jamais elle n’aurait osé, et puis, jamais elle n’y avait même ne serait-ce que pensé. Alors pourquoi se sentait-elle si mal, comme si elle bafouait la mémoire de cette pauvre femme qui avait un temps été son amie ?

Mais rien ne la fit se sentir plus mal que cet élan d’amour d’une enfant qui n’était pas la sienne. Elle se sentait mal, parce qu’elle savait qu’elle n’était qu’une sorte de réceptacle d’un transfert. Elle se sentait mal, parce que la petite n’avait pas lancé ne serait-ce qu’un seul regard à l’homme le plus important pour elle dans cette pièce. Elle se sentait mal, aussi, de ne pas savoir réagir et d’être aussi tarte, aussi froide peut-être, incapable d’avoir un mot gentil à l’égard de cette petite qui n’attendait sûrement que ça. Et c’était que l’enfant n’avait pas hérité du mutisme de Razvan, et déjà lui répliquait sur un ton bravard que les robes, bon, ça n’était pas son truc. Super Neo, super, quelle belle entrée en matière… Mais la roumaine collectionna les faux-pas, déplaçant le cadeau dans les doigts de Razvan qui en aurait sûrement plus besoin qu’elle, et ça lui crevait le coeur de penser ça. Elle n’avait rien fait, rien, pour recevoir une telle dose d’amour, et tout ça lui semblait tellement injuste. C’était à Razvan de profiter de ce câlin, pas elle, elle qui ne savait même pas en profiter alors qu’elle invitait déjà la petite à s’éloigner d’elle - quelle cruauté.

Au moins les grands-parents de la petite lui laissèrent un peu d’espace, et à vrai dire, Neo ne sut si c’était une bonne chose ou pas. Tout ce qu’elle voulait, c’était les suivre et partir d’ici. Tout ça était une erreur, une terrible erreur et maintenant qu’ils étaient là, impossible de reculer. Mais la gamine, docile, attirée par le cadeau peut-être, la laissa respirer, et ce fut à cet exact instant que Neo réalisa que Razvan avait calé une main dans son dos, un appui, un soutien indéfectible. Ce fut au moment où il la lâcha qu’elle réalisa à quel point elle en avait besoin. Le souffle court, elle attendit la réaction face au cadeau, prête à dégainer un sourire attendri en voyant la petite se reconnecter à son père mais ce fut pire, pire que tout oui, tant elle avait l’air de s’en moquer. Fermant les yeux un bref instant, Neo attendit. Attendre quoi, elle ne savait pas trop, peut-être que le malaise se dissipe, comme si c’était seulement possible. Mais rien n’y fit, et la voix de Mihaela la ramena sur terre alors qu’elle lui parlait de son croup. Ce qui se passait là était tellement terrible qu’elle n’avait même pas les mots pour le décrire. Fallait-il qu’elle parte ? Laisser Mihaela avec son père, un peu peut-être… Ou pas ? Elle en avait connu, des décisions difficiles, mais celle-là lui semblait plus dure encore que toutes les autres. Quand Razvan se releva, blessé, démuni, Neolina passa une main douce sur son bras, dans un élan de compassion alors qu’elle s’en voulait d’être le centre de toutes les attentions qui auraient du être pour lui. « Oui c’est vrai, il lui ressemble un peu. » répondit-elle d’une voix blanche à la sollicitude de la gamine, estomaquée qu’elle se souvienne du nom d’un chien qu’elle avait vu deux heures durant à peine trois mois avant. « Ca te plait ? » demanda-t-elle, comme si c’était nécessaire de demander ça à une enfant dont les yeux brillaient devant un jouet. Mais que dire d’autre, franchement ? Elle aurait aimé avoir un geste tendre envers elle, lui ébouriffer les cheveux, n’importe quoi, mais quelque chose en elle l’en empêchait. « Tu pourras penser à lui comme ça, en attendant de le revoir. » Mais qu’est-ce qui lui avait pris de dire ça ? Cette phrase impliquait soit une autre visite, soit… la suite. Peut-être était-ce une façon pour elle de réaliser que oui, un jour, Mihaela et Gabi vivraient sous le même toit. Il ne pouvait en être autrement, après tout. Réalise, Neo. Digère l’info.

Jetant un regard à Razvan, Neo était plus démunie que jamais. « Ce serait peut-être mieux que je vous laisse vous retrouver, non ? » demanda-t-elle en anglais pour éviter que la petite ne comprenne et ne se sente rejetée. Mais aussi car elle pourrait alors souffler un peu, malgré le fait qu’ils étaient là depuis moins de cinq minutes qui lui semblaient, en vérité, être une demi-éternité. Elle avait besoin de lui, là. Mais elle savait pourtant que sa fierté roumaine était à vif d’avoir été ainsi traité par la chair de sa chair, elle le sentait. C’était si affreux que vraiment, Neo se demandait comme elle faisait pour tenir encore debout, pour ne pas pleurer. Pour rester digne, en vérité.
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Dim 18 Avr 2021 - 0:14

Finalement, peut-être avait-il fallu ce moment pénible, cette après-midi douloureuse, pour que Neolina comprenne pourquoi Razvan n'évoquait jamais sa fille. Pourquoi il n'en parlait pas, comme si elle était un spectre surtout qu'il traînait sur son chemin. Difficile à comprendre, délicate à attraper. Mihaela avait son petit caractère, ça la rendait autant adorable qu'insupportable, en réalité. Elle était plus bavarde que son géniteur et beaucoup plus expressive aussi. A croire qu'elle avait tout pris du côté maternel, comme si le côté paternel était nécessairement pourri, de la racine au bourgeon. Finalement, Mihaela tenait surtout de lui ses cheveux noirs et épais et sa propension à faire comprendre quand quelque chose ne lui plaisait pas, à coup de croisage de bras et de "humpf" lâchés pile au bon moment. Mais voilà, Neo pouvait désormais profiter en direct des différences entre lui et la chair de sa chair, laquelle semblait prendre un malin plaisir à lui faire comprendre qu'elle ne voulait pas qu'il soit là. Qu'il était dur pour lui d'admettre que sa gamine le rejetait pour quelqu'un d'autre. Neo incarnait la figure douce et calme, bien entendu aimante et belle en plus, qui s'occuperait mieux d'elle que lui. Oh, il n'était pas jaloux de l'attention qu'elle lui portait tout au contraire. Sans doute, tristement, qu'il préférait qu'elle le blâme à lui et ne le calcule pas plutôt qu'elle soit piquante envers elle.

Malgré tout, son indifférence flagrante avec le cadeau lui fit mal, ce serait faux de ne pas l'admettre. Razvan se sentait blessé dans sa fierté, humilié par dessus tout par une petite fille même pas consciente de toute la douleur qu'elle lui infligeait. Il avait mal de voir son indifférence, il avait mal qu'elle ne le calcule pas. Et cela durait depuis tellement longtemps maintenant qu'il se demandait de plus en plus à quoi bon. A quoi bon insister puisque les trois quarts du temps, cela semblait la saouler. Mihaela venait lui dire bonjour pour repartir comme une tornade - ce qui était une visite à sa fille devenait de fait une visite à ses ex beaux-parents. Le ton de Neolina laissait transparaître un malaise qu'une enfant ne réaliserait pas. Mais il n'était pas un gosse et son regard noir coula sur elle alors qu'il regrettait de l'avoir emmené. Il regrettait de ne pas avoir continué à vivre dans son déni, il regrettait d'avoir cru que ça pourrait bien se passer. Oh, bien sûr, Mihaela ne rejetait pas Neo, au contraire. Elle continuait simplement de rejeter son père, de quoi mettre sa roumaine fort mal-à-l'aise. Et à juste raison. Le médicomage remercia silencieusement Aniela d'avoir eu la bonté d'âme de ne pas rester. Elle avait senti la pénibilité et elle l'avait fui - excellent instinct de survie. Le contact de sa main douce ne le sortit pas réellement de ses pensées noires mais il posa tout de même sa main sur la sienne. Parce que ce n'était pas de sa faute à elle, cette stupide situation, c'était sa faute à lui. « Tu viendras avec lui la prochaine fois ? » sauta-t-elle sur l'occasion, en regardant Neolina avec les yeux brillants de l'enfant qui n'attend que ça de retrouver ce qu'elle attendait par dessus tout. Elle ne partageait pas l'aversion de son père pour ces animaux, grand bien lui fasse et elle bassinait assez comme cela ses grands-parents pour qu'ils en adoptent un.

Brusquement, Neo se mit à lui parler en anglais, comme pour s'assurer que la petite fille ne comprendrait pas. Hélas, Mihaela n'était pas complètement ignare dans la langue de Shakespeare, aussi leva-t-elle la tête de son jouet comme un niffleur aurait repéré un gallion. « Ça ne changera rien de toute manière » répondit-il du même ton en langue anglaise, en accompagnant sa phrase d'un haussement d'épaules blasé, « elle agit tout le temps comme ça avec moi. Mais si tu as besoin de sortir te rafraîchir, vas-y ». Le médicomage serra un peu plus sa main en lui envoyant un sourire compatissant. Il comprenait bien que c'était difficile pour elle, il ne lui en voudrait pas d'ailleurs qu'elle s'en aille si elle ne se sentait plus le courage d'encaisser la gêne. La petite fille suivait l'échange en plissant le regard. « Je te rejoins après, si tu veux ». Razvan avait coupé sa phrase juste à temps. Inutile d'en rajouter une couche en lui demandant si elle voulait bien de lui, de toute manière.


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Dernière édition par Razvan Vacaresco le Dim 18 Avr 2021 - 11:38, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Dim 18 Avr 2021 - 0:50

Etait-ce du masochisme, ou la volonté de vouloir aller de l’avant dans leur relation qui avait mené Neo à cet instant précis ? Difficile à dire, mais la douleur qui envahissait son coeur était intense, immense. Entre l’enfant débordant d’enthousiasme à son égard et l’homme qu’elle aimait tellement abattu qu’elle aurait aimé le prendre dans ses bras, Neo avait du mal à faire la part des choses dans ce qui se passait. Que faire, que dire, comment réagir ? Sa phrase, comme de bien entendu, avait ouvert une porte dans l’esprit de la petite, et elle s’y engouffra sans se rendre compte de l’impact que cela aurait sur elle, évidemment. « Si tu veux, oui… » répondit-elle avec un sourire un peu faux, décelable uniquement par ceux qui la connaissait. La main de Razvan sur la sienne était glacée, et elle qui savait à quel point ça n’était pas normal en fut peinée comme jamais.

Alors forcément, Neo proposa de s’éclipser. Pour elle, pour lui, pour l’enfant, elle ne savait pas trop. C’était sans doute un aveu de faiblesse mais après tout, comment se montrer forte dans un moment pareil ? La roumaine ne comprit pas bien pourquoi Mihaela leva le nez vers elle, crut que c’était parce que la langue étrangère happait sa curiosité alors que non. Mais comment savoir, après tout ? Razvan lui cachait toutes les informations essentielles et à dire vrai, si elle avait su… Sans doute ne serait-elle pas venue. Mais les mots de Razvan, bien que détachés, lancèrent une alerte sur son coeur. Comme des néons rouge qui clignotaient et signifiant Ne pars pas. Pourtant, Neo sentait que c’était la chose à faire, mais en fut bien incapable. Abandonner Razvan dans pareil moment, alors qu’il lui avouait à demi-mots que la petite risquait de la suivre, ou alors qu’elle le snoberait plus encore. Ses mots disaient oui, sa main disait non, et Neo, dans le plus fort de son amour pour lui, n’avait pas le coeur à le laisser là. N’avait pas le coeur à le laisser seul face à sa propre fille, quel drame s’il en était. Je t’aime, murmura-t-elle silencieusement du bout des lèvres avant de se baisser à la hauteur de la petite fille.

D’un geste un peu tremblant, elle remit une mèche de ses cheveux noirs derrière son oreille, et ce simple contact la troubla sans doute plus qu’elle n’aurait du. « Ton papa m’a dit que tu étais contente que je vienne te voir l’autre fois. C’est très gentil, tu sais. » Gentil, oui, même si ça lui faisait mal. La petite ne pouvait pas savoir pourquoi, évidemment, ni même ses si doux grands-parents. « Viens là. » dit-elle d’une voix plus assurée que ce qui se jouait en elle, attirant l’enfant dans ses bras cette fois grands ouverts alors que la petite, sans doute ravie, acceptait cette preuve d’affection en passant ses minuscules bras autour de son cou, comme si c’était tout ce qu’elle désirait au monde. Sentir cette présence contre elle fit s’effondrer les quelques barrières qui restaient de sa volonté, et alors que l’étreinte se prolongeait un peu, Neo lutta de toutes ses forces pour ne pas pleurer. Puisque Razvan ne pouvait lui donner son amour, Neo le ferait, alors. Ca n’était sans doute pas aussi bien, pas aussi fort, mais c’était mieux que rien, pas vrai ? « Ton père aussi aimerait bien un câlin, tu sais. Tu veux bien lui en faire un pour moi, s’il te plait ? » lui murmura-t-elle d'une voix tendre. Est-ce que c’était du chantage affectif ? Peut-être. Est-ce que ça allait marcher ? Elle n’en savait rien. Mais Neo ne mentait pas. Oui, ça lui ferait plaisir. Oui, elle voulait que la petite prenne son père dans les bras, et s’il fallait jouer un peu sur les sentiments de la petite, et bien soit… Après tout, elle était bien plus attachée au père qu’à la fille, c’était un fait, bien que cette étreinte réveillait en elle des instincts qu’elle refoulait si férocement que les voir ressurgir semblait ouvrir sa poitrine en deux. Mais pour Razvan, elle était prête à affronter sa plus grande douleur. N’aurait-elle pas tout fait pour lui ?
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Dim 18 Avr 2021 - 12:49

Pour être tout à fait honnête, Razvan commençait à prendre l'habitude du comportement de Mihaela. La première fois, ça faisait mal. La seconde encore plus. La troisième avait un goût de déjà-vu et ainsi de suite. En fait, il n'y avait pas grand chose à faire pour lui. Tout ce qu'il essayait de faire semblait être un faux-pas impressionnant, comme si Mihaela ne se satisferait jamais de rien. Elle n'était pas satisfaite quand il lui parlait et ne l'était pas plus quand il ne lui parlait pas. Alors que dire ? Comment agir ? Le médicomage ne continuait à venir que parce qu'il avait un fin espoir qu'elle lui parle comme avant et qu'elle agisse avec lui comme elle agissait avec tout le monde. Son attitude envers Neolina n'était pas plus exceptionnelle que cela. Elle était enthousiaste, heureuse oui. Avec tout le monde, sauf lui. Il n'était même pas certain qu'elle le fasse réellement exprès, après tout, quand même, elle n'avait que sept ans. Mais voilà, les attitudes les plus enfantines pouvaient parfois être celles qui blessaient le plus. Et pour en avoir la preuve, il suffisait de poser quelques instants son regard sur Neo.
Si elle affichait son air de façade qui n'était pas perturbée, Razvan avait appris à lire entre les lignes depuis longtemps et ce, malgré son manque de perspicacité évident. Si Mihaela ne la connaissait pas assez et était trop jeune pour saisir le double langage corporel de la trentenaire, il n'était pas né de la dernière pluie. Alors... Le regard qu'elle lui jeta parlait pour elle, son je t'aime également. Il la suivit du regard alors qu'elle se dérobait pour se mettre à la hauteur de Mihaela à qui elle proposa un câlin et bien entendu, elle se pendit à son cou comme si sa vie en dépendait. Sa fille était assurément plus tactile que lui, mais le super-pouvoir de Neo résidait quand même dans le fait qu'elle ait réussi à le dompter, lui. Quoiqu'il en soit, le roumain eut un sourire à la fois attendri et triste devant le tableau qui se peignait là, attendri parce qu'il préférait que sa fille adore sa petite amie plutôt qu'elle la rejette. Triste aussi, parce qu'elle était plus tactile avec une presque inconnue qu'avec son propre père.

Les paroles suivantes de sa roumaine, bien que murmurées, toujours d'un ton tendre, le firent finalement détourner la tête. Il était touché, touché qu'elle en arrive là alors qu'il comprenait bien combien la situation était terriblement pénible pour elle. Et il s'en voulait de lui infliger cela, il aurait dû la prévenir à l'avance de l'attitude de Mihaela avec lui. Mais il ne l'avait pas fait, parce que Razvan était un piètre communicant. Que c'était terrible de devoir en arriver là pour qu'elle le calcule un tant soit peu. Qu'il était terrible qu'une presque inconnue se sente obligée de faire ça pour sauver ce qu'il y avait à sauver dans une relation ravagée par la distance. Mihaela se détacha un peu pour regarder Neolina bien droit dans les yeux. Contrairement à son père, elle n'avait pas les yeux noirs, mais noisettes si clairs qu'ils étaient presque ambres. Pourtant, la même intensité se dégageait de son regard que de celui de son géniteur. « Mais j'aime bien tes câlins, moi... » fit-elle cruellement. « C'est pas gra... » avait-il commencé à essayé de se sortir de cette pénible situation avant que la petite fille se décolle finalement de Neo pour s'approcher de son père et lui enserrer les jambes. Ça faisait des lustres qu'elle ne l'avait pas fait et il réalisa à cet instant que la voir le faire sur les autres l'avait blessé plus qu'il ne l'aurait cru. Razvan se baissa à son tour pour caler deux mèches rebelles derrière les oreilles de la gamine, qui le regardait sans pourtant décocher un sourire. C'était dur, tellement dur de la voir comme ça. Mais voilà, Mihaela n'avait pas pris les paroles de Neo à la légère, peut-être même qu'elle se disait que ce serait son ticket pour avoir autant de câlins de sa part qu'elle n'en voudrait. Alors, elle enserra son père en cachant sa tête dans son cou et son père fit passer ses mains sous ses jambes pour se relever tout en la tenant contre lui. « Tu sais que je t'aime, Miha ? », « m'oui... ». Elle ne le lui rendit pas, mais peu importait, au fond. Peu importait. Le médicomage jeta un regard à Neolina en lui disant un merci tout silencieux. Allez savoir combien de temps cela dura, quoiqu'il en soit, il fallu bien la reposer par terre et la pile qu'elle était se réveilla. « Je peux te montrer ma chambre ?! » fit-elle à l'attention de Neo en lui prenant la main pour lui balancer son fameux regard qui laissait entendre que la personne en face n'avait pas le choix.


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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Lun 19 Avr 2021 - 0:15

Neo et les câlins, c’était toute une histoire. Dans un monde communiste et aussi froid que celui qu’elle avait connu, il était bien rare qu’on se laisse aller à des démonstrations d’affection à foison, et la roumaine pourtant était sûrement la gamine la plus tactile de tout le village, sans aucun doute. Étonnant quand on connaissait la chaleur feinte de sa mère, qui n’était pas très fan des étreintes dans le privé, au contraire de son père dont elle se rappelait encore les longs câlins sur l’oreiller à l’heure du coucher. Neolina, en fait, était le portrait craché de son père, seuls blonds de la famille, seuls originaux, aussi. Souvent, elle s’était demandé comment sa vie aurait tourné si jamais son père n’avait pas succombé si jeune à une vilaine maladie, si jamais elle avait eu un parent pour soutenir ses choix de vie… Parce que oui, Neo savait ce que ça faisait d’être en confrontation avec un de ses parents, même si sa mère le méritait bien plus à ses yeux que Razvan. Paradoxal, que Neo la rejette parce qu’elle était trop envahissante, et Mihaela fasse de même avec son père parce qu’il était distant. Sans doute n’était-on jamais réellement satisfait de ce qu’on avait ?

Toujours était-il que la petite semblait apprécier les câlins made in Neo, bien que celui-ci lui donnait l’impression de manquer d’air et d’étouffer, ce qui n’avait pourtant rien à voir avec l’étreinte pourtant forte des bras minuscules autour de sa nuque. Elle rechignait un peu, et Razvan abdiquait déjà. Mais dans un sursaut de bravoure, Neo fit un petit signe de tête à l’enfant pour l’inviter à tout de même faire un petit effort. Si elle faisait ça, ça voudrait dire beaucoup pour elle. Déjà, qu’elle avait de l’influence sur cet enfant, ce qui l’inquièterait quand même un peu parce que, hé, c’était son père qu’elle devait écouter, pas elle. Ensuite, aussi, que Razvan aurait un peu de baume au coeur, et ça, c’était quand même le principal. Et aussi, qu’elle allait pouvoir retrouver un peu de ses moyens parce que là, à l’intérieur, c’était une cascade de sentiments que Neo ne maîtrisait pas, mais alors pas du tout. Alors quand la petite la délaissa pour aller jouer les koalas avec son père, la roumaine se releva en posant une égard attendri sur la scène, plus encore quand Razvan eut un geste si naturel et si doux à son égard, la prenant dans ses bras et… c’était peut-être la plus belle chose qu’elle ait jamais vue.

C’était beau de voir ainsi Razvan dans son rôle de père, de voir cet espèce d’amour qui transcendait tout le reste. Même si la gamine faisait ça pour de mauvaises raisons, au moins le résultat serait un peu positif, au moins un peu. Et aussi en colère soit-elle, Mihaela ne pouvait ignorer l’amour que son père lui renvoyait, c’était impossible parce que même Neo le sentait, comme l’éponge à émotions qu’elle était. C’était beau, oui, et Neolina ressentit à la fois un soulagement et un déchirement, les deux exactes sensations au même moment, c’était terrible. Soulagée parce qu’elle n’empêcherait pas Razvan d’accéder à une part de bonheur en forme d’enfant. Parce qu’au moins, son dysfonctionnement, sa tare, ne serait pas un obstacle à leur relation. Et déchirée car Neo, oui, aurait aimé ressentir cet amour-là. Aurait aimé qu’aux pieds de Mihaela, il puisse y avoir l’image d’un petit eux qui attendait en grognant que vienne son tour. Mais Neo ne s’autorisait même pas à le rêver, c’était dire. Une larme coula silencieusement sur sa joue alors qu’elle regardait à la dérobée le triste et réconfortant spectacle, l’effaçant de sa main quand Razvan la regarda en la remerciant. La remercier, mais de quoi ? D’utiliser un peu de son pouvoir de séduction inexplicable pour lui faire passer un moment de tendresse avec sa fille ? C’était tout naturel, comme si elle passait le flambeau et à vrai dire, elle comptait bien s’éclipser pour leur laisser un peu d'espace - et à elle aussi, d'ailleurs - mais, hélas, elle ne fut pas assez rapide. Pas du tout même, car à peine par terre, la petite Vacaresco lui attrapa la main pour l’entraîner en dehors de la pièce. « Euh oui, si tu veux. » Par réflexe, Neo attrapa celle de Razvan, la frôla plus exactement, parce qu’il était hors de question qu’elle se retrouve en tête-à-tête avec cette enfant. C’était que Mihaela était bien déterminée pour son âge, et extrêmement fière - ça lui rappelait quelqu’un - de montrer son petit royaume qui lui rappela l’austérité toute roumaine qu’elle avait bien connu. Tout ici était un peu tristounet, il fallait bien le dire, et Neo eut un mouvement de recul machinal, butant sur le grand corps de Razvan juste derrière elle alors que la petite parlait à toute vitesse en détaillant chaque centimètre carré de l’endroit. Mais la présence de Razvan la rassura tout de même un peu, et sortant sa baguette, Neo vint s’assoir sur le lit où elle tapota la place à côté d’elle pour essayer de tempérer un peu la décharge d’énergie qui la fatiguait déjà. « C’est une jolie chambre, Mihaela, mais il manque quelque chose. » Elle eut un sourire un peu malicieux envers la petite qui affichait un air perplexe. « Câine transformare*» prononça-t-elle finalement en pointant le mur d’en face qui avait triste mine. Bientôt, des dizaines de petits croups y gambadèrent joyeusement.  Un cauchemar pour Razvan, un rêve pour la petite, a priori.

*sort de métamorphose associé au mot chien, en roumain.
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Lun 19 Avr 2021 - 16:26

L'étreinte fut trop brève, mais la volonté de Mihaela semblait avoir ses propres limites. Et alors qu'il remarquait, impuissant, une larme couler sur la joue de Neolina, la petite fille gigota pour faire comprendre à son père que c'était suffisant. Aussi n'insista-t-il pas pour la reposer par terre puisque c'était ce qu'elle désirait là. Razvan était mortifié malgré tout que cette étreinte n'ait pas suffi à adoucir sa fille mais la blessure était peut-être trop grande pour être guérie comme ça. Ça prendrait sans doute des années, à partir du moment où il pourrait enfin la récupérer... Si tant est que ça arrive un jour. Il n'avait pas anticipé cependant le mouvement de la petite fille qui attrapa naturellement la main de Neo pour l'entraîner derrière elle. Le petit geste de sa petite amie en sa direction suffit à le faire les suivre, sans réellement se sentir à sa place, cruellement. Pourtant, c'était Neolina qui devait ressentir cela. Entraînée par une petite fille qui n'était pas la sienne et qu'elle connaissait à peine. C'était cependant, d'une certaine façon, une attitude assez normale, les enfants a-do-raient montrer leur chambre aux adultes. A croire que c'était leur royaume où ils étaient souverains. Mihaela ne dérogeait pas à la règle, bien entendu et elle présentait l'endroit comme si, réellement, c'était intéressant.

Le médicomage posa machinalement une main dans le dos de Neo alors qu'elle butait contre lui, en le lui caressant tendrement de bas en haut, avant qu'elle ne s'échappe pour aller s'asseoir sur lit. Comme s'il n'était pas convié, Razvan resta à la porte, adossé contre celle-ci. Neolina avait toujours été douée en sortilèges, c'était ainsi. Certains avaient plus de prédispositions que d'autres et s'il n'était pas en reste aussi, il ne pouvait que lui reconnaître une grande dextérité lorsqu'elle était armée de sa baguette magique. Aussi, les croup qu'elle fit apparaître sur le mur lui arrachèrent un sourire amusé, alors que Mihaela la regardait avec des yeux ronds, comme tous les gamins quand on daignait utiliser la magie devant eux. En fait, de ses grands-parents, seul Jacek était un sorcier, ancien étudiant de Durmstrang comme lui. De ce fait, la magie n'était pas forcément quelque chose d'instinctif dans cette maison mais cela ferait sans aucun doute plaisir à ses grands parents. « T'es trop forte ! » affirma Mihaela alors qu'elle avait cet air magique dans les yeux, « merci Neolina ». Les bras croisés, Razvan s'approcha de quelques pas pour se baisser à hauteur de la petite fille : « Tu voudrais bien aller voir papy et mamie ? » demanda-t-il en lui faisant un doux sourire, « on te rejoint dans cinq minutes ». La petite fille acquiesça de mauvaise foi avant de filer de la chambre et le roumain en profita pour fermer la porte. Il se rapprocha du lit et s'assit dessus, à côté de Neolina et lui présenta la paume de sa main pour qu'elle s'en saisisse : « Je sais combien c'est pénible pour toi, j'en suis vraiment désolé ». Il la serra un peu plus fort en lui lançant un doux regard. L'après-midi était loin d'être finie mais enfin, peut-être que le plus dur était fait ?


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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Mar 20 Avr 2021 - 13:50

Trop forte… La manifestation de joie bien spontanée de l’enfant sonna extrêmement faux dans le coeur de la roumaine, hélas. C’était que Mihaela était bien impressionnée par son petit effet et, c’était vrai, Neo avait énormément de talent quand on lui mettait une baguette dans les mains. Mais le choix de mots était malheureux, comment aurait-elle pu le savoir après tout ? Car à cet instant, Neolina se sentait tout sauf forte. Bien sûr, elle tenait bon en apparence, ayant même réussi à se détacher du contact rassurant de Razvan dans son dos pour faire un pas vers la petite. C’était que Razvan la suivrait en Angleterre, pas Mihaela alors, si elle pouvait lui donner ne serait-ce qu’un peu de joie le temps de cette visite, elle le ferait. Elle le faisait, d’ailleurs, car l’étincelle de bonheur dans ses yeux clairs parlait pour elle. Mais Neo, pourtant, était plus fragile que jamais à cet instant, comme soumise à la déferlante d’émotions qui ravageait son coeur, son esprit, son âme même lui sembla-t-il. Sans trop le montrer, la roumaine était sur la défensive, et son corps entier était extrêmement tendu, craignant de subir à nouveau les assauts d’une étreinte emplie d’amour qu’elle estimait ne pas mériter.  

Fort heureusement, Razvan prit les devants et Neo lui en fut si reconnaissante, posant son regard troublé sur ses traits apaisants qui faisaient écho à ceux de l’enfant qui oui, lui ressemblait un peu, bien qu’elle y voyait aussi le visage de Mara. Et Razvan lui offrit un répit salvateur, auquel Neo eut du mal à croire avant que la tornade brune ne décampe finalement de la chambre et qu’ils se retrouvent seuls tous les deux. Tout seuls, dans une chambre d’enfant, c’était terriblement étrange. Ils n’avaient que cinq minutes, ça n’était rien et tout pourtant, tout oui quand on souffrait autant. Saisissant la main que Razvan lui tendait, Neo posa sa tête sur son épaule, peinée que l’homme qu’elle aimait ait à prendre pareilles mesures pour qu’elle se sente bien à l’égard de sa propre fille. Ses excuses lui firent peut-être plus de peine encore, car rien n’était de sa faute finalement. Enfin, si, peut-être. Elle était bien trop troublée pour savoir répondre à cette question sur le moment. Peut-être aurait-il dû lui parler plus d’elle, pour qu’elle s’habitue à l’idée. Peut-être aurait-il mieux valu qu’elle connaisse cette enfant à qui elle ne savait parler que de croup, en fait, car c’était la seule information dont elle disposait sur elle - ça, et le fait qu’elle préférait les pantalons aussi, super. Mais plus que jamais, Neo comprenait pourquoi Razvan n’en parlait pas. C’était comme convoquer l’image d’une personne qui ne voulait même pas de lui, et sans doute le souvenir n’en était que plus douloureux à chaque fois. « Elle est géniale, vraiment. » répondit-elle, comme pour justifier le fait que son comportement n’était absolument pas la faute de Mihaela. Elle se trouvait si froide alors qu’elle était pourtant un bout de soleil sur pattes, ça n’avait quand même pas de sens ! « C’est moi, c’est juste moi qui… » Bloque ? Fait n’importe quoi ? Qu’est-ce qui pouvait compléter ça ? « Ce n’est pas parce que je ne peux pas avoir d’enfant que je dois être comme ça avec eux. Avec elle. » Il était si rare, si rare qu’elle dise cette phrase là à voix haute… Sans doute aurait-il mieux valu qu’elle l’évoque à son groupe de soutien plutôt que là, brutalement, au père de l’enfant qu’elle rejetait malgré elle. Soufflant tout à coup, comme si elle avait été en apnée, Neo alla finalement trouver refuge dans le creux du cou de Razvan, son endroit préféré, à jamais. « C’est moi qui suis désolée. » Désolée de tellement de choses qui n’étaient pourtant même pas sa faute. Désolée de lui voler la vedette, désolée de ne pas être son roc alors qu’il avait besoin d’elle. Désolée de cet amour dysfonctionnel alors qu’elle l’aimait tant, lui.
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Mar 20 Avr 2021 - 16:37

Razvan avait dit cinq minutes à Mihaela pour la tempérer mais en réalité, il comprenait bien que ce ne serait sans doute pas assez. Neo et Razvan se connaissaient depuis suffisamment longtemps pour n'avoir pas besoin de parler pour se comprendre. C'était peut-être normal quand on se connaissait depuis si longtemps, ou pas. Quand on voyait combien certains membres de famille se déchiraient, difficile de dire si le temps faisait les choses, ou si, en réalité, c'était l'amour qui changeait tout. Quoiqu'il en soit, le répit était salvateur et amplement mérité, il fallait bien le dire. La tornade - ou la pile... - partie, se retrouver dans l'intimité de cette chambre d'enfant avait un arrière goût particulièrement étrange, de ceux que l'on peut difficilement nommer. Neolina et Razvan n'auraient jamais d'enfant ensemble. Et cela était terrible, terrible pour deux personnes qui avaient un véritable instinct de parent. Le roumain avait toujours adoré les enfants et Neo aussi, bien que l'annonce de sa stérilité avait ruiné ses espérances. Alors être là, comme si c'était leur enfant à tous les deux, c'était bizarre, bizarre, mais pas de quoi l'empêcher de s'avancer pour s'asseoir à côté d'elle et la soutenir, d'un geste de la main. Le médicomage posa sa joue contre la tête de Neolina sans rien répandre d'autre que ses excuses, auxquelles elle répondit que Mihaela était une enfant géniale. Un léger sourire muet s'invita sur ses traits, parce que oui, elle était une jolie petite fille en excellente santé bien qu'hyperactive, très chaleureuse et amicale. Et sacrément garçon manqué, ce qui avait le don, notamment de laisser son grand-père quelque peu dubitatif. Mais enfin ! Qu'y pouvait-il, si elle préférait jouer avec les garçons qu'avec les filles ?

Lorsqu'elle prit tout pour elle, pourtant, une partie du cœur du roumain se fendit dans sa poitrine. Neo prenait le blâme de toute une situation qui n'était pas normale. Franchement, qui trouverait ça normal que des amis qui se connaissent depuis trente ans sortent ensemble sans même que l'un d'eux ne connaisse l'enfant de l'autre ? Enfant qui se trouvait à des milliers de kilomètres de son seul parent, parce que ce dernier était persona non grata dans son pays. Rien n'avait de sens, rien n'était de la faute de Neolina. Aussi, quand elle se réfugia davantage dans son cou, Razvan lui fit un tendre bisou sur le crâne, en ajustant sa position pour la prendre dans ses bras. « Ne sois pas sévère envers toi-même » lui souffla-t-il sans desserrer son étreinte, « tu agis très bien avec elle. Tu n'es pas froide, tu arrives même à lui faire plaisir ». Il préféra ne pas lui dire qu'elle serait plus à l'aise avec le temps parce qu'il ne voulait surtout pas lui donner l'impression de lui mettre une quelconque pression sur les épaules : « C'est normal que tu ne sois pas très à l'aise, ne prends pas le blâme » - il s'écarta légèrement pour qu'il puisse regarder son visage - « d'accord ? ». Le médicomage fit glisser une main doucement sur sa joue pour la lui caresser délicatement avec le pouce. Il en profita pour lui offrir un sourire, compréhensif, et doux. Neolina n'avait à s'excuser de rien, parce que le problème, ça avait toujours été lui.

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Neolina Siankov

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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Mer 21 Avr 2021 - 21:33

Existait-il un homme plus parfait pour Neo que Razvan Vacaresco ? Alors certes, oui, certes, sa capacité à ne jamais parler de ce qui le chagrinait rendait parfois les choses difficiles - en l’occurence ce jour-là, plus difficiles que ce qu’elles n’auraient été déjà. Ils auraient du en discuter pour désamorcer certains freins, pour que Neo se sente plus prête, pour que lui aussi peut-être soit moins mal à l’aise en lui confiant à quel point la petite le rejetait. C’était vrai, oui, mais à part ça, Razvan avait toujours cette faculté incroyable de réussir à l’apaiser, même quand elle se sentait à ce point mal qu’elle avait envie de disparaître et de se faire happer par le monstre sous le lit qui lui faisait si peur quand elle était petite. Tout ça tenait en ses gestes tendres, cette façon qu’il avait de la prendre dans ses bras et de l’écouter, sans l’interrompre, sans la juger, avec la patience qui faisait de lui un excellent médicomage, mais aussi un homme bon, tout simplement. Sa voix chaude l’enveloppa alors que Neo était au bord des larmes, et cette façon qu’il eut de lui dire qu’elle faisait ce qu’il fallait, c’était exactement ce qu’elle avait besoin d’entendre. Exactement, oui. Car Razvan avait beau être parfois dépourvu de tact, cette fois, le roumain avait visé juste et le réconfort de ses mots lui fit ravaler ses larmes alors qu’elle affichait un petit sourire tout contre lui, avant qu’il ne la regarde tendrement comme pour s’assurer qu’elle allait bien. Oui, elle allait bien. Après tout, ça n’était pas la première épreuve qu’elle avait à affronter et au moins cette fois n’était-elle pas seule. « D’accord. » répondit-elle d’une voix un peu basse, mais sincère, avant de l’embrasser du bout des lèvres comme pour sceller ses propres mots, sa main posée sur la sienne.

Les cinq minutes n’étant pas tout à fait écoulées, Neo vint reposer sa tête tout contre lui, ses yeux se promenant dans cette chambre d’enfant austère à laquelle les petits croups ajoutaient un peu de gaieté, c’était vrai. Quelques dessins ça et là, des babioles éparpillées sur le seul autre meuble de la pièce et un peu au sol… Le communisme empêchait les passions d’enfant de pleinement se refléter dans leur petit royaume, car Neo se souvenait parfaitement que la chambre d’Anna, elle, était le parfait écrin de ses amours pour les créatures magiques en tout genre, et qu’il suffisait d’y poser un pied pour le savoir. Anna, oui, tiens. Avec un peu de nostalgie, Neo se souvint tout à coup de tout cet amour qu’elle avait eu pour cette petite fille qui était devenue comme une petite soeur, une petite fille dont elle avait pris soin un an durant. Ne pouvait-elle pas retrouver un peu de ça aujourd’hui pour agir pareillement avec Mihaela ? Bien sûr, tout ça, c’était bien avant la terrible révélation. Mais preuve s’il en était qu’elle avait ça en elle, ce qui était l’évidence pour sans doute tout le monde, sauf elle qui en doutait désormais. « Qu’est-ce qu’elle aime, dis-moi ? » demanda-t-elle finalement après quelques minutes de silence, confessant par là même qu’elle n’avait rien écouté quand l’enfant lui avait présenté l’endroit mais après tout, rien ne servait de mentir. Au moins exprimait-elle la volonté de se connecter un peu avec la petite, dont elle ignorait tout, c’était un fait. « Je veux dire, à part les croups ? » Un sourire se dessina sur ses lèvres avant qu’elle ne se détache un peu de lui, et ses doigts se mirent à courir après un des croups de papier qui essayaient de les fuir. « Désolée pour ça d’ailleurs. » Elle eut un léger rire qui la détendit un peu, car cette excuse là était bien moins lourde à présenter que la précédente. « Je prendrai Gabi la prochaine fois, si tu veux bien. » La prochaine fois, oui. Ce ne serait peut-être pas dans un mois, ou peut-être que si, mais Neo savait que tout ça n’était au fond qu’une première fois et que bientôt, son coeur réclamerait autant que voir Mihaela que l’inverse. Pour Razvan, peut-être au début, et puis…
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MessageSujet: Re: Elle s'appelle Neolina | CLOS Elle s'appelle Neolina | CLOS 129196351Jeu 22 Avr 2021 - 11:13

Razvan ne savait jamais si ses mots allaient faire mouche. Il fallait dire qu'il n'était pas très doué non plus en la matière, réconforter n'était pas forcément son fort, lui qui était plus doué pour écouter. Combien de situations avait-il envenimé en disant les mauvais mots, en utilisant le mauvais ton ? Beaucoup trop, beaucoup trop et c'était d'ailleurs pour cela aussi que les gens avaient souvent du mal à se lier à lui. Quand il n'était pas taciturne, Razvan se plantait dans le message qu'il essayait de passer, que ce soit en employant les mauvais mots ou en manquant cruellement de tact - terrible vérité. Là, pourtant, il sentait qu'il ne pouvait pas rester sans rien dire, elle qui ravalait tout pour faire bonne figure. C'était dur de ravaler ses larmes quand elles ne demandaient qu'à couler à flot. Et en la prenant dans ses bras, il ne savait pas à quoi il s'attendait, une crise de larme ou un ravalement supplémentaire ? Neo obtempéra, doucement, fatiguée nerveusement sans doute également, avant de l'embrasser doucement.

Ils restèrent silencieux quelques secondes supplémentaires, parce que le silence guérissait aussi les vilains maux. Razvan avait posé son regard sur un dessin de Mihaela, dessin qu'il n'avait naturellement jamais vu. Il ne venait pas souvent dans sa chambre parce qu'elle considérait souvent cela comme une intrusion - la petite fille acceptait à peine de le voir, alors imaginez s'il venait toujours dans son Royaume. S'il l'avait fait là, c'était parce que Neolina en avait besoin, il le sentait, comme si c'était absolument viscéral. Mihaela partie, le roumain ne pouvait maintenant que contempler tout ce à côté de quoi il passait. Des dessins aux souvenirs, la petite fille ne semblait être qu'un paragraphe sur une page déjà écrite, c'était terrible. Terrible. Sa petite amie lui demanda finalement ce qu'elle aimait, avant de s'excuser pour le sortilège jeté sur le mur. Un léger sourire s'installa sur le visage du médicomage : « Tu as toujours été particulièrement douée en sortilèges » répondit-il simplement, avant d'ajouter pour lui répondre au sujet de Gabi : « Prend le quand tu veux, ça ne me dérange pas ». Du moment que le croup se tenait à un mètre de distance de lui, Razvan devrait pouvoir marcher sans retenir sa respiration. Idiote, idiote peur qui datait de l'enfance. Il se tut pendant quelques instants, comme pour réfléchir à ce qu'il pourrait lui répondre. Bien entendu qu'elle avait besoin de connaître Mihaela, même indirectement. Comment construire sinon une relation avec elle ? « Mihaela est un vrai garçon manqué » commença-t-il alors qu'un léger sourire se posait presque malgré lui sur son visage - il avait toujours trouvé attendrissante cette façon qu'elle avait de chercher l'aventure, bien à contre-courant de ce qu'on attendait d'une petite fille dans ces contrées reculées - « elle aime la nature. Vagabonder dehors, se créer des aventures. Les animaux aussi, elle adore, mais je pense que ça, tu l'as bien compris ». Quel enfant n'aimait pas les animaux, après tout ? « Bon, par contre elle est hyperactive, donc elle préfère nécessairement faire du sport à lire un livre » - tout le contraire de lui, donc - « difficile de la faire tenir en place et difficile de la faire se concentrer, mais elle est toujours fière de montrer ses compétences en lecture quand même ». Razvan fit une pause supplémentaire avant de sembler être touché par la révélation divine : « Oh et bien sûr, elle adore la Cozonac* ».


*pâtisserie traditionnelle roumaine

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