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river || de quelles couleurs sont les souvenirs ?

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River H. Dawn

River H. Dawn


COTÉ DU BIEN
On n'emporte avec soi que le bien qu'on a fait.

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MessageSujet: river || de quelles couleurs sont les souvenirs ? river || de quelles couleurs sont les souvenirs ? 129196351Jeu 19 Aoû 2021 - 2:48




RIVER H. DAWN

tristes les manichéens,
qui ne voient la vie
qu'en noir et blanc.












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MessageSujet: Re: river || de quelles couleurs sont les souvenirs ? river || de quelles couleurs sont les souvenirs ? 129196351Sam 21 Aoû 2021 - 2:46


leeds | juin 1975


Tu m’aimes River ?

J’crois que c’est pour ça que j’aime tellement te regarder quand tu dors. Parce que t’es belle, déjà. Même quand tu dors pas t’es belle cela dit, c’est un fait qui ne change pas, qui ne changera sûrement même pas quand tu vieilliras parce que, wow. Mais quand tu dors, je peux pas lire dans tes yeux cette question là que tu n’oses même pas me poser. Peut-être parce que t’as peur de la réponse. Peut-être parce que tu la connais. Dans ce cas-là, faudrait m’aiguiller parce que même moi j’sais pas. J’en sais rien, July. Je sais que toi si, parce que tu me l’as dit une fois quand tu pensais que j’étais chez Morphée. Je crois que c’est vrai, je pense. Le truc, c’est que je sais pas tellement ce que c’est, l’amour. Si c’est vouloir être avec quelqu’un tout le temps, vouloir que du bien pour elle, vouloir qu’elle soit bien avec ou sans toi, alors sûrement que oui, je dois ressentir ça.

On va devenir quoi, nous deux ?

Celle-là, tu me l’as posée. Et quand je te vois là, avec ta mèche de cheveux posée sur ta lèvre qui se soulève quand tu respires, j’aurais aimé te dire que cette scène là, je la revivrai dans un an, deux, quatorze, jusqu’à ce que je meure même peut-être. Pourquoi je me lasserai de ça ? Mais je sais que c’est pas vrai. Je sais bien que ce qu’on a là, c’est beau mais ça ne durera pas. C’est un joli truc, auquel tu repenseras avec nostalgie les soirs où tu te seras engueulé avec ton mari, en te demandant ce que je deviens avant de m’oublier encore pour quelques mois. Et moi, bah, je sais pas. T’es la première, sûrement que t’aurais rêvé que je te dise que tu seras la seule. Ca serait pas tant un problème au fond, c’est pas l’esprit de conquête qui me fait douter. Mais déjà toi, tu doutes tout le temps, t’as peur des autres, et donc de moi un peu, du mal qu’on pourrait te faire. Mais t’es belle comme le mois qui porte ton nom, et pas l’inverse j’insiste. T’es pleine de joie, tu m’en donnes aussi, alors pourquoi je te ferais ça ? Pourquoi je voudrais autre chose que te voir sourire ?

C’est pas pour autant que j’ai envie de te servir des mensonges. Alors, j’ai répondu ce que je pensais. Que le devenir, j’en savais rien, mais que le maintenant était bien. Le truc, July, c’est que notre avenir, je peux même pas y penser parce que je songe même pas au mien. On est à cet âge débile où on nous demande où on se voit dans cinq ans, pour nous caler dans une université se préparer à la dure vie. J’ai peut-être de la chance, je gagne déjà un peu ma vie, j’ai pas tant à m’inquiéter de cette partie là. Tant que je rencontre pas une voiture de face quand je chevauche ma moto, tant que j’ai cette jeunesse là gravée sur mon visage, l’argent ne sera pas un problème. J’ai pas la même trouille que vous, pas besoin de me demander à quoi je vais consacrer mes jeunes années pour ne pas finir à la rue. Finalement, les gens me payent pour la forme, ça me laisse un peu le temps de trouver ce que je veux faire au fond. Alors sans urgence, je sais juste pas te répondre à ça. Et ça te rend triste derrière ton sourire, et ça me fait chier. Sauf que je peux pas te promettre ce que tu veux.

« Tu me regardes encore dormir ? »

Tu as demandé ça de ta voix de Belle au Bois Dormant, mais sans ouvrir tes yeux. Je n’ai pas lu la question, pour ça merci vraiment, mais je me la pose quand même. Est-ce qu’au fond, vraiment, je t’aime ? Je crois, sincèrement. Et je pense que si je sacrifie mon sommeil pour t’admirer alors que je connais ton visage déjà par coeur, c’est pour rendre ton image indélébile, qu’elle vienne tatouer ma rétine. Parce que ce qu’on va devenir, toi et moi, c’est simplement July Jones et River Dawn. On va apprendre à se connaître, pas l’un l’autre, mais nous-même. Tu vas sûrement devenir une grande avocate, peut-être même qu’en face de ton bureau y’aura ma gueule en quatre par trois dans une tenue que tu trouveras ridicule. Mais à ce moment-là, tu m’auras sûrement oublié, et ça te rappellera ce soir là, ce soir où je t’ai regardé dormir et où tu m’as grillé. Tu te souviendras peut-être comment je t’ai juste répondu avec un baiser, et moi de cette façon que t’as eu de grogner parce que je m’étais levé en douce pour aller fumer à ta fenêtre.

C’est vrai, je t’aime July Mary Beth Jones. Suffisamment pour te laisser devenir celle que tu veux sans t’encombrer d’un gars qui ne sait pas. Suffisamment pour ne pas t’entraîner dans les folies qui me traversent déjà l’esprit. J’appartiens pas à ton monde, je crois bien même que j'appartiens à aucun pour l’instant. J’ai peut-être juste besoin de créer le mien. En attendant, il nous reste un peu de temps. Et ces nuits-là, je les passerai encore à te regarder, assoupie sur ton oreiller. Tant pis pour Morphée.
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MessageSujet: Re: river || de quelles couleurs sont les souvenirs ? river || de quelles couleurs sont les souvenirs ? 129196351Mer 25 Aoû 2021 - 23:30


londres | février 1977


« On lui a trop pincé les joues quand il était petit ou quoi ? Corrigez-moi ça. Maintenant. »

Cette façon que t’as de claquer les doigts. L’espace d’une seconde, je m’imagine te péter les phalanges pour le plaisir de les entendre craquer dans le creux de ma main. Putain, qu’est-ce que je peux détester ce boulot. Qu’est-ce que je me déteste aussi parfois de me prêter à tout ça simplement parce que c’est de l’argent facile, et qu’il faut bien bouffer. Mais ce que je déteste par-dessus tout, c’est quand les gens comme toi parlent de moi comme si j’étais pas là. Non pire, comme si j’étais juste trop débile pour comprendre ou pas suffisamment digne d’intérêt pour que tu daignes t’adresser à moi directement. Je le vois dans tes yeux, de toute façon t’es comme les autres. Je suis une coquille vide, un emballage que tu vas shooter sous toutes les coutures et qui passera la porte sans que t’aies même entendu le son de ma voix. C’est le jeu, c’est comme ça, je le sais et si je l’acceptais pas un peu, je serais pas là.

« Qu’est-ce qu’elle a la princesse ? Elle fait une allergie au fond de teint ? »

Ca t’emmerde hein, que j’ai arrêté ta petite main venu me repoudrer alors que je suis déjà noyé sous trois couches de maquillage ? Elle te regarde comme si j’avais osé lui mettre une gifle, alors que je crois qu’en fait elle a plutôt peur de toi. Mais ça doit te donner l’impression d’être important, hein ? Et même là, même là tu me parles même pas comme si j’existais. Planqué derrière ton objectif, tu joues encore plus les divas que celles qui me collent en général sous les projos. Manquerait plus que tu t’écroules au sol, main sur le front, pour avoir une standing ovation. Mais t’as beau pas vouloir me parler, je choppe bien ton regard au passage, je force presque un peu la main alors qu’en général, on regarde jamais rien d’autre que la grande lentille, le cyclope technologique.

« Je pense que j’ai eu ma dose, merci. »

C’est moi qui devrais avoir un appareil, pour immortaliser ta tronche quand tu m’entends te répondre. Je sais que j’ai fait une connerie, je le savais à la minute même où j’ai choppé le poignet de la maquilleuse. Fais une croix sur ton chèque River. C’est vraiment une idée très con, et je sais pas pourquoi je fais ça aujourd’hui. Pourquoi ça m’énerve plus que d’habitude, pourquoi j’ai envie de répliquer alors que je me trimballe partout la réputation d’être le morceau de chair le plus docile ou presque du milieu londonien. C’est peut-être la condescendance de trop, la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà bien plein. Cent fois on a insisté sur mes joues pour masquer le rose, cent fois on a maquillé la réalité pour la rendre plus belle. Enfin, plus lisse surtout. Ca m’a tapé l’oeil l’autre soir, quand un pote m’a déballé une double page pour rigoler entre deux joints, et que j’ai vu qu’entre les trois autres mecs de la photo et moi, il n’y avait aucune différence. Aucune. Pas comme si je me considérais plus beau qu’un autre, ni exceptionnel mais, wow, des clones. Des foutus clones sans âme, pas une seule expression dans le regard. Je pourrais être une silhouette en plastique à qui mon frère aurait donné un aspect de chair que ça serait pareil. Ca m’a collé un frisson dans l’échine, et même la weed a pas su calmer ça. Ca doit expliquer ce qui se passe là, peut-être.

« Euh, attends... t’as cru que t’étais qui pour oser me parler comme ça ? »
« River. Dawn. Enchanté. »

La maquilleuse s’est échappée, t’as foncé pour prendre sa place et même si tu m’arrives au menton, t’arrives quand même à me regarder de haut. Enfoiré. Je sais bien que je t’ai provoqué, avec toute la politesse du monde mais c’est déjà trop pour toi. Depuis quand les marionnettes ont décidé de parler, voilà ce que tu penses. Et bah la marionnette, elle en a ras-le-bol. Accepter n’importe quel contrat pour bouffer, terminé. Et t’es pas content, il y aura bien un de mes sosies pour prendre ma place, nan ?

« On te paye pas pour que tu causes. On te paye pour que tu m’obéisses, et c’est ce que tu vas faire. »
« Ton client paye pour moi. Pour River Dawn. Et River Dawn a les pommettes roses, surtout quand il reste plus de deux heures sous un putain de projecteur parce que le photographe est pas foutu de faire ses réglages. »

Silence de mort sur tout le plateau. Si je t'avais giflé, je pense que les gens seraient encore moins horrifiés que ça. Et je sens le revers arriver, comme une raquette au ralenti avant qu’elle ne vienne s’écraser sur une balle de squash. T’as le regard si mauvais que je le sens me brûler la peau. Marrant d’ailleurs, parce que quand je suis énervé, mes pommettes rougissent plus encore.

« Ecoute-moi bien, espèce de petit merdeux. Ton nom, personne le connaîtra jamais. Tout le monde se fout de connaître le nom du truc qui porte les vêtements. Tu es juste un cintre sur pieds, rien de plus, et j’ai le droit de choisir la couleur de mon cintre. J’ai le droit de tout ici, tout, tu m’entends ? Parce que sans moi, t’es rien. C’est moi qui te rend beau. Ma lumière, ma couleur, ma vision. Alors si j’ai envie de plonger ta tronche dans un seau de paillettes ou te teindre les cheveux en bleu, je fais ce que je veux. T’es ma putain de poupée Barbie, tu comprends ça ? »

Le pire, c’est que t’as raison. Tu crois sûrement que t’es en train de m’humilier là, devant tous tes larbins mais ça serait le cas si je savais pas déjà tout ça. Ca m’empêche pas d’avoir envie de te mettre mon poing dans la gueule, mais je le ferais pas. Je sais que tout ici n’est que de l’apparence, que tout est faux, tout le temps. Sur les filles, c’est encore plus flagrant. Mais je peux pas. Je peux plus. Et toi qui crois sûrement que j’ai dit ça parce que je veux me faire un nom dans ce milieu-là, putain… La mode, c’est le marché aux bestiaux, la foire aux éphèbes. Tes clients me choisissent sur un catalogue, comme on le fait pour une nuisette ou une commode. Des fois même ils m’inspectent, manquerait plus qu’ils comptent mes dents.

« Alors trouve quelqu’un d’autre avec qui jouer. »

Je t’ai déjà tourné le dos depuis longtemps quand tu me craches que tu vas me pourrir ma réputation. Que personne m’embauchera plus jamais, bla, bla, bla. Et tu sais quoi ? Toi comme moi, on sait que c’est faux. Toi comme moi, on sait que bientôt on se recroisera, parce que tu vas évidemment parler de tout ça à tout le monde, et que ça va piquer la curiosité. Que tous ceux qui te détestent en secret voudront voir qui a bien osé te résister un peu. Ca marche comme ça dans ce milieu pourri. Dans deux semaines, mon téléphone fera que ça de sonner. Dans trois, je ferais une série de photos avec les joues aussi roses que mon frère quand je lui parle de son crush. Et un jour, on rebossera ensemble.

Sauf que tu te rappelleras de mon nom cette fois.
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