Comme il aurait pu le prévoir, ses bras ne le supportèrent pas bien longtemps et il dut se laisser tomber sur l'oreiller avec un soupir. Soupir qui répondait aussi au mouvement de recul qu'avait eu Laya. Il n'avait pas voulu la blesser, une fois encore. Il lui devait des excuses, et des explications, même si il savait qu'elle ne pouvait pas être suffisantes et en tous cas, pas complètement vraies non plus. Il ferma les yeux un petit moment en disant d'une voix un peu rauque.

- Je suis désolé.

Il rouvrit les yeux et les fixa sur elle, avec un faible sourire.

- C'est juste que j'ai un peu honte que tu me vois dans cet état. Ca m'aurait arrangé d'avoir le masque du bal d'Halloween... Et puis je n'ai pas encore eu l'occasion de m'excuser pour.. enfin pour...

Il ne réussit pas à terminer sa phrase et détourna les yeux, trop gêné. Le souvenir de leur dernière rencontre n'était pas franchement un motif de fierté pour le jeune homme, qui pensait toujours s'être comporté comme une brute épaisse. Et le fait que malgré tout il n'en garde pas un si mauvais souvenir que ça ne l'aidait pas à se sentir moins coupable. Est-ce que le rouge embarras est perceptible derrière les bleus ?

Il dut reconnaître qu'il était soulagé de la voir se rapprocher du lit et le pas le laisser seul avec ses remors. Ce sentiment de chaleur lorsqu'elle était à un périmètre assez réduit autour de lui, quoi que sa raison puisse en penser, se battait vaillemment contre la honte d'avoir l'air d'avoir enchaîner trois combats de free fight et surtout de préférer lui faire croire à une telle explication plutôt que de lui dire la vérité. Heureusement, elle ne l'avait pas encore obligé à lui raconter les raisons de sa présence à l'infirmerie dans cet état. Le compliment concernant le fait qu'il était mieux sans masque le fit à nouveau rougir (quelle mauvaise habitude ces rougissements...). Puis sa question finit par lui faire décrocher un sourire un peu triste.

- Crois-moi, j'aimerais bien que ça soit un peu plus simple aussi...

Il ne la quitta pas des yeux le temps qu'elle tente de rassembler ses esprits et la voir s'acouder à son matelas fit briller des yeux fatigués. Mais il n'était pas si simple de trouver comment accéder à sa demande. Lui dire ce qu'il voulait qu'elle entende... Il détourna les yeux pour fixer le plafond, cherchant ses mots, puis se retourna vers elle, essayant de prendre une voix assez sûr d'elle.

- Ce que je veux que tu endendes, c'est que je tiens à toi. Ca c'est simple, mais j'ai bien peur que tous le reste ne le soit pas... Quant à tout ce que j'ai dans la tête, je ne suis pas sûr de le comprendre moi-même.

Sa première ébauche d'explication, si on pouvait appeler ça une explication, sembla ne pas la contrarier, mais ne pas la satisfaire puisqu'elle insista pour qu'il développe. Il n'était physiquement impossible de fuir et il était mentalement trop épuisé pour s'en sortir par un détournement habile de la conversation. Autant le faire le plus sincèrement possible.

- Dans le désordre... Je m'en veux de t'avoir fait subir ce que je t'ai fais subir au bal de noël, mais ça je te l'ai déjà dit. Et il y a le... il dut prendre une profonde inspiration avant de continuer... le baiser dont je ne suis pas fier mais... Je ne le regrette pas vraiment.

Il avait dit ces derniers mots dans un souffle, à peine audible mais Laya était assez proche pour avoir parfaitement tout entendu.

- Et maintenant je me dis que je n'aurais pas dû dire ça parce que ça insinue des choses qui ne sont pas possible parce que tu dois me détester et tu as bien raison. Et même si ça l'était, il ne faudrait pas que je me le permette parce que ça voudrait dire me mettre en position d'à nouveau risquer te faire du mal.

Il reprit son souffle et finit avec un sourire d'excuse.

- Je t'avais prévenu que c'était chaotique. Et il faudrais que j'ajoute que c'est cruel de profiter de je suis à capacité réduite et sans défense pour m'interroger.

Une petite boutade pour masquer son anxiété terrible. L'avantage d'être épuisé, c'est qu'on ne rend un peu moins compte de ce qui nous arrive, heureusement pour Rémus, qui se serait certainement évanouie sans ça.

Ses aveux n'avait pas fait fuir Laya... C'était un tel soulagement qu'il eut l'impression de respirer un peu mieux. Il n'avait jamais eu autant de raisons d'espérer ce que sa raison essayait tant bien que mal de lui interdir. Mais cela ne dura qu'un temps car la question de Laya lui fit détourner les yeux qui la fixait intensement depuis quelques instants. Il amorça le geste machinal de se masser le front lorsqu'une bosse au sommet de sa tempe gauche se manifesta à son bon (ou mauvais) souvenir et lui arracha une petite grimace.

- Je ne peux pas vraiment l'expliquer...

Il plongea à nouveau son regard dans le sien après avoir pousser un autre soupir. Un mèche de sa longue chevelure noir lui barrait le visage et venait presque chatouiller le bras du jeune homme alongé. Il leva sa main et tenta avec un demi-sourire de replacer la mèche rebelle, éfleurant par la même occasion les doigts de la jeune fille qui soutenaient sa tête. Son geste était lent, délicat, comme s'il ne voulait plus jamais paraître aussi brutal qu'il avait pû l'être. La voix de sa raison lui criait que c'était franchement une drôle de façon de lui dire pourquoi il ne pouvait se permettre de l'approcher. Mais son coeur faisait la sourde oreille et comme une provocation lancée à cette raison envahissante, il dit :

- J'aimerais tellement ne plus jamais te rendre malheureuse. Mais... j'ai bien peur d'être un peu égoïste aussi.

Etait-il possible qu'elle lui offre le meilleur des remèdes ? Tout d'adord le contact tiède de son index sur son visage, qui laissait derrière lui un leger frisson en même temps qu'une douce chaleur. Puis ce premier vrai baiser, qui l'emplit d'une vague tout aussi intense qu'apaisante. C'était une curieuse impression, un puissant contraste avec ce qu'il ressentait il y a seulement quelques heures. Son coeur s'était remis à battre plus fort que la normal, mais au lieu de réveiller une douleur cuisante dans la poitrine, c'était comme s'il répandait un baume miraculeux, l'emplissant du simple, et pourtant rare dans son cas, sentiment de bien être. Etait-il seulement imaginable de fuir ce qui pouvait lui apporter cette sensation ?

Il n'en finissait pas de dévorer du regard "sa" Laya, blotie contre lui, s'impregnant de chaque détail, couleur, odeur, sensation de ce moment qui ne pouvait pas être réel. De sa main valide, il caressait ses cheveux si lisse, si soyeux... Il finit pas murmurer dans un souffle.

- Merci... Je crois que j'aime être égoïste...

Cette disparition de la panique et de la tension qui avait provoqué son réveil réactiva le besoin de son corps tout entier de replonger dans le sommeil réparateur qui ferait disparaître (presque) toutes les traces de la pleine lune. Mais Rémus luttait, s'accrochant à la dernière peur qu'il le gardait conscient : celle que tout cela ne soit réellement qu'un rêve et que Laya ne disparaissent en même temps que ses divers hématomes. Il saisit une de ses mains et la serra étroitement entre ses doigts.

- Laya... Tu... Tu veux bien rester près de moi ?...

Il se rendit compte du caractère puéril, et un peu pitoyable de sa demande, et son visage tourna une fois encore au rouge vif. Mais c'était la seule question à laquelle qui pouvait encore s'accrocher.