Minerva se dirigeait à contre-coeur vers les serres du parc. A petits pas, peu pressée d'honorer ses engagements scolaires, la rouquine se faisait néanmoins un devoir. Le vent agitait les quelques mèches couleur carotte et rosissait ses joues. La jeune fille ajustait son châle, excessivement raffiné pour l'activité à venir, dans l'espor de calmer la désagréable sensation de picotement qui démangeait son joli minois. Minerva Moon, toujours aussi chic, n'aurait pour rien au monde renoncé au luxe évident de ses vêtements, pas même pour les serres, et surtout pas depuis que la boutique de sa mère connaissait un bel essor. Elle affichait donc fièrement de beaux vêtements, sobres mais toujours très distingués.

Elle arriva bientôt aux serres, peu ravie d'être d'avoir à manipuler des plantes. Minerva songeait à Gideon, se remémorant ainsi leur dernière rencontre, plus ou moins clandestine. Si seulement elle lui avait glissé un petit mot plus tôt dans la journée, cette séance de botanique aurait été plus palpitante. Un visage familier retint son attention, chassant par là même Gideon de ses pensées. Demetrius ne l'avait pas vu, et d'ailleurs elle se retint de l'interpeller pressentant à sa démarche une certaine culpabilité. Elle le regarda s'éloigner, ses yeux curieux inspectant les lieux, comme si elle s'attendait à voir sortir d'un buisson une personne à interroger.

La porte de la serre était ouverte. Minerva y pénétra, les pans de sa longue et jolie robe de velours grenat frôlant presque le sol. Pourquoi SON Dimie quittait-il les lieux d'un air suspect ? Et d'ailleurs que faisait-il dans cette serre ? N'était-il pas sensé à cette heure-ci peaufiner un devoir sur la révolte des gobelins ?

- Darren lâcha-t-elle d'une voix qui se voulait naturelle mais trahissait en réalité sa méfiance profonde. - Quelle surprise! Serait-ce mon Demetrius que j'ai vu quitter les serres ? Ses yeux clairs toisaient le serpentard et sa langue de vipère, pourtant mielleuse, réfrénait l'envie bouillonnante de le questionner. - J'ai du confondre puisqu'il est en ce moment même à la bibliothèque occupé à achever son devoir sur la révolte des gobelins et leurs conséquences sur la politique du ministère de la magie. Offrant à Darren son plus adorable sourire, mais aussi le plus hypocrite, elle termina d'un ton léger, - N'est-ce pas ?

Toutes ces plantes, tout cet amas de terre, insidieuse, terriblement légère ou compacte mais surtout salissante... Une fille comme Minerva ne pouvait supporter cet environnement. Son premier réflexe, le même que son corps, gouverné par une puissante mémoire, effectuait consistait à jeter autour d'elle des regards à la fois méfiants et désapprobateurs, comme si, d'un seul regard, elle pouvait ordonner aux plantes de se tenir à carreaux. Forcément, les plantes ne réagissaient pas et ça finissait toujours par l'agacer. De la terre sous ses ongles, pouah, quel sacrilège!

C'est que Madame se considérait trop chic, de trop noble naissance pour s'abaisser à jouer dans la terre et d'ailleurs les plantes le lui rendaient bien! La botanique n'était pas sa matière préférée. Ses notes frisaient tout juste l'acceptable et sa motivation, instable, mêlée d'hostilité et de dégoût transpirait à chaque devoir. Minerva se tenait en trop haute estime pour les serres, plus snob et tête à claques que jamais.

« Oh, euh ... Je ne sais pas où est Dem, mais si tu dis qu'il est à la bibliothèque, c'est qu'il doit sûrement y être. En tout cas, il n'était pas ici ... »

La rouquine plissa ses petits yeux tout obscurcis par la moutarde qui lui montait au nez. Darren Campanello ce vaurien! Ce sorcier d'opérette, la cervelle plus légère encore que celle d'un pigeon entraînait SON Demetrius, si studieux, si droit, si certain de combler ses ambitions hors du chemin sacré. Et ça, jamais elle, Minerva Moon ne pourrait le tolérer. Et puis de toute façon elle et Demetrius, c'était bien connu faisaient la paire. Demetrius et Minerva, ou Minerva et Demetrius, peu importe l'ordre allaient comme torchon et serviette dans son esprit. Campanello n'était qu'un garçon insouciant qui menaçait son amitié si possessive.

- Naturellement Darren, elle se fendit d'un large sourire de crocodile, ses yeux clairs encore tout ombragés avant de poursuivre d'un ton plus mordant mais toujours civil, mais tout de même, le garçon que j'ai vu sortir d'ici avait l'air bien coupable et sa démarche, elle prit son temps, sélectionnant avec un plaisir criminel ses mots, me rappelle celle de Demetrius. Tu sais, cette façon qu'il a de marcher, un peu voûté, comme s'il cherchait à fuir les regards!

Minerva ne lâchait pas du regard Darren, semblable à une de ces affreuses petites vieilles qui guettent avec une avidité malsaine le plus insignifiant signe de désarroi. Elle SAVAIT qu'il tentait, assez mal d'ailleurs, de la mener en bateau. La sorcière aurait pu reconnaître la silhouette de son meilleur ami dans une foule compacte.

Non mais vraiment, est-ce qu'elle s'entendait ? Pas vraiment. Tout portait à croire que Minerva persistait, pire, signait son délire, convaincue d'être dans le juste. Axe du bien versus axe du mal. Il n'y avait ni gris ni camaïeu mais deux blocs qui s'opposaient. La jalousie l'aveuglait. Assurément un de ses plus vilains défauts. Elle avait beau jouer la fille indifférente, il n'empêche qu'au fond de ses yeux brillait une flamme coriace. Ce type lui sortait par les trous de nez. Littéralement. Ne voyait-il pas sa face rougir, enrager et de ses narines s'échapper de la fumée ? La sorcière connaissait trop bien son ami Demetrius. Il n'aurait jamais le courage de le lui avouer. Et pour cause, elle savait si bien se mettre en colère qu'il y avait de quoi se sentir tout petit.

« Hoho, j'en connais un qui va se faire attraper par maman, dis donc ! »

Crotte de troll et langues de vipères! Minerva se mordait les lèvres pour ne pas l'insulter. Ce bon à rien de Campannello osait la narguer, elle qui savait mieux que tout le monde. Son éducation n'arrangeait rien. Érigée en modèle, la rouquine n'avait eu aucun mal à se convaincre de sa supériorité. Son sang, sa prestance naturelle, les relations de sa famille, le succès grandissant de sa mère et ses propres relations; tout la poussait au vice.

Sa langue de vipère claqua, une ombre meurtrière voilà un court instant ses yeux assombris qui fixaient Darren d'un air méprisant. Si seulement elle pouvait trouver un moyen de coincer dans le secret d'un complot ces doux échanges! Demetrius changerait y verrait enfin un peu plus clair!

« Mais si tu es si sûr que c'est de lui dont il s'agissait ... pourquoi ne pas l'avoir interpelé pour en avoir le cœur net ? »

Son regard se fit plus meurtrier encore, si elle avait pu brûler sa main sans contact à coup sur Campannello rimerait avec manchot! Par réflexe, et aussi parce qu'elle mourrait d'envie de transformer sa tête en une courge géante, Minerva avait sorti sa baguette avec une rapidité guère rassurante. L'adolescente était connue parmi ses fréquentations pour la puissance de ses sorts et une certaine connaissance en magie noire.

« A moins que tu aies peur de te tromper, bien sûr ... ou que tu crèves d'envie de me parler ... »

Trop c'était trop! Si jusque là elle s'était retenue de l'envoyer sur les roses, par mépris bien sur, Minerva changea de face, troquant son air de dragon mal réveillé contre ses airs d'arrogante rouquine.

- Une fille de mon rang n'a pas besoin d'un prétexte pour s'adresser à un garçon comme toi, d'un coup de baguette magique elle balaya la terre à ses pieds qui menaçait de salir ses précieux habits. Une légère brise, née de sa magie, agitait l'ourlet de sa robe. Elle n'avait pas dit un mot, seules ses lèvres bougeant en silence, preuve qu'elle maîtrisait parfaitement les sortilèges informulés.

- De toute façon tu n'as pas d'ambition, si ce n'est celle de jouer avec mes nerfs. Bras croisés, elle défiait Darren de nier l'évidence, le bout de sa baguette tapotant son menton.

- Alors tu peux ravaler ton sourire, il n'y a que moi dans cette serre.

[ Désolée pour le retard ]