D'un oeil bienveillant, Garance couvait du regard la scène depuis le buffet, touchée par le tableau que lui offraient ses amis éparpillés autour d'elle en petits bruyants petits groupes. Tout autour d'elle les rires fusaient, la complicité s'affichait, les souvenirs remontaient à la surface à mesure que la boisson coulait à flot. Mais un peu à l'écart, la jeune fille se laissait aller à la nostalgie et l'évidence s'imposait à elle : Poudlard, c'était bel et bien terminé pour eux. Ils avaient passé ensemble près de sept merveilleuses années, riches en émotions et en découvertes en tous genres, en fameux délires et furieuses désillusions, en manifestations d'amitié et en conflits déclarés. En sept ans, Garance avait quitté l'agréable enveloppe de l'enfance, traversé l'adolescence non sans heurt puis avait été définitivement projetée dans l'âge adulte cette année, avec la mort d'Alix. Ne pense pas à ça maintenant, se morigéna-t-elle mentalement en secouant la tête comme pour se débarrasser l'esprit des images qui l'obsédaient. Soudain, une paire de pieds entra dans son champ de vision et la jeune fille releva la tête, au moment où Remus lui tendait gentiment un verre. 

Oh, merci, bafouilla-t-elle en attrapant le verre avec un petit sourire, avant de chercher du regard un coin libre, action qui avait pour but aussi bien de répondre à son invitation que de masquer le trouble qui s'était emparé d'elle à l'écoute d'une telle requête de la part de Remus. Après ce qu'il avait pu se passer entre eux cette année - à savoir rien, mais quand même ! -, tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une entrevue en tête à tête avec le jeune homme avait le nom de la prendre au dépourvu. Elle ne savait plus trop comment agir avec lui, de peur de lui envoyer des signaux qu'il pourrait mal interpréter, quelque chose de susceptible de lui mettre des idées erronées dans la tête. 

Il y a un feu de libre là-bas, désigna-t-elle en se mettant en marche, attrapant au passage un paquet de Bromolow et quelques baguettes de bois pour les faire griller. Alors, tu t'amuses bien ? lui demanda-t-elle d'une voix légère une fois qu'ils se furent éloignés du reste des participants, avant de s'asseoir dans le sable à côté d'un feu laissé à l'abandon, qu'elle entreprit de raviver en soufflant dessus.

Un sourire attendri naquit sur les lèvres de la jeune fille lorsqu'elle surprit le regard nostalgique que Remus lançait vers leurs amis, qui continuaient de rire sans eux à quelques mètres de leur feu. Elle n'était donc pas la seule ce soir a avoir ouvert la malle aux souvenirs et se remémorer en silence tous les bons moments qu'ils avaient passé tous ensembles ses sept dernières années. 

Vraiment, vous avez organisé ça comme des chefs, décréta-t-elle joyeusement en enfilant une ribambelle de bromolow sur un bâton de bois et le plonger dans les flammes. Qui l'eut cru ? 

Garance goba un premier bromolow, son regard malicieux vissé sur le visage du Maraudeur. Elle appréciait sincèrement sa compagnie, quand comme lors de l'instant présent il ne subsistait entre eux aucune ambiguïté d'aucune sorte : et Merlin sait si cette année leurs rapports n'en avaient pas été empreints ! Pendant plusieurs semaines après leur mésaventure dans la tour d'Astronomie Garance n'avait pas pu s'adresser à lui sans rougir. Ensuite il y avait eu l'épisode de la soirée bataille explosive, encore plus embarrassant car public... Mais depuis, Remus semblait avoir compris que le coeur de la jeune Folkhart était déjà pris, mais il ne s'imaginait même pas par quelle mauvaise personne... La jeune fille rangea sagement le souvenir de Raphaël Febvre dans son esprit et se concentra de plus belle sur l'instant présent, en l'occurrence Remus qui lui avouait qu'il lui plairait de garder contact avec elle, ce qui lui arracha un nouveau sourire. 

Bien sûr Remus, lui répondit-elle d'une voix douce, les yeux rivés dans ceux de son ami, moi non plus je ne veux pas te perdre de vue. De toute façon, on se retrouve à l'école supérieure, non ? s'enquit-elle d'une voix plus tranquille en attrapant un deuxième bromolow entre ses doigts collants, et l'engloutir sans plus de cérémonie que pour le premier, inconsciente du débat intérieur qui faisait rage dans l'esprit de son compagnon.

Garance avait joyeusement trinqué avec son ami, qui portait un toast à cette belle soirée et avait avalé une première gorgée de sa boisson... avant de manquer de tout recracher sur Remus tandis que ce dernier lui annonçait ne pas prolonger ses études avec eux.

Comment ? s'étonna-t-elle franchement une fois sa crise de toux passée. Des problèmes administratifs ?

Un esprit tel que celui du plus malin des Maraudeurs ne pouvait se laisser abattre par un simple formulaire d'inscription dans lequel la question la plus compliquée concernait le futur logement de l'étudiant, ça n'avait pas de sens. Et Garance, malgré le fait que l'alcool commençait à lui monter à la tête, en était parfaitement consciente : par délicatesse toutefois, elle chercha à changer de sujet, rangeant soigneusement dans un coin de sa tête ce drôle de mystère en se promettant d'y revenir plus tard.

Ah non, protesta-t-elle en riant de plus belle, avant de trinquer pour la centième fois de la soirée, j'veux savoir au moins quels sont tes grands projets ! Avant d'oublier, quoi, ajouta-t-elle d'une voix honteuse en avisant son verre qui était déjà vide. Un nouvel éclat de rire lui échappa lorsqu'elle croisa une nouvelle fois le regard de Remus : c'était toujours comme ça, quand l'ivresse s'emparait un peu de la jeune fille, elle riait à s'en faire mal au ventre.

Le rire de Garance était contagieux et Remus rit à son tour en attirant une nouvelle bierreaubeurre d'un accio, tendant la bouteille à son amie. Alors qu'elle lui demanda quels était ses fameux grands projets, il regarda autour de lui avant de répondre, en haussant les sourcils :

- J'hésite encore entre changer le monde et monter un élevage de boursoufs en Patagonie... Ah, il y a aussi survivre à une colloc avec Sirius, c'est pas rien...

La perspective de s'installer avec son ami était de loin ce qui lui permettait de moins appréhender cette prochaine année, même si quelques détails n'étaient pas encore réglés, notamment où il passerait ses pleines lunes. Mais il supposait que Dumbledore accepte qu'il utilise la Cabane Hurlante le temps de trouver un autre endroit sûr. Il vida son verre et ajouta avec un clin d'oeil.

- On acceptera les visites d'une étudiante pour que tu puisses juger des dégâts si tu veux... Et t'en fait pas, je te rappellerai l'invitation si jamais tu oublies.

La tête lui tournait, à la petite Garance, et voir les flammes jouer ainsi devant ses yeux n'était pas pour arranger les choses, ni le rire de Remus, bien au contraire ! Aussi quand ce dernier lui tendit-il une nouvelle Bièraubeurre, la jeune fille hésita-t-elle un court instant à s'en saisir, avant de se traiter d'idiote et l'attraper sans plus de cérémonie.

Allez, de toute manière, j'peux plus transplaner, blagua-t-elle en faisant allusion à un usage Moldu qui interdisait de prendre sa voiture lorsque le moldu avait trop bu.

Pendant que Remus lui annonçait ses futurs (très sérieux) plans d'avenir, elle déboucha tant bien que mal sa nouvelle boisson et avala une première gorgée en le fusillant gentiment du regard, lui reprochant d'un regard de lui raconter ainsi des bêtises. Et en même temps, il était tellement bon de voir le si sérieux Remus Lupin aussi détendu et blagueur, que Garance décida de jouer le jeu :

Je vote pour les Boursoufs, lui affirma-t-elle d'un air sérieux en agitant sa Bièraubeurre dans la direction de son ami, parce que la Patagonie, c'est bien joli !

La remarque suivante de Remus en revanche eut le don de la plonger dans un stade à mi-chemin entre la méfiance et la perplexité : bien sûr, Garance savait que Sirius et Remus se mettait en colocation, et ne savait pas encore très bien si elle approuvait entièrement ou désapprouvait de la même façon. Elle approuvait totalement Sirius pour se mettre en colocation avec un garçon un tant soit peu sérieux - heureusement que James était casé ! - mais désapprouvait Remus pour se mettre en colocation avec un énergumène tel que le fils Black. Bref, c'était un grand débat, mais Garance n'y pensait pas, perturbée qu'elle était par la manière dont Remus venait de l'inviter à venir leur rendre visite : il semblait y tenir vraiment, un peu trop pour un simple ami, pas vrai ?

Euh, bafouilla-t-elle en rougissant subitement, bien sûr, je viendrais, enfin si je peux, quoi, parce que bon, tu comprends, en Médicomagie, je risque de ne pas avoir beaucoup de temps, et...

Garance se tut, consciente que son nez devait s'allonger sous la pression d'un tel mensonge. Honteuse, elle dédia un petit sourire crispé à Remus avant de ramener le goulot de sa bouteille à ses lèvres, histoire de se donner une contenance.