Quand on n'arrive pas à dormir, c'est inutile de se tourner et de se retourner dans son lit, de se raconter une jolie histoire dans sa tête, ou de compter les gnomes.
Nate avait régulièrement des insomnies. Aussi en avait-il l'habitude et avait appris à les gérer. Rien de plus perturbant en effet que de rester allongé dans le noir, les yeux ouverts, à écouter la respiration paisible des autres camarades de dortoirs pour attendre quelque chose qui ne vient pas.

Et puis dormir, c'était perdre du temps. Le garçon, depuis son arrivée à Poudlard, avait su mettre à profit le temps calme que lui offrait ses courtes nuits. Il redescendait en silence dans la salle commune - déserte à cette heure, mais réconfortante - et il prenait de l'avance dans ses devoirs, dévorait des bouquins, ou se roulait tout simplement en boule sur un des fauteuils devant le feu, se laissant aller à une rêverie.

Ce soir, cependant, c'était différent. Nate n'arrivait pas à dormir, mais c'était à cause de l'angoisse. Il pensait à sa sœur et avait la boule au ventre. Elle lui manquait, malgré les années. Même ses deux ans à Poudlard n'avaient pas atténué sa douleur. Sa culpabilité, plutôt. La garçon se sentait capable de donner tout ce qu'il avait, et même ce qu'il n'avait pas, pour revenir en arrière, à ce funeste jour où sa sœur s'était empoisonnée.

Des souvenirs douloureux en tête, Nate était descendu dans la salle commune et venait de s'asseoir sur son fauteuil préféré, le regard perdu dans les flammes qui léchaient encore le bois avec panache. Pas question de travailler, cette nuit-là, car lutter contre sa souffrance était déjà assez compliqué. Déjà, il sentait des larmes perler à ses paupières et les laissa glisser le long de ses joues. Il pouvait se lâcher, tout le monde dormait. Il était seul avec sa douleur.

N'est-ce pas ?

Spoiler:

Il fallut d'autant plus de temps à Nate pour se rendre compte que quelqu'un lui parlait qu'il se pensait seul dans la salle commune. Son esprit, accaparé par ses pensées mouvementées, il n'avait même pas pensé à vérifier si la salle commune était déserte lorsqu'il était venu s'y asseoir.

- Toi aussi, tu as peur et tu te sens seul ?

Le garçon releva brusquement la tête et vit que, non loin de lui, presque tapi dans la partie de la salle commune qui n'était que peu éclairée par le feu de la cheminée, un autre garçon, qui devait avoir un an de moins que lui. Sur son visage, fin, semblait strié par les flammes qui se reflétaient sur la pâleur de sa peau. Nate fut de suite intrigué par son regard qu'il dardait sur lui, ne se rendant pas compte qu'il était peut-être un peu trop malvenu. Le première année semblait en effet se soucier réellement de Nate qui se rappela soudainement qu'il avait le visage inondé de larmes.
Sa première réaction fut de rougir violemment sous le coup de la honte. Rien de pire que de se faire surprendre en pleine nuit, seul et en train de pleurer... Mais le deuxième année se surprit à songer que l'autre Gryffondor ne le jugeait pas - il lisait en fait dans toute son attitude, qu'il était bienveillant et qu'il le comprenait.

Le comprenait ? Était-ce possible ? Y avait-il quelqu'un au monde capable de comprendre Nate, son histoire, sa culpabilité et sa solitude. Car même s'il avait réussi à s'entourer d'amis qui faisaient attention à lui - Talya, qui comprenait la langue des signes, Fearghas, qui lui redonnait toujours le sourire, et Dan, rassurant, posé - Nate se sentait quand même... comme s'il était emmuré. Son mutisme aggravait le tout, et si la plupart du temps il faisait avec, parfois c'était difficile à gérer.
Le garçon en face de lui souriait. Nate en fit de même puis, se redressant sur son fauteuil, il passa le revers de sa main sur son visage pour essuyer sa tristesse. Et, ce qui d'ailleurs l'étonna, il montra sa gorge avec son autre main, de la façon la plus naturelle du monde, pour indiquer qu'il ne pouvait pas répondre.

Peu importait, finalement. Il n'était plus seul.