Une nouvelle heure de cours se terminait pour la jeune Serpent. C'était aussi la dernière, le reste des élèves de septième année partant en cours d'étude des moldus. La sorcière passa par son dortoir, délaissant ses ouvrages sur son lit, avant de regarder autour d'elle. Ses affaires étaient soigneusement rangées sous son lit, dans la grosse malle de cuir sombre. Elle ne les avait pas déballé depuis le début des cours, et n'avait pas envie de le faire tout de suite. Après le discours de Dumbledore, la sorcière ressentait un mélange amer de trahison et d'abandon. Elle avait beau être parfois, même souvent, exaspérée par Poudlard et la manière dont ils essayaient de brider les élèves. Mais elle a toujours été persuadée que les professeurs les protégeraient et s'assurerait de leur sécurité. Après cet été à Clevergrace, la jeune blonde savait maintenant deux choses : Dumbledore et sa clique n'était même pas fichus de les protéger, et en plus de ça ils n'avaient aucune liberté, aucune force face à ceux qui les avaient maintenus dans cet institut glauque pendant tout l'été.

Même si elle avait été malmenée, la jeune femme savait maintenant à qui elle devrait allégeance. A ceux qui détenaient la force, la puissance. A présent, Poudlard n'avait rien d'une maison chaleureuse. Le havre de paix qu'elle avait adoré pendant longtemps, surtout après la mort des parents Moriarty, n'était plus. La sorcière inspira un grand coup, lissa sa robe et recoiffa ses cheveux. Elle renoua le bandana bleu roi qui retenait ses lourdes boucles blondes avant de sortir des dortoirs. En traversant la salle des Serpentards, elle n'accordait qu'un bref regard à ses camarades. Le visage de la jeune adolescente était fermé, beaucoup moins souriant qu'en temps normal. Elle n'en avait plus envie. En sortant des cachots, elle évita un groupe de première année fraichement arrivé, avant d'arriver dans le hall. la blonde sortit dans le grand parc de Poudlard, mais s'éloigna bien vite des alentours du château. Elle n'avait pas envie de rester trop près des autres élèves, et fila vite à l'écart.

Après quelques instants de marche, la jeune blonde s'arrêta au pied d'un arbre. Elle n'était pas loin du lac, qui lui offrait une vue apaisante et réconfortante. Une fois assise et appuyée contre le tronc, l'adolescente ramena ses genoux contre sa poitrine et regarda au loin. L'eau calme, profonde, lui procura une sensation de bien-être et elle s'autorisa un sourire. La blonde pouvait enfin souffler, tranquille, au calme et loin des autres. Elle n'avait jamais autant apprécié la solitude. Au moins, ici, elle pouvait laisser aller ses pensées, ses émotions. Depuis longtemps, elle faisait bonne figure. Elle avait craqué en parlant avec Sean, certes, mais c'était juste un moment de faiblesse. Depuis, elle s'était efforcé de se montrer forte, combattante, telle que sa mère aurait voulu qu'elle soit. Mais malgré tout, la jeune femme avait ses faiblesses, ses moments de doute, de plus en plus nombreux même. Dans ces moments-là, elle préférait se mettre à l'écart, seule, et laisser ses émotions transparaitre sur son visage, sans que personne ne les voit. Mais cette solitude, aussi appréciée était-elle, n'étais que de courte durée. Sans quand la sorcière ne s'en rende compte, des bruits de pas se rapprocher de l'arbre contre lequel elle avait élu domicile...

Perdue dans ses pensées, Eryne se contentait de contempler le lac qui miroitait lorsque de rares rayons de soleil perçaient les nuages. Dans la salle commune des Verts, les eaux sombres laissaient souvent passer une lueur verdâtre, qui plongeait les dortoirs des Serpents dans une ambiance feutrée et froide en même temps. Lors de ses nombreux moments de réflexion, Eryne avait pu observer du mouvement au milieu de ces eaux. Elle s'était alors imaginé voir des sirènes, ou alors le calmar mythique qui hantait les profondeurs du lac.

Mais à la surface, rien de cela. Quelques oiseaux volaient en rase mottes pour se désaltérer, mais c'était tout. Soupirant, un peu lasse, elle remit en place le nœud de sa cape, qui recouvrait sa robe d'écolière. Sa cravate, comme tous les jours, était nouée très lâche, et elle jouait pensivement avec alors que son regard était perdu dans les montagnes au loin. C'était étrange, comme le calme autour de l'école tranchait avec l'angoisse des derniers mois. Tout le monde semblait reprendre ses habitudes, même les autres impurs donnaient l'impression d'avoir oublié ce qu'ils avaient vécu. Mais elle n'arrivait pas à oublier. On lui avait fait payer l'impureté de son sang, les incartades de ses ancêtres, et elle était rentrée chez elle exténuée, affamée et blessée. Elle n'oubliait pas la honte qu'elle avait ressentie, et comptait bien redoubler d'efforts pour se montrer digne de ses ambitions, à présent. Sans oublier, elle avait réussi à trouver en elle la force de devenir plus forte et plus puissante.

Une question, aux intonations masculines, la fit sortir de ses pensées. Sans bouger, elle tendit l'oreille en attendant la réponse à cette question, persuadée qu'on ne s'adressait pas à elle. Mais le silence qui suivit lui indiqua qu'on s'adressait à elle. Elle se retourna donc et observa le Serpentard, qu'elle reconnut à sa cravate, qui lui parlait. Son teint très pale était de ceux qu'on oubliait difficilement, et elle se souvint alors de cet élève qu'elle avait croisé assez souvent. Sans faire sa connaissance, elle avait trouvé Desiderius gentil et avenant. Mais alors qu'il était planté à côté d'elle, ses livres sous le bras, elle le trouvait surtout condescendant. C'était, elle s'en doutait bien, sa paranoïa qui parlait, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser que le jeune homme était là soit pour se moquer d'elle, soit pour la prendre en pitié. Et aucune de ces deux solutions ne l'enchantaient vraiment. Alors, sur ses gardes, la jeune blonde se redressa et adopta un sourire de circonstance, qui n’atteignit cependant pas ses yeux, qui restèrent d'un bleu terne.

- Je ne sais pas trop, je n'ai pas faim ce soir. Comme tous les autres soirs, pensa-t-elle ironiquement.

Elle baissait les yeux sur les livres de Desiderius et vit les contes de Beedle le Barde. Avec un léger éclat de rire, assez creux, elle reporta son regard sur lui.

- En quelle matière étudies-tu les contes, Desiderius ? Ca m'intéresserait d'y participer. C'est toujours plus intéressant que les monologues sur l'histoire de la magie...

Cette remarque, amusante en façade, était surtout faite pour masquer les pensées sombres de la jeune Serpent. Elle ne voulait montrer aucune faiblesse, comme toujours.

Sa réponse, assez fragile, éveillait quelque chose d'étrange chez Eryne. De la tendresse, sentiment qu'elle s'était empressée de refouler dès l'instant où elle avait compris que seule sa force lui permettrait de tenir le coup. Cette douceur, qu'elle réservait souvent pour la jeune Azelma, qui était dans son dortoir, n'étais plus utile maintenant que la petite Serpent la détestait plus que tout. Seule Phillipa semblait ne pas changer d'attitude à l'approche de la jeune femme, ce qui lui faisait plus de bien qu'elle ne le pensait. Aussi, son regard s'adoucit sans qu'elle ne le veuille réellement quand Desiderius lui confia, gêné, sa nuit agitée. Elle ne pouvait que comprendre, Morphée l'avait lâchement abandonnée depuis quelques semaines à présent, et elle n'avait pas encore pu se concocter une potion de sommeil, histoire de s'assommer quelques heures.

Comme elle aurait voulu voir sa mère, en cet instant... La blonde se trompait surement, mais elle était sûre que la défunte sorcière l'aurait rassuré, consolé et surtout protégée de tous ces malheurs. La mention de la mère du Serpent, même si c'était plutôt négatif, replongea Eryne dans ses souvenirs. Sa mère, elle, avait lu aux deux jeunes Moriarty des contes, des comptines, jusqu'à ce qu'Eryne sache lire. Après cela, ces comptines étaient devenues un exercice pour la petite fille, et sa mère lui avait laissé le livre. Elle avait lu ces histoires sous son oeil critique et attentif, alors que son petit frère écoutait juste à côté. Cette période lui manquait. Elle ne savait encore rien de la vérité, de l'affreuse réalité, et elle était sûre d'une seule chose : un jour, elle serait une sorcière puissante et admirée de tous.

- C'est l'inverse, pour moi. Je l'ai ai souvent entendu quand j'étais petite. Mais maintenant, je ne le lis plus.

Cela faisait remonter trop de souvenirs, et la plongeait dans ses souvenirs avec trop de force pour qu'elle puisse rester de marbre. Se secouant un peu, elle reportait son regard sur celui, plus clair, de Desiderius. Passée son moment de nostalgie, Eryne ne voulait plus montrer quoi que ce soit, à présent.

- Tu parlais du dîner tout à l'heure. Je pense que tu devrais filer pour ne pas être en retard. Et puis, si on te voit trainer non loin de moi, je vais te refiler ma peste...

Elle sourit ironiquement, avant de soupirer de lassitude. C'était comme si elle était malade, depuis le retour de Clevergrace. Mais malheureusement pour la blonde, il n'y avait pas de remède contre l'impureté du sang.