Depuis l’assassinat de sa famille au grand complet, Elber évoluait dans un brouillard permanent. Elle poursuivait le cours de sa vie de façon presque machinale, comme si rien de tout cela n’avait eu lieu. Son corps menait la barque, l’entrainant dans sa petite routine d’étudiante. Mais son esprit semblait être resté figé sur les flammes. L’incendie avait été d’une telle ampleur qu’il était difficile de ne pas croire à la théorie de l’assassinat. Le feu n’avait été que le moyen de maquiller les meurtres. Et derrière toute cette mise en scène, il ne pouvait y avoir qu’un seul nom ; celui de mangemort…

Pour son premier jour de stage, Elber était supposée se rendre au service « virus et microbes magiques ». Après être restée dix minutes devant le plan de Sainte-Mangouste, à analyser le chemin le plus adéquat pour parvenir jusqu’à son service, elle avait pris l’ascenseur. Le regard flou, elle avait observé les sorciers et sorcières monter un à un dans la cage, puis en redescendre tout en laissant leur place à de nouveaux venus. Ce n’était qu’après avoir effectué trois aller-retours entre le rez-de-chaussée et le quatrième étage, que la jeune fille était sortie de sa torpeur et avait enfoncé le bouton numéro deux.

Maintenant, Elber se retrouvait dans un couloir désert. Elle ferma les yeux un instant, tentant de chasser les flammes dansant devant ses yeux, puis inspira un grand coup. Il fallait qu’elle se réveille, qu’elle se concentre sur l’instant présent, qu’elle oublie tout ce qui pouvait parasiter son esprit ; sa maison, ses parents, son frère, l’Ordre, les mangemorts…
Pas un chat dans le service. Ni médicomage, ni patient. La jeune fille fit quelques pas, tendant l’oreille, tentant de percevoir le son d’une voix. Mais rien. Alors qu’elle pensait s’être trompée d’étage, Elber entendit un éclat de voix derrière l’une des portes du bout du couloir. Elle s’en approcha et frappa contre le battant. Puis, sans attendre de réponse, elle actionna la poignée…

HJ:

— Mais si, je te jure ! Et là, Strout lui a sorti « oh pardon Mrs Bishop, j'avais compris que vous aviez la varicelle du dragon, pas la variole ! »
Dans un nouvel éclat de rire, Rory but une gorgée de son café brûlant, dont la touillette s'activait énergiquement à l'intérieur, grâce à un sort. Dans la salle d’auscultation du deuxième étage, le jeune médicomage discutait avec un collègue, avant d'entamer sa tournée de consultations. Il lui fallait au moins ça, au moins un moment de détente, pour attaquer la journée qui l'attendait, surtout après avoir passé la nuit à l'hôpital. D'autant plus qu'on lui avait collé le service virus et microbes magiques dans les pattes ce matin, et les pathologies qui y étaient traitées n'étaient souvent pas des parties de plaisir. Comme par exemple la scrofulites, maladie dont souffrait le pauvre Janus Moroz, le premier patient que Rory était censé visiter. La seule vision de ses ganglions lymphatiques aussi enflés que des cognards et l'idée de la douleur que le pauvre homme devait ressentir tordait les boyaux du jeune médicomage.
Avalant d'une traite la dernière gorgée de son café, Rory s'apprêtait à quitter son collègue lorsque la porte s'ouvrit sur une jeune sorcière. Brune, élancée, avec de grands yeux bleus dans le flou, le Dr Wadge ne l'avait jamais vue - il s'en serait souvenu sinon ! - et la prit pour une patiente.
— Bonjour mademoiselle, la salle d'attente est de l'autre côté du couloir, juste en face !

HJ:

-Oh…
La jeune fille  resta quelques secondes interdite, la bouche légèrement entrouverte. Non pas parce que l’homme qui lui faisait face était au moins presque aussi plaisant à regarder que Dorkins mais plutôt parce qu’elle avait la sensation qu’il y avait méprise sur la personne. La prenait-il pour une patiente ou bien était-ce une habitude de la maison d’envoyer les stagiaires s’assoir dans la salle d’attente auprès des malades ? Peut-être était-ce une sorte de bizutage... Elber hésita, se préparant à refermer la porte mais elle se ravisa au dernier moment.
-Euh… Bonjour… En fait, je suis Elber Warnen, la nouvelle stagiaire. Je devais me rendre ici pour mon premier jour, enfin quand je dis ici, je parle du deuxième étage, parce qu’on ne m’a pas dit où je devais aller exactement et comme le deuxième étage est assez grand, j’ai tenté cette porte, un peu au hasard. Mais si vous voulez, je peux aller attendre dans la salle d’attente, moi ça me va aussi…
La jeune sorcière s’arrêta pour reprendre son souffle et fronça les sourcils. Elle n’avait pas l’impression d’avoir été très claire dans ses explications. De toute façon, depuis l’incendie, plus grand-chose ne paraissait être clair, aussi bien dans ses paroles que sans sa propre tête, tout lui semblait profondément lointain et nébuleux.
-Par contre, si vous pouviez m’indiquer où se trouve la machine à café, ça serait pas mal, génial même, ajouta Elber en désignant du menton le verre encore fumant posé sous le nez du jeune homme.

Comment Rory avait-il pu oublier le jour de la rentrée des internes ? Alors que la jeune femme s'apprêtait à partir, puis revenait sur ses pas et se présentait, l'illumination le frappa. Une autre le frappa tout de suite après ; il allait se voir attribuer des stagiaires, lui aussi. Peut-être la jolie Elber en question ? Quoiqu'il en soit, elle était sacrément bavarde ! Ou peut-être nerveuse ? Ou les deux. Le médicomage vola à son secours, profitant qu'elle reprenne son souffle.
— Autant pour moi, Elber, je vous ai prise pour une patiente ! Je peux vous appeler par votre prénom ? Je suis le docteur Rory Wadge, ajouta-t-il en tendant la main à la nouvelle recrue, lui souriant. Le tutoiement viendrait plus tard. Et voici le docteur Rastrick, fit-il en désignant d'un signe du menton son collègue qui salua à son tour la brune. Comme la jeune femme semblait un peu perdue et demandait après la machine à café, Rory sauta sur l'occasion. Vous savez quoi ? Venez avec moi, je vais vous faire visiter. Gordon, on se voit tout à l'heure ? dit-il à l'autre médicomage de la pièce qui lui fit signe de la main et hocha la tête. Rory ouvrit la porte et la tint à la jeune femme pour qu'elle le précède. J'ai quelques patients à voir pour la visite journalière, vous voulez m'accompagner peut-être ? Et on fera une pause par la machine à café au passage, fit-il en adressant un clin d’œil à Elber.

Alors qu’Elber, soulagée d’avoir trouvé un point de chute pour le début de son stage, assurait au Docteur Rory Wadge qu’il pouvait tout à fait l’appeler par son prénom, elle se demanda de son côté comment elle devait appeler le jeune médicomage. Docteur Rory Wadge ? Ou juste Docteur Wadge ? Ou encore Rory, tout simplement… Quel dilemme. Tout à sa réflexion, Elber serra la main du jeune homme et salua d’un vague signe de tête son collègue.

La jeune fille qui pensait tomber sur un vieux médicomage sénile semblable à ceux leur faisant cours à l’école supérieure de magie était rassurée sur ce point. Le Docteur Wadge avait certainement six ou sept années de plus qu’elle, était joli garçon, souriant et plutôt décontracté, ce qui finit de mettre à l’aise la jeune sorcière. Il lui proposa une petite visite guidée du service, ce qu’Elber approuva d’un hochement de tête. Alors qu’elle pensait le plus difficile derrière elle, que tout allait pour le mieux maintenant qu’elle avait plongé dans le grand bain, dans la réalité, ce fut la douche froide. Un seau d’eau glacée versé sans ménagement sur sa tête et dégoulinant jusqu’aux orteils. Etait-ce son imagination qui lui jouait des tours ou bien le Docteur Wadge venait-il réellement de prononcer le prénom de son défunt père, Gordon…

A nouveau les flammes dansèrent devant ses yeux. Puis la scène, toujours la même, se rejouait inlassablement dans son esprit. Son arrivée trop tardive sur les lieux, la découverte que les sorts de défense autour du domicile avaient été levés et le brasier gigantesque dans lequel se consumait sa famille. Elle se revoyait hurler tout un tas de sortilèges, tentant vainement d’éteindre les flammes, ne se préoccupant nullement des regards effarés des voisins. Puis à bout de souffle, elle tombait à genou dans son jardin, les yeux rivés sur le sol, n’osant plus faire face à la réalité.

Il ne s’était passé que quelques secondes pendant lesquelles la jeune fille, le regard vide, s’était perdue dans ses cauchemars. Le souffle court, Elber serra les mâchoires, tentant de dissimuler son trouble. Le docteur Wadge, égal à lui-même, tenait la porte de la salle de consultation ouverte, invitant la jeune sorcière à sortir. Elle n’avait pas saisit toutes les paroles du médicomage mais elle lâcha un sourire crispé en réponse au clin d’œil du jeune homme.
-Avec plaisir, lança-t-elle un peu au hasard, ne sachant pas vraiment dans quoi elle allait s’embarquer. La jeune fille passa le seuil de la porte. La Wizz a annoncé hier une épidémie de gale pailletée, vous en avez quelques cas dans le service ? demanda-t-elle sans grande conviction, plus pour masquer sa gêne que par réel intérêt pour les pauvres patients dont le corps se recouvrait au fil des jours d’une multitude de paillettes dorées.

Rory n'avait que très peu fait attention à la petite hésitation de la jeune Elber, qu'il cru d'abord avoir imaginé, puis mis sur le compte de la nervosité typique du premier jour. Lui-même se rappelait très bien de son premier jour ; son flegme et sa décontraction habituels n'avaient été qu'une façade pour cacher son trac, mais mis rapidement à l'aise à l'époque par un certain Dr Jones entre autre, le pli avait rapidement été pris. Alors qu'ils procédaient côte à côte dans le couloir, Rory saluait quelques collègues qu'ils croisaient, et leur présentait la jeune recrue comme « l'une des nouvelles stagiaires ». Qui d'ailleurs, sur le ton de la conversation, parla de l'épidémie de gale pailletée dont elle avait entendu parler à la radio magique, et Rory lui décocha un regard en coin admiratif.
— Eh bien, tu es bien renseignée Elber ! fit-il après un sifflement appréciateur qui se voulait rassurant. Si tous nos petits jeunes pouvaient l'être autant... Effectivement, nous avons deux cas à l'hôpital cette semaine, mais pris au premier stade, donc à temps. Ils ont passé trois jours dans la salle de quarantaine histoire d'éviter les contagions. Pas que ce soit douloureux, mais certaines personnes n'apprécient pas trop de briller comme des boules de noël ! ajouta-t-il en riant légèrement.
Poursuivant à travers le dédale de couloirs de l'hôpital, Rory guida sa jeune compagne à travers le deuxième étage pour la familiariser avec les lieux, puisqu'elle y avait été affectée.
— Comme indiqué tout à l'heure, à partir d'ici si tu continues tout droit face à toi, c'est la salle d'attente. Comme son nom l'indique, c'est ici que tu viendras chercher tes patients. Tournant à gauche, le jeune médicomage ouvrit la seconde porte, celle de la salle de pause du second étage. Et voici la fameuse machine à café ! C'est ici que tu pourras... Ah, salut Glenn ! Je te présente Elber Warnen, l'une de nos stagiaires. Elber, voici le Dr Goldstein, Guérisseur-en-Chef du service, présenta le jeune médicomage. Tournant le dos à la jeune femme, Rory saisit un gobelet et se positionna face à la machine. Tu le veux court ou long ? Du lait ?