Les pas de la Pousouffle résonnaient dans tout le couloir, désert à cette heure-ci. Normal, songeait-Luzia, la cloche avait retenti depuis longtemps et les élèves étaient déjà tous en classe. La jeune fille traînait des pieds - et pour cause, elle se rendait à un cours théorique d'astronomie, ce qui ne l'enchantait guère.
Son sac retenu par une épaule faisait à chacun de ses pas un petit bruit lorsqu'il venait se cogner contre sa hanche.

Pressant le pas - car il ne fallait pas non plus exagérer - Luzia déboucha sur un nouveau couloir qu'elle se mit à longer. Au bout de ce dernier, il lui faudrait emprunter un petit escalier dont les marches de pierres, usées par le temps, n'étaient plus tout à fait droites. A ces pensées, l'étudiante sourit. Voilà sa sixième année à Poudlard ; elle commençait à connaître par cœur certains de ses recoins. Elle commençait même à connaître l'emplacement de certaines armures et de quelques tableaux. Bien-sûr, elle savait que, de toute manière, Poudlard lui offrirait toujours des surprises.

D'un coup d’œil rapide, elle regarda sa montre et vit qu'elle avait déjà plus de cinq minutes de retard. Voilà ce qui n'allait pas arranger ses notes en astronomie ! C'est alors que, au tournant d'un autre couloir, un élève déboucha sur celui que traversait Luzia. Elle n'eut que le temps de voir qu'il était grand et blond et de Serpentard car elle baissa aussitôt la tête, ne voulant absolument pas croiser son regard. Même à 16 ans et le plan de Poudlard gravé dans sa mémoire, Luzia restait une grande timide.

Rouge comme une tomate, la jeune fille poursuivit son chemin en regardant le bout de ses pieds évoluant sur le sol dallé de pierres.

Grande fut la surprise de Luzia lorsque, tout d'un coup, juste en face du bout de ses pieds, elle vit d'autres bouts des pieds. Elle percuta la personne sans même avoir eu le temps d'interrompre sa marche. Son vis-à-vis ne dit rien et ne semblait pas non plus disposé à s'écarter d'elle. Luzia leva alors la tête et vit qu'un grand garçon blond lui barrait le passage.
Le temps de jeter un coup d’œil à sa robe - et de voir qu'il était à Serpentard - puis de jauger ses traits durs et froids, et la jeune fille le reconnut immédiatement. C'était le jeune homme qui avait interrompu la conversation qu'elle tenait avec Lyleïa dans la volière, voilà maintenant quelques jours. Celui que la Serpentard avait appelé " Dyl ".

Luzia n'aima pas son regard et elle se raidit lorsqu'il lui dit avec suffisance :

- Tu n'iras pas plus loin !

La Poufsouffle resta quelques secondes hébétée, ne sachant ni que dire ni que faire. Pourquoi lui parlait-il ainsi ? Grand et imposant, le Serpentard lui barrait le passage. Aussi Luzia savait-elle qu'il était inutile de forcer le passage en le bousculant. Elle n'avait pas assez de force. Personne ne passait dans les couloirs, ils étaient absolument seuls et elle devait sortir de cette situation toute seule. Etonnament, lorsqu'elle parla, sa voix lui sembla à l'oreille absolument calme.

- Excuse-moi, je ne regardais pas devant moi. Je ne voulais pas te percuter.

Elle s'efforça à rester polie et à garder son sang-froid. Elle sentait que son vis-à-vis lui voulait du mal, mais elle ne comprenait pas pourquoi. A la volière, il s'était montré agréable, tenant même à ce que Lyleïa lui présente la Poufsouffle. Luzia tentait seulement de gagner du temps et de calmer les tremblements qui commençaient à lui secouer le corps. Elle n'était vraiment pas en confiance mais sentait qu'il ne fallait pas le montrer - déjà qu'elle avait du mal à soutenir le regard perçant du septième année...

Une angoisse montait en elle, sourde et piquante, de même que son incompréhension. Qu'est-ce qu'il attendait d'elle, exactement ?

Devant elle, Dylhan s'imposait, grandissant et mangeant tout l'espace. Et Luzia, pour sa part, se sentait devenir de plus en plus petite. L'angoisse commençait déjà à lui serrer la gorge et cela ne s'arrangea pas lorsqu'il lui dit d'un ton sec :

- Un conseil, si tu ne veux pas qu'il t'arrive d'autres "malheurs", cesse de chercher les coupables !

Luzia tiqua à ses mots. Dylhan savait. Il était au courant que l'Espagnole cherchait ses agresseurs et il les connaissait - cela ne faisait aucun doute. De suite, la jeune fille pensa que Lyleïa l'avait dénoncé ; elle était proche des Yordanov, en même temps. Mais, très vite, la Jaune se souvint de l'arrivée impromptue de Dylhan à la volière, alors qu'elle était précisément en train de demander de l'aide à Lyleïa. Il devait sûrement avoir tout entendu.

Elle se maudit de n'avoir pas jeté un sortilège de silence sur la porte ce jour-là.

Luzia fronça les sourcils. Elle avait toujours peur, mais la certitude de tenir enfin une piste lui donnait un œil neuf sur la situation.

- C'est toi, n'est-ce pas ?

Elle n'attendit même pas la réponse.

- Tu dois être fier de t'être attaqué avec tes amis à une fille lorsqu'elle avait le dos tourné. C'est tellement courageux.

Son cœur battait à tout rompre et elle avait les mains moites. Elle savait que Dylhan pouvait la frapper et qu'elle ne pourrait alors rien contre lui. Heureusement, elle avait sa baguette dans sa poche. Elle planta son regard dans le sien, s'efforçant à le fixer, puis demanda :

- Pourquoi avoir fait ça ?

C'était un cauchemar, un véritable cauchemar, songeait Luzia en regardant à chaque coins du couloirs qui restait désespérément vide.

-Tu te trompes, murmura Dylhan, je n'étais pas là lors de l'attaque. Je ne fais que couvrir des personnes aux intentions ... Honorables.

Honorables ? Par ce qu'il y avait quelque chose d'honorable dans le fait de torturer quelqu'un ? Luzia serra le point autour de sa baguette, toujours rangée dans sa poche. Elle avait bien envie de lui jeter un sort et de s'enfuir en courant pour aller se réfugier dans son dortoir. Mais, en même temps, Dylhan lui livrait peu à peu des indices. Il confirmait tout d'abord la thèse selon laquelle c'était bien des Serpentards qui l'avaient coincée dans les toilettes des filles. Et il savait qui. Il était en train de les couvrir. De plus, Luzia semblait ne pas avoir été attaquée par hasard, bien au contraire. Et voici qu'il lui donnait encore des précisions, son visage tout près de celui de l'Espagnole.

- Mais parce quand on crée un sort de magie noire il faut bien le tester sur quelqu'un. Tu ne peux rejeter la faute que sur l'impureté de ton sang.

C'était comme si on venait de lui arracher les tripes. Des larmes perlèrent à ses paupières. Ainsi, on lui avait jeté ce sort parce que sa mère était une moldue ? C'était tellement... injuste.
Ces dernières années, de plus en plus de sorciers semblaient accorder une importance au sang. Comme s'il y avait des rangs dans le monde sorcier. Les sang-purs étant les nobles - et tout le monde sait que les nobles s'accordent tous les droits. Sa mère, professeur d'Histoire de son état, avait pour coutume de dire que le rejet d'un groupe de personne par un certain groupe de personne laissait annoncer toujours une grande crise. Jusqu'où irait cette folie autour de la généalogie de chaque sorcier ?
Une grande lassitude envahit soudainement Luzia. Certes, ce n'était pas la première fois que des Serpentards venaient l'embêter à cause de son sang. Elle n'était alors pas à la seule à subir leurs railleries - qui d'ailleurs n'étaient que des railleries.

Sauf que là, c'était nettement différent. S'en prendre à elle, par deux fois, alors qu'elle se trouvait seule. On s'en était pris à elle pour des raisons... racistes ! Devant le Serpentard, si imposant et si sûr de lui, elle ne savait même plus quoi faire. C'était trop... choquant. Elle parvint pourtant à articuler faiblement :

- Pourquoi accorder tant d'importance à quelque chose qui n'en a pas ? Et puis, en quoi suis-je responsable de mon sang ? Il coule dans mes veines, c'est tout... Exactement comme le tien. Ni plus ni moins que le tien.

En voyant le regard du Serpentard noircir et sa mâchoire se serrer, Luzia comprit qu'elle était allée trop loin. Ce qui lui semblait une simple justification était pris pour une insulte. Le jeune homme la prit par les épaules et la plaqua contre le mur. Sa colonne vertébrale heurta les pierres froides et elle eut, un petit moment, le souffle coupé.

- Toi et moi on auras jamais le même sang, rugit Dylhan. Avise toi une seule fois encore de l'affirmer et se sera pas le mur qui te fera mal.

Luzia déglutit avec difficulté. Elle avait peur. Réellement peur. Dylhan avait de la force et la main de l'Espagnole, crispée sur sa baguette, refusait de sortir de sa poche. En un mot, elle était à la merci du Serpentard, incapable de faire quoi que ce soit de sensé pour se sortir de là. Cependant, presque imperceptiblement, tous deux entendirent des bruits de pas. Sauvée ! Dylhan ne se démonta pas pour autant. Saisissant son menton avec sa main, il força Luzia a le regarder, elle qui zieutait avec espoir le bout du couloir. Un élève, un prof - ou même Picott, peu importe, pourvu que cela cesse.
Elle essaya donc de soutenir le regard de Dylhan ; il faut dire que leurs visages étaient si proches, qu'hormis en fermant les yeux, elle ne pouvait faire autrement.

- Cette fois je suis sérieux ! Ne tente pas de rechercher les coupables sinon tu me retrouveras sur ton chemin. Ah et je te déconseille de me dénoncer aussi parce que, tu sais, une famille de sang-mêlé ça peut bien vite disparaître sans que personne s'en soucie.

¿ qué, es serio? (*) se demanda Luzia en fronçant les sourcils. C'était le monde à l'envers. Lui, sixième année, Yordanov, ou pas, se pensait capable de mettre sa famille en danger ? Alors que le père même de Luzia occupait un poste au Ministère ? C'était ridicule !

Et pourtant, tout au fond d'elle-même, Luzia entendait une petite voix, celle de l'angoisse, qui la ramenait à la réalité. Ces temps-ci - il suffisait de lire la Gazette, ou d'écouter la Wizz radio - on notait beaucoup de disparitions en Grande Bretagne. Certaines personnes étaient retrouvées mortes, loin de chez elles. Parfois, c'étaient des familles entières qui étaient décimées. Et on ne trouvait jamais les coupables. Que faisaient les Aurors ? Et pourquoi le Ministère semblait-il incapable de ramener l'ordre au sein de la société magique ?
Puis la jeune fille comprit que c'était parce qu'il y avait quelque chose - ou quelqu'un - qui tirait les ficelles. Et cela ne déplaisait pas aux Serpentards.

Peut-être que les sang-mêlés étaient réellement en danger.

Puis, aussi soudainement qu'il lui avait sauté dessus, Dylhan la lâcha, un sourire au coin des lèvres. En quelques secondes, il avait bifurqué à un angle d'un autre couloir, laissant Luzia seule avec sa peur. Cette dernière, tremblant comme une feuille face au vent, se laissa glisser le long du couloir. Sa main serrait toujours sa baguette, mais la jeune fille savait que le jeune homme était parti. Alors, se moquant bien de tomber sur Picott ou un professeur qui lui demanderait pourquoi elle n'était pas en cours, Luzia ramena ses genoux sous son menton et, laissant libre cours à son angoisse, elle se mit à pleurer...

Spoiler:

* Quoi, il est sérieux ?