C'est avec un sourire satisfait que Meryl referma son dossier et reposa sa plume sur le bureau. Le séminaire se clôturait et l'équipe de Meryl venait d'obtenir ce qu'elle voulait : depuis le détournement du Poudlard Express à la fin du mois de Juin, le département des transports magiques étaient en ébullition. Personne n'avait compris ce qu'il s'était passé, ni comment les partisans du Mage noir avaient réussi à faire une telle chose sans que personne n'ait vu quoi que ce soit. Les enquêtes avaient révélé une préparation minutieuse et pointé du doigt la négligence du département des transports magiques. Désormais, ces transports devaient non seulement être protégés des moldus, mais aussi des sorciers. Le séminaire venait justement de mettre au point un projet de loi destinant à créer une brigade spéciale qui protègerait jour et nuit le réseau de chemin de fer sorcier. C'était désolant et révoltant d'en venir à de telles extrémités, mais ce qui était arrivé cet été ne devait plus jamais se reproduire.

Jetant un coup d’œil à sa montre, Meryl vit qu'il était une heure de l'après-midi. Son ventre criait famine et elle avait soif. La réunion s'était terminée à l'heure, mais la bureaucrate avait l'impression d'y avoir passé des heures. Il était temps de filer au P'tit Chaudron pour déguster une salade que lui aura préparé son compagnon. Depuis que les enfants avaient été mis au courant, Meryl s'affichait avec Mr Spencer. Cela lui faisait du bien d'avoir fait éclater la vérité au grand jour. Même si le secret rendait la relation trépidante, c'était usant de devoir se cacher, et d'avoir l'impression de trahir ses enfants.

Ses talons claquant sur le sol de marbre noir du hall du ministère, Meryl se dépêchait de gagner les cheminées. Elle était toutefois retardée par les nombreuses connaissances qu'elle avait, qui lui demandaient comment s'était déroulée la réunion - car tout le monde suivait avec attention le dossier - ou bien qui lui demandaient des nouvelles de ses enfants.

- Les filles vont bien, répondit Meryl à une collègue avec un sourire. Il faut absolument qu'on se fasse un dîner ! Je t'envoie une note pour qu'on en décide !

Elle salua Wendy et, calant son dossier contre sa hanche, elle reprit sa route. C'est alors qu'elle remarqua, à quelques mètres de là, une silhouette familière. La chevelure de feu, un teint marmoréen, c'était bien sa cousine, Morgan Moon qui se tenait dans le hall, aussi gracieuse qu'une danseuse d'opéra. Meryl se dit qu'elle attendait son nouveau mari, mais Morgan la fixait des yeux. Comme si... c'était elle qu'elle attendait.

Meryl n'avait pas vu Morgan Moon depuis... depuis des années en fait. Le mariage de Meryl avec David, le choix des prénoms des filles... Tout cela avait considérablement ruiné les relations entre Meryl et sa famille. Bien-sûr, la bureaucrate savait bien qu'elle n'était pas toute blanche dans l'affaire...
Elle s'approcha de Morgan, le cœur battant, mais tout en gardant contenance.

- Morgan, quelle surprise ! Tu cherches quelque chose ?

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Morgan Moon sourit sincèrement à Meryl qui se sentit soudainement rassurée. C'était peut-être idiot, mais la bureaucrate redoutait chaque fois qu'elle rencontrait quelqu'un de sa famille. Personne n'avait digéré son éloignement, et elle, elle se sentait mal-à-l'aise devant les Moon, même si elle assumait totalement ses actes. Malgré les embrouilles, les Moon savaient sauver les apparences. Ils étaient toujours cordiaux entre eux, la froideur camouflée sous une grand affabilité - aussi les employés du ministère qui gravitaient autour d'elles ne pouvaient douter qu'il s'agissait là des retrouvailles.
- J’espérais te croiser en accompagnant Minerva, dit Morgan. Je n’ai pas encore déjeuné, et si tu n’as rien de prévu peut-être pourrions-nous déjeuner ensemble ?

Les sourcils de Meryl se haussèrent légèrement. Elle eut une seconde d'hésitation, non pas parce qu'elle n'en éprouvait pas l'envie, mais juste parce qu'elle sentait bien que sous cette invitation, il y avait anguille sous roche. Après tant d'années, une reprise de contact aussi franche ne pouvait être que... louche. Et en même temps... Depuis son divorce avec David, Meryl se sentait seule. Elle avait dû gérer seule les filles quand elles ne voulaient pas voir leur père. Il avait fallu gérer sa propre douleur ainsi que celle de ses filles, gérer les repas, les emplois du temps, apprendre à vivre avec un seul salaire... Si elle avait pu avoir sa famille pour l'épauler à ce moment-là, tout aurait été plus facile. Alors, ce repas, ce n'était vraiment pas de refus.

- Avec plaisir, répondit Meryl en se fendant d'un sourire. J'allais justement déjeuner au P'tit Chaudron, si tu connais.

Elle ne dit pas qu'il s'agissait du restaurant tenu par son nouveau compagnon. Elle le lui dirait en chemin, plus tard, quand elle serait plus à l'aise, bien qu'elle sût parfaitement que Morgan était au courant. Et puis, sa cousine ne venait-elle pas elle aussi de se ranger avec un autre homme que son premier mari ? Finalement, malgré leur différence de caractère, les deux cousines avaient de nombreux points communs.

Les deux femmes avaient commencé à se diriger vers la sortie. Le Ministère se trouvait à deux rues du Chaudron Baveur aussi optaient-elles naturellement pour une petite marche à pied, idéal pour reprendre contact. Un petit silence flotta entre elle, mais Meryl le rompit :

- Tu voulais donc me voir ?

Elle était en effet curieuse de savoir l'objet de la visite de Morgan. Vu la tournure de la rencontre, les Moon venaient en paix, mais il restait à savoir pourquoi....

A la question de Meryl, Morgan répondit avec une rapidité. Ses mots fusèrent de sa bouche avec une franche. Meryl aurait pu en être déroutée, mais elle reconnaissait bien là sa cousine, bien connue pour ne pas tourner autour du pot. Si, bien des années avant, cette franchise avait scellé la rupture entre Meryl et les Moon, aujourd'hui, c'était exactement ce que la brune attendait.

- J’ai appris que tu n’es plus Mrs Gardiner, dit-elle. Il est temps pour toi de retrouver ta place, Meryl.

Cette dernière ne répondit pas tout de suite. Elle s'effaça sur le trottoir pour laisser passer un trio d'hommes d'affaires bien trop occupés pour faire attention à ne pas rentrer dans les autres passants. Certes, Meryl avait divorcé de David depuis maintenant un an. La séparation avait été douloureuse et chaotique, brutale aussi. Elle s'était alors rendue compte à quel point elle était seule, sans autre soutient que Lucrésia et Nestor, sans famille, puisqu'elle avait rompu avec la sienne, et qu'elle ne pouvait pas demander quoique ce soit aux Gardiner. Jenny était à Poudlard, mais Célia et Ludivine avaient vu leur mère tomber très bas l'espace de quelques mois.

- Nous te considérons toujours comme une Moon, reprit Morgan. Et tu sais aussi bien que moi que les Moon ne renient jamais les leurs. C’est ce qui fait notre force et nous rend aussi puissants. Je reconnais que nous n’avons pas réservé un accueil chaleureux à David, mais tu nous as tourné le dos, et tu as privé tes filles de leur famille.

Il était impossible de ne pas sentir dans la voix de sa cousine un ton de reproche.
- Rejoins-nous Meryl, toi et tes filles. Le sang pur, l’argent et les relations des Moon peuvent beaucoup pour elles, et tu le sais. Ne les prive pas de tout cela.

Quatorze ans auparavant, Meryl aurait répliqué. L'expérience lui avait appris à prendre les choses avec plus de recul. Et puis, les voilà devant le restaurant. Meryl poussa la porte et se trouva de suite enveloppée par la chaleur des lieux et les odeurs de bonne nourriture. Le P'tit Chaudron était un endroit confortable et convivial. Rien à voir avec les grands restaurants chics, mais il avait le mérite qu'on s'y sente à l'aise. Un homme surgit alors d'une porte. Grand, brun et jovial, il vint à la rencontre des deux femmes. C'était Nestor Spencer, le nouveau compagnon de Meryl, l'homme qui lui avait fait reprendre pied et qui lui rendait maintenant une vie de femme. Ils s'embrassèrent rapidement puis Meryl lui présenta Morgan.

- C'est ma cousine, Morgan, voici Nestor Spencer, mon nouveau compagnon.

Elle se tourna vers le restaurateur et lui glissa.

- On sera deux, ça te va ?

Nestor les invita à s'installer à une petite table, non loin d'un feu de cheminée, et s'éloigna. Le temps de s'asseoir et de poser ses dossiers par terre, et Meryl répondit :

- Je sais bien que les Moon ne renient jamais les leurs, mais c'est tout comme... Je sais très bien ce qui est arrivé à Melody. Je serai moi-même allée au mariage, mais j'ai eu un empêchement. Les Moon ne renient jamais, mais je sais très bien que je n'occuperai plus jamais la même place qu'avant, même si je me pliais en quatre.

Meryl parlait avec douceur, pour montrer à Morgan qu'elle n'avait aucune rancœur, mais qu'elle n'était pas dupe pour autant.

- Ceci dit, en ce qui concerne mes filles, je suis d'accord avec toi. Avec tout ce qu'il s'est passé, le divorce, et cet été terrible, plus que jamais elles ont besoin d'une vraie famille.

L'affaire de l'institut avait été terrible pour Meryl qui n'avait pas pu retrouver sa fille. Savoir Jenny là-bas, sans aucun moyen de la contacter l'avait mise dans tous ses états. S'il n'y avait pas eu Nestor, qui, avec Dowey et Cornelia, connaissait les mêmes angoisses... Les Moon avaient une très grande influence. Rien qu'avec ça, Jenny, Célia et Ludivine auraient été en sécurité. Seulement, il fallait reconnaître que Meryl avait élevé ses filles davantage à la mode Gardiner que Moon... Elle n'avait pas voulu enseigner à ses filles les valeurs d'une familles qui n'avait pas voulu des siennes...

- Je ne veux plus qu'il leur arrive une pareille chose, Morgan, appuya Meryl, je veux qu'elles puissent tenir les autres en respect.

Elle inspira alors, comme Nestor venait avec les menus. Les deux femmes se saisir des cartes et se plongèrent dans l'étude des différents plats.

- Mais bon, fit Meryl au bout d'un moment, j'imagine qu'il va y avoir des contreparties, n'est-ce pas, pour l'entrée des filles au sein du clan ?

Rien n'était gratuit, et Meryl le savait très bien.

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Menus en main, Meryl et Morgan n'y prêtaient pourtant aucune attention. Elles échangeaient sur Melody, que Meryl croisait parfois dans les couloirs du ministère et avec qui elle échangeait quelques mots à ces occasions.

▬ Je lui ai envoyé une lettre à la naissance de son fils, elle n’y a toujours pas répondu, fit remarquer Morgan, visiblement contrariée par l'attitude de sa cousine.

Meryl inspira profondément. Il s'agissait de Melody, dont le caractère débridé laissait peu de place à la fantaisie et aux sentiments. Melody était une acharnée du travail et il était hors de question pour elle de ralentir sa carrière pour des histoires de familles. Qu'elle se marie avait étonné Meryl. D'un autre côté, la bureaucrate comprenait sa réaction envers Morgan : c'était certes dur, mais c'était une façon de faire comprendre qu'elle ne désirait pas de la pitié des Moon. Meryl avait aussi réagi comme ça, trois lustres auparavant. Si elle s'était emportée contre Morgan, c'était bien parce qu'elle prenait les marques d'affection de sa cousine pour de la pitié. Meryl, alors n'avait pas besoin de ça. Elle avait été blessée que les Moon n'acceptent pas David, l'homme qui la rendait heureuse et qui ne voyait pas en elle qu'une Sang-pur fortunée. Les Moon formaient un clan resserré et tenaient tellement à leur image que leur intrusion dans les histoires sentimentales de chacun de ses membres était inévitable. Et pour des femmes telles que Meryl et Melody, c'était insupportable, surtout si cette intrusion était suivi d'un bilan peu enthousiaste... Meryl aurait voulu expliquer tout cela à Morgan, sans lui faire de reproche - Morgan était peut-être une des plus compréhensives des Moon - mais juste pour lui montrer que des gens pouvaient faire et penser différemment qu'eux. De toute façon, Mrs Avery revenait sur le sujet qui les intéressait toutes les deux : le retour de Meryl et de ses filles au sein du clan. Selon elle, bien des Moon les soutiendraient. Meryl savait d'ores et déjà qu'elle pouvait compter sur sa cousine et, espérait-elle, ses propres parents, qu'elle n'avait que très peu vus ces dernières années...

Elles en vinrent donc à la question des contreparties. Morgan prit la parole, fixant Meryl dans le blanc des yeux, entamant un discours manifestement rodé. Ce qui était embêtant, c'était l'impureté du sang des filles et le choix de leur prénom. Meryl ne tiqua pas, sachant depuis le début que ces deux aspects lui seraient reprochés comme des tares. En fait, les filles devraient faire leur preuve car elles seraient considérées comme étant des Moon inférieures. C'était idiot, pensait Meryl, mais enfin, elle n'avait pas vraiment le choix. Elle avait confiance en ses filles et ne doutait pas de leur réussite. Célia, plus effacée que les deux autres, aurait peut-être plus de mal, mais nul doute que cette épreuve lui ferait prendre davantage confiance en elle.

▬ Je ne veux pas que tu regrettes ton choix, prévint Morgan.

Meryl secoua la tête. C'était un mal pour un bien. Depuis le divorce, la famille des filles avait explosé. Jenny retrouvait ses cousins Gardiner à Poudlard, mais Célia et Ludivine, qui n'avaient pas voulu aller chez leur père pendant plusieurs mois, s'étaient éloignées de leurs parents Gardiner. Célia lui avait fait part de sa solitude, quelques semaines avant la fin de l'année scolaire. Solitude que ne pouvait combler ni Meryl ni ses copines d'école. Meryl était depuis lors convaincue que ses filles avaient besoin d'une vraie famille, même si, pour cela, elles devaient s'en montrer dignes. A ce moment-là, Nestor revint, un plateau chargé d'apéritif. Meryl le remercia et s'excusa : ni elle ni Morgan n'avaient choisi leur plat. Nestor sourit, assurant qu'il reviendrait plus tard.

▬ Minerva s’occupera des filles, reprit Morgan après une gorgée de vin. Elle leur apprendra tout ce qu’elles doivent savoir, et tu n’as pas de souci à te faire en ce qui concerne leur sang. Minerva fait peu de cas de la pureté du sang. Nous te soutiendrons matériellement également, et nous ferons en sorte que les filles ne manquent de rien pour mettre en avant leur sang Moon.

Meryl notait tout cela dans sa tête. Minerva... Elle n'avait pas une dizaine d'année la dernière fois que Meryl l'avait vu ! Ce devait à présent être une jeune femme aussi belle que sa mère. Quant au soutien matériel, l'ex Mrs Gardiner songea que son salaire était loin d'être ridicule et lui permettait un train de vie plus que décent - certes pas aussi élevé que l'aurait souhaité le clan...

▬ Nous espérons également célébrer très prochainement ton union avec Nestor Spencer.


Celle-là, par contre, Meryl ne l'avait pas vu venir. Et pourtant, Morgan était sérieuse. Meryl avala sa gorgée de vin, prenant le temps de ne pas s'étouffer, et s'essuya les lèvres avec la serviette en tissu. Ses joues chauffaient - elle avait probablement rougi comme une adolescente ! Elle regarda autour d'elle pour s'assurer que Nestor n'était pas dans le coin et qu'il n'avait rien entendu.

▬ Me marier ? s'exclama-t-elle à demi-voix. Je dois t'avouer que ce sujet n'a pas du tout été abordé entre nous. Nous venons juste de nous mettre ensemble - les enfants sont à peine au courant, en fait... Et puis, nous avons tous deux vécu des divorces difficiles... Pour tout te dire, nous venons à peine d'évoquer la possibilité de vivre ensemble, ici à Londres.

Meryl se passa la main dans les cheveux, gênée d'avoir à se justifier à ce sujet.

▬ J'ai besoin de temps, et Nestor aussi. Lucresia, son ex-femme, est devenue folle - j'imagine que tu es au courant. Il tient à préserver ses enfants. Nous allons prendre notre temps... le "très prochainement" n'est donc pas d'actualité. Pour le moment.

Pour le moment, car Meryl ne tenait pas à refaire les erreurs du passé en se montrant trop catégorique. Elle voulait montrer à Morgan qu'elle était de bonne volonté, mais que cela n'irait pas au détriment de sa nouvelle vie qu'elle était en train de construire.

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De suite, Meryl vit le regard de Morgan refroidir, tandis que son sourire, s'étirant, devenait à chaque instant plus carnassier. La bureaucrate songea alors que jamais, depuis qu'elles s'étaient saluées dans le hall du ministère, Morgan n'avait eu un air aussi... moonesque. En un rien de temps, Meryl se retrouva une quinzaine d'années auparavant, à cette fameuse dispute qui avait enterré la relation bienveillante qu'elles entretenaient l'une envers l'autre. Meryl retrouvait la froideur et l'attitude calculatrice et elle aurait presque frissonné si elle n'avait pas pensé à l'avenir de ses filles. Elle devait se tenir. Même lorsqu'elle entendait dire du mal de Lucresia, qui avait tout de même été une amie...

▬ Triste affaire, mais qui arrange les tiennes. Si mes souvenirs sont exacts toi et David fréquentiez déjà les Spencer lorsque vous étiez encore mariés.

C'était profondément blessant. Comme si Meryl avait profité de la folie de Lucresia pour mettre le grappin sur son ex-mari ! Comme si elle n'avait pensé qu'à ses propres intérêts en se mettant avec Nestor ! C'en était dégoûtant.

▬ Je vais être plus claire Meryl, fit Morgan sur un ton péremptoire. Ce qui est arrivé à Lucresia Spencer n’est que la conséquence de son mode de vie, à elle et Nestor. Ils sont considérés par les familles les plus conservatrices comme traîtres à leur sang, tout comme toi. Elle a servi les intérêts du Seigneur des Ténèbres, voilà tout.

Voilà tout. Meryl inspira grandement et, se saisissant de son verre, le porta à sa bouche pour engloutir le vin frais d'une lampée. C'était un peu fort, ça piquait, mais cela l'aida à faire passer la pilule. La mâchoire serrée, elle laissa le soin à Morgan de poursuivre. Ses années de travail au Ministère lui avait appris à garder contenance, quelles que soit les bêtises qu'on lui disait ou les ordres impossibles qu'on lui donnait. Ironiquement, Meryl avait appris sur le tard à devenir une vraie Moon en sachant contrôler, du moins en apparence, ses émotions. Morgan poursuivait, insistant sur les alliés qui n'apporteraient que du bon à ses filles et à elle-même si elle affichait clairement sa volonté de revenir au sein du clan en se mariant avec Nestor Spencer, sang-pur de son état. Meryl était sûre d'aimer Nestor - mais jusqu'à quel point pourra-t-elle considérer qu'elle ne se servait pas de lui ?

▬ Aucune famille conservatrice ne voudra de toi et des filles, et d’ailleurs ce n’est pas plus mal, en toute logique, et après avoir trahi ton sang, tu ne peux espérer mieux qu’un modéré complaisant, ou un traître à son sang. Mais dans tous les cas c’est le message qui compte. Nous ne te demandons pas de l’épouser sur le champ, mais d’y réfléchir. En attendant votre décision nous nous occuperons des filles.


Meryl inclina la tête. Morgan semblait en venir à un semblant d'accord. Du moins en ce qui concernait le mariage - peut-être avait-elle plusieurs mois, un an, un an et demi ? Meryl se rendit compte alors que jamais elle n'avait demandé l'avis de Nestor sur le mariage. Peut-être refuserait-il catégoriquement de se lancer une deuxième fois dans cette aventure alors que sa première union avait failli ? Et les enfants ? Dowey et Cornelia l'accepteraient-ils comme belle-mère, si peu de temps après le drame qui avait touché Lucresia ?
D'ailleurs, Nestor revenait vers elles pour prendre la commande. Il offrait à Meryl une pause opportune.

▬ Une salade Cesar, s'il te plaît, commanda-t-elle avant de laisser Morgan choisir son plat.

Nestor s'en alla quelques secondes plus tard, libérant les deux femmes des menus.

▬ Je vais lui en parler, commença Meryl, un peu radoucie, mais je pense effectivement que ça ne sera pas pour tout de suite. Quant aux filles, Minerva peut s'en charger dès qu'elle est disponible. Jenny et Celia rentrent pour les vacances de la Toussaint, ce peut être l'occasion de faire une rencontre entre les filles et Minerva ?

C'était volontairement que Meryl évitait de rebondir sur le discours de sa cousine au sujet du Mage Noir, en ramenant la conversation sur ce qui l'intéressait réellement : la protection de ses filles.

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Meryl ne put s'empêcher de pouffer lorsque sa cousine fit allusion à Tiberius, sur qui elle comptait pour perdre l'excès du repas. C'était étrange d'être là avec elle, à rire comme au bon vieux temps, comme si elles ne s'étaient jamais disputé. Meryl se promit de suite de revoir la nouvelle Mrs Moon pour une soirée qu'elles passeraient toutes deux à parler de leur vie. Elle voyait qui était Tiberius - qui ne le savait pas, d'ailleurs - et parfois, Meryl le craignait. Il n'y avait qu'une femme comme Morgan pour mettre le grappin sur ce genre d'homme-là.

Mais déjà, Morgan, revenant au sujet du mariage, assura que le clan moon patienterait. Meryl l'avait compris, mais le fait que sa cousine le répète la rassurait vraiment.

▬ Je m’occuperai de la boutique pour qu’elle puisse se libérer, réfléchit la femme rousse en programmant la rencontre fatidique. Le plus simple sera de vous retrouver chez elle, les filles y seront à l’aise, et elle pourra leur apprendre en toute quiétude.

L'ex Mrs Gardiner hocha la tête, tandis que son compagnon apportait les plats des deux cousines. Les vacances de la Toussaint risquaient d'être mouvementées pour elle. Le retour des enfants - à bord du Poudlard Express - allait susciter bon nombre d'émois et de réclamations de la part des parents qui, à raison, craindraient un nouveau fiasco. Meryl et son équipe se préparaient depuis des semaines à recevoir une avalanche de hiboux et de notes... Si le détournement de train venait à se reproduire, les conséquences en seraient vraiment désastreuses - Meryl n'osait pas même les imaginer... Chassant cette pensée, elle s'attaqua à sa salade, dont la fraîcheur des feuilles de laitue lui ravie les papilles.

▬ Minerva me fera parvenir ses disponibilités. Mais il faudrait que ça soit la semaine où elles seront chez moi, et non chez leur père, c'est-à-dire la semaine paire. La première semaine des vacances, en fait.

Meryl avait le chic d'avoir un planning rangé en permanence dans le coin de sa tête. Elle savait toujours quand elle était disponible et maîtrisait le calendrier sur le bout des doigts, déformation professionnelle somme toute très utile.

▬ Je suis heureuse de savoir que tu rentres au bercail, c’est notre union qui fait notre force Meryl. Et tes filles ont aussi droit à leur part du gâteau, crois-moi, Minerva ne les laissera pas tomber. Si nous ne nous soutenons pas entre nous, qui d’autre le fera ?

Question rhétorique, à laquelle Meryl ne trouva rien à redire. Rentrer au bercail ne lui apparaissait toutefois pas comme une image flatteuse - n'était-elle pas ainsi comparée à une brebis égarée ? Néanmoins, elle était rassurée par la confiance de Morgan. Le retour parmi les Moon ne sera peut-être pas si difficile, épaulée comme elle était.

▬ Je tiens à dire, souligna Meryl en plantant sa fourchette dans un croûton, que mes filles, tout aussi impures qu'elles soient, ne tarderont pas à vous étonner. Toutes les trois.

Elle donna à Morgan un sourire empli de fierté avant d'avaler son croûton avec appétit.

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