Il n'avait pas pu résister. A dire vrai, il n'avait pas essayé longtemps, et si sa mère avait vaguement essayé de l'en empêcher (on essayait de prôner l'humilité, chez Aubrey, mais ça ne fonctionnait pas vraiment chez l'aîné de leurs enfants), elle n'avait finalement pas moufté quand l'intention de Bertram de porter son nouvel insigne de Capitaine de l'équipe de Quidditch de Serdaigle était devenue évidente. Le jeune homme avait donc traversé l'arche qui menait à la voie 9 ¾, son insigne rutilant parfaitement fixé bien en évidence sur son pull noir.
— Félicitations Aubrey ! entendit-il à une ou deux reprises sur son passage tandis qu'il traînait sa malle dans le couloir du Poudlard Express, à la recherche d'un compartiment dans lequel se poser. Il distingua finalement un visage connu, celui de Sue, sa meilleure amie.
— Eh, ma Sue préférée, s'exclama-t-il en faisant irruption dans le compartiment occupée par la jeune fille, tu trouves pas que j'ai changé pendant l'été ? lui demanda-t-il d'une voix taquine en se laissant tomber à côté d'elle sur la banquette, après avoir rangé sa malle dans le filet prévu à cet effet. Il ne se souvenait pas lui avoir annoncé sa promotion, et surtout, il adorait faire avec sa meilleure amie des blagues en rapport avec les yeux et la vue... car même pour une jeune femme aveugle, Sue Wilson faisait souvent preuve d'une clairvoyance sans pareille !

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Bertram, tout entier à sa joie de retrouver Sue, ne remarqua même pas le manque d'entrain de son amie, ni ne nota la tiédeur de son accueil. Son égoïsme l'empêchait le plus souvent de faire preuve de la politesse la plus élémentaire : dans le cas actuel, sa joie était telle qu'il était bien trop pressé de la partager avec la jeune fille pour penser à lui demander comment elle allait. Cela viendrait après !
— Y'a du bon et du moins bon, admit-il en se débarrassant de sa veste qu'il coinça à son tour dans le panier à bagages, j'ai effectivement bronzé comme un malade, et pour ta gouverne, j'ai toujours été le plus beau gosse de Poudlard.
Aucune fille n'avait suffisamment retenu son attention cet été pour qu'il en parle à Sue. Il y avait bien la petite McKinnon qui lui avait tapé dans l’œil, mais il n'avait rien de concret à raconter à sa meilleure amie de ce côté. Il allait falloir attendre le début de la saison de Quidditch pour voir si la petite Gryffondor méritait véritablement qu'il s'intéresse à elle ou non.
— Bon je t'aide, en parlant de brûler : ça fond, précisa-t-il malicieusement.

Bertram pinça des lèvres d'un air d'incompréhension lorsque Sue fit immédiatement le lien entre fondre et faire du balai : faire fondre des calories en faisant du sport, c'était à ça qu'elle pensait ? Parce que techniquement parlant, le bois (surtout celui d'un balai de Quidditch !) n'était pas spécialement pensé pour être susceptible de fondre, et si tel avait été le cas, inutile de préciser que cela aurait été source de bien des problèmes sur le terrain... Mais peut-être son amie se moquait-elle de lui ?
— Pas besoin de stratégie pour battre les Gryffondor, ils sont trop nuls, fanfaronna-t-il en réponse à son amie, mais j'avoue que je n'avais pas pensé à l'idée d'intégrer une armada de jolies filles dans mon équipe... Imagine, pas pour moi, parce que bon, je veux que les Bleus remportent tous leurs matchs donc je ne veux pas d'une bombasse qui ne sache pas tenir un Souafle, mais si je trouvais six filles canons et pas trop mauvaises au Quidditch, tu imagines comme cela déconcentrerait l'équipe adverse ?
Sans trop y penser, Bertram avait lâché le possessif qui pouvait le trahir : mon équipe. Cela pouvait mettre la puce à l'oreille de Sue, car même si Bertram parlait depuis sa Deuxième Année de l'équipe des Bleus comme de la sienne, c'était au sens où il en faisait partie... Pas qu'il était désormais lui-même chargé de recruter de nouveaux joueurs.
— Pas de nouveaux maillots, non, la détrompa-t-il d'une voix contrariée. Si Sue était tellement à côté de la plaque, c'était peut-être parce que son indice était trop nul ? Mais en tant que Serdaigle, cela lui semblait tellement évident, une grande nouvelle qui rend euphorique, et qui fond, on pense à un objet, et en priorité un objet de métal, et pourquoi pas un insigne ? Bon on va dire que tu t'approches, lui enjoignit-il d'une voix encourageante, c'est pas un maillot mais ça se porte aussi, et ça fond ! Alors ?

Spoiler:

Bertram fut soulagé de constater que les neurones de sa meilleure amie n'avaient pas véritablement été endommagés au cours de l'été, et qu'il ne s'agissait que d'un malentendu. Il était habitué, lui-même brillant, à ce que Sue le soit plus que lui : la perspective d'être devenu plus spirituel qu'elle l'aurait beaucoup perturbé ! Il préférait de loin croire que la jeune fille réfléchissait souvent tellement, allait si loin dans ses raisonnements, qu'elle manquait un élément essentiel. En l'occurrence, considérer "ça fond" comme une image et non comme l'indice lui-même... finalement, c'était tout elle !
— Allez je t'aide plus, j'en ai déjà trop dit, s'amusa-t-il lorsque Sue récapitula à voix haute les différents indices dont elle disposait. Elle en savait bien assez pour deviner toute seule !
Bertram se pencha un peu vers elle, fébrile, tandis qu'elle se rapprochait de la vérité en réfléchissant tout haut. Il se raidit sur sa banquette, souriant comme un gros niais, lorsque Sue s'interrompit en pleine phrase, de l'air de celle qui vient d'avoir une illumination... éclata de rire lorsque Sue lui demanda s'il avait été désigné comme Préfet.
— Préfet, moi ? Merlin non ! s'indigna-t-il en rigolant, comme si sa question le choquait, mais tu brûles... Eh mais attends, reprit-il d'une voix beaucoup plus sérieuse une seconde plus tard, comment ça, "aussi" ? Tu connais la nouvelle Préfète des Bleus ? s'enquit-il d'une voix très intéressée, tu crois qu'elle est corruptible, cette année ?