« Or yet in wise old Ravenclaw, if you've a ready mind, where those of wit and learning, will always find their kind. »

C'était une véritable spirale infernale : depuis quelques semaines, Mary dormait très mal. Ne vous y trompez pas, la jeune fille continuait de s'éveiller en sursaut, trempée de sueur, lorsque ses songes nocturnes la ramenaient entre les murs maudits de l'Institution Clevergrace. Mais force était de constater que ces terreurs nocturnes s'étaient espacées ces dernières semaines, jusqu'à finalement laisser la place à des cauchemars bien plus triviaux : la principale cause de ces insomnies était à présent l'imminence des BUSES blancs, qui allaient se tenir dans quelques jours. La Serdaigle révisait avec l'énergie du désespoir, et s'épuisait jusqu'à des heures indues à traduire une cinquantaine de fois une même formule de runes, ou à s'entraîner à imiter l'inimitable mouvement de poignet de Flitwick dans le processus d'incantation Wingardium Leviosa. Tout, plutôt que de monter se coucher et prendre le risque de rêver qu'elle obtenait un T dans toutes ses matières. Cet état de fatigue avancée la rendait plus anxieuse et irascible que jamais, et le fait qu'Eden, son petit ami, se montre de plus en plus distant depuis quelques semaines, loin d'améliorer les choses, ne faisait qu'accentuer le processus. Et plus elle se montrait désagréable, plus le Préfet semblait la fuir, et plus Mary se montrait irritable, et se plongeait dans ses études pour s'empêcher de se faire des films atroces dans lesquels Eden la quittait parce qu'elle n'était pas assez brillante pour lui. Si bien qu'au moment de se glisser entre les draps de son lit, la jeune fille ne savait plus très bien ce qui de la perspective de rater ses examens ou de se faire plaquer par Eden lui faisait le plus peur...

Une fois n'est pas coutume, Mary était restée veiller tard ce soir-là, comme de nombreux autres Serdaigle. Alliyah et elle avaient décidé de s'attaquer à la DCFM, qui comptait parmi les matières les plus compliquées du programme : la jeune fille avait bien plus de facilités en Sortilège et Métamorphose, et se débrouillait globalement bien en Botanique et Histoire de la Magie. En DCFM, par contre... mais elle ne pouvait se permettre de décevoir le Professeur McInnes – qui savait ce dont cet homme était capable, après tout? Alliyah et Mary avaient donc révisé toute la soirée, avant de se résoudre à arrêter pour aujourd'hui et monter se coucher. Alliyah, du moins. Mary avait senti son rythme cardiaque s'emballer à cette idée, mais avait docilement suivi son amie pour se glisser tout habillée sous sa couette et faire semblant de s'endormir. Elle avait ainsi passé une bonne quinzaine de minutes à scruter à la lumière de la lune les motifs alambiqués qui ornaient les montants de son lit, surveillant d'une oreille la respiration de son amie qui sombrait dans un profond sommeil. Lorsque celle-ci s'était finalement assez apaisée à son goût, Mary avait repoussé sa couette et s'était extirpée de sa chambre, traversant comme une ombre la salle commune des Bleus (dans laquelle veillaient encore quelques élèves exténués) pour se diriger vers la sortie. La Serdaigle avait pris la mauvaise habitude de se promener dans les couloirs bien après le couvre-feu : peut-être était-ce une manœuvre inconsciente pour attirer l'attention de son Préfet de petit ami ? Peut-être errait-elle dans les couloirs dans l'espoir de le croiser seul à seule lors d'une de ses tournées ? Si tel était le cas, il fallait reconnaître que c'était un échec cuisant. Mary n'avait jamais rencontré personne dans les froids couloirs du Château, si ce n'est parfois l'ombre de Rusard qu'elle s'empressait alors de fuir comme l'éclabouille. Elle se contentait d'errer au hasard des croisements, lâchait parfois quelques larmes amères et retournait finalement s'écrouler au bout d'une heure ou deux sur son lit, à bout de forces. Tel avait été le scénario de ce soir, et c'est les yeux bouffis d'avoir trop pleuré que Mary se retrouva finalement devant le tableau qui barrait l'entrée de la salle commune des Serdaigle, lequel la soumit comme à son habitude à une devinette pour lui accorder l'entrée :

▬ Un troupeau de licornes fait la course autour d'un hippodrome. Si une licorne double la dernière licorne, en quelle position se trouve-t-elle ? lui demanda le portrait d'une voix impérieuse après avoir jeté un regard de froide désapprobation à l'élève vagabonde.

Figée de stupeur, Mary resta muette, le visage strié de larmes séchées. Rien ne se passait dans son cerveau : elle n'avait pas la réponse.  

« Or yet in wise old Ravenclaw, if you've a ready mind, where those of wit and learning, will always find their kind. »

▬ Eh bien, Miss, s'impatienta le tableau qui avait visiblement mieux à faire de son temps de portrait, réfléchissez un peu, nous n'avons pas toute la nuit !
Mary ne réagit même pas à la pique, trop désespérée pour s'indigner d'être ainsi traitée par un misérable tableau pouilleux : à cet instant précis, elle n'entendait plus rien, occupée comme elle l'était à chercher son cerveau, et à essayer de le faire fonctionner. Mais le choc avait été trop fort, et la Serdaigle était comme anesthésiée. C'était comme si elle venait de se prendre une décharge électrique, et que du fait de ses larmes, toute sa boîte crânienne subissait un court-circuit. Plus de liaison, plus d'information, plus rien. Jusqu'à ce qu'un éclat de rire retentisse derrière elle dans le couloir. Mary fit volte-face, pâle comme la mort, avant de reconnaître ce voyou de MacFusty qui rigolait en la regardant : la jeune fille serra les dents et lui lança un regard noir, avant de faire de nouveau face au tableau et ignorer le garçon.
▬ Quand on sait pas répondre à une énigme sans l'aide de quelqu'un, on sort pas la nuit, lui enjoignit Elmyr avec une condescendance insupportable. Mary serra les poings en réalisant qu'il s'approchait d'elle dans son dos, et jeta un regard suppliant au tableau : laissez-moi passer, je vous en prie, rien que cette fois ! Mais le portrait fit comme s'il ne voyait rien, et entreprit de se nettoyer les ongles avec une application remarquable. La Serdaigle grogna de dépit et tenta de ravaler les larmes qui commençaient de nouveau à lui piquer les yeux.
▬ Oh on a un gros chagrin, fit mine de s'émouvoir Elmyr, qui venait d'arriver à sa hauteur, en la dévisageant d'un air faussement désolé. Mary se détourna violemment comme s'il venait de la brûler et s'éloigna du portrait, essuyant du plat de la main une première larme de contrariété.
▬ C'est pas ton problème, laisse-moi tranquille ! lui rétorqua-t-elle hargneusement, au bord de la crise de nerfs.

« Or yet in wise old Ravenclaw, if you've a ready mind, where those of wit and learning, will always find their kind. »

Malgré elle, Mary repensa au dernier cours de DCFM, et de la voix de McInnes leur expliquant ce qu'était une créature maléfique. Une créature qui se délecte ouvertement de la souffrance des autres, un être haïssable qu'il faut combattre sans relâche, car elle ne cessera jamais de vous vouloir du mal. Un peu comme Elmyr MacFusty, en fait. Un garçon foncièrement méchant, à mi-chemin entre le Pitiponk, qui attire les voyageurs égarés et les perd dans de sombres marécages, et le Détraqueur, qui aspire toute émotion positive et vous abandonne derrière lui, l'âme en lambeaux. Mary n'avait pas peur de lui, en partie grâce à son amie Mara : Elmyr ne s'attaquait pas aux amies de ses soeurs, ce qui conférait à la jeune McLloyd une sorte de statut d'immunité. En théorie. En pratique, elle se gardait bien de trop côtoyer le jeune homme, à la fois parce qu'elle ne lui faisait pas confiance, et parce qu'elle ne l'aimait pas. Il était doté d'une réputation exécrable, et s'en montrait tout à fait digne. Et Mary n'avait pas l'intention de le laisser lui faire le moindre mal, d'aucune sorte.
▬ Merci MacFusty, lui signifia-t-elle vertement en lui faisant de nouveau face, les yeux brillants mais la mine sévère, mais tu peux garder tes petites analyses pour toi. Je ne crois pas t'avoir demandé ton avis.
Mettre les choses au point, tout de suite. Lui faire savoir qu'elle ne comptait pas entrer dans son jeu, surtout quand il lui parlait ainsi, avec cette voix douce et pénétrante. Séduisante comme le chant du cobra, qui s'insinue dans toutes les fibres de votre être et vous laisse sans volonté. Non, elle ne se laisserait pas faire. Mara l'a trop bien prévenue, l'a trop bien mise en garde. Elle ne se laissera pas avoir. De nouveau, elle se détourna de lui. Elle devait garder son calme, ignorer le fait qu'il était en train de l'observer avec cet air goguenard qu'elle rêvait de lui arracher du visage avec les ongles. Elle ne devait pas entrer dans son jeu, elle ne devait pas s'abaisser à la violence, c'était tout ce qu'il attendait, tout ce qu'il goûtait. Il n'y avait rien qu'Elmyr MacFusty aimait plus que la violence, les rapports de force. Elle ne lui donnerait pas ce plaisir.
Mais elle réprima à grand-peine un sursaut de frayeur lorsqu'il lui souffla doucement dans le creux de l'oreille qu'elle pouvait crier, qu'elle pouvait le frapper. Quelle offre séduisante ! Elmyr MacFusty himself lui offrait sur un plateau d'argent ce que la moitié de Poudlard rêvait toutes les nuits de lui infliger. C'était à n'y rien comprendre. A quoi jouait-il ? Il valait mieux ne pas chercher à le découvrir. Mary se retourna vers le Serdaigle sans s'écarter de lui, et le dévisagea avec un sourire profondément moqueur.
▬ En voilà une offre généreuse et séduisante, persifla-t-elle en levant son regard noir vers lui, bien décidée à lui montrer qu'elle ne se laisserait pas impressionner, mais je préfère encore pleurer plutôt que te toucher.