13/10/1979

Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas vu Owen. Il fallait dire que depuis l’institut, elle avait eu du mal à se balader librement dans les couloirs comme elle le faisait avant, de peur de croiser un des Serpents qui lui avait fait du mal cet été. Mais après quelques semaines de cours, elle s’était dit qu’elle ne pouvait pas passer sa vie dans la peur. Elle avait certes vécue une terrible expérience à l’Institut, mais elle ne devait pas laisser cela gâcher ses trois dernières années à Poudlard. Alors depuis quelques jours, elle recommençait à sortir de la salle commune – c’était une distraction bienvenue, et surtout une excuse valable pour éviter de voir Methias avec Danià. Elle adorait ses meilleurs amis, mais ses sentiments pour Methias se faisaient de plus en plus présents, et les voir être un petit couple heureux lui brisait parfois le cœur.

Aujourd’hui, elle n’avait pas vraiment été dérangée par les bécotages de ses amis, mais elle avait ressenti le besoin de prendre l’air. C’était le début d’après-midi, vers quatorze heures, un après-midi tranquille. Ses amis étaient un peu dispersés dans le château – certains à la librairie, d’autres dans la salle commune, d’autres encore profitant des dernières chaleurs de ce début de mois d’octobre. Elle, elle flânait dans les couloirs, près de la cours intérieur de l’école où elle pouvait voir des élèves assis sur les bancs, en chemise légère, prenant le soleil. Alors qu’elle allait pour se rendre dans le parc, elle vit dans un banc de la cours une tête brune reconnaissable par sa cravate rouge et or. Quelle heureuse coïncidence, elle qui pensait à lui quelques minutes plus tôt.

Elle décida d’aller prendre de ses nouvelles. Depuis la mort de sa mère, elle n’avait plus beaucoup de nouvelles, et le voyait de moins en moins. Et elle n’avait pas encore eu l’occasion de lui parler depuis leur sortie de l’institut, alors il était vraiment temps qu’elle le fasse. Elle alla l’air de rien se poser à côté de lui, son sourire légendaire sur les lèvres, et lança d’un ton joyeux. – Hey Karlson ! Ça faisait longtemps. Elle sourit, essayant de voir s’il allait bien. Elle ne voulait pas mentionner l’institut, pour ne pas le faire fuir, et ne voulait pas non plus mentionner sa mère. – Je m’inquiétais pour toi.

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13/10/1979

Jusqu’à ce qu’elle se mette à parler, il ne semblait pas du tout l’avoir vu. Pourtant elle n’avait pas tenté d’être discrète dans ses mouvements ou quoi que ce soit, elle était arrivée quasiment face à lui… Mais il avait l’air ailleurs, plongé dans ses pensées. Mais elle fut rassurée de le voir se tourner vers elle avec un sourire. Il avait l’air bien, en tous cas pas physiquement endommagé par l’été. Physiquement, Delilah n’avait gardée qu’une mince cicatrice traçant sa mâchoire et descendant dans son cou ainsi que quelques autres dissimulées par ses vêtements. Un médicomage lui avait dit qu’avec une petite opération rapide, les cicatrices ne seraient qu’une mauvais souvenir, mais l’opération en question était assez coûteuse, et ses parents, bien qu’à l’aise financièrement, ne l’étaient pas assez pour lui offrir ce genre d’extra. De toute façon, ce n’était pas comme si c’étaient de grosses balafres non plus. Les cicatrices étaient fines, et à présent propres, et la jeune Poufsouffle les portaient comme une preuve de sa résistance. Plus tard, en période difficile, elle pourrait regarder ces cicatrices et se dire que si elle a surmonté cette épreuve, elle pourra en surmonter d’autres.

Psychologiquement, Lilah était un peu comme Owen. Elle s’efforçait de faire croire à tout le monde que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Avec ses amis, elle avait toujours été celle qui faisait l’andouille, qui faisait sonner les blagues pas drôles qui pourtant faisaient rire tout le monde, celle qui motivait les troupes… Et elle savait que maintenant plus que jamais, les autres auraient besoin d’une personne positive et enthousiaste, pour oublier un peu les évènements de l’été, et réussir à passer une bonne année. Plus d’un mois était passé depuis la libération de Clevergrave par les Aurors et l’Ordre, mais Delilah ne s’était encore jamais vraiment confié réellement à qui que ce soit. Elle avait évoqué le sujet avec sa meilleure amie, puisqu’elles avaient passé beaucoup de temps ensemble à l’institut et qu’elle ne voulait pas la laisser totalement dans l’ignorance, mais elle n’avait quasiment rien dit concernant les tortures psychologiques que lui avaient fait subir Rosier. C’était encore trop difficile pour elle, ne serait-ce que de penser à cet homme.

Alors cela ne la dérangeait pas si Owen faisait semblant d’aller bien. Elle aurait voulu lui dire que s’il avait besoin, elle serait là, mais ça aurait été gonflé de sa part. Et puis, il devait probablement le savoir de toute façon. Ou avoir de meilleurs amis à qui se confier. Ou même tout ça réuni. –  Pas trop dur le retour à Poudlard ? Il demanda, la sortant de ses pensées. – Je dirais même que ça fait du bien d’être ici. Elle dit en souriant. Elle aimait sa maison, son foyer et ses parents, mais depuis son retour de l’institut ils étaient au petit soin avec elle … Un peu trop. Elle n’arrivait quasiment jamais à être seule, et elle en avait grand besoin dernièrement. Retourner dans le Poudlard express avait été une expérience difficile et stressante pour beaucoup de gens, malgré les précautions prises. Mais une fois qu’ils avaient mis pied dans le château sain et sauf, un grand sentiment de soulagement s’était répandu dans le cœur de la rousse. À Poudlard, elle se sentait en sécurit, malgré les S.E.R P.E.N.T.S qui rôdaient dans les couloirs. À Poudlard, il n’y avait ni Rosier, ni Lestrange, ni Avery. – J’adore mes parents, mais ça devenait difficile de supporter leur pitié.J'en ai pas besoin, je vais bien ! Je sais pas combien de fois je vais devoir leur répéter. Elle soupira un peu et répéta, comme pour se convaincre. – Je vais bien. Puis elle secoua la tête. – Et toi ? Je veux dire… Revenir ici a pas été trop dur ? Elle voulait lui poser tellement de questions, elle était inquiète comme une maman poule, mais elle ne pouvait juste pas lui demander ce qu’il lui était arrivé cet été. Elle décida de changer de sujet. – J’espère en tous cas que tu vas tout donner en Quidditch cette année ! Moi… Elle fit une grimace. – J’ai encore été recalée aux séléctions.

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13/10/1979

Le ‘’camp de vacance’’ de cet été. Un rictus nerveux s'installa sur le visage de la rousse, et un rire empreint de sarcasme remonta le long de sa gorge. Elle glissa ses doigts fins dans ses cheveux et sourit un peu. – Ça doit-être cool, d'être sur la mer. Dit, la jeune fille rêveusement, regardant vers le ciel. – Loin de tout ce qui pose problème... Avoir la paix. Elle secoua la tête, sortant de ses rêveries pour se reconcentrer sur Owen. – Pourtant on apprend des trucs super intéressants. Enfin je trouve. C'est sûr qu'en ce moment l'ambiance c'est pas au top mais bon... Personnellement je suis mieux ici, je suis toujours occupée. Oui, car quand elle n'était pas occupée, elle pensait. Et quand elle pensait, elle se souvenait de tout ce qu’elle avait vécu à l’institut, et son moral dégringolait à une vitesse effarante. Alors elle préférait largement être toujours occupée, avoir quelque chose à l’esprit.

Le sourcil droit de la jeune fille s’arqua lorsqu’Owen prétendit que les Gryffondors allaient tout déchirer au Quidditch. – Tu rêves mon grand, c’est nous qui allons gagner la coupe de Quidditch ! Elle dit avec un sourire en coin. Complètement d’accord avec Methias, son meilleur ami, Delilah était convaincue qu’une fois de plus, les jaune et noirs allaient emporter la coupe. – En même temps, je la comprends Eanna. Je veux dire, on a beaucoup de très bons joueurs dans notre équipe. Je me débrouille pas trop mal, mais je ne suis pas non plus ultra douée, alors je comprends qu’elle préfère prendre d’autres personnes. Mais il y avait des nouveaux dans l’équipe cette année… Elle soupira doucement en haussant les épaules. – J’aurais simplement aimé avoir ma chance, mais bon, ce n’était pas pour cette année. Elle sourit un peu. Ils évitaient tous les deux de parler de l’institut, soigneusement, et aussi de la mère d’Owen. – Ça me fait plaisir de te parler. Il s’est passé bien trop de choses dernièrement, et on avait pas vraiment le temps de se voir… Et puis je ne voulais pas empiéter sur tes plates-bandes. Mais j’avoue que ça me manquait de te parler. Elle sourit doucement. Elle savait que leur pères continuaient de se voir de temps en temps, mais il était à présent rare que Delilah soit conviée à venir passer du temps chez Owen. – Du coup, quoi de neuf dans ta vie ?

13/10/1979

Gagner une bataille ne voulait pas dire gagner la guerre, et cela, Lilah se le répétait à chaque fois que l’équipe des jaune et noirs perdait un match. Et si Owen n’avait rien dit lorsqu’elle avait affirmé que son équipe gagnerait, la rousse n’était pas naïve au point de ne pas savoir ce qu’il se passait dans la tête de son ami. Elle trouvait cela franchement cool de pouvoir parler à nouveau à Owen, et ne regrettait pas du tout d’avoir pris son courage à deux mains pour venir lui parler. Il était tellement rare de le voir seul qu’elle s’en serait voulu de ne pas avoir saisi l’occasion.

Prendre Owen en pitié aurait été la dernière chose venant à l’esprit de la rousse. À elle aussi il lui était arrivé des trucs horribles cet été, et elle ne supportait pas non plus qu’on la prenne pour une jeune chose fragile suite à cela. Elle n’était pas certes une femme forte ou une super-héroïne, mais après tout elle n’avait encore que 15 ans et avait encore beaucoup de choses à apprendre.  Mais elle, elle pensait qu’Owen savait ça, et que donc s’il voulait lui parler un jour, il le ferait. Mais après tout, elle aussi avait d’énorme réticences à se confier, alors elle ne pouvait pas vraiment lui reprocher ce qu’elle faisait également. – C’est bête que tu puisses pas voir tu père aussi longtemps… Mais félicitations pour ton rôle de préfet ! Qui aurait cru que ça arriverait un jour… Elle dit, compatissant sincèrement. Puis, elle baissa la tête un peu. – Moi… Moi j’ai décidé de pas rentrer, en tous cas pas avant Noël… Puis je suis même pas sûre de vouloir rentrer pour Noël. Elle avoua. – Comme j’te l’ai dit tout à l’heure, je suis bien ici. J’ai pas besoin de m’faire chouchouter ou qu’on m’accompagne partout où je vais. Je te jure, c’est limite s’ils m’accompagnaient pas aux toilettes… Elle dit avec un petit sourire, essayant de tourner le truc à l’humour. – J’aime mes parents plus que tout… Mais j’ai pas besoin qu’on me rappelle ce qu’il s’est passé constamment en me traitant comme une petite chose fragile, tu comprends ?

Elle releva la tête et, s’apercevant qu’elle avait beaucoup parlé, se passa la main sur le visage. – J’suis désolée, je parle beaucoup. Je te raconte mes histoires alors que tu dois déjà avoir les tiennes.

13/10/1979

Owen était bien le seul de ses proches à l'appeler Lili. Généralement, les gens préféraient l'appeler Lilah, ou même Lil parfois, mais le Gryffondor avait le monopole du Lili. Et cela durait depuis qu'ils se connaissaient, quasiment. Il n'avait pas attendu longtemps avant de prendre ses aises avec elle, et elle avait fait de même. Elle avait toujours apprécié lui parler, et avait toujours su qu'il ne la jugerait pas. Elle sourit un peu lorsqu'il lui dit qu'il aimait bien quand elle parlait. Mais d'un côté, elle se sentait un peu coupable de raconter sa vie. Elle savait bien que de toute façon Owen ne parlerait pas plus si elle se taisait, mais elle avait quand même l'impression de prendre le monopole de la parole. - Parce que malgré tout, je suis ici comme chez moi. Dit-elle avec un petit soupire. - Malgré tout ce qu'il se passe ici, tous les garde fous humains que je croise tous les jours dans les couloirs, et le sentiment d'insécurité persistant… Une fois dans ma salle commune, et avec mes amis… J'arrive presque à oublier cet été. Parce que je sais que eux non plus n'ont pas envie d'y penser. Expliqua-t-elle sans pour autant entrer dans les détails et sans jamais vraiment évoquer ce qu'il s'était passé. - Et puis faire ses devoirs me paraît pas si mal que ça au final. Finit-elle avec un petit clin d’œil.

Après un petit moment silencieux, Owen reprit la parole, partageant son désir de naviguer. - Je suis contente que ça aille mieux avec ton père. Dit la rousse avec un sourire. - Papa me disait souvent que ton père savait pas trop comment s'y prendre avec toi, mais qu'il faisait des efforts. Je suppose que vous trouver ce point commun a été une très bonne chose. C'est vraiment super que vous soyez réconciliés. La jeune fille appuya son dos sur le dossier du banc, jetant la tête en arrière pour regarder le ciel. - Des fois je me dis que j'aimerais vachement avoir un Hippogriffe. Pouvoir m'envoler pendant des heures et des heures sans jamais avoir à redescendre. Parce que le balais c'est bien, mais quand on passe trop de temps dessus, ça finit par pas être très confortable. Et puis t'as toujours besoin de faire attention. Avec un Hippogriffe, tu peux simplement te laisser porter, sans vraiment te soucier d'où il te portera. Elle ferma les yeux un moment, soupira, et se redressa. - Je pense que je peux comprendre ton besoin de naviguer. Oublier tout ce qu'il se passe sur la terre, avoir l'impression d'être seul au monde ne serait-ce que quelques instants… Ça doit être vachement bien. J'sais que ma mère a jamais pu comprendre. Mais moi j'comprends.

13/10/1979

L'air perplexe de son ami ne la surprit nullement. Elle ne lui en voulait pas de penser qu'elle, tout comme sa mère, pensait que son désir d'escapade en bateau n'était que folie, et pour être totalement honnête, avant cet été, elle le pensait aussi. Mais à l'Institut, quelque chose en elle s'était brisé, quelque chose qui ne reviendrait pas avant bien longtemps – le sentiment de sécurité. Elle avait toujours ce sentiment omniprésent de danger, elle percevait toujours cette présence sombre à ses côtés, comme un chat qui vous scrute depuis l'obscurité. Les tourments la prenaient la nuit et la poursuivaient tout au long de la journée. Ils ne s'arrêtaient de la harceler que lorsqu'elle jouait du violon, ou qu'elle s'amusait avec ses amis. Pourtant, même dans ces moments, elle s'arrêtait parfois en fixant l'horizon, juste l'espace de quelques minces secondes, avant de reprendre son activité.

Il restait silencieux, l'écoutant déblatérer. Elle ne disait pas grand-chose, mais cela voulait tout dire. Elle ne s'était vraiment confié à personne, si ce n'était Nessa, depuis sa sortie de l'Institut, et même si elle en racontait pas les choses que Rosier lui avait fait, qu'elle n'évoquait pas les Lestranges, elle en disait plus qu'elle n'avait dit à qui que ce soit d'autre. C'était étrange quand même, mais cela lui faisait du bien, de parler un peu.

Et puis là, il lui proposa de venir, avec lui, sur le bateau. La surprise peignit son visage d'une expression figée, l'espace d'un instant, avant que son grand sourire habituel ne revienne égayer l'atmosphère. Comme un nuage blanc venant adoucir le soleil un instant, son sourire s'atténua à l'annonce d'Owen. Pourtant, cela ne l'étonnait pas – on parlait d'Owen, fier et libre comme un lion, un Gryffondor comme on en fait peu. – Tu me manquera, quand tu seras partit. Mais j'espère que tu viendra me rendre visite de temps en temps… Quand tu auras besoin de venir chercher de la nourriture en ville, par exemple. Elle l'enviait un peu. Avoir le courage de partir, de tout quitter, pour partir à la découvert de l'inconnu, ce n'était pas donné à tout le monde, et surtout pas à elle. – Et si t'es vraiment sérieux pour ce que tu proposes… Je peux demander à ma mère de venir cet été. Je sais qu'elle sera sure à convaincre, mais j'aurais papa de mon côté. Enfin, c'est si tu veux bien, et que ton père veut bien aussi.