— Parait que t'as fait craquer une avocate ? Lula enchaîna les prouesses pour se faufiler entre les clients, extrêmement nombreux ce samedi là, des Trois Balais jusqu'au comptoir. La Plume à Papotte qui la suivait comme son ombre pour prendre les commandes faillit se prendre un grand sorcier roux et barbu en pleine poire. La serveuse, elle, posa son plateau vide devant Rufus, derrière le bar, et massa son épaule ankylosée. Une fois son plateau plein d'une nouvelle commande, elle se dirigea vers la table quatre. Croisant en chemin Fabian, serveur également, elle lui adressa un grand sourire railleur, de la malice brillant dans les yeux. Bien joué mon poussin, tu t'es finalement hissé au niveau des grands ! C'est les lunettes tu crois ? L'effet intello, ça les fait rêver ? Ajouta-t-elle en riant, par dessus son épaule, tandis qu'elle se dirigeait à l'opposé de Fabian, vers ses clients.
Posant le plateau sur la table, les verres volèrent vers chacun de leurs destinataires, auxquels Lula adressa un sourire lumineux, sa marque de fabrique pour fidéliser la clientèle.
— Deux jus de citrouille maisons bien frais, un chocolat chaud à la cannelle pour Miss, la bièraubeurre... Fit-elle en énumérant les boissons, ajoutant un petit panier de scones au centre de la tablée... Et cadeau de la maison. N'hésitez pas à me faire signe si vous désirez autre chose ! Repartant en sens inverse, elle avisa Fabian au comptoir et vint se poster à côté de lui. Avec un sourire entendu et en haussant suggestivement les sourcils, elle demanda :
— Alors, elle s'appelle comment ?

— Eh alors, t'es jalouse ? Fit Fabian, et Lula ricana.
— Sérieusement ? Est-ce que tu m'as bien regardée ? Répondit-elle en désignant d'un mouvement de la main son corps entier, et en balayant d'un geste désinvolte son opulente chevelure brune en arrière. Sans être une vélane, Lula savait parfaitement qu'elle était plutôt gaulée, et elle savait quel effet elle faisait aux hommes. Enfin, pas tous, apparemment, car Fabian lui avait toujours mystérieusement résisté, mais c'était ce qui rendait leur jeu beaucoup plus drôle. Cependant, même si elle riait, la remarque de son collègue l'avait un peu agacée. Que croyait-il ? Qu'il lui était facile de la faire craquer elle aussi ? Fab claque des doigts et Lula lui tombe dans les bras ? Pour remettre les pendules à l'heure, Lula prit son plateau et sa commande, et se dirigea vers une table d'adolescents, uniquement composée d'élèves de Poudlard aux couleurs de Poufsouffles. Pour se rassurer et prouver à tous que dans le jeu de la séduction, elle était la reine, si ce n'était l'impératrice, elle se pencha vers eux, et avec tout le charme qu'elle possédait, darda sur eux un regard brûlant tandis que les boissons volaient de son plateau ;
— Et trois bouteilles de Bièraubeurre pour Messieurs, servies bien fraîches, elles sortent du frigo, juste histoire de faire chuter de quelques degrés la température ambiante... Susura-t-elle en se penchant pour les décapsuler, offrant aux pauvres garçons une vue imprenable sur son décolleté. Parfait ! Forte de son petit succès, elle repartit à nouveau en sens inverse, son plateau vide porté au dessus de sa tête, pour éviter de ne bousculer les clients.
— Allons chaton, tu sais bien que j'ai pas besoin de lunettes pour plaire à des minettes !
— C'est vrai mon canard, les philtres d'amour existent, et tu en connais un rayon en la matière ! Blagua-t-elle, toujours malicieuse. Du premier jour où ils avaient commencé à travailler ensemble, cela avait toujours été ainsi entre eux ; l'amour vache, les blagues, les piques. Posez la questions à Lula, et vous lui poserez une sacré colle, car à la question si elle aimait bien, ou non, Fabian, elle était incapable de se décider. Essuyant l'eau sur son plateau à l'aide d'un chiffon, elle attendait toujours le prénom de la mystérieuse jeune femme.
— Dis donc, petite commère, ça te dérangerait de t'occuper de tes affaires ? Est ce que j'te pose des questions indiscrètes, moi ? Remarque j'pourrais m'y mettre... Fit-il, visiblement agacé, et Lula se mordilla la lèvre inférieure, ravie de le voir petit à petit sortir de ses gonds.
— Oh mais ne te gêne pas mon chou ! Je n'ai aucun tabou, et une foule d’anecdotes coquines à te raconter ! fit-elle avec un clin d’œil. Avec un soupir exaspéré, Rufus posa de nouveau verres sur son plateau. Allez, crache le morceau !
— Puisque ça t'intéresse tant, elle s'appelle Taryn, et c'est la personne la plus parfaite que je connaisse. Comme c'était romantique...
— Tu m'en diras tant ! Fit-elle, un brin moqueuse. Taryn comment ? Et parfaite comment ? Elle voulait des détails ! Et que Fabian s'en fasse une raison ; elle ne comptait pas lâcher le morceau et abdiquer si vite ! Cependant, il voulu changer de sujet, et lui demanda ;
— Et toi, coté cœur ?
— Ça va, ça vient, répondit-elle évasivement. Elle n'avait absolument aucune envie de parler de sa vie privée, encore moins lorsque celle-ci consistait à être un des petits joujoux de Thomas Avery. Rien que ça. Même à Rosamund, elle n'en parlait jamais, ni n'en avait même jamais parlé. Elle leva les yeux au ciel. Et ne change pas de sujet Prewett, je te vois venir à dix mille avec tes gros sabots. Alors ? Réponse ?

Fabian la snoba pour partir servir d'autres clients, ce qui amusa Lula. Ah, tu veux jouer à ça mon grand, pensa-t-elle, alors qu'une moue malicieuse éclairait son visage. Le serveur, accidentellement ou non - Lula avait des doutes, après sa propre petite démonstration de force ! - renversa alors sa commande sur une jeune étudiante de Poudlard. Mouillée et tâchée, la jeune fille rougit pour ne devenir qu'un amas de rouge, de la racine des cheveux jusqu'aux ongles des pieds, manifestement plus que séduite par son collègue. Celui-ci, prévenant, l'aida à se nettoyer et lui offrit sur son compte une tournée, faisant lever les yeux au ciel de Miss Rosmerta, de plus en plus amusée. Lula 1 - 1 Fabian. Qui serait le séducteur ultime ?
Fab revint en trottinant et la regarda d'un air moqueur.
— Je s'rais très intéressé d'entendre ça un jour... J'suis sur que tes conseils seront enrichissants en la matière...
— Tu n'imagines même pas à quel point mon chou ! Alors, cette Taryn ?
— Disons que j'espère sincèrement que son nom de famille soit bientôt identique au mien... Mince alors, il avait l'air sacrément accroché à l’hameçon, le merlan frit ! Lula ouvrit de grands yeux étonnés, avant de vite reprendre son aplomb légendaire et d'éclater de rire ;
— Nom d'un clabbert en rut, rien que ça ? Elle a déjà choisit sa robe de mariée ? Poursuivit-elle, avant de se calmer et de revenir à peu près sérieuse. Rufus avait rempli son plateau, mais elle n'était plus du tout décidée à servir. Alors, décris-la moi, cette meringue ?
— Elle est intelligente, brillante, drôle, intéressante, belle... Tu peux pas t'imaginer à quel point elle est fabuleuse... Il a suffit de quelques mots pour qu'elle... Je... Wow, Lula était scotchée et pendue aux lèvres de son ami. C'était des termes bien élogieux qu'il était en train d'énumérer, et bien sûr elle aurait rêvé qu'un jour un homme parle d'elle de cette façon - qui n'en rêverait pas ? Mais tout ceci lui semblait... Si soudain, si... Précipité. Depuis combien de temps se connaissaient-ils, déjà ?
— Et elle est aussi blonde que tu es brune ! C'est surement pour ça, que je l'aime, c'est tout le contraire de toi... Se sentit-il obligé d'ajouter, et Lula le regarda d'un air goguenard, posant sa main sur sa hanche.
— Ah, ah, ah, hilarant ! Fit-elle d'un air ironique, souriant néanmoins. Arrête ton char, je sais très bien que tu n'en penses pas un mot et que je suis tout à fait ton genre. C'est pour m'oublier que tu l'as choisie blonde, justement ! Elle rejeta la tête et ses cheveux en arrière comme une star, et empoigna à nouveau son plateau pour servir deux sorcières dans la quarantaine qui attendaient deux camomilles depuis dix minutes déjà. Elles s'en plaignirent à la jeune femme, mais celle-ci repartait déjà, s'en contre-fichant comme de son premier chaudron, balançant son derrière comme une diva.
— Allez, c'est pas qu'à moi de parler de mes sentiments, à toi de t'y coller maintenant... C'est la moindre des choses, d'ailleurs, reprit Fabian alors qu'elle le rejoignait au comptoir. Lula soupira. Impossible qu'elle lui parle de Thomas Avery, ni de ce qu'elle supportait aveuglement avec lui. Elle tenta de faire diversion ;
— Ça fait seulement une semaine que je suis rentrée d'Australie, mon petit kangourou, laisse moi le temps de souffler ! Comment veux-tu que je me remette déjà en selle, alors que j'ai connu un tas d'hommes là-bas !

— Bah, pour la robe, il faut d'abord acheter l'alliance... Et j'suis sur que tes brillants conseils me seront utiles, pour la lui choisir, n'est ce pas ? Question gout, j'admet que tu t'y connais. En tout cas plus que moi !
— Enfin quelqu'un pour reconnaître mes goûts incroyables en matière de mode ! Je t'aiderai volontiers, mais j'ai peur d'être obligée de te demander un pourcentage sur chacun de mes conseils que je ne distribue pas gratuitement... Que dis-tu de 10% ? Considère ça comme mon pour-boire ! Blagua-t-elle avec un clin d’œil, tandis que Trudy, derrière le bar aux côtés de Rufus, déposait deux sandwiches poulet-citrouille sur son plateau et un pichet de vin de sureau. Tandis qu'il lui répondait une vacherie sur l’idolâtrie qui la fit rire, elle partit en direction de la quinze en secouant la tête avec exaspération. Pourtant tandis qu'elle servait la table aux sandwiches, Lula continuait de réfléchir et d'être déroutée par la soudaineté des sentiments de son collègue. Non qu'elle ne se réjouisse pas pour lui, mais le coup de foudre... Existait-il vraiment ? Le vrai coup de foudre ? Et Fabian... Marié ? C'était une pensée si saugrenue qu'elle explosa à nouveau de rire, provoquant des regards interrogateurs de la part de ses clients, auprès de qui elle s'excusa, prétendant rire encore d'une des blagues de son collègue. Ce qui, en soi, n'était pas si faux...
— D'toute façon, qu'elle soir blonde ou brune, je l'aimerais toujours, si ça peut te consoler quant à mon... amour pour ta jolie crinière noire. J'sais pas pourquoi, mais je l'aime et c'est comme ça. Fit Fabian lorsqu'elle revint au comptoir, plateau vide. J'suis sur qu'un jour, tu sauras c'que c'est, toi aussi. Faut juste se montrer patient, et ça se point quand tu t'y attends pas, mais quand t'en as le plus besoin. Franchement, t'es une fille bien, Lula, et quand tu comprendras, p'tet que tu te foutras moins de moi !
— Oh Fabian... Roucoula-t-elle, faisant mine d'essuyer une larme sous son œil. T'as pas un mouchoir mon wallaby ? Je vais ruiner mon maquillage si tu continues comme ça... Railla-t-elle, alors que le jeune homme sortait les violons. N'empêche... Que ce qu'il venait de dire fit son petit chemin dans son cerveau. Elle n'était pas la fille la plus romantique de la planète mais rêvait de vivre une belle histoire comme celle que semblait vivre son ami. Et ce n'était certainement pas avec Thomas qu'elle la vivrait... Fabian ne sembla pas remarquer son trouble et poursuivit.
— Et alors, petit koala ? Qu'est ce qu'elles ont données là-bas tes rencontres d'hommes ? C'est ça qui a abouti à toutes tes connaissances coquines ? Et t'as pas eu de coup de cœur là-bas ? Remarque, ça ne m'étonnerait pas que t'en ai déjà ici... alors, t'as des noms ? Le sujet délicat devenait dangereusement proche, et Lula sourit pour changer de sujet.
— Tiens donc, je ne t'ai pas donné la liste des noms de mes conquêtes australes ? Çà m'étonne de moi ! Par où commencer... Soupira-t-elle. Par Gus bien sûr ! Je t'ai déjà parlé de Gus, ou pas encore ? Par Merlin, on va en avoir pour des heures. Rufus, je prends ta place derrière le bar et te file mon plateau !