“L'ennui est entré dans le monde par la paresse ”, avait un jour déclamé un illustre inconnu moldu. Phoebus n'avait aucune espèce d'affection pour les moldus, ou pour ce qu'ils disaient, mais il admettait volontiers une chose : certains d'entre eux, à n'en pas douter les spécimens les plus remarquables, ou du moins, les moins médiocres, parvenaient assez bien à pallier une absence de pouvoirs magiques par une certaine sagesse. D'un autre côté, il devait être tellement plus simple d'être sage quand on n'avait pas de baguette ! Ils n'avaient pas le choix, après tout, ces misérables moldus... Et c'était mieux ainsi. Le moins-médiocre-moldu-que-les-autres (un certain Jean de La Bruyère, si d'aventures ça vous intéressait), poursuivait en ces mots : “elle ”, la paresse, “évidemment, a beaucoup de part dans la recherche que font les hommes des plaisirs, du jeu, de la société ”. Ô combien avait-il raison, ce misérable moldu ! C'en était effarant, même pour un esprit ouvert tel que celui de Phoebus. C'était bien la recherche de la société qui l'avait poussé à attendre le départ de Chourave pour entrer à son tour dans les serres de Poudlard. Il avait vu Owen prendre congé de ses copains pour se rendre il ne savait que trop bien où. Phoebus avait été victime, en début d'année, de l'attentat botanique perpétré par le maladroit Gryffondor. Comme tout le reste de la classe, il avait atterri à l'infirmerie, complètement inconscient. Phoebus avait l'ouïe fine, voyez-vous...

Le Serpentard erra quelques instants entre les établis sur lesquels vivotaient des centaines de plantes toutes plus vertes (ou pas) et répugnantes (ça, en tous cas, ça valait pour toutes) les unes que les autres. Il n'aimait pas particulièrement la Botanique, surtout avec un débile tel que Karlson dans sa classe. Descendre dans les serres, certains jours, revenait à manifester des intentions suicidaires. Et s'il y avait bien une chose que Phoebus ne voulait pas, c'était bien mourir écrasé, étouffé ou pire, mangé par une plante verte. Il localisa alors le Gryffondor qui lui tournait le dos, occupé à astiquer un pot de fleur gros comme sa tête.
— Mais c'est que tu fais ça bien, en plus ! s'amusa le Serpentard d'une voix moqueusement appréciative, avant de s'approcher d'Owen pour se hisser et s'asseoir sur un tréteau non loin de lui, tu m'étonnes que Chourave veuille plus te lâcher. T'en as jusqu'aux BUSES, au moins, à ce rythme.  

Phoebus ricana un instant de l'expression un peu blasée sur le visage du Gryffondor, et donna une pichenette à une inoffensive fougère (du moins le croyait-il) qui vira immédiatement au gris et se ratatina comme un vieux Souafle crevé. Houps. C'était un peu plus magique que prévu, ce truc. Phoebus écarta sensiblement le pot de sa personne, et s'intéressa de nouveau à Owen, qui planifiait déjà ses prochaines conneries.
— Tu n'as encore fait exploser aucun chaudron en potions ? s'étonna-t-il en haussant les sourcils, éberlué. C'est un peu trop classique, tu peux mieux faire, décréta-t-il finalement en réfléchissant intensément. Black et Potter ont déjà lâché des Niffleurs dans Poudlard, il va te falloir te surpasser, l'année prochaine, ricana-t-il en repensant à l'épisode qui s'était déroulé quelques jours plus tôt dans le parc. Officiellement, on ne connaissait pas les coupables, mais il y avait du bon à être le meilleur ami de Regulus Black ! Peut-être t'attaquer au cours de Flitwick ? Tu dois bien avoir moyen de faire exploser quelque chose, non ? Quoique, c'est pas non plus très original...

Phoebus peinait à trouver une idée de bêtise pour Owen. Il faut dire que ça n'était pas vraiment dans son caractère, ni dans ses habitudes, de s'illustrer de la sorte. Il avait beau être en excellents termes avec ses parents, si ceux-ci apprenaient que leur fils unique s'adonnait à de telles bêtises qui risquaient de compromettre son avenir, nul doute que Phoebus passerait un mauvais quart d'heure !
— D'un autre côté, reprit-il d'une voix pensive, avec tout le respect que je te dois, et bon, je t'en dois pas beaucoup mais quand même, ajouta-t-il en ricanant, ton premier coup c'était même pas de l'improvisation, c'était de l'imprévu complet. Et si ça se trouve, si tu prévois quelque chose, ça ne pourra faire qu'une chose : foirer !
Phoebus trouvait que sa théorie tenait la route. Même si Owen était capable de prétendre qu'il avait parfaitement planifié tout son plan pour assommer la classe — mais ça, son ami savait que c'était faux —, il ne pouvait manquer d'être emballé par l'idée d'agir en freestyle. C'était bien plus Bouffondor, ça. C'était les Serpentard qui faisaient des plans diaboliques, pas les Rouges. Sinon, où est-ce qu'on allait ?
— Même s'il va de soit qu'en tant que pitoyable Gryffondor, tu foires tout ce que tu entreprends, bien entendu, persifla-t-il soudain d'une voix métamorphosée en sautant de son perchoir. Son visage ouvert et avenant s'était soudain fermé comme une huître au moment même où la porte de la serre s'ouvrait pour laisser entrer un camarade de Maison d'Owen.Tu viens à la rescousse de ton petit ami, crotte de nez ? Dégage de là !