Janvier 1970 :

Il faisait frais dans la volière. La jeune Luzia terminait de nouer son courrier à la patte d'un des hiboux de l'école - celui qu'elle avait l'habitude d'utiliser parce qu'elle l'aimait bien. Il avait une pelote de plumes blanches sur le thorax, à laquelle s'entremêlaient des tâches brunes qui formaient comme une spirale. La première année porta le hibou jusqu'à la fenêtre et lui donna une friandise Miamhibou avant de le laisser s'envoler.
Accoudée à la fenêtre, respirant à plein nez l'air hivernal de l'Écosse, l'Espagnole le regarda s'éloigner. Puis, quand il disparut à l'horizon, elle fit demi-tour. Elle venait d'envoyer une lettre à ses parents pour leur raconter sa rentrée. Ugo lui avait à peine adressé la parole durant les vacances de Noël et elle trouvait cela dur.

Luzia redescendait les escaliers pour rejoindre sa salle commune et récupérer ses affaires de cours avant de filer à son cours de potion. La plupart des élèves étaient à leur breakfast, aussi ne croisait-elle pas grand monde.
Elle sauta juste au bon moment avant qu'un des escaliers ne l'emmène à l'autre bout de l'étage. C'est alors qu'elle se retrouva derrière une Serdaigle qui allait dans la même direction qu'elle, mais qui semblait ne pas avoir remarqué la Poufsouffle. Dans ces cas-là, Luzia ralentissait le pas pour mettre de la distance avec la personne qu'elle suivait. Elle-même avait horreur d'avoir quelqu'un dans son dos quand elle marchait - l'envie la démangeait de se retourner mais elle ne le faisait jamais parce que ce n'était pas poli. C'est pourquoi elle épargnait la peine à la Serdaigle. Et pourtant...

Spoiler:

L'hiver était définitivement la saison préférée de Maya, elle aimait particulièrement que le parc soit recouvert d'une couverture de neige créée par l'accumulation des flocons, elle trouvait ça paisible. C'est pour cela, que ce jour là, elle avait préféré sortir et s'assoir tranquillement sur un banc pour admirer le paysage plutôt que déjeuner, elle trouverait bien quelque chose à grignoter. L'heure du repas était passé trop vite et elle se rendit compte au dernière moment qu'elle devait traverser tout le château pour se rendre à son premier cours de l'après-midi. Elle se dépêcha de rejoindre le hall en espérant attraper un des escaliers. Maya les détestait pourtant, elle perdait un temps inimaginable à essayer de les comprendre et en général, elle perdait espoir préférant souvent faire des détours interminables. Depuis sa rentrée l'année dernière, elle était tombé bien trop fréquemment dans les pièges de ses marches qui semblaient prendre un malin plaisir à la faire atterrir n'importe où. Elle n'en crut pas ses yeux quand elle réussit à attraper le premier qui passait et poussa un soupir de soulagement quand elle vit qu'il n'en faisait pas des siennes. C'était son jour de chance ! Elle se détendit et ralentit la cadence, elle était certaine d'avoir le temps maintenant. Maya maladroite comme elle était, se prit les pieds dans le bas de sa robe, manqua la marche qui suivait lui faisant terminer l'escalier sur les fesses. Elle poussa un cri de surprise et se releva en vitesse. En s'assurant qu'elle était seule, elle écarquilla les yeux en tombant nez à nez avec une élève qu'elle ne connaissait pas. En attendant sa réaction, elle lui fit un sourire gêné et s'efforça de sortir la première chose qui lui vint à l'esprit avec une voix qu'elle ne se reconnut pas. "Oups, ils sont vraiment taquins ces escaliers !" Gros gros gros moment de solitude pour la serdaigle.  Jour de chance avait-elle dit ? Elle maudissait ces stupides marches et la stupide robe qu'elle portait apparement un brin trop grande. Elle n'avait pourtant pas la moindre idée de l'amitié qu'elle allait gagner grâce aux quelques centimètres en trop de son vêtement.

Et pourtant... Devant Luzia, la Serdaigle parut trébucher inopinément, basculant vers l'avant, et dégringola quelques marches sur les fesses. Luzia accéléra le pas, ne réfléchissant pas vraiment à ce qu'elle faisait. La Bleue et Argent s'était aussitôt relevée, comme si elle avait été piquée par quelque chose, et regardait autour d'elle pour s'assurer qu'elle était seule.
Ce n'était pas le cas et la jeune fille s'aperçut très vite de la présence de la Poufsouffle. Un sourire gêné s'empara de son visage.
▬ Oups, ils sont vraiment taquins ces escaliers, s'exclama-t-elle en rosissant.

Luzia fut alors rassurée. Rassurée par le ton sympathique et maladroit de la Serdaigle, qui montrait ainsi un bon fond. L'Espagnole acheva alors la distance qui la séparait de l'autre. Son visage trahissait son effarement, mais laissait place petit à petit à un sourire nerveux. Elle craignait qu'elle ne se fût fait mal. Pour Luzia, il n'y avait rien de pire pour quelqu'un que d'avoir mal et de devoir lutter en même temps contre la douleur et contre les larmes.

▬ Ça va ? Tu n'as rien ?
Elle ramassa une plume que la Serdaigle avait laissée derrière elle et la lui tendit. Comme elle se trouvait bête, Luzia ajouta :
▬ Ils sont pénibles, oui ! A cause d'eux, j'arrive souvent en retard en cours, même lorsque je pars en avance !
Elle rajusta une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, scrutant le visage de la Serdaigle pour savoir comment elle allait.

Maya éprouva un soulagement en voyant que la Poufsouffle ne se moquait pas de sa chute, quelqu’un d’autre aurait forcément éclater de rire et elle-même en voyant une chute sous ses yeux n’aurait pu se retenir. S’attendant sûrement à ce qu’elle passe tout simplement son chemin, la Serdaigle fut agréablement surprise que son interlocutrice lui demande si elle allait bien. Tout en rajustant sa robe, elle prononça, sans réfléchir, les premiers mots qui lui vinrent à l’esprit. « Un peu le feu aux fesses mais ça va ! » Elle se rendit compte de l’horrible double sens que sa phrase signifiait et se reprit en vitesse. « Je veux dire, elles doivent être toutes rouges… tu sais… à cause de la chute… le rouge, le feu… enfin voilà ! » Maya se gratta l’arrière de la tête, gênée (si on pouvait l’être plus qu’elle ne l’était auparavant). Son visage s’éclaira d’un sourire sincère en remarquant que la Poufsouffle lui tendait sa plume favorite, elle la remercia en la récupérant. Elle se regardèrent une seconde avant que la jaune ne mentionne les retards réguliers que les escaliers avaient pu lui causer. « Vraiment une horreur, ils n’en font toujours qu’à leur tête. » Au même moment, pour accompagner son propos, l’un des escaliers se déplaça empêchant deux élèves, dont elle ne percevait pas les maisons, de l’emprunter. Elle secoua la tête en pouffant légèrement et reporta son attention sur celle qui lui faisait face. « Tu es en première année, c’est ça ? » Maya en était quasiment certaine mais préférait s’en assurer, elle n’avait pas véritablement prit le temps d’imprimer les noms et âges de l’intégralité des élèves de Poudlard, pour ne pas mentir, elle s’en fichait un peu se contentant déjà de connaître ceux des gens avec qui elle avait un lien. Elle trouvait quelque chose d’intriguant dans la poufsouffle, la gentillesse qu’elle semblait émettre ne pouvait pas être ignorée et d'habitude moyennement curieuse, elle eut volontiers envie d'en apprendre un peu plus.

La jeune Serdaigle paraissait avoir eu plus de peur que de mal. A présent, elle se frottait l'arrière train pour en faire tomber les poussières.
▬ Un peu le feu aux fesses mais ça va, assura-t-elle.

Luzia hocha la tête. Elle n'en doutait pas, parce que tomber ainsi sur les fesses, ce n'était guère agréable. Elle avait le souvenir de certaines chutes de balai particulièrement ridicules et douloureuses...
▬ Je veux dire, elles doivent être toutes rouges… tu sais… à cause de la chute… le rouge, le feu… enfin voilà !
Un peu interloquée par ce discours étrange, Luzia fronça les sourcils avant de comprendre que Maya expliquait sa précédente réplique. Sa gêne, soudaine, était franchement marrante.
▬ Ahaha ! se mit à rire Luzia, j'avais compris dès le début, hein !


Puis la jeune fille récupéra sa plume, perdant peu à peu le rouge de l'embarras et elles regardèrent toutes deux les escaliers illustrer exactement ce qu'elles venaient de dire en coupant la route de deux autres élèves. L'Espagnole jeta un regard à la Serdaigle, paraissant dire "qu'est-ce qu'on disait ?".
Enfin, comme elles avaient vérifié que rien d'autre ne s'était échappé du sac ou des poches de la Serdaigle, les deux fillettes, n'imaginant pas se quitter sans plus de cérémonie, engagèrent la conversation.
▬ Oui, dit la première année, je m'appelle Luzia Ozores et je suis à Poufsouffle. Et toi ?

Et tandis qu'elles discutaient, elles se mirent naturellement en route vers leur destination.

Devant l'air qu'abordait la poufsouffle face à ses propos, Maya se rendit compte qu'elle aurait mieux fait de ne pas chercher à se justifier. Elle passait une nouvelle fois pour une fille un peu étrange. Elle se détendit en voyant qu'elle faisait rire la jaune, la situation était mieux comme ça plutôt que les deux soient gênées et n'osent pas se parler. Les deux jeunes filles quittèrent le lieu de leur rencontre côte à côte en se questionnant sur les banalités de l'autre. Luzia Ozores à Poufsouffle. Elle n'oublierait pas. "Je m'appelle Maya Andrews, de Serdaigle !" Remontant sa manche pour vérifier l'heure sur une petit montre moldue que son père lui avait offert l'année passée, elle se rendit compte qu'elles n'avaient plus énormément de temps pour rejoindre le premier cours de l'après midi. "Je ne sais pas ce que tu as comme cours, mais on devrait se dépêcher, on va sûrement être en retard" Maya n'était pas en avance, c'était déjà quelque chose de nouveau. Comme elle ne voulait pas non plus passer pour une fille agaçante, elle sourit à Luzia tout en accélérant discrètement le pas.

Désolé pour le retard, j'avais oublié que c'était à moi de répondre

Décidément, cette Serdaigle était très sympathique ! Son visage était le reflet sincère de ses pensées et son naturel plaisait à Luzia qui découvrait avec stupéfaction qu'elle était étrangement à l'aise avec l'autre, bien qu'elles ne se connussent pas quelques minutes plus tôt. Il faut dire qu'une chute pouvait avoir l'avantage de détendre une atmosphère et la jeune Poufsouffle n'était pas du genre à se moquer des autres, car elle savait bien que ce qui était arrivée à la deuxième année aurait pu également lui tomber dessus.

▬ Je m'appelle Maya Andrews, de Serdaigle !
Luzia inclina la tête. Maya, c'était un joli prénom - comme elle n'en connaissait aucune jusqu'à présent, Luzia était sûre de ne pas l'oublier. Devant elle, la Serdaigle regardait sa montre et la prévint qu'elles allaient être en retard. Or, l'Espagnole ne tenait pas à rater son cours de sortilèges.
▬ Tu as raison, allons-y, répondit elle en redressant son sac à dos sur ses épaules.

Elles accélérèrent le pas, ce qui permit à Luzia de savoir que Maya ne s'était pas faite trop mal puisqu'elle ne boitait pas. Elles parvinrent au deuxième étage.
▬ J'y suis, fit la Poufsouffle, à bientôt !

Elle adressa un signe de la main à Maya et tourna à l'angle de couloir qui menait à la salle de sortilèges.

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