« Mais où est-ce qu'elle est ? » Je fouillai dans mon sac avec panique. Je n'aimais pas du tout cette situation. Depuis que je l'avais trouvée cet été, je ne pouvais pas me déplacer sans. J'étais pour certain de l'avoir laissé dans la poche avant de mon sac. Pourtant, même en sortant tous les objets bizarres qui y étaient fourrés, je ne la trouvais pas. Et si je l'avais perdue ? Et si je l'avais laissée tomber sans faire exprès ? Qu'allait dire mon père ? Il ne savait même pas que j'avais piqué sa boussole. J'avais peur de sa réaction s'il apprenait que je l'avais apportée à Poudlard sans son consentement. Enfin, peut-être ne se souvenait-il pas de cet objet ? Il ne m'en avait jamais parlé avant après tout.

Pourtant, la panique ne voulait pas partir. J'avais un poids sur l'estomac et je ne me sentais pas de suivre les cours dans cet état. Je jetai tout ce que j'avais mis sur le sol dans mon sac et me relevai sans plus attendre. C'était parti pour une course contre le temps. Je devais traverser la moitié du château pour retourner dans l'aile est et ensuite trouver rapidement cette foutue boussole pour finalement retourner à temps en cours de métamorphose. Je sentais que j'allais bien me faire engueuler pour mon retard, si j'y allais. Seulement, avec cette professeur, valait mieux prendre la honte de sa vie devant toute la classe que d'attendre le lendemain pour un scandale encore plus humiliant.

Je traversai la salle commune sans un regard pour les autres élèves. Je n'avais pas le temps de voir si je connaissais du monde pour faire la discussion. On aura qu'à dire que j'étais un asocial, j'arrangerai ça plus tard. Je fonçai vers ma table de chevet et tirai le tiroir sans aucune douceur. A peine était-il sorti que je le renversai sur mon lit mal fait avant de le jeter par terre. Je cherchai sans succès dans les babioles inutiles qui s'y trouvaient. Mais où l'avais-je mise ? Je relevai alors la tête avec horreur. Non, non… Je n'avais pas fait ça, je n'étais pas aussi stupide. Je laissai mon bazar sans un autre regard et redescendis les escaliers en vitesse.

« Je peux savoir ce que tu fais au juste avec ça ? » m'exclamai-je avec colère. Je l'avais vu rapidement en allant dans le dortoir, mais je n'avais pas fait attention à ce qu'elle avait dans ses mains. Dans un sens, je ne pouvais pas lui en vouloir de regarder ma boussole, je n'aurais jamais dû l'oublier sur la table. Seulement, il serait temps que cette première année apprenne à respecter ses aînés, qu'importe à quel point elle pouvait être curieuse. « Qu'est-ce qui te fait penser que ce n'est pas dangereux pour toi ? Et qui t'as autorisé à la prendre ? Allez, rends-moi ça avant de la casser. » Je n'étais pas d'humeur aujourd'hui, dommage pour elle. Mais si elle ne faisait pas d'histoire, ça ne devrait pas poser de problème.

Automatiquement, je penchai mon bras en avant pour récupérer la boussole si elle la faisait tomber. Cette première année ne semblait pas très douée, comme si c'était l'une des premières fois qu'elle fouillait dans les affaires des autres. Si on ne savait pas être discret, il fallait éviter d'être trop curieux. Son incapacité me donnait envie de hurler, surtout qu'elle avait failli casser cet objet précieux pour moi. Pourquoi fallait-il qu'une petite nouvelle vienne me casser la tête ? Et ça n'allait pas aller en s'arrangeant vu son changement d'avis au moment de me la rendre. Ma colère n'était-elle pas suffisante pour lui faire peur ? Depuis quand les petits défiaient l'autorité de leurs aînés. Certes, je n'étais qu'en fin de troisième année, mais ce n'était pas une raison pour me tenir tête. Et maintenant elle voulait que je lui donne des explications ? Mais pour qui elle se prenait au juste ? Je n'avais pas à expliquer à une gamine les propriétés d'un objet qui m'appartenait clairement. J'avais l'impression de rêver, ou plutôt de faire un cauchemar. Elle avait quand même de la chance qu'elle ait volé mes affaires et pas celle de quelqu'un de plus agressif.

« Ta curiosité va te faire défaut un jour, tu le sais ça ? Tu as peut-être eu de la chance jusqu'ici, mais, un jour, tu vas tomber sur quelqu'un qui n'aime pas répondre à tes questions et ça pourrait faire mal. Maintenant, est-ce que tu veux bien retourner cette boussole ? Tu y lis quoi ? », m’exclamai-je avec frustration. Et moi, j'avais de la chance de connaître la boussole par cœur, je pouvais ainsi me débarrasser d'elle rapidement. Je n'allais pas avoir besoin d'expliquer toutes les propriétés de l'objet que je ne connaissais pas moi-même. Cela faisait moins d'un an que je l'avais, je n'avais pas réussi à élucider tout le mystère encore. J'avais réussi à trouver une liste d'objet ressemblant lors de mes passages à la bibliothèque, mais rien qui ne m'indiquait clairement son utilité.

« McLloyd, oui c'est bien mon nom de famille. Si tu ne le savais pas encore, je m'appelle Sean McLloyd. Tu peux toujours aller poser la question aux autres, tu sauras vite que je dis la vérité, ce qui prouve donc que cet objet m'appartient. », démontrai-je avec un sourire. Seulement, sa curiosité enfantine m'attendrit. Je ne pouvais pas arrêter cette envie de tout savoir, pas en étant moi-même un accro aux nouveaux savoirs. « Si tu me la rends, je pourrais faire l'effort de t'en parler un peu. Enfin, pour être honnête, je suis encore en train de l'étudier, donc je ne pourrais pas en dire beaucoup. Je ne le pourrais que si tu me laisses l'occasion de faire plus de recherche. Tu me la rends ? », lui demandai-je gentiment en tendant le bras.

J'avais un minimum de chance apparemment. Si la jeune fille semblait têtue, elle ne chercha pas à me contrer sur toutes mes demandes. Si je lisais bien sur les visages, je pourrais dire qu'elle était déçue que je lui montre aussi facilement des preuves. Elle n'avait peut-être pas l'habitude de se retrouver sans les réponses qu'elle cherchait. « Je n'ai rien dit. », m'exclamai-je en levant les bras en l'air pour m'innocenter. Je n'étais pas du genre à me moquer aussi stupidement. Moi aussi je connaissais les murmures sur mon passage, je ne souhaitais cela à personne. En plus, elle n'était vraiment pas responsable de son nom, alors pourquoi ce serait à elle d'en subir les conséquences. Je fus tout de même heureux de sentir l'objet dans mes mains. C'était comme si je ne pouvais plus me déplacer sans, comme si c'était nécessaire qu'elle soit toujours vers moi. Elle me donnait l'impression de me rapprocher de mon père, chose compliquée parfois. Je m'en voulais souvent d'avoir un lien si précieux avec ma mère, mais de ne pas être capable de faire la même chose avec lui.

Je retournai la boussole entre mes doigts avec douceur. En l'observant rapidement, je ne voyais pas de différence par rapport à la veille. Son contact avec Pandora n'avait-il eu aucun effet ? J'avais un peu de mal à le croire, mais je ne pouvais pas en être certain sauf si je lui posais la question. Seulement, cela voudrait aussi dire que j'allais avoir un pot-de-colle avec moi toute la journée. Or, j'avais énormément de mal à me confier là-dessus avec les autres, alors travailler avec quelqu'un d'autre me semblait impossible, surtout pas avec une première année. « Crois-moi, je te comprends totalement pour le côté fascinant. C'est un peu pour ça que je n'aime pas que les autres y touchent, si tu vois ce que je veux dire. », dis-je avec un ton un peu moralisateur. Je l'avais peut-être laissée sur la table sans faire exprès, mais je ne voyais pas en quoi cela lui donnait une bonne excuse. « Bon d'accord, j'aurais dû faire un peu plus attention à mes affaires si je ne voulais pas que ça se produise. Surtout que je sais comment sont les serdaigle… »

Je l'observai attentivement, voir si je pouvais vraiment lui faire confiance. Je n'aimais peut-être pas l'aide des autres, mais si elle maîtrisait déjà plus de sorts que moi avec deux ou trois ans de moins, je ne pouvais pas la rejeter aussi facilement. « Tu sais que réussir de tels sorts n'est pas nécessaire pour tout savoir là-dessus ? D'accord, tu as l'air d'être douée dans ton domaine, mais est-ce que tu as de la patience ? Est-ce que tu aimes bien la théorie en général ? », la questionnai-je sans un seul remord. Si elle avait peur de mes questions dès maintenant, c'était autant qu'elle retourne s'amuser avec les gosses. « Autre chose : de quelle couleur était la boussole quand tu l'as prise ? », demandai-je avec curiosité.

En la regardant essayer de me convaincre qu'elle était digne de confiance, j'oubliai toute ma colère et ma peur d'avoir perdu la boussole. Je ne me souvenais même plus que j'étais censé me dépêcher pour me rendre en cours. Cette envie d'apprendre coûte que coûte me rappelait tellement ma première année. J'avais la même soif de savoir et il m'avait fallu un bon nombre de mésaventure pour que je garde ça secret. Je ne savais pas si Pandora avait subi le même sort, mais ça ne semblait pas la déranger outre mesure. Son enthousiasme en devenait presque contagieux. « Les runes ? » Je tournai rapidement la tête vers l'endroit qu'elle me désignait et allai chercher le bouquin. Je le feuilletai distraitement, lisant en diagonale quelques définitions. J'avais déjà eu l'occasion de prendre ce livre, mais cela ne correspondait pas à mes recherches alors je l'avais vite rendu. Pourtant, maintenant que la première année en parlait, cela paraissait plutôt logique que les runes puissent avoir un effet sur la boussole. « Je pourrais te l'emprunter quand tu auras fini ? » J'aurais pu lui poser directement des questions sur le sujet, mais je ne savais pas exactement ce que je cherchai et j'avais toujours cette mauvaise habitude de me débrouiller tout seul. En attendant sa réponse, je le reposai à sa place pour ne pas l'embarquer avec inattention.

Ma concentration fut alors ébranlée par la fierté un peu trop prononcée de la jeune fille. Je posai des yeux surpris sur elle avant d'éclater de rire. Je ne me moquai pas vraiment d'elle, c'était même plutôt mignon qu'elle pense de cette façon, mais ça restait tout de même absurde. Pour ne pas la vexer, je m'efforçai de me calmer, gardant un sourire amusé. « Ne le prends pas contre toi, mais tu ne risques pas d'aller dans la réserve. Tu aurais beau être sa fille préférée, si elle en a, elle ne te laisserait jamais y entrer sans l'autorisation d'un prof. » L'imaginer entrer dans la pièce remplie des livres les plus sombres de Poudlard avec cette démarche enfantine rendait l'idée encore plus hilarante. « Bien joué pour Madame Pince ! Je crois qu'elle ne m'aime pas, je touche un peu trop à ces bouquins précieux. » ajoutai-je avec bonne humeur, espérant que ça l'empêchera de s'énerver face à ma réaction.

Je retrouvai mon sérieux quand elle répondit à la plus importante des questions : la couleur. Je laissai la surprise se lire sur mon visage alors qu'elle me décrivait exactement ce qu'il s'était passé lorsqu'elle l'avait prise. Elle ne décrivait pas du tout la même chose que ce que j'avais vécu. Du bronze ? J'étais persuadé que la seule couleur qu'elle pouvait émettre était du bleu, c'était ce que j'avais toujours observé. « D'accord… Et une phrase ? Tu as vu une phrase ou pas ? Tu n'as peut-être pas eu le temps ? » Si ce n'était pas la même couleur, elle n'a pas dû lire la même chose, c'était impossible. Devais-je la lui prêter de nouveau pour mieux voir la réaction ? Cela en valait-il la peine ?

Ouf, la petite fille ne prit pas mal sa réflexion. Sean avait vraiment eu peur qu'elle prenne la mouche et qu'elle s'enfuit en pleurant. Il ne voulait pas lui faire de mal, c'était loin d'être son genre, mais le naturel avait repris le dessus sans le prévenir. Cependant, Pandora ne fit qu'une petite moue toute mignonne quand il lui fit savoir qu'elle avait des rêves un peu trop irréalistes. Il s'en voulut un peu de les lui gâcher, mais c'était autant qu'elle le sache maintenant plutôt que de se faire engueuler par Mme Pince. Il en avait déjà fait l'expérience et ce n'était pas très joyeux. La gamine, elle, avait retrouvé toute son énergie avec ses questions. C'était fou ce qu'elle était passionnée par le sujet, Sean n'aurait jamais deviné. Elle avait beau sauté dans tous les sens et être surexcitée, elle avait une bonne analyse des situations et elle semblait remarquer pas mal de détails. Ça pouvait être à son avantage si elle apprenait à bien l'utiliser. Il faudrait qu'elle apprenne à se poser pour mieux en profiter. Peut-être qu'il pourrait la guider dans ce sens ?

Le serdaigle secoua la tête pour revenir à la réalité. La petite avait beau être sympa, elle semblait un peu trop curieuse sur sa boussole. Oui, il prenait des informations, mais il ne pouvait pas la laisser trop s'en préoccuper. Il ne voulait partager ce secret avec personne et il avait l'impression que son plan partait en fumée. A force de lui poser des questions et de la laisser s'approcher, il se laissait manipuler comme un gamin. « Non… Non, je ne l'ai prêtée à personne. Je ne l'ai découverte que l'été dernier et je ne voulais pas que... » Son père le sache, mais la gamine n'avait pas besoin de connaître ce détail. Il ne se voyait pas non plus lui donner tous les renseignements qu'elle lui demandait. Au vu de ses réponses, il était clair que la boussole avait un effet particulier avec chaque personne, ce qui signifiait qu'elle reflétait la personnalité de chacun. Il ne voulait pas donner des détails de sa vie à Pandora, il ne manquerait plus que ça.

« Okay… Je vais te dire un secret, mais tu dois me promettre de ne le répéter à personne, d'accord ? », lui murmura-t-il. Sean s'était approché d'elle pour vraiment la mettre dans la confidence. Il espérait qu'elle se prendrait au jeu comme ça et qu'il n'aurait pas besoin de s'expliquer avec d'autres. « Ton explication ne doit pas être totalement fausse. La boussole n'est pas un obstacle dans ma vie. Elle ne me parlait pas à moi, mais à toi. Elle veut peut-être te dire que tu dois apprendre à être plus patiente, à faire attention à ton travail et à ne pas abandonner. Elle te désigne ton objectif. » Il hocha la tête avec sérieux pour qu'elle réfléchisse à ses paroles. Il n'était pas certain de ce qu'il racontait, mais ça ne lui semblait pas stupide. « Tu dois garder ça pour toi ! Tu ne veux pas que les autres découvrent ton but dans la vie, ils se mettraient sur ton chemin. La boussole doit rester secrète aussi. Ils ne sont pas prêts à comprendre ce qu'elle veut dire, ce serait trop dangereux. Tu comprends ? Il faut que ça reste entre nous. »

Je commençais à sérieusement culpabiliser de la manipuler ainsi. Elle n'avait rien demandé à personne et j'étais même plutôt content de voir que la curiosité était encore présente chez les plus jeunes. Seulement, je ne pouvais pas m'en empêcher, je voulais garder toutes mes recherches pour moi. Pourtant, je n'avais pas l'impression d'être un monstre avec elle. Je ne l'avais pas encore vexé, malgré une gaffe énorme un peu plus tôt, et elle n'était pas encore partie dans sa chambre en pleurant. En fait, elle avait l'air d'apprécier mes remarques et réflexions. Certes, je ne faisais qu'inventer des mensonges pour la faire taire, mais était-ce vraiment malhonnête ? Et si certains points étaient finalement vrais ? Pandora semblait me croire sur parole, comme si j'étais la sagesse incarnée et c'était ça qui me rendait mal. L'idée qu'elle boive mes paroles sans se poser de questions et que j'en profite en plus, ça me retournait l'estomac. Il valait mieux que j'essaye d'écourter la conversation au plus vite et espérer qu'elle ne revienne plus vers moi. « Je ne peux pas t'aider là-dessus. Je ne te connais pas assez pour ça et, même si c'était le cas, il n'y a que toi pour comprendre ce que ça veut dire. » Comme je serais le seul à comprendre ma phrase, d'où l'inutilité de la lui confier. « Mais ne te casse pas la tête pour ça, ça ne doit pas signifier grand-chose de toute façon », rajoutai-je rapidement pour qu'elle évite de surchauffer à force de chercher une explication. Je savais que j'étais assez fou pour continuer mes recherches sans fin, mais ce n'était pas la peine de créer un deuxième moi.

Enfin, c'était sans compter sur son enthousiasme éternel. C'était à se demander où elle trouvait toute cette énergie. Avait-elle une recette magique ou un repas spécifique pour garder la forme ? Faudrait peut-être que je le lui demande, ça pourrait m'aider après une nuit trop courte. « Qu'est-ce qu'on fait ? Euh… Je ne sais pas moi, on retourne à nos vies comme si de rien était ? », répondis-je au tac au tac. Et je grimaçais aussitôt en remarquant la connerie que je venais de dire. Je venais de demander à une serdaigle assoiffée de connaissances d'oublier l'existence d'un objet mystérieux. « J'rigole ! Hum… Déjà, si tu as une idée et que tu veux en parler, tu viens me voir. Enfin, tu m'envoies un mot pour qu'on se retrouve quelque part. » Je ne voulais pas non plus qu'une petite première me poursuive comme un niffleur. « Pas besoin d'insister sur le fait que tu n'en parles à personne, hein ? » J'appuyai cette phrase par un long regard. « Après, je peux t'aider sur certains cours, si tu veux. Si tu bloques sur quelque chose qui n'est pas dans ton programme, je peux essayer de t'expliquer, mais je ne promets rien. Ça te va comme solution ? »