Parfois, les professeurs avaient le dos large. Cette année plus encore que d'habitude. La semaine précédant les vacances, la jeune fille avait reçu une lettre de sa mère qui la prévenait avec beaucoup d'enthousiasme qu'ils étaient conviés à une superbe réception pour le réveillon. Et dans l'exubérante liste de noms prestigieux, la jeune Odrinth en avait remarqué un qui lui donnait la nausée. Une obscure famille de sang-pur qui ne cessaient de médire sur sa grand-mère et ses voyages. L'année passée déjà, elle avait du supporter leur discours infect sans broncher, un sourire poli sur les lèvres alors qu'elle ne rêvait que de faire transplaner leur tête loin de leur corps, pour voir le résultat. Elle ne résisterait pas à la tentation une année de plus.

Aussitôt, elle avait renvoyé une lettre à ses parents pour les prévenir qu'elle avait un devoir de dernière minute qu'un professeur sadique leur avait donné pour les occuper pendant les vacances. Or, elle avait besoin pour cela d'un livre disponible seulement à la réserve de Poudlard : "Erudits magiques du XIIIe siècle", qu'ils n'avaient pas à la maison, et que le commander prendrait trop de temps. Elle leur promettait de faire ça le plus vite possible mais il lui faudrait la première semaine de vacances pour travailler. Sans quoi, elle risquait de ne pas obtenir d'Optimal à ce devoir.

L'affaire avait contrarié mais n'avait pas été davantage contestée. Bizarre, la Serdaigle s'était attendu à plus de lutte, mais elle savait aussi que son argument ferait mouche. On se passerait donc de la fille prodige pour le réveillon. Mais elle ne couperait pas à celui du jour de l'an, parce qu'on avait déjà réservé une journée pour lui préparer une jolie robe et prévenu qu'elle serait là avec joie, malgré tout le travail qu'elle avait à faire. A l'époque, la jeune fille l'ignorait mais sa mère partageait le même dégoût qu'elle pour les personnes qui osaient dire du mal de Venusia Dulac, et elle n'avait pas vu l'intérêt d'imposer cela à sa fille.

Moralité, la jeune Odrinth se trouvait à Poudlard pour le banquet de Noël. Et elle n'avait pas prévu ça au programme. Aussi se trouva-t-elle toute étonnée quand elle franchit les portes de la grande salle pour le dîner face à la démesure de ce qui l'attendait. Les décorations, le plafond, tout était hivernal. On sentait même le sapin et l'orange sous l'odeur sucrée de la pâte d'amande et des dindes fumantes qui attendaient d'être saccagées par les élèves.

Ici et là, quelques élèves avaient revêtu des habits de circonstance, rouge, vert, bonnets de Noël, boucles d'oreille en forme de boule de neige, robes de soirées bas de gamme et autre déguisements de mauvais goût. La demoiselle faisait tâche dans le décor avec son pull à col roulé noir et son pantalon gris. Et les seules notes de couleur sur elle n'avaient rien de festif non plus. Un petit serre-tête incrusté de pierres vertes paraient ses cheveu comme un diadème le front d'une princesse, et son joli médaillon bleu se découpait nettement sur le noir du pull.    

Elle alla s'asseoir à la table des aigles, le plus loin possible de l'agitation ambiante comme à son habitude, et n'attendit l'avis de personne pour se servir à manger. Que toutes les maisons soient mélangées ce soir ne lui plaisait guère, aussi plus vite elle aurait fini, plus vite elle pourrait retourner se perdre dans une salle vide du château pour tester de nouveaux sortilèges et quelques maléfices. Surtout des maléfices. Bientôt, il lui faudrait aussi trouver un véritable plan d'attaque pour être repérée parmi ceux qu'elle convoitait.

Mais en attendant de pouvoir songer à ces choses passionnantes, elle devait supporter le babillage de ses camarades. Essayons de voir le bon côté : c'était toujours mieux que d'entendre proférer des insultes sur sa chère grand-mère. A cette pensée, un sourire triste fleurit sur son visage. Elle serra son pendentif entre ses doigts et se servit un verre d'eau, l'esprit ailleurs, morose.