Une couverture grisâtre avait recouvert tout le ciel, ce jour-là, mais ça n’empêchait pas le soleil de briller. Il était d’un blanc laiteux derrière ce masque. On aurait presque pu le confondre avec la lune tant il était blanc. Elliot aurait très certainement aimé ce faux satellite qui n’avait aucune influence sur lui. Mais malheureusement, il dormait en ce moment. Ou du moins très certainement. La nuit dernière, la lune était pleine et il avait été un loup. Il était épuisé comme après chaque transformation. Dommage, on aurait pu faire quelque chose ensembles. Parce que je devais avouer que je m’ennuyais beaucoup ce jour-là. J’avais déjà révisé pour le prochain contrôle d’histoire de la magie, j’avais terminé le devoir à rendre en DCFM. Je n’avais plus rien à faire. Cassy m’avait proposé d’aller à Pré-au-Lard avec eux mais je lui avais dit que j’avais trop de travail. Si seulement je n’avais pas été aussi idiot ! J’aurai pu passer une bonne après-midi au lieu de tourner en rond dans la salle commune !
J’avais alors décidé de sortir. La froidure qui régnait dans le parc ne me faisait pas peur. Ma cape et mon écharpe étaient assez épaisses pour me protéger du froid. Une fois équipé, je dévalais les marches de pierres pour sortir rapidement. Je laissai alors mes pas me guidaient là où ils le voulaient. Et comme par magie, perdu dans mes pensées, je me retrouvai à la lisière de la forêt interdite. Je souris en me rappelant de la folle aventure que j’y avais passée avec Cassy, deux ans plus tôt. Une chose était sûre, je n’étais pas prêt d’y remettre les pieds seul !
Je me remis alors en marche, suivant l’orée du bois. Cette expérience avait été traumatisante, certes, mais elle en avait valu la peine. Comme nostalgique, je me demandais alors qui aurait bien pu devenir mon meilleur ami si je n’avais pas rencontré Holden dans la forêt. Mais soudain, je me stoppai. J’avais entendu un craquement suivi d’un bruit étrange. Une sorte de paranoïa me prit. Était-ce un loup qui rôdait près de lisière ? Mais je vis bientôt une tête rousse bien connue et je me relâchai. Minerva Moon se promenait par là et s’enfonçait même légèrement dans le sous-bois. J’eus envie de passer mon chemin car après, si elle se perdait, ce n’était pas mon problème. Mais ma curiosité me poussa à aller voir.
- On peut savoir ce que tu fais ? lâchai-je en la voyant s’approcher d’un écureuil dont je n’aurai su dire s’il était mort ou stupéfixé. C’était louche tout ça.

Je n’eus pas le temps d’apprécier les actes de la sorcière. Elle se retourna aussi vite qu’une furie tout en pointant sa baguette droit vers mon cœur. Surpris, je fis un pas en arrière. Je n’avais certainement pas envie de finir stupéfixé comme l’écureuil. Qu’avait-elle l’intention de faire ? Si ç’avait été un professeur ou Hagrid, aurait-elle aussi levé sa baguette ? Une chose était sûre : elle se serait fait sévèrement réprimander. Mais manque de chance, c’était moi qui étais venu la déranger.
- Ce ne sont pas tes chaudrons McLane, lança-t-elle sur un ton calme mais aussi froid que l’air qui s’engouffrait dans mes poumons. Je n’eus aucune réaction extérieure mais, dans mon esprit, j’étais en train de sourire. Elle espérait me faire peur en prenant ce ton ? Sans dire un mot, je fourrais ma main dans ma poche pour en sortir ma baguette. Je n’avais aucune intention de me battre avec elle. J’étais d’ailleurs sûr de pouvoir facilement la vaincre. Pointant ma baguette vers l’écureuil, je dis alors :
- Enervatum. Le rongeur trembla alors légèrement avant de se relever brusquement et de prendre la fuite sans demander son reste. Me doutant bien que la rousse allait m’en vouloir pour ça, je pointais alors ma baguette vers elle. Aussi calmement qu’elle, je repris la parole. Tu cherchais un nouveau familier ? Le dernier est mort dans une de tes expériences bizarres ? Ce n’était plus un secret -du moins pour moi- que Minerva pratiquait la magie noire. On en avait eu une très belle preuve lors de son face-à-face avec les licornes. T’sais que t’es quand même vachement bizarre ? Enfin bref, c’est pas mes chaudrons. Je baissais alors ma baguette sans pour autant m’en aller. J’étais bien décidé à avoir une conversation avec elle. Peut-être pour essayer de les comprendre, elle et ses intérêts malsains.  Deux choix s’offraient alors à elle. Allait-elle me jeter un sort ? Ou bien préférait-elle parler, quitte à ravaler sa fierté de sang-pur ?

Mes mots ne pouvaient que toucher juste. Au moment où son masque d’impassibilité disparut, je sus que toutes les suppositions que j’avais pu faire sur la petite Moon étaient fondées. La pureté des licornes ne pouvait pas être trompée. Elles auraient ressenti la moindre once d’impureté dans le cœur de Minerva mais honnêtement, je doutais que son cœur n’abrite qu’une petite parcelle de ténèbres. Il devait être bien plus pourri.
- Tu as fais fuir Berty McLane, dit-elle avec fiel. Je levais un sourcil surpris et aussitôt, un léger sourire se dessina sur mon visage. Berty McLane ? Sérieusement ? Qu’espérait-elle en disant ça ? Je me souvenais qu’elle devait avoir quatorze ans mais en ce moment, j’en doutais très fortement. Voilà pourquoi j’avais décidé de crier au grand jour mon aversion pour sa bizarrerie inexplicable. Moi ? Bizarre ?! Oui, exactement. Il n’y avait pas de mot plus approprié pour te qualifier, Moon. Toutefois, la soudaineté de sa réaction me surprit et je fis un pas en arrière. La connaissant, il n’en faudrait pas beaucoup plus pour qu’elle lève à nouveau sa baguette et tente de me jeter un sort. Mais elle n’en fit rien, préférant continuer à cracher son fiel. C'est gonflé de ta part McLane! Ce n'est pas moi qui me suis bêtement attirée les foudres de Niclas Travers. Ça c'était bizarre et stupide! Ce fut alors à mon tour de quitter mon masque d’amusement discret. Parler de Travers n’était absolument pas la chose à faire.
- Ta gueule, lâchai-je sans prévenir. C’est pas de ma faute si Travers a cherché la merde … J’y peux rien s’il se croit supérieur et intouchable. T’façon, vous êtes tous pareils avec vos considérations de sang-purs. C’était à chaque fois la même chose. Même dans mon entourage proche, je connaissais des enfoirés qui faisaient passer le statut de sang avant tout. Avant même la famille. J’suis bien content que ma mère ait fait de moi un sang-mêlé. Vous me faites déjà bien assez vomir comme ça. J’en disais peut-être encore une fois trop. Mais contrairement à Travers, Moon ne me faisait pas peur.

Moon s’indigna de ma réaction. Ainsi elle ne se considérait pas comme étant égale à Niclas ? Oh oui, j’oubliais ! Dans le petit monde très fermé des sang-purs, on jouait d’intrigues et de coups bas pour voir sa position renforcée. Personne n’était égal à l’autre, car l’autre était un rival à abattre. Chacun se considérait supérieur à l’autre. Et j’étais persuadé que c’était ce que Minerva pensait. Le pouvoir leur importait bien trop pour s’abaisser à la comparaison avec autrui, qu’il soit pur ou non.
- J'suis bien content que ma mère ait fait de moi un sang-mêlé, m’imita la gamine sur un ton aussi mauvais que sarcastique et moqueur. Je n’eus qu’une envie : lever ma baguette et lui jeter un Bloclang ou même un stupéfix. Mais c’était bien trop prévisible et ça n’aurait servi qu’à m’attirer des ennuis. Bien plus d’ennuis qu’avec Travers. Néanmoins, je serrai tellement ma baguette qu’elle aurait pu casser. Rendu sourd par ma colère soudaine, je n’entendis que la fin de la tirade dédaigneuse de Minerva. Tous les sang-purs ne sont pas comme Travers McLane. Tu le saurais si tu étais moins stupide. C’était totalement puéril mais qui de nous deux avait les meilleurs résultats et était bien vu par le plus de monde ? Certainement pas elle. Mais je me gardais de le lui foutre dans les dents. J’aurai perdu le peu de crédibilité qu’il me restait. Toutefois, je restais dans mon entêtement.
- Non bien sûr. Travers a de l’ambition lui. C’était là la seule concession que je ferai par rapport à Nick. Toi tu t’amuses juste à maltraiter des animaux pour les disséquer et faire tes petites expériences glauques. Je ne savais pas ce qui me mettait le plus en colère. Qu’on puisse s’en prendre à un écureuil inoffensif (non pas que j’étais militant de la protection animale) ou qu’on puisse les utiliser pour pratiquer la Magie Noire. Noble tache que celle-là cela dit. Tu trouveras peut-être comment soigner un cancer chez les rongeurs. Utile non ?

Moon semblait plus qu’agacée par mes remarques. Levant les yeux au ciel, elle donnait vraiment l’impression d’une petite sotte certaine de sa supériorité et qui, de fait, devait être dispensée des dires des autres. Ça lui passait au-dessus ? Eh bien c’était là le problème et c’est ce qui me poussait à continuer. Elle ponctuait chacune de mes remarques d’une pique qui était aussi pathétique et dérisoire. Qu’avait-elle à gagner en me répondant qu’elle trouvait cela passionnant ? Allais-je subitement me découvrir une passion pour la dissection et la trouver d’un coup bien moins repoussante ? Ou bien cherchait-elle à me faire sortir de mes gonds ? Certes je n’étais pas des plus calmes mais ça n’allait pas aller au-delà.
- Qu'est-ce que ça peut te faire ce que je fais de mon temps libre ? siffla-t-elle réellement agacée. Le petit rire froid qu’elle m’avait assené juste avant avait disparu en un éclair, preuve ô combien visible de sa propre versatilité. Je ne pouvais pas vraiment dire que je ne m’attendais pas à avoir à répondre à une telle question mais néanmoins, je ne l’espérais pas aussi tôt. On y était, hein ? Je restais muet un instant, laissant peut-être le temps à Minerva de croire qu’elle m’avait vaincu. En fait, je pesais mes mots et les choisissais soigneusement.
- T’as quoi ? treize-quatorze ans ? lançais-je pour commencer. A vrai dire, je n’avais aucune idée de l’âge précis de Moon, tout ce qui m’importait était, qu’au final, elle reste une gamine.  Et tu t’enlises déjà dans des trucs malsains et glauques. J’ai pt-être que deux ou trois ans de plus que toi, mais à ton âge, ça me serait jamais venu à l’esprit de tenter des choses comme ça. Alors ouais, chuis pt-être pas ton père mais si y’a des gens comme moi qui pensent que sang-purs et magie noire sont liés, c’est certainement parce que certains d’entre vous ne montrent pas le bon côté des choses. A commencer par toi. Je fis une pause, légère, fugace, pour ne pas lui laisser le temps de répondre mais juste assez pour qu’elle intègre bien mes paroles. En voulant approcher les licornes, tu as montré à tout le monde dans quoi tu trempais. Tu crois que ça aura quoi impact sur ton nom et sur ta famille ? Tu n’en seras que plus fière de dire haut et clair que tu trucides des écureuils pour te sentir un rien plus puissante ? Personnellement, j’en ai rien à carrer de ce que tu fous de ton temps libre. C’est juste que tu me dégoûtes et que c’est à cause de gens comme toi que ça ne va pas tarder à péter entre purs ou non. Si tu commences à ton âge, qu’est-ce que tu vas devenir après ? Une foutue partisane du Seigneur des Ténèbres, juste assez idiote pour croire qu’à ses côtés, elle gagnera un brin d’influence et de pouvoir et qui, le jour venu, finira raide morte pour avoir déplu à son Seigneur, balancée aux ordures comme une vulgaire poupée qui ne convient plus à l’enfant capricieux. Je ravalais ma salive et finit par dire. C’est ça qui me rend malade. Maintenant, si t’es pas assez intelligente pour prendre toute la mesure de ce que ça représente, libre à toi de faire ce qu’il te plait. Je te ferai plus chier. Je fis volte-face et commençais à m’éloigner, bien décidé à la planter là pour qu’elle réfléchisse. Néanmoins, j’avais le pressentiment que ça n’allait pas en rester là.

Naïf, buté, idiot, mentalement atteint, à interner. Moon pouvait bien dire tout ce qu’elle voulait et se répandre en bonnes considérations, ça ne changerait rien à l’avis que je porte sur elle. Oui, ça avait l’air complètement puéril et idiot mais on était en proie à un conflit d’opinions. Forcément, pour l’un, les actions et paroles de l’autre paraissaient totalement futiles et dénués de sens et inversement. Je ne risquais pas d’admettre qu’elle avait raison. Pourquoi l’aurait-elle d’ailleurs ? Certes mes a priori sur les sang-purs n’arrangeaient pas les choses mais même si on excluait le fait qu’elle le soit, ça ne changeait en rien le jugement que je pouvais lui porter. A quatorze ans, elle s’estimait capable de faire les mêmes expériences que des mages éprouvés du Ministère. Non je n’ignorais pas ce qu’on faisait au département des mystères mais il y avait l’art et la matière de le faire. Elle, c’était juste une gamine trop imbue d’elle-même et qui allait se brûler les ailes à vouloir faire comme les grandes personnes. Car elle pouvait dire tout ce qu’elle voulait, elle ne savait pas ce qu’elle faisait. Même les langues-de-plomb ne savaient pas toujours ce qu’elles faisaient. Et pour sa gouverne, si on appelait ça "Magie Noire" c’est que ce n’était certainement pas reluisant et attirant. Elle pouvait peut-être y trouver son bonheur mais alors ce n’était plus la magie qui était glauque et repoussante mais elle.
Enfin … Je n’étais qu’un idiot buté et sûr de lui, n’est-ce pas ? Rien ne servait à ce que j’essaye de justifier mes propos qui de toute façon ne seront jamais recevables aux yeux de Moon ? Elle essayait de me faire craquer en ramenant encore le sang au centre du débat et en se faisant passer pour une sainte qui, jamais, n’a nourri des préjugés sur le statut si redouté, des préjugés inverses aux miens. Pff ! Foutaises ! Je devais être particulièrement con ou elle complètement aveugle mais ça crevait les yeux ! J’avais tout à parier que, dans quelques années, on la retrouverait dans les rangs du Seigneur des Ténèbres. Elle pouvait bien jouer les Saintes-ni-touche, je pensais être assez lucide pour m’en rendre compte.
- Puisque je ne suis qu’un idiot naïf et aussi buté qu’un âne, prouve-moi que j’ai tort, lui lançais-je alors que je m’éloignais toujours. Ça ne servait à plus rien de se battre, certainement pas avec une telle peste. Prouve-moi que dans quelques années, tu n’auras pas mal tourné pour finir dans les bas-fonds de l’Allée des Embrumes, d’accord ? Et puisqu’elle ne semblait pas décidée à me retenir pour me cracher à nouveau un flot de paroles démagogiques et vides de sens, je partis définitivement. Au final, elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait à ce pauvre écureuil. En ce qui me concernait, c’était tout à fait clair : Plus que détestable par son sang, Minerva était tout simplement détestable de tout son être. Et une fois que je serais Auror, je me ferai un plaisir à la trainer au Magenmagot. Pas par vengeance personnelle, juste parce qu’elle le mérite.