« MA BAGUETTE ! s'écrie Saul en portant ses mains sur son crâne. Comment ai-je fait pour l'oublier ? C'est comme si j'étais parti sans mon bras droit ! Tiens, prends ça, dit-il en attrapant la sangle de son appareil photo et en la glissant autour du cou d'Emmeline. Je reviens tout de suite ! »
Et Saul s'engouffre dans la serre. Il n'oublie pas de se masquer le nez avec la manche de son manteau, au cas où l'odeur pestilentielle flotterait toujours dans l'air. Il se précipite vers l'emplacement de l'Immortelle en se forçant à ne pas la regarder, gardant en tête son objectif qu'est de récupérer sa baguette au plus vite. Mais c'est trop tentant... Il jette un coup d'oeil, rien qu'un seul. La plante en est toujours réduite à un petit tas de cendres.
Saul secoue la tête pour chasser la plante de son esprit. Il s'accroupit et inspecte en dessous des établis à la recherche de sa baguette, mais aucune trace nulle part. Il se met à genoux et commence à avancer à quatre pattes, les mains pleines de terre, oubliant de se couvrir le nez... Il est soudainement pris de maux de ventre terribles et se met à vomir.
Pouf ! Et voilà Saul qui réapparaît debout devant la plante. C'est pas vrai, ça recommence ! Le Serdaigle retire son écharpe qu'il enroule fermement autour de son visage, masquant ainsi son nez et sa bouche. Il lance un regard à la plante qui se met à éclore de nouveau. Pas de temps à perdre ! Saul se jette à terre, fait une roulade à la James Bond (un moldu très célèbre en Angleterre) et se retrouve dans un nouveau rayon. Toujours au sol, il regarde à droite, à gauche et l'on pourrait presque voir ses oreilles remuer comme les loups lorsqu'ils essayent de capter le moindre son alentour. Soudain, il l'aperçoit ! Sa baguette est à quelques mètres à peine. Il se précipite vers elle mais alors qu'il tend la main dans sa direction, quelque chose le retient. Saul regarde derrière lui et remarque qu'une plante s'est enroulée autour de sa cheville. Par Merlin, l'angoisse, une Tentacula vénéneuse ! Et le pauvre Serdaigle n'a même pas sa baguette pour se défendre ! Il se débat comme il peut, donne des coups de pieds, essaye de la retirer avec les mains tout en évitant ses dents mais rien à faire, plus il résiste, plus elle resserre son étreinte. Par dépit, Saul décide de retirer son écharpe et aussitôt, l'odeur horrible monte à ses narines. Sans prévenir, il vomit à nouveau.
Try again. Saul se retrouve de nouveau devant la plante. Il noue sans attendre son écharpe autour du bas de son visage et fonce vers l'endroit où il sait que se trouve sa baguette. Mais en chemin, VLAN ! le sorcier trébuche sur une souche d'arbre et s'écroule de tout son long sur le sol. Il jette un coup d'oeil derrière lui en se demandant qui pourrait bien avoir l'idée de laisser une souche d'arbre en plein milieu d'une serre lorsqu'il reconnaît un Snargalouf... Décidément, ce n'est pas son jour de change ! Il remarque les tentacules hérissés d'épines qui commencent à se déployer tout autour de la souche et le Serdaigle recule vivement pour leur échapper. Mais en reculant, son dos cogne contre le pied d'une table qui se met à trembler. De là en tombe un Bubobulb qui explose toutes ses pustules brillantes au visage de Saul qui se met à hurler en plaquant ses mains à ses yeux. Trop, c'est trop ! Il décide une nouvelle fois de retirer l'écharpe autour de sa tête en priant cette fois pour que l'Immortelle recommence son petit manège. La nausée le submerge à nouveau et le visage brûlant, le corps douloureux, Saul vomit encore une fois.
Bingo ! Saul se retrouve de nouveau devant la plante, le visage aussi net et propre qu'à l'ordinaire. Plus aucune trace de pus jaunâtre, plus de douleur nulle part après sa chute vertigineuse, plus de dégueulis sur ses chaussures, bref, tout est parfait. Sauf qu'il est toujours coincé dans la serre sans sa baguette. Et Emmeline qui ne peut même pas s'inquiéter vu que pour elle, le temps ne passe pas de la même manière à l'extérieur...
Bon, dernière tentative, après c'est l'abandon (même si Saul sait très bien qu'il dit ça juste pour la forme, jamais il ne laisserait sa baguette derrière lui !). Saul réitère en nouant son écharpe autour de son nez. Puis il se dirige, cette fois-ci doucement pour bien faire attention à tout ce qui se trouve autour de lui, jusqu'à l'endroit où se trouve sa baguette. Il esquive à pas feutrés le Snargalouf pour ne pas l'éveiller, fait attention de ne pas bousculer la table sur laquelle se trouve le Bubobulb (et toutes les autres plantes dangereuses qu'il pourrait réveiller d'ailleurs) et il prend soin de se retourner plusieurs fois pour être sûr qu'aucun tentacule n'essaye de s'emparer de lui. Après toutes ces étapes, il arrive enfin à destination. Sa baguette est juste à ses pieds, il se baisse, doucement, l'attrape un peu fébrilement, soulagé de pouvoir enfin la tenir entre ses doigts, puis il se relève, toujours délicatement et fait un tour d'horizon du regard. La porte de la serre est à 5 mètres à vue de nez. Il fait un pas, puis un autre, esquive la table, le Snargalouf, se recule juste à temps pour éviter l'un des tentacules de la Tentacula vénéneuse... et pose enfin sa main sur la poignée de la porte qu'il ouvre avec fracas, manquant de peu d'envoyer Emmeline dans le décor.
« ENFIN ! s'écrie-t-il en expirant tout l'air qu'il pouvait avoir dans les poumons. Tu n'imagineras jamais tout ce qui vient de m'arriver ! Quelle heure est-il ? Ça fait bien une demi-heure que je suis coincé là-dedans ! »
Il se met alors à lui raconter toute son aventure. Sa respiration est encore haletante et le Serdaigle ne prend pas la peine de reprendre son souffle après chacune de ses phrases tant il est excité à l'idée de tout dévoiler à Emmeline. Mais à mesure qu'il relate les faits, le pauvre Saul se demande bien qui va réellement croire à toute son histoire...

Saul lui glissa à la va-vite son appareil photo autour du cou et avant même avoir pu répondre, il se faufila dans la serre. A présent seule, Emmeline porta machinalement l'appareil photo à son œil en focalisant l'objectif à travers la vitre qui donnait sur le parc. Elle balaya le paysage depuis la petite fenêtre de l'appareil horizontalement de gauche à droite. Lentement, la serdaigle suivit la surface de plomb du lac puis remonta le long des troncs de la forêt interdite. Elle repéra la pleine lune à son zénith et appuya sur le bouton. Le flash s'enclencha dans un PLOC sonore qui la fit sursauter. Elle se baissa instinctivement à cause de la lumière qui s'était rependue dans tout le couloir de peur qu'on la grille. Les quelques secondes de silence qui s'ensuivirent lui indiquèrent qu'elle était bien seule et que personne ne viendrait les réprimander. Du moins pas tout de suite. Enfin, Saul sortit prenant une inspiration comme après une apnée de 30 minutes. Elle se releva à la hâte de façon à lui faire face et regarda sa montre lorsqu'il lui demanda l'heure :

- 23h32 !! A peine cinq minutes de plus que lorsque tu es rentré ! Plaisanta-t-elle.

Elle écouta tout son charabia et si elle ne le connaissait pas, elle l'aurait pris pour Uric le Foldingue ! Son histoire était tellement abracadabrante mais après tout, celle qu'ils avaient vécue tous les deux l'était tout autant. Lorsqu'il eut fini elle conclut avec amusement :

- Heureusement que la boucle se limite à l'intérieur de la serre  ou en tout cas à ceux qui respirent l'odeur de l'immortelle..  à moins que je ne me sois pas rendu compte que je prenais 36 fois la même photo …. Maintenant on sait pourquoi elle s'appelle comme cela .. Bon on va développer les photos ?

« Allons-y ! » fait Saul lorsqu'Emmeline lui propose d'aller développer les photos.
Sa respiration est encore haletante mais un large sourire s'étire sur son visage. L'aventure qu'il vient de vivre l'a reboosté à bloc et il a hâte de raconter tout ça à son oncle (en espérant qu'il le croit mais Saul n'a pas trop de doute quant à tout ça).
Les deux Serdaigle prennent le chemin du château tout en prenant garde de ne pas se faire attraper par quelqu'un, concierge ou professeurs. Ils longent la forêt, privilégient les coins sombres et finissent par atteindre la porte de Poudlard sans se faire repérer. C'est la fête dans la grande salle avec la soirée d'Halloween mais qu'importe, Saul a trop hâte de voir ce que les photos vont donner pour s'occuper d'aller faire une apparition à la fête. Emmeline aussi visiblement car elle le suit dans les couloirs à la recherche d'une salle inutilisée.
Au deuxième étage, Saul entend un bruit et pousse Emmeline derrière une statue. Le concierge passe en chantonnant un air que le Serdaigle reconnait comme étant un titre phare de Celestina Moldubec. Saul retient sa respiration jusqu'à ce qu'il disparaisse au bout du couloir. Puis ils reprennent leur route et ne tardent pas à trouver une salle inutilisée qui leur servira de chambre rouge pour développer les photos. Saul ouvre la porte, laisse entrer Emma la première puis entre à son tour. Il contemple la pièce du regard.
« Parfait ! dit-il avec un air de satisfaction. J'ai hâte de voir ce que ça va donner. »

Leur périple pour remonter dans une des salles inutilisées dura une quinzaine de minutes en manquant de se faire griller. Arrivés devant une porte, les deux serdaigles s’engouffrèrent à l'intérieur. Emmeline soulagée prit une grande inspiration. Elle tendit l'appareil à Saul le temps de faire apparaître le nécessaire à développement. Dans la lumière rouge, Saul sortit la pellicule et commença à retirer les négatifs. Puis Emmeline prépara le papier qu'elle laissa tremper dans les bacs. C'était déjà une heure du matin lorsqu'ils parvinrent enfin à trouver les bons timing de trempage. Le temps de séchage leur parut une éternité et ils restèrent là en silence en fixant le bout de papier. Enfin l'image apparut. Excitée et stupéfaite, Emmeline saisit la photo dans ses mains et agitant sa baguette d'un « Vivesco » (je prends vie), la photo s'anima.

Saul se penche pour voir le résultat entre les mains d'Emmeline. Sur le cliché, l'Immortelle, aussi belle que dans la réalité, presque aussi envoûtante, également. Le Serdaigle contemple la photo les lèvres entrouvertes, autant captivé que la première fois qu'il l'a vu éclore dans la serre. Les deux amis restent là un moment à admirer la photo animée, sans oser rien dire, peut-être à cause de la fatigue, aussi. Il n'y a plus aucun bruit dans le château, la soirée d'Halloween est terminée depuis longtemps.
Au bout d'un moment, Saul se recule d'un pas et regarde Emma, un sourire s'étirant sur son visage.
« C'était une sacrée soirée, le réveil va être rude demain, dit-il avant de se mettre à bailler et de porter sa main à sa bouche grande ouverte. Tu gardes la photo en lieu sûr ? Il faudrait en envoyer une copie à "Science et Sorcellerie Magazine", je suis certain qu'ils nous publieraient ! »
Saul remballe leurs affaires et avant de quitter la salle, il jette un coup d'oeil derrière lui pour être sûr de n'avoir laissé aucune trace de leur passage. Puis tous les deux sortent de la pièce et rejoignent la salle commune de Serdaigle, en prenant garde de ne pas se faire attraper par Picott ou par son rat Ripou. Après tout ce qu'ils viennent de vivre, Saul est à peu près certain de passer une nuit blanche, comment dormir après tant d'excitation en une seule soirée ?

Les paroles de Saul la sortirent de sa fascination. C'est vrai que ça avait été une sacrée soirée ! La plus belle soirée de sa vie en réalité. Entre la floraison de cette plante si rare, l'aventure risquée pour y assister et peut-être un peu la présence de son cher ami Saul, tout un tas d'émotions noyait Emmeline dans son flot. Elle répondit un peu inquiète :

« - Bien sur !! Je ferai plusieurs copies ! Une pour toi et une autre pour le magazine ! »

Est-ce que la serre de Poudlard était reconnaissable ? Se demanda-t-elle un peu anxieuse de se faire griller. Pendant que Saul rangeait leurs affaires, la jeune serdaigle enferma délicatement la photo dans la poche de sa cape. Enfin ils rejoignirent leur salle commune le plus discrètement possible.

« -Tu savais que dans la signification des fleurs l'Immortelle représente les regrets éternels, la douleur qui ne s'éteindra pas ».

Parfois, Emmeline avait des pensées fulgurantes de ses lectures et celle-ci était venue comme cela... Elle dévisagea silencieusement son ami puis s'avança jusqu'à l'encadrement de porte qui menait au dortoir des filles. « Bonne nuit Saul » lui dit-elle doucement.
Avant de s'endormir, Emma s'assura que personne ne l'avait surprise et sortit sa photo comme un trésor. Un ultime regard sur l'immortelle et elle la glissa sous son matelas. Cette nuit là, elle ne dormit pas beaucoup. L'Immortelle et Saul au cœur de ses pensées.

« Tu savais que dans la signification des fleurs, l'Immortelle représente les regrets éternels, la douleur qui ne s'éteindra pas ? » fait Emmeline, au bas des marches de son dortoir.
Saul la regarde un moment sans rien répondre, réfléchissant à la signification des paroles de son amie, sans se douter une seconde que cette signification est en réalité une vision tout à fait exact de sa vie future. Comment le savoir, après tout ? Il n'y a pas encore de moyen de voyager dans le futur, mais qui sait, peut-être qu'un jour...
« Bonne nuit Emma », dit-il tout bas, presque pour lui-même, alors qu'il la regarde monter les escaliers de son dortoir.
Lorsqu'il pénètre à son tour dans sa chambre, la pièce est silencieuse, tout le monde dort déjà. Saul enfile son pyjama avec automatisme et se glisse sous la couette sans cesser de penser à l'Immortelle et à cette soirée extraordinaire qu'ils viennent de vivre. Il finit par s'endormir et dans ses rêves, c'est Emmeline qu'il voit éclore comme une fleur, des pétales dans les cheveux et en guise de vêtements. Elle est rayonnante et sur que Saul aurait vu son amie d'une toute autre manière le lendemain, s'il s'était souvenu de ce rêve.