Sujet: Re: Souvenirs inoubli(ett)ables Jeu 8 Oct 2020 - 19:47
Alors qu’elle arpentait son salon comme un lion en cage, Neolina se repassait la scène qu’elle venait de vivre pour essayer d’y trouver un sens. Elle n’en trouva aucun. Car il n’y en avait pas. Comment ? Comment 30 ans d’une amitié si belle et si profonde avait ainsi pu basculer dans des tourments si intenses ? Comment le fait de passer la barrière de la bienséance pour se laisser aller à ce que son corps, leurs corps avaient tant désiré, avait pu ainsi tout gâcher ? Neolina n’avait pu dévoiler son amour à Razvan car il l’avait condamné avant même qu’elle ne puisse dire un mot. Pourtant, Neo l’aimait et tandis que la Tuica coulait dans ses veines où le sang battait trop vite à cause du rythme effréné de son coeur, elle eut envie de le hurler. C’était trop tard, bien trop tard car seul Gabi serait à même d’entendre ces mots qui auraient peut-être, qui sait, pu sauver l’affreuse situation.
Cela faisait des mois que la raison essayait d’apaiser les terribles questionnements que son coeur voulait faire fondre sans s’en embarasser. Fonce, vas-y, tu verras bien… Mais voilà, Neolina avait trop connu la désillusion romantique pour se permettre de réitérer l’expérience, qui plus est avec un autre pilier de sa vie. Si cette fois, elle se plantait, si cette fois, elle partait encore, alors elle aurait réussi à détruire la relation la plus importante de toute sa vie. Ainsi, la raison l’emportait. C’était triste, malheureux, mais c’était comme ça. Et la bataille continuait de faire rage, intérieure et pourtant dévastatrice sur son sommeil, ses espoirs, sa santé mentale aussi, qu’on se le dise !
Mais voilà. Neolina et Razvan n’avaient plus vingt ans. Oh, à peine une petite trentaine, c’était dire si la vie leur promettait encore bien des choses. Mais ils n’avaient plus la fougue et la passion qui emportent les coeurs innocents et naïfs. À vingt ans, on se bat quand on aime. À trente, quand la vie vous avait ravagé le coeur et le reste, quand vous aviez connu les épreuves que ces deux-là avaient traversées, il existait des barrières invisibles, inconscientes, pour se protéger des idées déraisonnables. Ces mêmes idées qui rendaient la vie plus belle et faisaient se sentir vivants.
Nouvelle gorgée de Tuiça. Heureusement, Neo buvait à domicile, et pourrait s’écrouler sans crainte dans son lit quand l’alcool l’aurait suffisamment enivrée pour qu’elle arrête enfin de penser, ressasser, repasser en boucle la pénible scène qui venait de se dérouler. La vérité Neolina, c’est que je t’aime. Cette phrase résonnait, en boucle, le timbre si particulier de Razvan emplissant sa tête. Comment, mais comment diable avait-il pu prononcer cette phrase pour venir couper court à tout espoir quelques secondes plus tard ? Et ça me crève le coeur. Et ça crevait le sien, aussi ! Elle lui en voulait tant, d’avoir accepté cette soirée tout comme elle s’en voulait à elle de l’avoir proposée. Et si elle n’avait pas arrêté ces pas dans cet escalier ? Et s’ils étaient montés, hein ? Peut-être seraient-ils tous les deux, là, enlacés sur ce lit qui recevrait une dose d’amour plutôt que des torrents de larmes. Décidément ivre, Neolina visualisait presque leurs deux corps en transparence qui, dans la version idéale des choses, auraient fait taire leurs stupides coeurs.
Le sommeil l’emporta alors que la colère était encore là. Ses rêves furent troubles, difficiles. Razvan lui manquait déjà. Elle ne savait pas encore que cette sensation n’allait faire que s’amplifier dans les jours, semaines, mois à venir. Parce qu'elle ne savait pas encore qu’elle venait de perdre son trésor le plus précieux.