Si les maraudeurs avaient manqué à Peter, il ne pouvait en dire autant de leurs professeurs. Cette année serait celle des BUSE et le speech que leur avait fait Professeure McGonagall à ce sujet lui avait donné de bien vilaines palpitations. Le garçon n’avait jamais été l’élève le plus brillant de l’école. Il était plus lent que la plupart de ses camarades dans l’apprentissage des leçons mais plus rapide que n’importe qui pour les oublier pendant les vacances. Heureusement que Remus lui avait envoyé de temps en temps un hibou pour lui rappeler les étapes pour devenir un animagus car il en aurait sinon oublié jusqu’à leur projet. Il avait ce jour-là le nez plongé dans un bouquin de métamorphoses car il devait redoubler d’efforts pour ne pas être à la traîne comme à l’accoutumé derrière ses trois meilleurs amis. James, qui avait fini la pénible lecture de l’ouvrage depuis l’année dernière déjà, se consacrait pendant ce temps à la constitution de son équipe. Peter agréait d’une oreille distraite à toutes les suggestions que le capitaine marmonnait de toute façon davantage pour lui-même. C’est que les garçons avaient parfois des manières aussi rodées que celles d’un vieux couple. Peter qui s’arrachait ses cheveux couleur paille sur des mots latins qui lui essoraient la cervelle referma avec bonheur son grimoire quand James s’exclama enfin qu’il l’avait son équipe ! « C’est vrai ? La vraie avant première ? Avant Sirius et Remus ? » fit-il à la fois fier et curieux de savoir qui remplacerait la magnifique Ange dans les anneaux (cela faisait des années qu’il profitait de son statut de ramasseur de souaffle pour lorgner). Il quitta sa chaise pour s’asseoir par terre aux côtés de James et, réalisant enfin qu’il avait un peu froid, approcha ses mains de l’âtre de la cheminée. « Dis moi tout ! proposa-t-il avec un enthousiasme éclatant avant d’ajouter plus discrètement - J’espère que t’as mis une jolie fille en gardienne ! ». Pas facile de passer après Ange mais il aurait pu se satisfaire de Dymphna ou Cynthia. Cette pensée le fit rougir.

A la manière de l’imbécile qui regarde le doigt plutôt que la lune, Peter se tourna également d’un côté puis de l’autre à la recherche de Sirius et Remus qui manquaient à l’appel. Un grand sourire éclaira son visage et il se gargarisa même d’un rire qui ne manquait pas d’orgueil. Si l’amitié qui unissait les quatre garçons dans le vent était aussi sincère que égalitaire, la nature de leader de James et Sirius, autant que leur goût pour les situations conflictuelles, créait parfois un duo au sein de quatuor. Et Peter, qui admirait James plus que quiconque, n’était pas mécontent de ce changement aussi éphémère et hasardeux puisse-t-il être. Et puis l’annonce de l’équipe de quidditch, ce n’était pas rien comme occasion !

Ses yeux brillaient d’excitation tandis que James faisait jouer son imagination d’adolescent en mal de copine pour deviner qui occuperait cette année le poste de gardien. Il fronça malgré tout les sourcils face au difficile indice qu’il lui délivra. Ce brave Peter n’était proche d’aucune fille de leur maison (bien qu’il l’aurait ardemment souhaité !). « Genre une personne dont je suis proche mais à sens unique alors ? » interrogea-t-il naïvement. Oui, ça ne pouvait être que ça, tous les noms des filles de leur maison se mirent à défiler dans sa tête. Il devint un instant cramoisi en pensant à Mary MacDonald puis se rappela qu’elle n’avait malheureusement pas passé les sélections. Quel dommage. Cela demanda un effort colossal à Peter de sortir de ses pensées qui commençaient à se faire déviantes pour écouter la nomination des poursuiveurs. Il pouvait rayer les noms d’Angie et Marlene en tant que gardiennes, mince alors ! « Elles sont plutôt rapides pour des filles, ça fonctionne bien ! » jugea-t-il en acquiesçant vivement sans remarquer le regard noir que lui lança la féministe Janice Thickey qui révisait un peu plus loin. « Et maintenant en gardienne ? Cynthia ? Dymphna ? Pas Bertha j’espère, elle me regarde d’une manière vachement bizarre depuis la rentrée ! » remarqua-t-il les sourcils froncés car il ne comprenait guère la cause de ce changement. Et puis Bertha aurait été un très mauvais choix en plus car elle n’aurait sûrement pas pu résister à la perspective de jacasser pour raconter à toute l’école les stratégies de l’équipe pour les prochains matchs. Pas sûr que James veuille prendre ce risque. Peter dont les mains commençaient à trop se réchauffer à proximité du feu qui brûlait dans la cheminée les retira pour se les frotter l'une contre l'autre.

Lorsque James pointa la maladresse de leur camarade de maison, Peter ne put qu’acquiescer avec un léger rire. Souffrir de cette affliction n’avait jamais empêché l’adolescent de se moquer de tous les autres qui la partageaient. Il était plutôt soulagé en tout cas que Bertha ne soit pas dans l’équipe car il la soupçonnait de préparer quelque mauvais coup à son égard. Il ne l’avait jamais vu regarder si intensément aucun autre garçon et cela ne présageait, pensait-il, rien de bon pour sa pomme.

Son meilleur ami lui délivra alors un indice et le garçon blond comme les blés se redressa et pencha l’oreille comme s’il avait été sourd pour ne pas perdre un seul mot. Son coeur battait un peu plus vite car il avait très facilement la pression. « Un garçon ? » fit-il un peu dégoûté en se reculant tout de suite car cela rendait à ses yeux le sport préféré des sorciers encore plus rasoir qu’il ne le trouvait déjà. C'était bien connu que son truc à lui, c'était davantage les bavboules ou la bataille explosive ... Mais sa curiosité restait piquée et il répondit à brûle-pourpoint : « C’est toi ? ». Mais il se rappela aussitôt que James venait il y a de cela trente secondes de lui confirmer sa position de poursuiveur. « Ah non attend … » fit-il en se grattant le crâne et en réfléchissant enfin (pas trop tôt !) avant que son regard ne brille d’une nouvelle idée et que ton son visage s'éclaire à sa suite. Il sut, cette fois, qu’il avait trouvé la bonne réponse. « Sirius ? C’est Sirius le gardien ! - Sirius n’était peut-être pas une fille qu’il pourrait mater mais il avait une conversation plus intéressante que toutes celles qu’il avait jamais croisé et les entraînements redevinrent instantanément intéressants car nul doute que ensemble ils ne manqueraient pas de commenter le physique de toutes les joueuses - Trop bien ! » fit-il à la fois aussi réjoui pour son ami qui avait brigué cette année le nouveau poste que pour la perspective de leurs bavardages. L’idée faisait petit à petit son chemin dans le cerveau de Peter qui fronça de nouveau les sourcils face à la nouvelle question que suggérait cette réponse. « Mais alors c'est qui les batteurs cette année ? ». Peter ne perdait pas le nord et James ne lui avait pas encore annoncé tous les postes de leur équipe.

Si la nouvelle équipe de quidditch trouvait à réjouir Peter qui acquiesçait joyeusement à chaque mot qui sortait de la bouche de son ami James, c’est parce qu’il n’avait pas encore entendu la finalité de la composition. Moïra et lui ? Moïra et lui. Okay. Moïra et lui. Il était en plein déni et continuait à acquiescer du chef un peu machinalement comme les drôles de personnages que certains moldus ont dans leur voiture. James allait lui annoncer à tout moment qu’il s’agissait d’une drôle de blague. C’était certain. Il ne lui ferait jamais assez confiance pour le choisir dans son équipe. Il continua pourtant jusqu’à énumérer la nouvelle attrapeuse - nomination à laquelle Peter ne porta cette fois-ci pas la moindre attention - et il conclut ainsi. Sans revenir sur sa blague. Alors Peter arrêta enfin d’agiter stupidement la tête. James lui demanda s’il était content. « Mais  … hum … j’ai pas postulé ? » se risqua à interroger l’intéressé comme s’il était probable qu’il se soit entretemps fait oublietter. Il eut un petit rire un peu gêné et regarda autour comme s’il avait cherché une approbation divine ou bien l'origine d'un complot. La situation était diablement compliquée pour Peter. Se retrouver coincé entre l’approbation - pire encore la fierté - de son meilleur ami et la conscience de ses propres faiblesses - communément appelé par d’autres sa couardise - constituait pour lui le plus terrible des scénarios. Il déglutit sans trop savoir comment à travers sa gorge serrée. La panique commentait à s’emparer de lui. Il ne pouvait pas avouer à son ami qu’il n’était pas à la hauteur de ses espérances, il ne le pouvait tristement et pathétiquement pas ! « Et Moïra me déteste ! » poursuivit-il d’une voix plus aiguë qu’à l’accoutumé en tirant sur son col (il faisait sacrément chaud d’un coup !). « T’as pas peur ? T’as pas peur qu’elle essaie de me lancer des cognards dessus ? » tentait-il de retourner la situation sauf que la seule chose à laquelle il parvint fut de se faire lui-même paniquer deux fois plus. Moïra l’assassinerait avant qu’un cognard ne l’assassine, diable il n’y avait même pas pensé ! « La fille est folle ! » s’étrangla-t-il tout à fait finalement comme si c'était sa camarade et non lui qui constituait le problème ici. La crise d’angoisse l’avait finalement atteint et, tandis que son coeur menaçait d’éclater, il se trouvait à deux doigts de pleurer.

Peter, tout occupé qu’il était à paniquer, se fichait tout à fait de l’esprit d’équipe. Il aimait bien son poste de ramasseur de souaffle lui. Cela lui permettait de suivre James et Sirius aux entraînements quand Remus était autrement occupé. Qu’on se le dise, Pettigrow aurait été moins enthousiaste de leur courir derrière si c’était pour se prendre des cognards au bout du chemin ! Il commençait déjà à hoqueter, incapable de gérer convenablement cette nouvelle, quand James posa deux mains rassurantes sur ses épaules replètes. L’adolescent regarda son meilleur ami droit dans les yeux et se laissa pénétrer par ses mots comme s'il avait été son lieutenant, mieux encore, son capitaine ! Alors James avait encore confiance à lui ? Même s’il avait perdu son duel contre Alexandre Rozen l’année dernière ? La lèvre inférieure du garçon se mit à trembler en même temps que son menton commença à se tordre, et il essuya de sa manche une larme pleurnicharde qui menaçait de couler du coin de son œil. « Je … je … je peux y arriver ? » répéta-t-il d’un ton mal assurée. Il avait bien conscience d’évoluer dans l’ombre des deux leaders de la bande. Et Peter avait beau être très heureux d’en faire partie, il aurait bien aimé parfois que tous leurs autres camarades le considèrent comme eux. Lui se faisait reprendre par ses professeurs à longueur de classe. Ses meilleurs amis jamais (ou bien uniquement parce qu’ils se montraient insolents). Lui se faisait publiquement embrassé par un serpent désireux de l’humilier. Ses meilleurs amis jamais (c’était les filles qui leur courraient après). Et comme il avait quinze ans, il aurait bien aimé aussi ne pas être le dernier de la bande des meilleurs. Qu’est-ce que sa mère aurait été fière que son fils ne suive pas le piètre exemple de son père pour briller un peu au soleil à son tour ! « Okay, je … je peux y arriver » répéta-t-il cette fois-ci comme une affirmation. « Je vais y arriver » se chauffa-t-il complétement avec la première ombre d'un sourire. « Mais hum … c’est pas moins risqué … de me mettre attrapeur ? » suggéra-t-il un peu bêtement et surtout très égoïstement en tapotant la fiche de James du bout de l'index. Comme l’esprit d’équipe ne l’habitait toujours pas, il se disait que le poste d’attrapeur était beaucoup plus confortable. L’essentiel du match consistait après tout à rester perché sur son balais l’œil à l’affût et l’étique des joueurs leur empêchait toujours tacitement de lancer des cognards à leur poursuite.

La seule chose en laquelle Peter avait plus foi qu'en sa propre faiblesse, c’était bien l’avis de James qu’il idolâtrait. James aurait pu lui dire qu’une bouse de sombral était un cupcake au chocolat et voir son ami la manger jusqu’au bout et même affirmer qu’il s’en était régalée. Aussi lorsque le capitaine commença par lui expliquer par a et par z les raisons inopportunes de le nommer attrapeur plutôt que batteur, le blondinet se laissa-t-il facilement convaincre. Il passa très vite d’un « Ah ? » plutôt sceptique - parce qu’il ne se souvenait que rarement d’avoir vu des batteurs chasser un attrapeur - à un agrément soudainement éclairé. « Ah d’accord ! ». L’argument de la batte avait fait mouche car l’idée plaisait à Peter d’être en possession du moyen de se défendre. Il aimait beaucoup compter sur les maraudeurs (et généralement plus que sur ses propres capacités même !) mais pas sur les autres, et même les meilleurs camarades de sa maison, avec lesquels sa méfiance naturelle l’empêchait généralement de créer des liens. Il continua à acquiescer, quoi que mollement, quand son meilleur ami poursuivit en vantant son énergie. « C’est … c’est vrai que parfois j’ai de l’énergie je suppose ! ». Il leva même son bras pour tenter de contracter son biceps grassouillet qui se mit à flageller tandis qu’il rigolait. Celui étouffé de Janice Thickey qui devinait sans doute la catastrophe se mêla si bien au sien qu’il ne l’entendit heureusement pas. Il n’en aurait pas fallu plus pour balayer le sentiment de confiance en lui que lui insufflait présentement son camarade. « Je ne te décevrai pas James ! » fit-il d’une manière tristement sincère en lançant à celui qu’il était heureux de pouvoir appeler son capitaine un regard brillant  d’espoir depuis ses yeux un peu trop enfoncés dans ses orbites. Bien sûr qu’au fond de lui, Peter aurait préféré rester assis sur le banc de touche comme sa nature le poussait à préférer une moelleuse paire de chaussons ou toute situation confortable. Mais cela ne serait-il pas merveilleux, au moins une fois, que la foule clame son nom à lui ? Que ce soit lui, Peter Pettigrow, le héros ? Sa maman lui reprochait toujours de ne jamais faire de sport, comme elle aurait été fière qu’il lui annonce faire partie de l’équipe de Quidditch. « Je vais écrire à maman ! » se leva-t-il d’un seul coup en se sentant pousser des ailes. James lui rappela alors que cette liste serait affichée aux yeux de tous et son coeur marqua une nouvelle embardée. « Ohlalalala quand Mary et Lily vont voir ça ! » paniqua-t-il autant qu’il s’en excita. Ce trop plein d’émotions, à la fois négatives et positives, lui donnait mal au coeur. Il avait un peu envie de vomir et ne savait pas trop si c’était une bonne ou une mauvaise chose. « Elles vont pas se moquer hein ? » voulut-il savoir car il n’aimait pas plus, et même encore moins qu’un autre, s’exposer au ridicule.

dragées:

Les derniers doutes de Peter furent chassés par James en une seule phrase. Et le nouveau batteur aurait bien eu du mal à déterminer s’il tirait plus de fierté du regard des plus jolies filles de sa maison ou bien de sa mère. C’est qu’il faisait généralement autant fuir les premières qu’il faisait ronchonner la dernière. Mais plus maintenant parce qu’il faisait partie de l’équipe de quidditch, ne pouvait-il s’empêcher de penser. Et tant pis s’il préférait jouer aux bavboules avec sa copine Mircella plutôt que de voler sur un balai. Comme le disait le grand joueur Jordan Mitchell, il faut parfois se réveiller pour accomplir son rêve sauf si notre rêve est de dormir. Et avec la foi que James savait lui insuffler, son rêve n’était plus de dormir mais de devenir un grand batteur de sa maison ! Il acquiesça vivement quand son meilleur ami lui dit d’écrire à sa mère et fila immédiatement vers leur dortoir pour rapporter ses affaires (lui n’aurait jamais eu le cran de voler un parchemin à leur camarade). « Ca va être trop bien ! En plus c’est pas le matin ! » se réjouit-il de ne pas devoir renoncer à une grasse matinée pour le prochain entraînement. Il referma la porte derrière lui mais la rouvrit d’un coup pour y passer une tête. « James ? » l’alpagua-t-il comme le bienheureux qu’il était. « Merci ! T'es vraiment le meilleur ! » lâcha-t-il un peu niaiseux avec un clin d’œil. Puis il partit définitivement finissant de trahir sa joie par le son de ses gloussements qui perçait l'acoustique de la fine porte. Ohlalala, il aurait un tee-shirt rouge et doré avec son nom de famille derrière ! Jamais personne dans sa famille n’avait fait partie de leur équipe de quidditch à l’école ! Lui, Peter Pettigrow, serait le premier !