La jeune fille de bonne famille toujours apprêtée s’était transformée en guerrière gobeline. Ses cheveux noirs n’étaient plus coiffés de barrettes précieuses mais de brindilles et de feuilles mortes tandis qu’elle courrait vers l’ennemi en poussant une vocifération qui n’était pas sans rappeler celle d’un éruptif en colère. Plutôt crever sous les branches de cet arbre que de poursuivre une existence dénuée d’amour, voilà le naïf sentiment qui animait notre instable romantique. Elle plongea au sol lorsqu’une branche souhaita la dégager (et l’entendit siffler violemment au-dessus de sa tête). Lorsqu’elle se releva d’un nouveau bond, elle n’était plus qu’à un seul mètre du tronc et de son brave camarade, soit aux premières loges pour le voir disparaître sous le coup d’une branche particulièrement virulente. Et elle s’arrêta net en plaquant des mains tremblantes sur ses lèvres. Le corps de son ami ne devait plus être que charpie dans les herbes hautes. « OH MERLIN LE SAULE A TUE DAAAAVE … - hurla-t-elle avant que sa voix ne se transforme en plainte gémissante - ET LA FIOOOOLE ! ».

Quelle nouvelle folie s’empara de la couarde pleurnicheuse ? Cela se trouverait bien délicat à éclaircir. La jeune Vespyr Wilkes ne se souviendrait pas de ce moment lorsqu’elle se réveillerait à l’infirmerie quelques jours plus tard. La serpentarde haletante franchit les derniers pas la séparant du tronc de l’arbre séculaire et plongea dans son entaille luisant de sève le bout de sa baguette pour en collecter un rare extrait. La vicieuse branche qui serpentait autour de sa jambe, elle ne la sentit même pas. L’arbre la remercia définitivement d’un vol plané dans le bleu du ciel dont l’atterrissage manqua de la tuer mais finit de l'assommer  … elle n’avait pas lâché sa baguette toute recouverte du liquide gluant.