L’été battait de son plein chez les Griffiths, les balais virevoltaient dans la cours arrière, les étrangers étaient en visite, le va et viens était permanent dans l’imposante demeure familiale et la fébrilité semblait suinter entre chaque brique. La coupe du Monde de Quidditch avait lieu dans un mois et toute la famille était imprégnée jusqu’au cou dans les préparatifs de cet évènement historique. Bien que Glynnis Griffiths avait finalement pris sa retraite lors de la dernière Coupe, son rôle au sein de l’organisation du championnat était substantiel : elle recevait dignitaires féminins étrangers, coordonnaient leur voyage et participait activement à la fameuse tribune « Des femmes et du Quidditch » que les vétéranes Harpies tenaient depuis quelques années maintenant. Sa fille, Griffiths Jr, n’était pas exempte de cette frénésie, au contraire Glynnis se faisait un devoir de la trimballer partout afin qu’elle bâtisse son réseau professionnel pour bientôt poursuivre la lignée performante des Griffiths. En somme, le bonheur était à son comble et Wilda était détachée de la froide réalité de la guerre : elle était convaincue qu’elle allait passer le plus formidable été de toute sa vie.
«
Mon petit lutin de cornouailles » commença délicatement son père alors qu’ils étaient tous les trois assis à prendre le thé comme la parfaite petite famille qu’ils étaient et à lire le journal pour son père et le
Le Quidditch à travers les âges pour Wilda. Cette dernière releva nonchalamment la tête à la mention de son petit surnom dont la provenance quétaine n’allait pas être divulguée ici. «
Tu es toujours amie avec la petite McLeon? » demanda-t-il d’un ton étrangement prudent. «
Ouaip pap’! Pourquoi tu veux savoir ça? » questiona-t-elle suspicieuse, qu’est-ce que ses parents étaient encore en train de mijoter? C’est qu’ils avaient de ces idées parfois...qui était mignonnes lorsqu’elle avait 11 ans, mais un peu moins maintenant qu’elle était majeure. Curieuse, sa mère s’était approché de son père en étirant le nez afin d’épier ce que son mari lisait. Soudainement elle lâcha une exclamation de terreur et la tasse qu’elle tenait éclata sur le sol. «
Glynnis, Roderic ! » s’enquérait à présent la jeune femme inquiète, d’un ton qui exigeait une réponse. Qu’est-ce que la Gazette Poubelle pouvait bien raconter sur Delilah? «
Wilda, ma chérie, les parents de ton amie ont été attaqués, ils sont… ils ont été assassinés par des mangemorts. » répondit gravement son père. La serdaigle fixait intensément ses parents cherchant un quelconque signal qui lui indiquerait que tout ceci était une très mauvaise plaisanterie. Malheureusement, l’humour de ses parents n’était pas douteux à ce point. Wilda se sentie prise d’un vertige, comme un frisson glacial qui lui engourdit le corps, qui lui serra la gorge et qui semblait lui avoir fait perdre l’art du langage. Plus rien ne se passait dans sa tête, c’était le vide, elle n’entendait plus ses parents parler, comme si on lui avait lancé un
assurdiato. Cette journée-là. Wilda resta assise sur sa chaise sans un mot jusqu’à ce que la pénombre tombe. Plus les heures passaient plus son cerveau semblait se remettre à tourner et elle passa mentalement par toute une gamme d’émotions : l’effarement, la béatitude, la colère, la tristesse, l’inquiétude, l’incertitude. Il s’agissait de la deuxième fois où la jeune adulte réalisait que les terroristes qui se tramaient dans l’ombre était réels, que la guerre était un fait et non une histoire relatée par la Gazette pour détourner l’attention des bourdes du Ministère. La première fois, c’était lorsque Delilah lui avait décrit ce moment de terreur vécu sous la baguette de Rosier. Et maintenant, il fallait que ce soit son amie encore, qui par son malheur la ramenait à la dure réalité de laquelle elle se sentait si loin, au chaud dans son cocon familiale, chose que la rousse n’aurait plus jamais.
***
Le matin des funérailles Wilda avait revêtue la plus sombre de ses robes noires, d’obscur collants et un châle d’ébène. Il s’agissait des premiers funérailles auxquels elle assistait, la sorcière n’avait jamais rencontré la mort : la famille de son père n’était pas proche et la famille de sa mère semblait être bénie d’une solide génétique, jamais n’avait-elle dû assister à une telle cérémonie, ne serait-ce que les obsèques d’un grand-grand-grand-oncle. Elle se sentait démunie ici, malgré la présence de ses parents et d’une myriades d’autres visages familiers. Au bout de quelques minutes son regard s’arrêta sur l’un des seuls visages qu’elle n’arrivait à reconnaître : celui de Delilah, aussi pâle que les visages inertes de ses parents, les cheveux blancs, le regard vide. À cette réalisation le cœur de Wilda se serra, elle eut l’impression qu’elle allait vomir son déjeuner, elle eut envie de fuir, de détourner le regard, de retourner dans son monde où même les goules semblaient jolies. La jeune femme ne put retenir un pas en arrière, elle n’avait pas envie de vivre ce moment, mais elle n’avait pas non plus envie que son amie vive ce moment en la voyant fuir au loin. Delilah, elle, n’avait pas ce luxe, elle devait faire face à la cruelle réalité, elle avait due, en quatre jours à peine, organiser tout ça, alors que Wilda, pourtant si loin de cette tragédie, n’était arrivée à pas grand-chose dernièrement.
La jeune femme pris une longue respiration tremblotante et s’avança d’un pas incertain vers Delilah qui saluait à présent un petit groupe composé de Marlene, Dowey et Ewan. Une fois arrivée à leur hauteur, la sorcière esquissa un mouvement qui ressemblait à l’élan d’une personne qui s’apprête à en prendre une autre dans ses bras, mais elle se ravisa. Elle ne savait pas si Delilah souhaitait être embrassée en ce moment, Wilda, elle, aurait préféré vivre tout ça seule, loin des regards emplis de pitié et des sourires compatissants des gens qui ne comprenaient probablement rien à ce qu’elle vivait. Ne sachant que faire, elle se sentie profondément mal à l’aise. Elle avait l’impression de ne pas être à sa place, d’être de trop. Finalement, Wilda, le regard humide, laissa maladroitement tomber sa main sur l’avant-bras de l’endeuillée et le serra avec force, essayant d’un geste de lui faire comprendre tout ce qu’elle n’arrivait pas à exprimer.
Elle ne dit rien. Aucun mot ne semblait suffisant pour exprimer ce qu’elle ressentait face aux évènements, certainement pas un ‘mes sympathies’ impersonnel. Puis la sorcière ne voulait certainement pas donner l’impression qu’elle comprenait une once de ce que son amie vivait, la serdaigle n’avait carrément rien vécue de difficile dans sa courte vie. Rien, pas même un accrô. Nada.
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