Caradoc était bravement engagé dans la réalisation d'une fournée de pancakes suffisante pour nourrir un régiment de tireurs d'élite lorsqu'un bruit sourd en provenance de son palier lui fit relever la tête. Interpellé par ce bruit inhabituel, il reposa doucement sa préparation et s'essuya les mains dans un torchon avant de s'emparer de sa baguette magique et se diriger prudemment vers la porte d'entrée de son appartement. Depuis qu'il avait reçu la visite impromptue d'Albus Dumbledore, quelques semaines plus tôt, et était entré dans le secret de l'Ordre du Phénix, le jeune Médicomage faisait preuve d'une vigilance accrue face aux potentiels dangers. Il était facile pour des Mangemorts de s'assurer qu'il ne commençait son service qu'en fin d'après-midi, et qu'il était plus malin de l'attaquer ce matin, alors qu'il était seul chez lui. En admettant bien sûr que les Mangemorts soient un peu malins — ce dont on pouvait d'ailleurs douter... Mais c'était un autre sujet. Caradoc pendant ce temps était parvenu à la porte de son appartement, et entendait effectivement du mouvement sur son palier. Il n'attendait pourtant aucune visite... Un léger coup d'oeil dans le judas ne le renseigna pas plus sur l'identité de son visiteur : une masse informe de capes et de cheveux bruns s'agitait sur le sol, et un instant l'inquiétude prit le pas sur la méfiance, et Caradoc ouvrit la porte de chez lui à la volée. Un visage paniqué se leva immédiatement vers lui, et le Médicomage resta figé de surprise, la baguette toujours brandie devant lui. « Mildred ? s'étonna-t-il en reconnaissant l'héritière Nott, mais qu'est-ce que... Que se passe-t'il ici ? Qui est-ce ? » Tandis que son cerveau se posait un demi-million de questions, déjà son corps passait à l'action et Caradoc se laissa tomber à côté de Mildred et du sorcier mal en point qui gisait sur son palier, à la recherche des causes de son mal.

Au moment même où les genoux de Caradoc touchaient le sol, l'inconnu qui s'y trouvait allongé se redressa juste le temps de vomir, avant de retomber inconscient, et le Médicomage ne parvint pas à éviter l'éclaboussure, ce qui lui arracha un juron à ne pas prononcer devant une dame, qui plus est Nott. « Excuse-moi, marmonna-t-il pour se dédouaner tandis que la sorcière lui confiait n'avoir pas su quoi faire en découvrant ce bougre mal en point : et pourquoi pas à l'hôpital ? » Il n'était pas parvenu à masquer un début d'irritation dans sa voix. Ben quoi, il se faisait vomir dessus par un clochard sur son propre palier parce que Miss Nott avait cru plus indiqué de l'amener chez le seul Médicomage de sa connaissance, alors même que les sorciers avaient inventé un lieu fort pratique exclusivement rempli de professionnels de la santé, qui s'appelait Sainte-Mangouste ? Caradoc inspira profondément pour retrouver son calme plein et entier, et se pencha sur le cas de son patient improvisé, toujours dans les vapes. Son souffle était saccadé, sa peau brûlante : le pauvre faisait de la fièvre, et paraissait tout bonnement épuisé. « Oui, ouvre-moi la porte s'il te plaît, on va pas le laisser là, lui répondit-il tout en se relevant pour extirper de la poche arrière de son pantalon sa baguette magique, mobilicorpus ! » incanta-t-il en visant le corps de l'homme, qui s'éleva immédiatement à un mètre du sol. Caradoc traversa son appartement en dirigeant devant lui le corps de l'inconscient, à peine conscient d'être suivi par le pas léger de Mildred qui découvrait les lieux. Sans doute n'y prêtait-elle pas la moindre attention après tout, plus obnubilée par son frère. « Ton frère ? » s'enquit-il soudain en se retournant vers elle, les sourcils froncés, l'instant après qu'il ait délicatement posé son patient sur son lit. Caradoc était persuadé que la jeune Nott était fille unique... Ou peut-être avait-il mal compris ? Le Médicomage décida que ses questions n'étaient pas la priorité, et se focalisa plutôt sur celui que Mildred faisait passer pour son frère. « Tu l'as trouvé comme ça ? » demanda-t-il en procédant à un examen un peu plus poussé.

Des quelques gestes simples et mesurés, Caradoc manipulait son patient et identifiait différents symptômes susceptibles de lui permettre de poser un diagnostic : malaise, fatigue, fièvre, vomissement... L'individu étalé dans son lit présentait des signes révélateurs d'une intoxication alimentaire ou d'un empoisonnement. Le Médicomage, fort de ce constat, se rendit dans la salle de bain attenante à sa chambre pour ouvrir son placard à pharmacie dont il extirpa une fiole d'antidote aux poisons communs : s'il ne savait pas exactement à quoi le sorcier avait pu être empoisonné, cet antidote de base ne pouvait en aucun cas lui faire de mal, aussi fit-il légèrement pression sur les mâchoires du jeune homme pour le forcer à ouvrir la bouche et versa quelques gouttes d'antidote sur sa langue. La nature fit le reste, et quelques secondes plus tard son patient déglutissait et commençait à remuer un peu plus vivement, ce qui amena Caradoc à se saisir de ses poignets pour l'empêcher de bouger trop violemment et se faire mal. C'est ainsi qu'il nota les étranges marbrures violettes qui zébraient les poignets de son patient... et lui rappelaient étrangement un autre de ses patients qu'il recevait discrètement une fois par mois à une certaine date... Le Médicomage fronça les sourcils, et se tourna vers Mildred dont il sentait le regard paniqué lui brûler le dos : « Quel genre de problèmes, s'il allait à l'hôpital ? » s'enquit-il tout en ayant un semblant d'idée du genre de problème auquel Mildred pouvait bien faire allusion.

Mildred, qui s'était un peu calmée depuis qu'il avait commencé à s'occuper de son frère, sembla de nouveau sur le point de faire une syncope lorsqu'il recommença à l'interroger, et le supplia de ne pas chercher à en savoir plus. Caradoc n'aimait pas cela du tout, et commençait à réaliser qu'il venait (une nouvelle fois !) de plonger la tête la première dans un formidable filet du diable : une jeune femme, notoirement fille unique, débarquait chez lui avec son illustre inconnu de frère, qui manifestait tous les signes les plus alarmants de lycanthropie... dans sa propre chambre. Caradoc fronça les sourcils et jeta un regard désapprobateur à Mildred, tout en maintenant sa prise sur son patient qui s'agitait : « Là, Mildred, je crois que tu m'en demande un peu tr... » Un coup formidable l'empêcha de terminer sa phrase, et le Médicomage percuta le mur d'en face avec un bruit sourd avant de rencontrer brutalement le parquet. Un gémissement mi-douloureux, mi-énervé lui échappa tandis que Mildred se matérialisait au-dessus de lui, complètement survoltée. Caradoc se releva sans saisir la main de l'héritière Nott, et fit craquer une vertèbre de son dos en fusillant du regard son patient, qui s'était recroquevillé sur le lit et pleurait sans bruit. Au moins, il était vivant, parvint-il à se requinquer tandis que Mildred, visiblement rassurée sur son sort, retournait vers l'autre. « Éloigne-toi de lui Mildred, il est dangereux. » lui ordonna-t-il en réfléchissant à ce qu'il pourrait faire de plus. Il lui restait quelques herbes pour une décoction... « Je ne peux pas faire grand-chose de plus pour lui, le pire est passé, lui révéla-t-il en se dirigeant vers l'encadrement de sa porte, il n'y a plus qu'à patienter. Je vais aller préparer une infusion pour tenter d’accélérer tout ça. Pendant ce temps tu peux soit tenter d'inventer une histoire pour m'expliquer pourquoi ton frère dont personne n'a jamais entendu parler réagit si mal à la pleine lune, soit tu peux m'expliquer ce qui se passe. C'est à toi de voir. » conclut-il avant de la laisser en plan pour aller rejoindre la cuisine, où il lui restait peut-être un peu de l'aconit avec lequel il réalisait ses potions d'aiguise-méninge...

Seul dans sa cuisine, Caradoc réfléchissait tout en farfouillant dans son armoire réservée à ses exercices de potion. Il avait en effet pas mal d'informations à traiter d'un seul coup et ne savait pas bien par où commencer. Il était à peu près convaincu à présent que la fantasque et néanmoins attachante Mildred Nott venait de ramener un loup-garou chez lui, et qu'il venait de découvrir un secret qui pouvait lui causer, à l'avenir, de potentiels problèmes, aussi bien vis-à-vis du Ministère (puisqu'il imaginait que les autorités n'avaient évidemment pas connaissance de ce danger dans son lit, qui ne devait pas être répertorié) que vis-à-vis de la famille Nott, notoirement orientée du côté sombre de la force, et dont il ne doutait pas qu'elle était en mesure de lui faire passer l'envie de parler de ce qu'il venait de découvrir de manière assez radicale. Il était, somme toute, dans une assez jolie panade dont il se serait bien passé. Le jeune Médicomage, bien que perdu dans le fil de ses sombres pensées, rassemblait différents ingrédients, hachait, écrasait, et préparait l'eau de la décoction tant attendue. Il entendait confusément que ses deux compères parlaient dans sa chambre, à moins que Mildred ne parle seule vu l'état de grande faiblesse de son patient dont il n'entendait pas le timbre de voix. Désireux de vérifier si celui qu'elle appelait son frère était réveillé, Caradoc s'assura que son chaudron ne risquait pas d'entrer en ébullition et abandonna sa préparation pour les rejoindre et s'adosser à la chambranle de la porte pour les observer depuis une distance raisonnable. Mildred se tenait toujours près de son frère, le visage strié de larmes, au mépris du danger. Le grincement de plancher qui trahi son arrivée fit sursauter la sorcière, qui se paya malgré tout le luxe de les ignorer délibérément, lui et l'ultimatum qu'il lui avait infligé avant de s'éclipser. Mais Caradoc commençait à avoir une assez bonne idée de la fragilité des nerfs de son amie, et savait qu'elle finirait par craquer sous la seule pression de sentir son regard insistant dans son dos. Et en effet, quelques secondes de cet insupportable traitement plus tard, Mildred lui déballait toute l'histoire et Caradoc s'efforça de garder un visage neutre malgré la colère et le dégoût qui grandissaient en lui. « Tes parents sont vraiment de belles ordures. » Il se permettait cette réflexion pour avoir lui-même fait les frais d'une rencontre désagréable avec le patriarche Nott, au cours de laquelle il avait eu l'opportunité de mesurer l'abominable caractère du personnage qui refusa catégoriquement qu'un Médicomage de sang impur s'occupe de sa fille. Il savait donc un peu de quoi il parlait, mais cette affaire de fils renié... Révélait un tout nouveau niveau de malfaisance de cette famille. « Il a été mordu quand ? Il vit où ? » Tellement d'autres questions se bousculaient dans sa tête, mais ces deux-là étaient les plus prioritaires, et surtout elles étaient liées : s'il n'avait jamais entendu parler du décès d'un fils Nott, c'est que cette mort symbolique avait dû se passer bien des années auparavant, que le temps avait passé et que tout le monde l'avait oublié. Mais si cette morsure était si ancienne, où ce garçon avait-il passé toutes ses années caché du monde, pour atterrir aujourd'hui chez lui ?