Cette nuit-là, Octavius était de sortie. Il avait revêtu un ensemble trois pièces impeccable et ses boucles blondes avaient été habilement domptées. Son objectif : se fondre dans la masse d'un café chic. C'était là qu'il était sensé retrouvé ce cher Mr. O'Nym. Un homme riche, issu d'une famille enrichie par le commerce illégal d'elfes de maison au profit de grands noms purs anglais, qui avait su se faire une place dans la haute société sorcière. L'anthropomage ressentait une légère appréhension. Pour la première fois de sa vie, il allait devoir prendre quelqu'un en filature. Après avoir enfilé son trench et enroulé une écharpe autour de son cou, il transplana jusque Londres pour se rendre dans ce fameux café pour y trouver sa cible.
Elle était bel et bien là. S'étant fait servir un verre de vin au comptoir, Octavius faisait distraitement la discussion au serveur d'un air naturel. Pourtant, il n'avait pratiquement pas quitté des yeux Mr. O'Nym depuis près d'une demi-heure jusqu'à ce que celui-ci jugea qu'il était le moment pour lui de filer. Aussitôt, le blond entreprit de mettre fin à la conversation avec son interlocuteur. Mais cela prit plus de temps qu'il ne l'aurait pensé et rapidement, il perdit le mangemort de vue ! Zut zut zut ! Dès qu'il le put sans paraître suspect — et après avoir payé ce verre de vin beaucoup trop cher pour lui — il sortit de l'établissement. Heureusement, la chance fut de son côté ! En sortant, il aperçut le pied de la chaussure d'O'Nym tournant à un angle. Se plaçant alors à bonne distance, il le suivit. L'homme semblait particulièrement pressé : Octavius avait du mal à le suivre. Il ne lui fallut pas plus de dix minutes pour vraiment le perdre de vue ! Il dut alors considérablement accélérer le pas jusqu'à devoir courir.
Soudain, il se stoppa net au coin d'une ruelle. O'Nym s'était arrêté. Face à un autre homme au teint cadavérique.
« Monsieur O'Nym, vous êtes reconnu comme utilisateur de magie noire et reconnu coupable. »
Octavius n'osait plus bougé de là où il était, absorbé par la scène. Il sursauta quand un sort fut lancé. Tout se passa si rapidement. L'anthropomage ne réalisa ce qu'il se passait que quand le mangemort eut la gorge tranchée. Il sentait alors la nausée monter en même temps que les souvenirs, voyant tout ce sang dégoulinant. Ses jambes flageolaient alors que l'assassin se mit à s'abreuver du sang de la victime.
Non ! Il devait se ressaisir. Prenant son courage à deux mains, il s'approcha silencieusement du vampire — il fallait appeler un chat un chat — en sortant lentement sa baguette en bois d'ébène de sa poche. L'homme mourut.
« Ne bougez pas. » ordonna-t-il en donnant le plus d'autorité et de consistance possible à sa voix, tendant sa baguette vers la créature. « Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait ? »
Par « qu'avez-vous fait », Octavius voulait d'avantage dire « pourquoi avez-vous fait ça, abruti ». Il était tout secoué : il venait de voir un homme se faire égorger et vider de son sang sous ses yeux. Et il n'avait rien su faire ! Cela ne le rendait-il pas complice d'un crime, si ce n'était uniquement témoin ?

Ce n'était pas le premier vampire que rencontrait Octavius. Cette rencontre incongrue, il l'avait faite il n'y avait pas si longtemps que cela. C'était en juillet 1976, Louisville, Kentucky, USA. Avec des sorciers qu'il avait rencontrés sur place, il s'était rendu dans un bar. Une femme l'avait alors abordé. Il avait vite compris au cours de la soirée qu'il s'agissait d'une vampire, ce qu'elle lui avait par ailleurs confirmé après demande. A l'époque, elle était âgée de près de quatre siècles. Pour autant, elle avait été tout à fait charmante et respectueuse. Il avait passé une très agréable soirée — ou plutôt nuit — en sa compagnie.
Là, il ne passait clairement pas une très bonne soirée. En plus d'avoir tué et vidé un homme de son sang sous ses yeux dans le plus grand des calmes, ce vampire là était arrogant. Il le prenait de haut. Octavius décela presque instantanément un accent russe très prononcé qui rendait la compréhension presque difficile. Mais il ne s'en formalisa pas d'avantage que le ton avec lequel on s'adressait à lui. Il avait vite compris que le mort-vivant ne comptait pas le tuer. Sinon il l'aurait déjà fait. L'anthropomage s'était rendu témoin d'une scène de meurtre perpétré par lui. Il ne le quittait pas du regard alors qu'il ramassait la baguette du mangemort. Il essayait de garder son calme alors qu'il avait juste envie de lui crier dessus. Le jeune homme était d'un naturel très paisible, posé et pas du tout irritable. Ceci dit, au vu de la situation, on comprenait sa légère irritation et son stress. Quand le vampire parla de preuve, il baissait légèrement sa baguette. Prouver qu'il était mort ? Le prouver à qui ? Il était très suspicieux.
Il fronça d'avantage les sourcils quand le meurtrier lui demanda de disposer du corps. Mais on était où là ? D'un geste sec, Octavius repoussa la main du cadavre ambulant. Ses yeux lançaient des éclairs.
« Oh bah ? On ne peut pas le faire soi-même ? Comme c'est dommage. » répliqua Octavius avec sarcasme alors que le vampire lui tournait le dos.
Il ne comptait pas laisser passer cela et on pouvait l'entendre au son de sa voix. Quelque chose retenait le meurtrier de le tuer lui aussi, alors le sorcier en profitait. Au final, il n'était pas tant que cela en position de faiblesse face à son interlocuteur. Il lui semblait que ce dernier n'était pas immunisé à la magie. Et il ne semblait pas apte à en produire.
« Si je n'avais pas été là, vous auriez laisser ce corps gésir au sol ? Pourquoi l'avez-vous tué ? »
Il ne comptait pas toucher à ce corps. Il n'aurait su y toucher. C'était trop pour lui. Il évitait d'ailleurs soigneusement de poser son regard dessus. La vision de cette gorge tranchée lui était insupportable. Elle générait trop d'images.