« Quatre ans en Ouganda, ça devait être une bonne expérience » commenta Claudia en tentant de masquer le fait qu’elle n’avait aucune idée d’où se trouvait ce pays. « Et pourquoi quatre ans ? Tu y as trouvé quelqu’un … ou quelque chose ? » . Elle se mit alors à sourire malicieusement, prête à tirer les vers du né au sorcier assis face à elle.
« Oui je vois parfaitement ce que tu veux dire » dit simplement la jeune femme en se massant le front. L’alcool la travaillait encore et l’italienne commençait à fatiguer. « Mais ça dépend … Je considère toujours l’Italie comme mon chez-moi, mais c’est pourtant l’un des endroits où je me sens le moins en sécurité maintenant, où je me sens le moins bien » ajouta Claudia en soupirant doucement. L’Italie lui manquait terriblement. Elle ne parvenait que difficilement à se faire au mode de vie anglais et les différences culturelles entre les deux pays lui rappelaient chaque jour qu’elle n’était pas chez elle. « Mais ça dépend des individus, des endroits, des rencontres » . Elle termina sa phrase d’un mouvement vague de la main, la liste était longue de toute façon, et elle appartenait à chacun. Peut-être qu’un jour, Claudia se sentira chez elle en Angleterre.
L’italienne se mit ensuite à bailler. Depuis qu’elle avait posé le pied en Angleterre, la jeune femme n’avait eu que peu de moments de ce genre. Des moments simples, suspendus dans le temps et dans lesquels elle pouvait profiter de l’instant. Ce soir-là, il semblait s’abattre sur elle toute la fatigue accumulée lors des dernières semaines. Claudia, aussi motivée soit-elle, n’en était pas pour autant infaillible. Elle ne restait qu’une femme, une femme qui fatigue. « Aah, excuse-moi » dit-elle en écartant de sa bouche la main qu’elle avait placée là pendant son bâillement. « Ce whiskey m’a assommée » . Un rictus en demi-teinte prit place sur les lèvres de la jeune femme ; elle s’avouait vaincue.
D’une oreille distraite, elle écouta l’anthropomage parler. Elle semblait lutter contre elle-même pour rester éveillée. Lorsqu’il eut terminé son repas, elle se leva et attrapa les couverts et assiettes sur la table avant de les emmener dans l’évier. « Je t’aide à débarrasser et je vais aller me coucher … je peux dormir sur ton canapé s’il te plait ? » . Comme au bon vieux temps.