Jyn était affublée d'un badge "fière d'être moldue" ce jour-là, pour la rentrée à Poudlard. Accompagnée de la sympathique Vicotira Summers - qui avait au moins un grain aussi grand qu'elle - elles se dirigeaient tranquillement en direction de Poudlard depuis la gare de Pré-Au-Lard. Les sombrals, la galloise ne pouvait pas les voir. Elle ne savait pas si Victoria pouvait les distinguer également. Mais peu importait, après tout, du moment qu'ils faisaient leur travail pour les ramener au château de sorcellerie. Sur sa robe noire de sorcière, il y avait un trou. Elle l'avait recousu maladroitement. La sorcière n'en avait rien dit à sa mère. Madame Dawkins n'avait pas à être au courant de ce genre de choses. Jyn s'amusait donc à passer son doigt dans le trou mal refermé par des fils qui s’effilochaient déjà, en écoutant Victoria faire la conversation pour deux. La jeune fille marchait, marchait, et finit par heurter quelque chose d'invisible qui la fit tomber sur les fesses par terre... Pour lui ouvrir complètement le trou de sa robe où elle avait coincé son doigt. « Ce doit être un sombral » fit-elle à sa camarade qui la regardait, toujours debout sur ses pieds. Elle n'ajouta pas que les sombrals étaient souvent du genre joueurs. Il fallait bien dire, aussi, qu'il y avait une calèche juste à côté et qu'elle gagnerait à être un peu plus alerte dans la vie.
Mais la sorcière se sentait bizarre en ce début d'année. Une angoissante rampante montait dans sa gorge et dans son cœur, signe de mauvais pressentiment. Et elle se perdait de plus en plus dans ses pensées, Jyn, parce qu'elle savait, tout au fond d'elle, que cette année changerait quelque chose dans sa vie. Impossible de savoir quoi, impossible de savoir comment. Mais une ride inquiète avait barré son front depuis quelques jours et ne semblait plus capable de disparaître. Elle finit par se relever pour monter dans la calèche et lâcha, mauvaise : « J'espère que cette gourgandine de Fluvia ne va pas venir dans notre calèche... Le sombral sera incapable d'avancer avec elle à l'intérieur ».

« Pour cette année, j'ai décidé que tout serait différent ! » déclarait haut et fort Victoria avec détermination en marchant en direction des calèches qui allaient les mener jusqu'au château de Poudlard avec son amie Jyn. « Premièrement, je vais travailler encore plus dur pour les cours. Tu te rends compte ? C'est l'année des BUSEs, il ne faut absolument pas que je me loupe. Je vise l'Effort Exceptionnel en moyenne générale. Deuxièmement, je vais me créer mon style. Je suis tellement lassée par ce fichu uniforme qui souligne tout le sexisme de la société. C'est vrai quoi ! Pourquoi nous les filles devrions exclusivement porter des jupes pour aller à l'école ? C'est pas juste ! On est au XXe siècle, pas au Moyen-Âge ! »
Ah c'était qu'elle ne manquait pas d'objectifs ! M'enfin, ce n'était pas la première année qu'elle tenait ce même discours. Mais elle viendrait à dire qu'à chaque fois, quelque chose serait venu contrarier ses projets.
« Et troisièmement, j'ai décidé de ne plus répondre aux provocations des gens. C'est fini ! Le mépris par le silence, c'est ce qu'il y a de mieux. Je ne vais plus leur répondre et ils vont se lasser, crois-moi ! »
Ça, rien n'était moins sûr. Quiconque connaissait un peu Victoria savait qu'elle n'allait pas savoir tenir cette résolution qui allait passer à la trappe le soir même ou le lendemain dans le meilleur des cas. « Franchement j'en ai m- » Elle fut soudainement interrompue par Jyn qui percuta quelque chose — très certainement un sombral — qui la fut tomber sur les fesses.
« Jyn ! Ça va ?? » s'inquiéta la néo-zélandaise en aidant son amie à se relever.
Bien sûr que c'était un sombral. Elles étaient arrivés juste à côté des calèches. Les deux amies montèrent alors sur celle la plus proche, Jyn ayant un mot fort sympathique pour leur ennemie de toujours : Fluvia Travers. Cela fit pouffer Victoria.
« Elle n'aurait pas le culot de venir dans notre calèche. Je crois qu'elle a quelques neurones actifs. Rien de bien folichon mais assez pour penser à respirer. »
La jeune fille n'avait jamais appréciée la Travers et ce depuis la première année. Parfois, il y avait des gens qui n'étaient pas faits pour s'entendre. Et puis Victoria semblait avoir une dent contre les Serpentards qu'elle surnommait amicalement "face de horglup".

Victoria semblait avoir un dragon dans la gorge. Toujours des mots à formuler et toujours des remarques à faire. Si Jyn, au début, râlait ouvertement contre cela, elle avait fini par s'en accoutumer pour ne l'écouter qu'à moitié. Et lorsqu'elle voulait du calme, elle s'échappait juste et veillait à rester toute seule. Prenez ses combats féministes, par exemple. Jyn s'en fichait comme de la météorite qui avait exterminé les dinosaures. La gamine l'écoutait en hochant la tête, ne comprenait que la moitié de ce qu'elle disait et se demandait où elle trouvait toutes ses idées farfelues de révolutionnaire. La galloise écoutait vaguement sa troisième proposition, en se disant qu'elle ne la tiendrait pas, lorsqu'elle heurta un sombral. Les fesses dans la poussière, la Poufsouffle regarda, ébahie, quelque chose qu'elle ne pouvait pas voir avant de se relever. Elle ne prit pas la main de Victoria destinée à l'aider. En fait, Jyn était trop indépendante et fière pour accepter de l'aide. Elle frotta sa jupe pour enlever la poussière et grimpa dans la calèche en se targuant d'un commentaire désobligeant à l'égard de Fluvia. Cette sale bonne femme. « Tu parles, c'est un culot ambulant » grogna Jyn en fusillant du regard cette fille qu'elle détestait profondément, « elle a dû zigouiller son chat pour en faire une perruque ». Elle fronça le nez et finit par détourner la tête pour croiser le regard d'Ambrosius dans une autre calèche. Figée comme une statue de Méduse, elle fut incapable de répondre à son salut de la main. Agacée de son propre comportement, elle souffla comme un petit buffle en regardant la calèche de ce garçon dont elle était amoureuse s'éloigner loin d'elle. Quelle vie. « J'espère que Brûlo a pas perdu d'autre membre » souffla-t-elle, « sinon, on devra faire cours à sa place...».

Comme on ne changeait jamais les bonnes habitudes, en compagnie de Jyn, Victoria parlait toujours toute seule. C'est que sa camarade n'était point aussi bavarde qu'elle ni aussi passionnée. Les deux jeunes filles étaient diamétralement opposées en terme de personnalité. Néanmoins, elles se rassemblaient dans leur haine d'une certaine Fluvia Avery qu'elles ne manquaient pas de critiquer allègrement. Elles avaient eu de nombreux différents avec cette Serpentarde qui justifiaient, selon elles, ce déferlement de méchantes paroles.
« C'est sûr et certain ! Son chat ou autre chose, je ne sais pas. On le voit à des kilomètres à la ronde que c'est une fausse blonde. »
Dans la calèche, Victoria s'assit en face de Jyn sans percuter que cette dernière avait totalement reportée son attention sur la calèche d'à côté, trop occupée à remettre correctement sa jupe pour éviter qu'éventuellement d'autre s'assit dessus. Puis Jyn se mit à parler du Professeur Brûlopot.
« Je parie 10 noises que s'il a perdu quelque chose, ce sera son pied gauche. » répondit Victoria, sûre d'elle. « Mais tu crois vraiment qu'il a perdu ses membres dans des accidents ? Peut-être qu'il est né, à la base, déjà sans son bras gauche ! Si si, je te jure, ça existe ! »
Il arrivait parfois au Professeur Brûlopot de venir sans ses prothèses. Cela foutait toujours les jetons à Victoria. Même si elle adorait ses cours, elle se mettait à avoir peur d'y perdre quelque chose. Comme son nez ! Comment peut-on prendre au sérieux quelqu'un sans nez ? Elle avait du mal à se figurer. La calèche se mit à avancer.
« Tu crois que cette année on va étudier les boullus ? »
Les boullus. Toujours les boullus.

Jyn ne rouspétait pas souvent devant les gens, mais avec Victoria et sur Fluvia, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle trouvait toujours quelque chose à critiquer chez cette fausse blonde. Vicky était d'accord avec elle, et cela satisfaisait Jyn. Car si elles étaient deux d'accords, c'est qu'elles avaient raison, non ? A n'en point douter !
Dans la calèche, la jeune femme était obnubilée par la calèche d'à côté. Tellement qu'elle passa du coq au sombral en parlant de leur professeur préféré, Monsieur Brûlopot. Le pauvre homme allait finir par n'être plus qu'un tronc humain auréolé d'une tête et c'était toujours une surprise de revenir en septembre pour apprendre qu'il n'était pas mort. La galloise aimait ces risques que prenait leur professeur pour sa passion. C'était beau autant qu'insensé, mais ça le rendait heureux ! Et c'était merveilleux. « Dix noises, ça fait beaucoup » commenta-t-elle, ennuyée, « mais je suis d'accord pour le pied ». La remarque suivante de Vicky lui attira un regard bizarre de la part de Jyn : « Il a tout perdu en accident. T'as vu comment il agit avec les scroutt à pétard ? Il pourrait finir brûlé vif qu'il serait heureux ». Pour elle, c'était une évidence. S'il avait perdu autant de membres, c'était juste parce que ça passion prenait le pas sur la sécurité : « C'est le syndrome du surfeur » fit-elle en inventant une maladie. Leur calèche se mit en route et les mains croisées sur ses cuisses, Jyn voyait s'éloigner le quai avec un air désolé.

Les boullus.

Encore et toujours les boullus. Ça la tira de sa contemplation. Elle se demanda pendant un instant si elle devait répondre, ou s'abstenir. Pourrait-elle se regarder dans le miroir si elle lui faisait de faux espoirs ? A n'en point douter. « C'est possible, j'ai lu quelque part que c'est au programme de cinquième année en général » - elle n'avait rien lu du tout - « tu devrais en parler au prof ». Jyn n'en avait rien à faire des boullus. Elle les trouvait même assez laids. Elle préférait les veaudelune et leurs grands yeux admiratifs.

« Je crois que la mort dont il rêve c'est de se faire manger par le calmar géant du Lac Noir. » fit Victoria d'un air convaincu.
C'était une évidence. La jeune fille ne voyait pas son professeur mourir tristement à Ste-Mangouste. Il lui fallait une mort en accord avec sa magnifique réputation. Elle acquiesça avec conviction au commentaire de Jyn sur le syndrome du surfeur. Bien qu'elle n'avait aucune idée de ce que cela voulait dire. Certainement un truc obscure de britannique.
Naturellement, quand on parlait du professeur Brûlopot venait la question du programme de l'année en Soin aux Créatures Magiques. Chaque année, Victoria avait espoir que le programme allait aborder ses créatures fétiches : les boullus. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi elle les aimait autant. Il y avait une alchimie puissante entre elle et ces créatures des eaux profondes. Et ça, Jyn n'était pas sans le savoir. Peut-être qu'un jour son amie allait finir par en avoir marre d'entendre sans cesse parler des boullus. Comment ça, c'était déjà le cas ? La néo-zélandaise afficha un sourire radieux et heureux quand elle lui apprit que les boullus étaient au programme.
« C'est vrai ??? Depuis le temps que j'attends ce moment ! Ce sera le moment pour moi de briller ! »
Elle savait tout sur les boullus. Pour son anniversaire, sa mère lui avait offert une visite dans un élevage de boullus. Cela avait refait sa soirée.
« J'ai trop trop hâte ! »
C'était attendrissant une telle naïveté. Mais en même temps assez triste. Jyn n'éprouvait-elle pas des remords d'avoir menti de la sorte à son amie ?

Victoria et Jyn pouvaient être aussi différentes que complémentaires, mais elles se retrouvaient plutôt bien dans leur grande passion pour le cours de soins aux créatures magiques. La galloise, pour qui la nature avait toujours eu quelque attrait important, se sentait réellement à l'aise uniquement dans ce cours. Même celui d'étude des moldus ne saurait l'agiter plus que cela, elle ne l'avait pris que pour s'assurer de valider ses années... Stratégie de guerrière, bien entendu. La phrase de l'autre Poufsouffle la fit pouffer de rire. Imaginer le professeur Brûlopot se faire avaler par le calmar géant sonnait comme une vaste plaisanterie aux oreilles de la sorcière. Après tout, ce calmar pouvait très bien être végétarien ! « Je suis sûre que ce calmar préférera les strangulots... » - sous-entendu que le professeur de soins aux créatures magiques avait, bien entendu, un goût exécrable - « il s'empresserait de le recracher en voyant qu'il lui manque trois membres ». Bien qu'elles adoraient son cours, se moquer de leur farfelu enseignant était un jeu auquel les deux jeunes filles ne pouvaient résister. Et Jyn aimait tout autant se moquer de sa camarade et de sa passion pour les boullus.
« Bien sûr ! » s'écria-t-elle alors qu'elle mentait littéralement à Victoria comme si elle prétendait être la descendante de Merlin, « puisque je te le dis ! Je sais lire, quand même ! ». Pourquoi se donner autant de mal ? Elle ne le savait pas elle-même. Le plaisir sadique de la sorcière de voir la joie s'évaporer des yeux de Victoria lorsqu'elle apprendra la vérité, valait tous les mensonges. « Les boullus ne m'intéressent pas plus que cela » fit-elle pour une fois honnête dans cette conversation. Comme désireuse de déclencher un débat, elle tourna ses yeux lagons vers l'autre jeune fille d'un air manipulateur. Cette rentrée s'annonçait déjà plus mouvementée que prévue !