Jyn n'était pas, pour une fois, d'humeur particulièrement mauvaise. En fait, elle s'ennuyait profondément. sa dernière trouvaille pour agacer ses professeurs avait été de ne pas rendre les devoirs, et de les informer avec un sourire rayonnant de provocation. Elle avait déjà glané trois heures de colles en compagnie du Professeur McGonnagall, mais sa nouvelle cible de la semaine demeurait le Professeur Chourave. En fait, elle n'avait rien de particulier contre cette bonne femme. Elle était assez sympathique avec ses grosses joues et sa passion démesurée pour les plantes - passion que Jyn partageait par ailleurs, d'une certaine manière - mais c'était justement parce qu'elle voulait la décevoir profondément qu'elle se promenait, l'air de rien, dans les serres du château désormais. La jeune fille triturait sa baguette dans sa poche en se demandant qu'elle bêtise elle pourrait infliger aux plantes qui lui vaille une heure de colle. Elle ne comprenait pas pourquoi il n'y avait personne, mais après tout ! Ses yeux bleus furent attirés par une tentacula vénéneuse qui gigotait dans un pot sans doute trop petit pour elle. Cette plante faisait ses dents et c'était justement apparemment à cette période-ci qu'elle était très agressive et dangereuse. Par pure provocation, Jyn s'assit sur la table en face de la plante et se mit à lui parler : « Qu'est-ce que tu dois t'ennuyer dans ton pot toi... » - elle l'observa sous toutes les coutures en se penchant alternativement à droite, puis à gauche - « je me demande si je ne pourrais pas t'aider ? ». Jyn hésitait face à l'effronterie de ce qu'elle avait en tête : devait-elle brûler la plante - ne serait-ce pas affreusement barbare ? - ou devait-elle justement lui lancer un sortilège pour la placer derrière la porte afin qu'elle morde le premier venu ? Cela risquerait de tuer la victime et elle n'en était pas à de pareilles extrémités. « Hum... Après tout ! ». Elle sortit sa baguette en bois de houx pour viser le pot : « Mobiliarbus ! ». La plante se mit à bouger dans la direction qu'indiquait la gamine et elle se sentit presque fière de l'exploit de son sortilège. Elle posta la plante à l'entrée de la serre, de sorte que l'on puisse la voir de loin quand même et se mit à la provoquer avec une branche pour qu'elle la morde : « Je te trouve quand même un peu petite... ». Ni une, ni deux, Jyn lança un amplificatum et la tentacula gonfla d'un bon mètre.

Je me dirigeais vers les serres, j'y entrais et m'installais entre les plantes magiques et me mis à dessiner. J'aimais y aller pour cela. J'avais du talent en dessin mais je ne me l'avouais pas. Je ne croyais jamais les compliments, mais mes dessins colorés faisaient sourire alors cela me suffisait.

Soudain, j'entendis des bruits de pas, pas mal en alerte depuis le drame, je dégainais ma baguette en un geste vif. Je restais immobile, silencieuse le cœur battant.

« Qu'est-ce que tu dois t'ennuyer dans ton pot toi... »

La voix était plus mature que la voix cristalline de petite fille que j'avais encore du haut de mes onze ans.

« je me demande si je ne pourrais pas t'aider ? »

Mais à qui la grande parlait-elle ? Et en quoi une personne avait besoin d'aide ?  Je me relevais un peu timidement prête à leur prêter main forte. Mais je me trompais amèrement sur la grande fille aux cheveux de blés et aux yeux de brouillard.

« Mobiliarbus ! »

La pauvre plante fut déplacée devant la porte. Je ne savais pas son nom encore, débutante vu mon année.

Mais quand elle se mit à torturer avec une branche la pauvre plante qui tentait de mordre le bout de bois en vain, la colère monta en moi.

Le «  Je te trouve quand même un peu petite... » de la grande fut de suite suivie d'un : « amplificatum » qui affola cette pauvre plante déjà trop serrée dans son pot.

Je m'étais relevée d'un bond.

« LAISSE LA TRANQUILLE ! » Criai-je baguette pointée sur elle juste pour insister sur mes propos.

Pourpre de colère, baissant ma baguette, j'ajoutais : « Tu la fais souffrir ! C'est une vie mets toi donc à sa place ! »

«  Je ne te veux pas de mal mais laisse là tranquille ! Ou ou... » ajoutais-je.

Mes sourcils se froncèrent : « Ou même si je dois souffrir pour ça je ferai tout pour t'empêcher de faire souffrir les autres ! »

Autour de mon cou une écharpe de serpentard, qui aurait cru ?

Jyn, bien concentrée à l'idée de faire bondir le concierge de rage, sursauta violemment lorsqu'une gamine déboula en hurlant de laisser la plante tranquille. Nullement impressionnée par la brindille magique de la petite fille, la galloise la regarda de haut, d'un air impérieux. Les joues rouges de colère, la minuscule serpentard ressemblait à un scroutt à pétard et la plus grande poufsouffle ne s'était pas attendue à une apparition si soudaine. Elle plissa les paupières. Fallait-il donc que tout le monde soit insupportable dans ce château ? Fallait-il donc qu'on l'empêche toujours de faire ce qu'elle voulait ? Jyn en avait ras le bol de se faire dicter sa loi, de se faire reprendre, de se faire insulter. Le château lui donnait la nausée et elle n'attendait décidément que de fuir pour de bon cet endroit grossier. « Respire, tu vas finir par éclater » fit-elle à la gamine qui semblait sur le point d'exploser, « et baisse ça, c'est pas un jouet ». Quelle commence à la menacer fit lever les yeux bleus de la sorcière au ciel. Décidément, ils se prenaient tous pour Dumbledore. « J'la fais pas souffrir c'te plante, alors pourquoi tu hurles, hein ? » demanda-t-elle de son habituelle voix traînante ennuyée. Jyn, tout au contraire, adorait la nature. Elle avait besoin de se sentir connectée à elle, de poser sa main sur l'écorce d'un arbre pour en puiser toute sa vitalité et se sentir mieux. Le sang druidique de la petite galloise coulait plus puissamment dans ses veines qu'elle ne l'imaginait. La plante essaya de lui arracher la tête mais elle se décala juste à temps en lui jetant un regard mauvais. Humf. Elle méritait d'être brûlée.