Une théorie personnelle de Gauwain était que toute la Bibliothèque de Poudlard était sous le coup d'une variante du sortilège Sourdinam, garantissant que quiconque s'y risquerait ne ferait pas plus de bruit que nécessaire. C'était ça, ou tout le monde accordait suffisamment de foi aux rumeurs prétendant qu'Irma Pince avait éviscéré le dernier élève ayant crié entre les rayonnages, et que personne ne souhaitait se risquer à vivre pareille expérience.

On pénétrait donc dans la Bibliothèque en ayant une bonne idée de ce que l'on voulait y faire, et non pour y tenir des conciliabules. On pouvait y trouver tous les ouvrages publiés dans le monde, ou en tout cas, c'est ce qu'il paraissait au Serpentard. Parcourir des pages poussiéreuses qui vous faisaient presque voyager dans le temps. Trouver les réponses aux énigmes les plus ardues soumises par le corps professoral.

Et parfois.... on y trouvait des opportunités pour l'avenir.

En tout cas, c'est ce que Gauwain espérait.

Il avait réfléchi quelques semaines avant de prendre sa décision. Croupton était un solitaire, c'était assez évident. Il l'avait observé durant quelques temps, et l'avait toujours vu seul, ne semblant pas chercher la compagnie. Cela dit, Gauwain lui-même avait appris qu'il était parfois plus prudent de ne pas se frotter outre mesure à certains autres élèves. Pas par les temps qui courraient.

Mais cette fois, Gauwain avançait en toute confiance. Qui ne connaissait pas le père de Croupton? Si plus d'hommes avaient sa détermination, il ne fait aucun doute que le monde magique ne se trouverait pas dans l'état qu'on connaissait. Il incarnait une voix forte contre Vous Savez Qui. Gauwain n'envisageait même pas que l'homme n'ait pas transmis ses valeurs à son fils.

Donc.... pour un élève se destinant à une carrière d'Auror... C'était une carte à jouer. En espérant que sa démarche ne paraitrait pas déplacée.

Il s'approcha de l'alcôve dans laquelle était installé Croupton, et s'éclaircit la gorge :

"Salut. Je te dérange mais - Si t'as deux minutes, j'aurais une question à te poser."

Avec une petite pause, il précisa, même si son uniforme parlait en partie pour lui :

"Gauwain Robards, je suis en 7e année, à Serpentard."

Mardi 2 mai 1978

En ce deuxième jour du mois de mai, une quiétude sans pareille régnait dans la plus célèbre école de sorcellerie. On était très loin du chaos qui règnerait dans ce même château exactement 20 ans plus tard.  A cet instant, nul élève, nul professeur, pas même Freya Bakke (quoi que ?)  n’avait idée de la bataille qui allait se dérouler exactement 20 ans plus tard dans ce même château. Bataille qui resterait dans les mémoires des sorciers. Bataille qui serait enseignée dans les cours d’histoire de la magie, bataille qui viendrait compléter les pages du livre préférée de Bartemius Croupton Junior : L’histoire de Poudlard. Le jeune Junior assis à réviser ses BUSES, à la bibliothèque, ne se doutait pas que le jour de cette bataille, son âme aurait déjà été aspirée 3 ans auparavant par les détraqueurs, seule raison pour laquelle, il n’y prendra pas part. Il ne se doutait pas non plus qu’il aurait été dans cette bataille, du mauvais côté de l’histoire.  De même, le jeune Rémus Lupin assis comme souvent à quelques mètres de Junior dans la bibliothèque, ne se doutait certainement pas qu’il allait perdre sa vie dans exactement 20 ans, dans ce même château. Et pourtant, qui vous dit que tout cela, le château ne le savait pas déjà ? Le temps est un mystère. Si on nous apprend l’art de la divination, ce n’est pas pour rien. C’est car tout est déjà écrit et que nous sommes que des pièces de cette partie d’échecs géante. Telle était la conviction de Barty Croupton Junior.  Encore plus depuis qu’il avait entendu parler son père d’une « salle du temps » au sein du département des mystères.

Le jeune serdaigle, assis tranquillement à une table de la bibliothèque, révisait la guerre des géants. Il avait repris ses notes de cours sur la guerre des géants des années 1800 ainsi qu’un ouvrage sur la Gigantomachie. La première guerre des géants, celle de l’Antiquité dont même les moldus ont entendu parler et qu’ils rattachent à ce qu’ils appellent la mythologie grecque. Comment comprendre cette guerre des géants de l’histoire contemporaine sans comprendre la genèse même des géants. Un pan totalement sous investi dans le cours du professeur Binns et pourtant essentiel aux yeux du jeune Croupton, qui comptait bien briller dans cette matière lors de ses buses.  Plongée dans sa lecture de la biographie de Typhoeos, le jeune aigle n’avait pas vraiment envie de parler, mais  un élève en avait décidé autrement. "Salut. Je te dérange mais - Si t'as deux minutes, j'aurais une question à te poser.".  Oui tu me déranges ! Et non, je n’en ai pas envie !  Telle était la réponse que le jeune Croupton aurait voulu apporté au vert et argent qu’il ne connaissait pas et qui osait le déranger dans ses révisions. Il se contenta de lui jeter un regard aussi noir que celui que son paternel pouvait lui jeter. "Gauwain Robards, je suis en 7e année, à Serpentard.".  Sans blague, j’aurais pensé que tu étais à Poufsouffle vu ton uniforme était la réponse qu’il aurait voulu dégainer mais une fois de plus, il ravala sa salive.
- « Tu as besoin d’un tuteur pour t’aider à réviser une matière pour tes aspics ? Sortilèges ? Histoire de la Magie ? Métamorphose ? » interrogea le jeune Croupton qui était habitué à ce qu’on lui demande de l’aide.

Le premier contact se passait de façon mitigée. Il était difficile de ne pas remarquer les regards hostiles du jeune Serdaigle, mais en même temps, la Maison Serpentard avait eu quelques siècles pour se faire une réputation. Il ne serait pas le premier élève à ne rien vouloir avoir à faire avec un ressortissant de cette Maison ; ça n'aurait pas été étonnant, quand on connaissait son père, et son sens des valeurs.

Gauwain s'apprêtait donc à devoir attester de sa bonne foi, quand l'autre élève lui offrit des cours. De tutorat. Gauwain fronça les sourcils.

"Quoi? Mais- Mais enfin non, je m'en tire très bien en Sortilèges. Et ça ira pour la Métamorphose."

(Advienne que pourra en Histoire de la Magie.)

Il secoua imperceptiblement la tête. Au moins, ça partait d'une bonne intention, et l'autre ne l'avait pas envoyé paître.

Il se reconcentra sur son objectif, regardant Croupton droit dans les yeux, se penchant légèrement en avant. Il baissa encore la voix d'un cran. Ca avait tout de la conspiration malhonnête.

"Ecoute, je veux intégrer la formation pour devenir Auror l'année prochaine. Je sais que mes notes seront déterminantes, mais... j’espérais..."

Le tout pour le tout. Allez.

"Ton père aurait peut-être... des conseils? ou... une quelconque manière d'aider un élève de Poudlard qui admire le travail qu'il mène au sein du Département de la Justice Magique. Si tu veux bien lui demander.... Je te revaudrais ça. Demande-moi ce que tu veux."

C'était une carte à jouer, une carte déterminante. Gauwain pouvait très bien s'en sortir seul, mais autant mettre toutes les chances de son côté. S'assurer quelques points bonus, en quelque sorte.

 
A en juger par les sourcils du serpent, il n’était visiblement pas venu me demander de l’aide pour réviser ses ASPICS. Pourquoi donc voulait-il me parler. Au fond de moi, j’espérais une seule chose, que cela n’avait rien à voir avec son orientation professionnelle et son souhait de me voir faciliter la mise en relation avec mon paternel. J’avais déjà eu affaire à ce genre de situation avec Bones durant les vacances chez Fleury et Botts, ce n’était pas pour recommencer à Poudlard. Si tel était le cas, j’allais faire en sorte que tout le château comprenne qu’il ne fallait mieux pas me poser cette question. Et évidemment, ce qui devait arriver arriva. "Ecoute, je veux intégrer la formation pour devenir Auror l'année prochaine. Je sais que mes notes seront déterminantes, mais... j’espérais..."
. Je voyais très bien où il voulait en venir. Le bureau des aurors est un service du département de mon père. Le service à la une de la gazette du sorcier depuis des mois. "Ton père aurait peut-être... des conseils? ou... une quelconque manière d'aider un élève de Poudlard qui admire le travail qu'il mène au sein du Département de la Justice Magique. Si tu veux bien lui demander.... Je te revaudrais ça. Demande-moi ce que tu veux." Il avait osé me déranger dans mes révisions pour me parler de mon père. Pour me demander de l’aider à se mettre en relation avec lui. Je sentais la colère envahir tout mon corps. Je sentais rage bouillonner en moi, cela devait se voir sur mon visage qui était aussi rouge que la robe de Gryffondor de Lupin. Une seconde plus tard ma baguette était pointé sur lui telle une épée « Stupefix » m’écriais-je en oubliant qu’on était dans une bibliothèque. Voilà de quoi lui donner une leçon. Et puis comment pouvait-on admirer le travail de mon père ?

Il savait parfaitement que la devise de certains Aurors était "Vigilance constante", mais il avait toujours pris ça avec quelques libertés. On ne prenait pas sa baguette sous la douche. Mieux valait la laisser sur sa table de nuit pendant un somme.

Gauwain avait toujours été persuadé, inconsciemment, que la Bibliothèque était, de même, un lieu à part, où on ne craignait rien à part Madame Pince, et où on sortait surtout sa baguette pour s'aider à transbahuter de lourdes piles de livres.

A fortiori lorsqu'on parlait avec le fils d'un des membres les plus célèbres du Ministère.

Son cerveau enregistra le geste de Barty, entendit le sort qui était prononcé, mais il lui fallut une demi-seconde de trop pour connecter ce mot avec sa signification et lui donner du sens dans ce contexte. Et encore, une fois que ce fut fait, cela ne généra qu'un "Hein?" incrédule, que le sort vint cueillir sur ses lèvres, le laissant figé dans une expression d'incompréhension, sourcils froncés et bouche à demi-ouverte.

Il lui semblait que le plomb avait remplacé le sang dans son corps. Toutes ses perceptions semblaient cotonneuses, lointaines, comme s'il se trouvait dans un semi-sommeil, lui laissant tout de même loisir de voir agir le Serdaigle.

Urgh, il détestait ce sort.

Frénétiquement, puisqu'il était piégé dans cette position vulnérable, il essaya de donner du sens à tout ça. Est-ce que c'était un test? Est-ce que Croupton n'apportait son aval qu'aux candidats ayant réussi à sortir un Protego à temps? ....Merlin, est-ce que Gauwain avait cramé cette opportunité?

Un jet de lumière rouge sortit de ma baguette pour, une seconde plus tard, frapper en pleine poitrine le serpent dont le corps inanimé gisait sur le sol probablement aussi glacial que les cachots. Quelques étudiants avaient levé les yeux de leurs bouquins lorsqu’ils m’avaient entendu prononcer la formule avec la discrétion d’un éruptif dans un magasin de porcelaine. On pouvait entendre le rire moqueur d’autres verts et argent et les exclamations stupéfaites des disciples d’Helga. Se faire humilier comme cela par un 5ème année, il devait moins faire le malin a présent. Un sourire triomphant sur les lèvres, je m’avançai vers lui et posai mon pied sur sa jambe, pour l’écraser comme on écrase un insecte indésirable. Évidemment son corps était endormi, il ne devait rien sentir mais c’était humiliant et cela suffisait à faire mon bonheur. Je fis tournoyer ma baguette entre mes doigts avant de la pointer à nouveau sur lui. Droit sur son visage. Mon regard était sadique. Je le fixais sans prononcer un mot. Je pouvais lire dans ses yeux l’inquiétude, son regard me suppliait et je me sentais puissant. «  Caput Enervatum » prononçais-je pour libérer simplement son visage du maléfice de stupefixition  afin de pouvoir le maintenir dans cette position et lui parler.

«  Ça veut être Auror et ça se laisse piéger par un sortilège de stupéfixion lançé par un 5ème année.....  Félicitation, tu es aussi mauvais que mon père. Il devrait t’engager ! Qui se ressemble s’assemble non ?» .  Sans dire un mot de plus, ni même le libérer du sortilège pour le moment, je regagnai ma place pour reprendre mes révisions là où je les avais laissées.  Je pouvais être aussi manipulateur et sournois qu'un serpentard si je le voulais.  A présent, j’allais attendre qu’il me supplie pour le libérer. Je n’étais qu’au début de la leçon que je voulais lui donner. «  Vous voulez ma photo» hurlais-je à l’attention d’élèves qui me fixaient.  Si je me faisais virer de la bibliothèque à cause de lui, je peux vous garantir qu’il allait vivre un enfer jusqu’à la fin de l’année !

HJ:

Un mouvement de baguette, une formule murmurée, et les perceptions sensorielles de Gauwain s'améliorèrent soudainement.... juste à temps pour qu'il puisse entendre le jeune homme ajouter une insulte à ce qui était déjà une situation humiliante en soit.

Ayant récupéré de la sensibilité dans son visage, le Serpentard eut la chance de sentir celui-ci s'échauffer, aussi sûrement que si l'autre élève l'avait physiquement frappé. A cause de la honte personnelle qu'il ressentait en cet instant, mais aussi... Il fronça les sourcils, l'incompréhension le disputant à la rage dans son regard. Donc.... c'était pas une sorte de test de sélection? A quoi il jouait, l'autre, il avait pas eu son argent de poche et il se vengeait sur quelqu'un d'autre?

Bon. C'était peut-être humiliant, tout ça, mais ça lui permettrait d'évacuer une partie de sa frustration.

"Croupton!!! Ca va pas, la tête? Tu t'es fait bouffer le cerveau par des trolls, ma parole!! Je VEUX qu'il m'engage, personne avant lui n'a été aussi efficace!"

Il chercha à se débattre, mais ne réussit qu'à secouer la tête de droite à gauche. Et bien sûr, personne pour intervenir, entre ses camarades de maison qui étaient trop heureux de la scène, et les autres qui avaient trop peur. Gauwain payait probablement en cet instant ses prises de position des deux dernières années.

Il serra les mâchoires à s'en faire éclater l'émail, foudroyant l'autre élève du regard.

"On a assez joué- Tu m'as eu par surprise, libère-moi ou je te jure que..."

Ouais, bon, il faudrait peut-être qu'il fasse des progrès en négociation, s'il voulait récupérer un tant soit peu de mobilité.