Le tout dernier cadeau de ses parents - ou elle n'en avait pas vu d'autres : des entrées pour une vernissage à la galerie d'art de Claudia Visconti. Amelia ne savait pas vraiment ce qu'elle devait faire avec ça. Avant leur mort, elle avait espéré y aller avec Gauwain, Aurora ou Svetlana. Mas maintenant, elle pouvait totalement rayer le premier de la liste et ne voulait pas choisir entre ses deux amies. Avant, elle ne se serait pas pris autant la tête, peut-être y serait-elle y aller seule. Mais ce soir, elle éliminait tous les noms les uns et les autres et n'avait pas la moindre envie de s'y rendre seule ou accompagnée. Mais Soyle lui avait conseillé d'essayer d'une part parce que ses parents souhaiteraient qu'elle y aille et d'autre part, parce qu'elle le regretterait si elle n'essayait pas. Oh la Bones n'était pas tout à fait certaine avec cela, mais ne voulait pas contredire sa logeuse du moment. Elle se motivait comme elle le pouvait. Tu peux demander à une camarade de promo qu'elle se dit... mais ni Aileen ni Sarah était disponible pour ce soir, même si elles étaient visiblement envieuses. Elle était donc assise à la cafétéria de l'ESM. Un muffin lui faisait face accompagné d'un jus orangé - citrouille peut-être ? Elle avait pris la décision de s'alimenter davantage même si chaque bouchée s'avérait un véritable calvaire. Pire encore le muffin semblait lui dire qu'elle était pathétique et ne devrait pas le manger. Ou si ça ne tenait qu'à elle... mais Nora lui avait conseillé de tenir une sorte d'emploi du temps dans lequel elle mettait ses réussites de la journée. Alors dès qu'elle mangeait, elle le mettait dedans. Elle ne trouvait pas cet agenda très utile ou vraiment enthousiasmant. Mais si elle parvenait à passer le seuil de cette galerie, peut-être qu'elle aurait un sentiment de fierté quelque part. Mais des peut-être, elle pouvait refaire le monde sans soucis. Si seulement...

Elle avala difficilement une gorgée de son jus de citrouille et déballa son muffin. Elle mit du temps à le manger, mais au bout de dix ou quinze minutes, elle y était arrivée. En vérité, elle avait choisi de ne pas "chronométrer" sinon, cela ne la pousserait qu'à déprimer davantage. Elle sortit ensuite son agenda/parchemin et sa plume pour inscrire tout cela. Quand les mots furent formés, elle eut l'impression d'être encore plus ridicule que ça l'était vraiment. Muffin - jus de citrouille - après les cours. Cela était comme une sorte de goûté, mais elle savait qu'elle ne pourrait pas se nourrir après cela. C'était étrange de voir à quel point elle était différente de l'ancienne Amelia. La précédente aurait pris plus d'un muffin et ne se serait pas contentée d'un vulgaire jus de citrouille. Finalement, quand elle releva les yeux de sa petite table en bois et de son parchemin, elle eut la réponse à tous ses problèmes - ceux qu'elle avait en tête en tout cas, à l'instant - : Remus. S'il acceptait de venir avec elle, elle irait à la galerie, peut-être verrait-elle de jolies choses qui enlumineraient sa soirée - sa semaine peut-être ou était-ce trop demandé ? - et aurait une réussite pour sa journée. Une véritable réussite, pas un pseudo repas qu'elle s'était autorisé à la fin de la journée. Elle se souvenait que Remus l'avait contacté pour lui faire de ses condoléances. Elle avait juste oublié s'il lui avait envoyé une lettre ou s'il l'avait trouvé. Elle voyait tellement de gens qui lui disaient ô combien ils étaient désolés pour elle et ses frères. Et même si certains devaient être sincères - Remus probablement l'était - elle savait que d'autres ne croyaient pas un seul de ce qu'ils disaient.

Elle rangea ses affaires, jetant au passage le gobelet et l'emballage à la poubelle et le rejoignit. Elle se demanda un instant si elle lui avait dit de la retrouver ici. Parce que voyez-vous, elle se retrouvait dans une situation très similaire à l'enseignante de divination dans laquelle elle l'avait trouvé début juillet. Elle oubliait des trucs importants et comment dire... une rencontre avec un ami serait forcément quelque chose d'important. Bon, elle n'allait pas non plus lui demander ce qu'il faisait là. Elle avait fait le coup à Aurora et s'était retrouvée bien bête face à sa meilleure amie.  “ Bonjour Remus ! Tu tombes bien ! ” Qu'elle s'exclama en sortant les deux invitations de son sac. Elle ne le forcerait pas, mais très franchement, on pouvait deviner sans peine qu'elle l'entrainerait à cet évènement plus ou moins contre son gré. “ J'ai des invitations pour un vernissage à la galerie de Claudia Visconti à Londres. En fait, ce sont des oeuvres de plusieurs artistes qui ont été réunies pour comparer des pièces sorcières et moldues. Ca a l'air très chouette. ” Elle essayait de vendre cela comme elle pouvait avec un enthousiasme plus ou moins évident. Mais elle y mettait tout son cœur. “ Il faut transplaner au chemin de traverse. Tu viens ? ” Elle n'avait pas pris la peine de lui demander s'il se portait bien. Elle n'avait qu'une idée en tête : cette fichue galerie d'art.

L'étudiante en droit reprenait pieds comme elle pouvait. La tristesse et la colère ne semblaient pas la quitter, mais peut-être... peut-être laisseraient-elles place à d'autres émotions ? Des émotions plus positives. C'était avec cet état d'esprit que Amelia avait quitté l'appartement de Soyle. Amelia ne pétait pas la forme, ça non. Mais elle essayait d'aller mieux. Ca lui prenait une partie considérable de son énergie, mais elle faisait de son mieux. Et cela commençait par ne surtout pas envoyer bouler Remus qui était d'une patience d'ange avec elle. Elle affichait donc un sourire et un enthousiasme qu'elle voulait communicatifs. Elle ignorait si cela fonctionnerait. Mais depuis qu'elle avait vu sa psychomage - enfin surtout depuis qu'elle avait craint d'être traitée comme une folle - elle changeait de stratégie... d'une certaine manière.

Ainsi, elle ressentit un profond soulagement lorsque l'ancien gryffondor accepta sa proposition. Elle crut même entendre son cœur manquer un battement. Car même un simple pourquoi pas, les mots que prononçait Soyle chaque jour, le sourire d'Aurora et ses paroles rassurantes signifiaient tout l'or du monde. Elle savait à peu près pourquoi, mais ne voulait pas l'accepter. Elle avait simplement cru, avant Soyle, que personne ne voudrait réellement être avec elle après le décès de ses parents et en constatant la dévastation que cela avait pu provoquer en elle.  “ Que je te rassure, Remus, je ne suis pas une spécialiste non plus. Mais je suis certaine que tu sauras apprécier le travail derrière l'œuvre. ” C'était tout ce qui importait après tout. Il lui avait toujours semblé ouvert d'esprit, enfin tout cas davantage que la majorité des personnes qu'elle connaissait. Il avait toujours été travailleur et capable. Et elle était attristée qu'il n'ait pas pu continuer des études même si elle n'en connaissait pas les raisons. “ Allons-y alors. ” Et instinctivement, elle lui attrapa le bras - sans méchanceté - pour sortir de cette cafétéria qu'elle avait grande hâte de quitter.

Tout comme Remus, Amelia n'était pas très friande du campus, pour des raisons tout à fait différentes, mais au moins, ils se rejoignaient là-dessus. Enfin dehors, ils transplanèrent à Londres et plus précisément sur le chemin de traverse. “ C'est par ici. ” Cette allée sorcière n'était pas foncièrement sa préférée depuis quelques temps, mais elle avait dû se forcer à y retourner rapidement après la mort de son père, puisqu'elle travaillait chez Harpile Poil. Lorsqu'elle marchait sur les pavés, elle eut quelques flashs, mais bizarrement rien qui la démotiva. Un peu comme si la présence d'une personne l'accompagnait contrebalançait cette négativité. “ Il arrive que ce genre d'évènement accueille des sorciers prétentieux. Il faut pas y faire attention. En général, ils en savent bien moins qu'ils veulent bien le dire. ” L'informa-t-elle sans vraiment voir l'utilité d'une telle information. Mais il fallait mieux prévenir que guérir. Ils en avaient vu d'autres tous les deux, ça elle en était sure. “ Je me rends compte que je ne t'ai même pas demandé comment tu allais. ” Absolument honteux. Et elle n'avait certainement pas été élevée ainsi. Mais elle avait tout à réapprendre ou presque.

Citation :

Ton Remus est tellement cute, je craque  

   

Citation :

Merciii

La galerie d'art se dessinait devant eux alors qu'elle apportait ses "dernières recommandations". Non pas pour gagner du temps, mais bien pour les partager, le prévenir histoire qu'il ne soit pas surpris. Remus ne semblait pas y prêter particulièrement d'attention. Il y aurait toujours des personnes plus prétentieuses que d'autres. Ou alors, elle ne lui avait pas laissé le temps de répondre ? Elle préféra ne pas répondre à cette question, se concentra sur la suite de la conversation. Réaliser qu'elle allait contre toute son éducation et insulter de la même manière la plupart des bonnes manières et valeurs inculquées par sa mère ne lui fit pas que du bien. Un brin de culpabilité naquit dans son être, mais elle se reprit... essayant de rattraper le coup. En écoutant la réponse de son ami, elle fronça les sourcils avec étonnement. Elle savait qu'il ne suivait pas des cours à l'école supérieure de magie - sans pour autant en connaître la raison - mais apprendre qu'il cherchait encore du travail était presque douloureux. Car voyez-vous, Amelia, elle avait eu tout servi sur un plateau d'argent : son entrée à l'université sorcière, un job étudiant grâce à Marlene. Elle avait certes planifié depuis un moment, cela ne rendait pas la chose moins désagréable à entendre. Comment était-il possible qu'un garçon aussi intelligent et sympathique que Remus Lupin n'obtienne pas ce qu'il désirait ?

Il prenait sur lui et voyait le verre à moitié plein, du moins c'était ce qu'elle retirait de son discours. Elle l'étudia un instant alors qu'il venait de dire qu'il pouvait tout de même passer du temps avec les personnes qu'il aimait. Non, il n'y avait pas photo. Il n'existait pas de personne avec autant de bonté sur cette terre. Elle lui adressa un sourire et reprit la parole : “ Je suis certaine que tu trouveras. Un employeur serait bien bête de ne pas te recruter. ” Elle ne connaissait pas tous les tenants et aboutissants, et même si elle en était consciente, elle dirait la même chose. Les sorciers pouvaient preuve de beaucoup de bêtise, de bêtise sans nom qu'elle-même n'osait même pas décrire dans son esprit. Elle aimait le droit, la justice, l'égalité, mais c'était peut-être trop pour sa petite tête, et ses tripes. “ Je suis contente que tu sois là. ” Le bonheur, un mot qui n'appartenait plus à son vocabulaire ces derniers temps. Pourtant, elle avait élaboré un "classement" des choses qui la rendaient plus joyeuse. Etre accompagné d'un ami alors qu'elle avait cru quelques semaines plus tôt qu'elle n'en avait pas besoin l'enchantait quelque part, pour l'espace de quelques heures, mais au moins, elle ne s'apitoyait pas sur son sort.

Il fallut donc entrer dans la galerie, un autre pas en avant, un effort complexe mais primordial.“ On y va ? ” Qu'elle demanda doucement en cherchant un peu de courage chez son ami. Un vigile - enfin elle soupçonnait - gardait l'entrée et contrôlait les billets. Fort heureusement, il n'y avait pas les noms sur l'invitation. Bones, elle ne voulait pas que ce sorcier la regarde différemment. “ Bonne soirée.” Qu'il dit en les laissant passer. Elle tendit ensuite à Remus l'une des deux invitations. Lorsqu'elle croisa son regard, elle se sentit "obligée" d'expliquer. “ Ca te fera un souvenir. J'aime bien garder des traces de sorties que je fais. Un ticket de caisse, une carte postale ou un billet d'exposition. ” Elle mettait tous ces petits objets sans importance dans un album photo. Elle ne partageait pas tellement cette information. C'était totalement absurde et pourtant, elle avait cru important de l'énoncer. “ Ce sont les mêmes peintures ou presque. ” Dit-elle alors en constatant les deux premières œuvres exposées juste à l'entrée. Probablement un avant goût ? On pouvait cependant voir la différence. La peinture sorcière bougeait... Les couleurs étaient semblable, de même pour l'ambiance et les contours du personnage. C'était une belle femme qui se coiffait et s'observait dans le miroir. Et quand elle croisait les regards du public, elle rougissait innocemment. “ Intéressant. ” Qui avait copié l'autre ? Le moldu ou le sorcier ?


   

Amelia avait souvent réponse à tout. Et dans les débats, elle aimait avoir le dernier mot. Cela signifiait quelque part qu'elle avait gagné l'argument. Mais dans cette situation, il ne s'agissait certainement pas d'une discussion sur un sujet à controverse. Toutes les personnes qui s'intéressaient un tantinet à Remus devaient bien savoir qu'il était intelligent, volontaire et capable. Seul l'intéressé ne semblait pas forcément le croire. Dans sa souffrance, l'étudiante se montrait égoïste, elle s'en rendait bien compte. N'avait-elle pas demandé - exigé en fait - de Gauwain qu'il lui fiche la paix ? Mais avec l'ancien gryffondor, elle avait volontairement choisi de se comporter autrement. Non pas par culpabilité, mais bien parce qu'elle le pensait réellement. Ce n'était pas difficile ou douloureux d'énoncer une volonté. Et elle voyait bien qu'il avait lui-même des problèmes qu'il n'osait pas forcément aborder en sa présence ou il préférait les survoler : par timidité, par "respect" peut-être, par crainte d'en rajouter une couche. Elle ne sut trop quoi répondre toutefois... Préférant ne pas faire de forcing et insister, elle hocha la tête doucement et prononça quelques mots : “ Tu as raison. ” Il valait mieux attendre pour voir avec précision ce que cela donnerait. Mais elle le soutenait et souhaitait qu'il le sache.

Cette situation lui semblait pour le moins étrange, et pourtant, elle ne la questionnait pas... pas vraiment. Elle décidait de croire ce qu'il lui disait. Il avait tant insisté pour lui montrer son appui qu'elle ne voyait pas tellement pourquoi il lui mentirait dessus. Dans tous les cas, ce fut soulagée et rassurée qu'elle entra dans la galerie d'art en compagnie de son ami. Elle se réjouissait - étrangement - de pouvoir ajouter ce billet avec le reste de sa collection et d'en transmettre un à un ami. L'idée de remplir de ce carnet des bonnes choses qui s'étaient passées durant cette journée illuminait son regard recouvert de teintes sombres ces derniers temps. La réaction de Remus aux deux peintures lui parut fort appropriée. Et elle ne put s'empêcher de lui lancer un petit : “ Tu vois ? Je te l'avais dit. ” Pas besoin d'être critique d'art pour apprécier les subtilités d'une œuvre et le travail d'un artiste. Elle comprenait ce qu'il voulait dire. Les moldus et sorciers se complétaient d'une certaine manière. Tout comme le sel et le poivre, le noir et le blanc. “ Le même modèle, différentes émotions. ” Approuva-t-elle simplement d'un ton enjoué.

Une personne postée non loin des œuvres leur indiqua le sens de circulation. “ Allons voir la suite ” Dans la pièce principale, des serveurs se promenaient avec des plateaux avec du champibulle.   “ Est-ce que tu en veux ? ” Lui demanda-t-elle. Après avoir obtenu une réponse de sa part, elle se saisit de ce dont ils avaient besoin. Il y avait un certain nombre de peintures et les gens s'affairaient autour d'une personne qui s'apprêtait manifestement à parler et prononcer quelques paroles. Pour ne pas perdre Remus dans la foule, elle lui attrapa la main. Et elle porta son attention sur la personne qui manifestement avait réuni toutes ces œuvres pour l'occasion. Elle parla au moins cinq bonnes minutes pour présenter tout l'intérêt d'un tel rassemblement et remercier son public d'être venu. Une comparaison attira finalement son attention, non pas par la qualité particulière de ses œuvres, mais le sujet. Une famille en plein pic-nic dans un étendue d'herbe. C'était une scène tout à fait anodine, et peut-être pas la plus populaire car il n'y avait que deux ou trois personnes qui  regardaient les deux œuvres ou lisaient les indications. “ Je trouve ça vraiment beau. ” Parce que ça lui rappelait sa famille ou parce qu'elle jugeait les œuvres vraiment bien faites... allez savoir, un peu des deux peut-être. Il n'y avait pas de tristesse dans sa voix, juste de la fascination. “ T'en penses quoi ? ” Demanda-t-elle finalement à Remus en se tournant vers lui.

L'art n'était pas un domaine qu'elle maitrisait particulièrement bien. Elle saurait citer quelques artistes sorciers et moldus et expliquer pourquoi elle les appréciait. Mais elle avait aussi appris à relativiser sur ce sujet-là. Elle ne se mêlerait jamais aux critiques professionnelles et se contenterait de jouer en amateur. Emettre un avis, quelconque, juste quelques mots ne s'avérait pas spécifiquement difficile. Une opinion, ça se modélisait, s'améliorait, changeait avec le temps, les expériences, les gouts qui évoluaient. Alors quand son regard se posa sur les deux peintures traitant d'un sujet de la vie quotidienne ou plutôt familiale, cela fit résonnance à ses parents, ses frères, aux moments passés avec eux, les anniversaires, les week-ends passés avec les Jones ou les Diggory. Elle affectionnait tout spécifiquement ce sujet et lui prêtait une attention remarquable. Son regard se baladait d'une représentation à l'autre et d'une œuvre aux inscriptions.  

Le point de vue de Remus lui paraissait crucial à ce propos et ne tarda pas à le lui demander. Il la surprit... agréablement surpris. Car il aligna plus de mots en l'espace de quelques instants que depuis le début de cette rencontre, comme si soudainement, il était animé d'une grande flamme. Elle appréciait grandement cela, devinant sans peine qu'il ne faisait pas un effort, il parlait avec sincérité. La mort de ses parents avait remis en perspective un certain nombre de choses, dont les moments passés en famille et leur intérêt.  “ Ils sont exceptionnels parce qu'on les passe avec les personnes qu'on aime. ” Dit-elle doucement sans souhaiter le contredire pour autant. Il s'agissait d'un échange, d'un ajout. “ Les plaisirs simples, c'est ce qu'il y a de plus beau. ” Reconnut-elle pensive, rêveuse alors que plusieurs minutes plus tôt - une dizaine, une vingtaine ? - tout ce qui peuplait son cœur et sa tête était colère, rancœur, tristesse. Et là, tout était devenu plus paisible, sans doute l'effet d'une compagnie, de la présence de son ami. Elle ne saurait donner la réponse exacte, mais s'en rendait bel et bien compte.

Lorsqu'il mentionna James et Sirius, elle n'eut pas une réaction de rejet. Et pourtant, les farces que faisaient les maraudeurs auraient de quoi l'agaçaient. Elle se souvenait des réactions excessives de Gauwain à leur encontre, mais ce qui teintait sa vision d'eux, ce n'était certainement pas son ex petit ami, mais plutôt Lily et Remus. Lily qui n'avait pas toujours eu une haute estime d'eux avait au fil des années changé d'opinion. Elle la connaissait depuis sa première année pour pertinemment savoir qu'elle ne se laissait pas influencer facilement par la popularité des autres. Quant à Remus, elle lui accordait suffisamment de crédit pour ne pas fréquenter des personnes horribles. Alors, elle considérait cela absolument adorable qu'il les évoque. “ J'espère quand-même que le temps d'attention de James a augmenté. ” Rit-elle en faisant évidemment référence à leur amie commune. Curieusement, elle parvint très bien imaginer des scènes "simples" avec les maraudeurs comme protagonistes, James et Sirius faisant les ânes, et Remus jouant l'arbitre - ou à défaut, la nounou. “ Pour Lily et ses nerfs. ” Elle lui adressa un sourire complice avant de reporter son attention sur le tableau.

Elle songea à Aurora et Svetlana qu'elle devrait revoir à un moment ou un autre, ses deux meilleures amies. Elle leur devait une explication ou quelque chose qui explique son comportement. Quoique elle savait que la première n'en aurait pas besoin. Pas qu'elle s'en fichait, mais se contenterait de ce qu'Amelia lui donnerait. Puis une question lui vint en tête, comme ça, pouf, sans qu'elle ne cherche vraiment. “ On ira manger après l'exposition ? ” Avait-elle faim ? Peut-être d'ici une heure ou deux.

Amelia était habituée au caractère tempéré de Remus, ses phrases courtes et sa réserve sur une majorité de sujets. Elle ressentit donc une certaine surprise lorsqu'il mentionna ses meilleurs amis dans un petit monologue. De ce drôle de groupe, elle se souvenait tout particulièrement de James et Sirius. Peter lui avait toujours paru plus discret. En fait, elle ne pouvait s'empêcher de se demander comment de telles amitiés avaient pu se former. La curiosité un vilain défaut ? Peut-être. Mais elle ne lui poserait pas la question de toute façon. Elle l'écoutait donc avec attention, sans juger, tout en souriant faiblement. Elle-même avait des amis proches, très proches et elle comprenait donc le sentiment qu'il éprouvait en pensant à ses trois compères. Cependant, Svetlana et Aurora n'inspiraient pas autant de passions contraires que les maraudeurs. Ce qui lui convenait très bien. Ne sachant pas quoi apporter à cette conversation, elle répondit simplement : “ Je n'en doute pas. ” Et elle le pensait vraiment. Elle ne voyait pas Lily sortir avec un connard et Remus se lier d'amitié avec un troll. Ainsi, elle plaçait en eux une certaine confiance que d'autres comme Gauwain - il avait toujours été assez tranchant dans ses opinions - leur refusaient.


Se concentrant à nouveau sur les deux représentations de la scène familiale, Amelia eut une idée. Peut-être pas la plus brillant. Mais elle considérait qu'il s'agissait d'un des efforts nécessaires pour sa réhabilitation - entendez le dans le sens de s'intégrer à nouveau dans la société. Remus ne tergiversa pas... Il prononça bel et bien un "pourquoi pas ?", mais elle n'entendait aucune hésitation dans sa voix. Un constat fort étrange. Car voyez-vous, s'il existait des personnes absolument certaines de ce qu'elles voulaient faire avec elle depuis le début de son deuil, ils ne formaient pas forcément la majorité. Certains étaient brusques, d'autres la prenaient avec des pincettes. Remus ne faisait ni l'un ni l'autre. Il avait montré qu'il voulait la soutenir sans la brusquer. “ En me promenant dans les rues moldues, j'ai découvert quelques endroits sympathiques dans lesquels on n'a pas à débourser une fortune pour manger. ” Ce qui était pratique pour une jeune fille de son âge, une étudiante avec un boulot à mi-temps. Elle ne payait certes pas de loyer - Soyle avait refusé son argent - ni ses études - ses parents avaient payé l'année avant de mourir - mais ce n'était pas avec son salaire qu'elle pouvait se payer des choses chères.  “ Je te les montrerais si tu veux. ” S'ils allaient vraiment manger ensemble, elle ne doutait pas qu'il accepterait. Mais il valait mieux ne pas le forcer non plus.

Encore une fois, elle ne savait pas trop si elle parviendrait à se nourrir. Le muffin avait déjà eu du mal à passer. Mais à cet instant, elle voulait croire qu'elle était capable d'ingurgiter plus que cela. Un repas complet peut-être même. Enfin au moins un plat principal. Après avoir jeté un dernier regard aux deux peintures, elle se retourna à nouveau vers Remus. Le pauvre la suivait depuis le début sans rechigner.  “ Que veux-tu voir maintenant ? ” Demanda-t-elle. Elle était curieuse de voir ce qui l'intéresserait, ce qui attirerait son œil. Partager cette soirée avec lui supposait forcément qu'il puisse être acteur de leur petite visite. “ A ton tour de choisir. Qu'est-ce qui t'intrigue ? ” Il y avait du monde devant certaines œuvres, mais d'autres étaient bien plus accessibles pour deux personnes aussi discrètes que ces deux-là.

Amelia Bones comptait un certain nombre de défauts qu'elle préférait taire. Cependant, il lui serait difficile de cacher sa gourmandise. En temps normal, elle passait devant les boulangeries en louchant sur les pâtisseries, se rendait dans les magasins tout en jetant un œil aux sucreries. Cependant, à ce moment précis, elle ne pensait pas à son repas avec excitation ou par envie, mais par nécessité. Elle savait qu'elle devait s'alimenter pour vivre, mais aussi pour rassurer ses proches. Et dans un sens, elle avait peut-être simplement envie de rester un peu plus longtemps avec Remus. La compagnie des autres commençait tout doucement à lui faire du bien. Elle ne pouvait guère le nier. Mais de là à le reconnaître à voix haute ? C'était déjà un grand pas en avant de l'accepter elle-même et de le mettre dans un petit coin de sa tête.

Elle accepta les paroles de son ami avec un hochement de tête, sans trop savoir comment prendre le fait qu'il disait oui à tout ce qu'elle lui proposait. Etait-ce une forme de diplomatie ? Elle ne savait trop rien. Dans tous les cas, elle appréciait, à ce moment précis, ses efforts. Car elle n'avait, tristement, pas la capacité d'accepter une autre contrariété. Mais elle voulait elle-aussi faire un pas en avant et plutôt que de penser de manière purement égoïste, elle choisit de donner à l'ancien gryffondor de prendre part à cette petite visite. Elle se demandait ce qui pourrait attirer son attention. Et au bout de quelques instants, il sembla décidé et la guida vers une autre peinture. Ils restaient dans le thème : la nourriture. Elle fut surprise en un sens, mais en même temps satisfaite qu'il n'ait pas choisi un autre sujet. Autant observer tous les tableaux traitant de la même chose à la suite des uns et des autres. Elle avait toujours aimé cela : sauvegarder une certaine cohérence. Alors, elle ne s'en plaindrait sans doute pas.

Elle le contempla l'ensemble, se concentra pour repérer des détails intéressants. Elle voyait des fruits, de la viande, des pommes de terre mais... pas de chocolat ? Hein ? Elle tourna la tête vers Remus. Il essayait un trait d'humour. Et c'était attendrissant et amusant aussi. Elle eut un sourire et répondit sur le même ton. “ Je trouve que ça manque de tartes meringuées au citron. ” Très précis, elle savait, mais tentait au moins le coup. Pour répondre réellement à la question de Remus, elle prit le temps de regarder à nouveau la toile de ses petits yeux bleus qui pétillaient étrangement.

Ce qui la frappa le plus, c'était les couleurs. Elle les trouvait vives et harmonieuses. “ J'aime bien les couleurs ici et là. ” Elle pointa du doigt deux endroits différents. La même couleur, mais de nuance différente. “ J'ai toujours aimé le rouge. Ca donne de la chaleur à la peinture. Je crois que c'est pour ça que je me teins en auburn des fois. ” Pourquoi partageait-elle une telle réflexion ? Elle prévoyait peut-être de redevenir rousse prochainement, en décembre peut-être même lorsqu'elle aurait plus la tête à ça. Pour se concentrer à nouveau sur le jeune homme, elle reprit la parole pour poser une question qui se concentrait sur lui essentiellement : “ Je sais que tu aimes le chocolat, mais qu'en est-il des couleurs ? En as-tu une que tu affectionnes plus qu'une autre ? ” Quel rapport avec un banquet ou l'exposition ? Alors là mystère et boule de gomme. Et c'était peut-être mieux qu'elle ne cherche pas à comprendre le fil de ses pensées... car comment dire ? C'était très irrationnel et étrange dans son esprit ces derniers temps.

Les couleurs n'étaient pas un sujet très intimide ou personnel et pourtant c'était très significatif sur la personne qui en parlait. Prenez Amelia par exemple. Elle aimait le rouge. La couleur de l'amour et de la passion. C'était le rouge qu'elle utilisait pour représenter l'affection qu'elle pouvait avoir pour sa famille et ses amis. Mais il s'agissait aussi d'une couleur chaleureuse qui apportait évidemment de la lumière et de l'âme à une tenue. La réponse de Remus lui apporta trois émotions très distinctes : d'abord l'amusement, ensuite de l'approbation et enfin une forme de tristesse. Le gris et le marron étaient en effet sobres à côté du rose ou du jaune canari. Mais il y avait tant à dire à propos de ces couleurs qu'elle pencha légèrement la tête sur le côté un peu boudeuse. Elle regarda silencieusement pendant quelques secondes ne sachant pas encore comment lui répondre. Il fallait avouer, et elle le savait, qu'à côté de James et Sirius, Remus était souvent oublié, mais beaucoup moins que Peter. Pour elle, cela avait toujours été tout l'inverse. Sa discrétion avait plus attiré son œil que la popularité des deux autres. Ce n'était ni une bonne ou mauvaise chose. Juste un état des lieux. En fin de compte, elle prit le parti de répondre à chacune de ses remarques. Et franchement, avec son niveau d'attention actuel, cela relevait tout bonnement du miracle. “ J'aurais fait tâche à gryffondor. ” Sourit-elle doucement. C'était bien là ce qu'elle pensait. S'était-elle seulement comporté avec courage quand elle avait disparu pendant une semaine entière ? Si l'une des ses valeurs les plus fondamentales était bien évidemment la justice, elle n'était pas non chevaleresque. Sinon, elle voudrait devenir auror plutôt que juge au magenmagot. Non, Serdaigle lui avait convenu à merveille... Comme sa mère. Parfait.

Sa mère lui avait souvent dit qu'il fallait de tout pour faire un monde. Cette phrase s'appliquait très bien aux couleurs également. Mais à la pensée de sa mère, Amelia en perdit son sourire. Elle jeta un coup d'œil au tableau pour s'en inspirer et trouver une réponse pour Remus. Quelque chose sur quoi il pourrait rebondir. Elle mit de longues secondes qui lui parurent des minutes avant de parvenir à formuler quelque chose de cohérent. Son cerveau ne fonctionnait pas aussi bien qu'elle l'aurait voulu. “ Je crois que c'est une bonne chose de ne pas en préférer une plus qu'une autre. Regarde ce tableau. Bleu, vert, rouge, blanc et jaune se côtoient. Dirais-tu qu'une est plus importante qu'une autre ? ” Est-ce qu'elle lui posait réellement la question ? Peut-être oui. Peut-être non. Elle ne saurait trop le dire. C'était à Remus de choisit quoi faire de toute cela. Elle lui tendait une perche. Il en ferait ce qu'il désirerait. Finalement, elle se reconcentra sur les derniers propos de Remus. il avait du bon dans les couleurs qu'il "préférait" porter sans doute. “ La quête de la sobriété est tout à fait louable. Mais je dirais qu'il y a aussi de l'élégance dans le gris. Il se marie avec presque toutes les autres couleurs. Et sais-tu qu'on obtient du gris en mélangeant du blanc et du noir certes, mais aussi du rouge et du vert, du bleu et de l'orange ? Et il existe d'autres combinaisons. ” Une couleur bien mystérieuse que le gris. Et si intéressante. Elle avait appris la symbolique des couleurs en pratiquant la couture et en s'intéressant à la mode durant ces dernières années. Finalement, elle tenta un trait d'humour... histoire de ! “ Et le marron ? Très bon choix. C'est la couleur du chocolat. ” Elle commençait à se dire que finalement... pour être un peu heureux, il fallait s'en donner les moyens. C'était bizarre, douloureux, et... pourquoi avait-elle eu besoin de cette visite avec Remus pour s'en rendre compte ? Elle avait passé tant d'années si joyeuses avec ses parents... et pourquoi faire ? Pour rien. Ou peut-être que ce moment lui rappelait simplement ce qu'elle avait vécu de positif avec eux ? Difficilement, mais surement, elle choisit de reporter toute son attention sur Remus et de mettre toutes ces interrogations de côté, car elle avait terriblement peur des réponses possibles...