Elle avait réussit à rentrer toutes ses affaires dans une valise. Ce n’était pas un exploit. Les possessions de Pogs étaient pour le moins limitées. « Voyager léger c’est pas si mal » aimait elle se répéter. Mais en vérité sa situation n’était pas bien reluisante.  Projetée dans le monde des sorcier, hors de Poudlard et hors de son foyer à Scrabster en Écosse, elle se sentait perdue et sans point d’accroche. Elle voulait étudier à la faculté mais comment commencer une vie sans maison, sans argent, sans rien ? Heureusement Marcus, son meilleur ami, un ancien Serdaigle lui avait proposé son canapé quand il avait compris qu’elle n’avait nul part ou aller. Marcus… leurs rencontre avaient été pour le moins … violente ?
C’était durant sa troisième année à Poudlard. Elle avait enfin réussit à décrocher une place dans l’équipe de Quidditch de Gryffondor en tant que batteuse et ne se débrouillait jusque là pas trop mal. On lui reprochait tout de même une certaine agressivité et impulsivité dans son jeu. « Mais eh, qui voudrais d’une batteuse sans agressivité ? ». Un peu avant le match Serdaigle – Gryffondor, Pogs avait eu une petite altercation verbale avec Moran J. Powell. Mais qu’est ce qu’il était bete celui là. Une vieille face de troll avec une horrible langue de serpent. Aussi ses co-équipier avait pu sentir son agacement ultime lorsqu’elle se changeait dans les vestiaires. C’était l’heure d’aller casser du balais et de passer sa frustration sur les quelques pauvres Serdaigles qui auraient le malheur de croiser son cognard. « On s’en fiche si c’est moche, s’est autorisé ». Pauvre Marcus, il avait réussit a esquiver par 5 fois les divers cognards lancé par Pogs mais le sixième le fit chuter, inconscient. Et puis, la colère étant passée elle avait commencer à éprouver de la culpabilité. Elle détestait ça.  Elle finit par se rendre à l’infirmerie les bras chargés de boites de chocogrenouilles afin de voir si le Serdaigle à qui elle avait certainement défoncé la boite iranienne ne se portait pas si mal. Elle se souvient que l’infirmière lui avait lancé un regard noir lorsque Pogs avait demandé à voir le jeune homme. Il faut dire qu’avec son comportement et ses multiples « bêtises » elle lui avait maintes fois donné un surcroît de travail. C’est ici dans l’infirmerie, lui un bandage aussi gros qu’un turban de sultan sur le crane et elle avec ses chocogrenouilles avaient commencer à tisser une amitié étrange mais solide.

Durant les années qui suivirent ils continuèrent de passer une bonne partie de leur temps libre en compagnie de l’autre. Parfois c’était Pogs qui décidait de venir se poser  à coté de lui pour lire un peu et arrêtait l’espace d’un instant la chasse aux Sombrals (qu’elle ne pouvait voir, mais cela l’intriguait d’autant plus) et ses diverses expériences farfelues du moment. Parfois c’était elle qui venait le chercher, le sortir de son flegme naturel pour lui proposer de tester le ski nautique à balais ou autre activité plus ou moins remuante. Elle était l’énergie explosive et lui la tranquillité paisible.
Beaucoup aurait cru que cela provoquerait de l’ennui ou du désintérêt chez la jeune rouquine mais au contraire sa présence lui semblait saine.

Ils avaient beaucoup discutés par hiboux ces derniers mois, mais elle ne l’avait pas revu depuis le début de l’été marquant sa sortie de Poudlard. Et cela la rendait légèrement anxieuse. Elle arriva devant la porte. C’était la porte principale d’un immeuble assez petit qui donnait sur un petit hall. Elle se demandait quel aspect aurait l’intérieur de Marcus. Elle l’imagina confortable et chaleureux. Elle n’avait jamais vu à quoi pouvait bien ressembler l’habitat d’un sorcier en dehors de Poudlard. A part peut être le sien, à Scrabster. Mais cela ne comptait pas vraiment c’était la maison de sa mère et elle ne pouvait clairement pas faire de la magie comme elle l’entendait.  Elle souffla comme pour exorciser son anxiété, sonna et l’attendit.

Marcus et Pogs, ça remontait à loin. Une amitié née sur un terrain de Quidditch qui, dans le souvenir du jeune homme, ressemblait beaucoup plus à un no man’s land qu’à un terrain de sports, c’était une scène de guerre où les cognards fusaient tels des balles. Le soldat Marcus fut le premier à tomber sous les frappes de l’ancienne rouge et or. Il ne rouvrit les yeux qu’à l’infirmerie, suffisamment tôt pour pouvoir se remplir le ventre de chocogrenouilles avec son assaillante en quête de repentance. Depuis ce jour-là, les deux sont inséparables. Pogs s’était rapidement installée comme la meilleure amie de Marcus, celle qui était là pour le soutenir et l’écouter, pour l’apaiser le raisonner.

Alors naturellement, quand Marcus apprit que Pogs n’avait rien pour la rentrée, il n’avait pas hésité avant de proposer un bout de son canapé à la jeune femme. Certes son appartement n’était pas un palace, d’autant plus qu’à deux, ils allaient tous les deux devoir faire certaines concessions à défaut de se marcher dessus. Le studio qu’il louait était bien pour un locataire, très juste pour deux. Mais Marcus et Pogs sauront passer au-dessus de ça, l’ancien Serdaigle le pensait sincèrement.

En entendant le tintement de sa sonnette retentir, Marcus se redressa, sortant de sa torpeur pour aller accueillir sa colocataire. « Hey » dit-il en ouvrant la porte de son immeuble. Ils ne s’étaient pas vus depuis des mois et Marcus se devait d’être honnête avec lui-même, la présence de Pogs à ses côtés lui avait manqué. « Entre, je vais te faire visiter » . A ces mots, le sorcier prit le chemin de son appartement. Deuxième étage, la porte de droite sur le palier. D’un coup de baguette magique, il ouvrit la porte en déverrouillant la serrure. « Bon comme je te l’ai dit dans mes lettres, ce n’est pas hyper grand » dit-il lorsque sa porte s’ouvrit, comme pour se justifier d’avoir un logement aussi petit. De plus, les quelques meubles présents le long des murs n’aidaient pas à se faire une bonne impression de la taille du studio. L’endroit paraissait plus petit, plus étroit qu’il ne l’était déjà. « Coin salon, cuisine … enfin la pièce à vivre quoi » dit Marcus en soulignant l’évidence.  « On va te trouver un placard ou un tiroir pour tes affaires, ça sera plus simple que dans ta valise » .. Le jeune homme tend alors son bras vers sa gauche. « Là-bas c’est ma chambre » , puis vers sa droite. « Et la salle de bain est de ce côté » . Las, l’ancien Serdaigle se laissa tomber contre son canapé. Il tendit les pieds jusqu’à sa table basse, puis posa son regard sur Pogs. « Sinon, ça a été ton Été ? » . Plusieurs mois qu’ils ne s’étaient pas vus, il était alors question de rattraper ce temps perdu.

En déposant sa valise dans l’entrée de l’appartement elle leva les yeux pour découvrir une petite pièce tamisée ou trônait un gros canapé. Effectivement c’est tout petit… Déjà que la maison portuaire à Scrabster était … fonctionnelle pour ne pas dire minimaliste, là c’était exigu. L’appartement était si étroit que par endroit on ne pouvait pas y passer à deux. Cependant certains détails attirèrent son attention. De nombreuses pochettes de vinyles très colorés trônaient fièrement sur le mur, en bas un petit meuble qui semblait repus de cette énorme collection de vinyles et, juste à coté, un tourne-disque. Pogs tout comme Marcus aimait la musique, la perspective de découvrir sa bibliothèque fournie la ravit. Peut être pourrait-elle y ajouter quelques albums une fois un peu d’argent en poche ? Plus loin quelques affiches de quidditch, et ça et là des photos. L’appartement aussi petit soit-il émanait une atmosphère chaleureuse qui semblait inviter à la paresse, pour ne pas dire la glandouille.

Elle suivit Marcus dans son canapé. Elle se laissa tomber en arrière et à sa grande surprise, ce canapé n’était pas très palpable – elle s’enfonça, comme aspirée par le vieux sofa. Le tissus était usé sur le dessus et semblait maculé de quelques petites taches d’opacité variable. Il avait vécu, ça s’était sûr, mais quel confort ! Affalés cote à cote, ils fixèrent le vide pendant quelques secondes. Marcus brisa le silence en premier : « Sinon, ça a été ton Été ? ». Meh… Sa sortie de Poudlard et l’été qui s’en était suivi avaient été assez déprimants. Elle s’était retrouvée seule à Scrabster avec trop de temps. Coincée entre la mer, les falaises et sa mère. Plus Pogs grandissait plus leur relation s’était compliquée. En approchant de l’instant où elle partirait pour le monde des sorciers, le comportement de Muireall avait drastiquement changé. Plus distante, plus froide – peut être entendait-elle couper le cordon avant que celui ci ne se déchire et ne la blesse. Et puis il y avait eu les papiers administratifs de la faculté à remplir – une montagne pour être exacte. Plus ça allait moins elle comprenait ce qui lui était demandé et où il fallait envoyer le maudit hibou. Elle s’y attelait quotidiennement, puis rapidement basculait vers un agacement profond – Muireall avait fréquemment aperçu des tornades des feuilles sortir en gerbe de la chambre d’Emily. Mieux ne valait pas être en face à ce moment là. Pogs fuyait ensuite vers Nathair, son rocher préféré. On aurait dit une immense tête de serpent trônant au dessus des flots. « Pas top. Je crois que je me suis vraiment ennuyée pour la première fois de ma vie. C’était comme être entre deux histoire et de devoir attendre pour la suite. Muireall m’a saoulée tout l’été, je crois qu’elle faisait la tête que je parte. » Pogs appelait sa mère par son prénom depuis la dispute fort salée d’il y a un an. Sa gorge  se serra un peu mais elle reprit «Merci pour tes lettres mec, c’était vraiment salvateur cet été. Je suis trop contente de te retrouver, toi aussi tu m’as manqué » Elle finit sa phrase par un sourire radieux avant de s’étirer de tout son long pour mieux se renfoncer dans le canapé. Elle avait craint que leurs premiers échanges après ces mois séparés paraissent étranges, finalement elle retrouvait son naturel auprès de Marcus. C’était comme s’ils ne s’était quittés que quelques heures auparavant. « Et toi ? J’espère que ton été était moins déprimant. T’as pu voir des matchs sympas ? »

Tous deux assis sur ce qui sera la pièce angulaire de leur colocation – le canapé – Marcus et Pogs profitèrent de quelques instants de silence. Avec les années, les deux sorciers avaient appris à s’apprécier en silence, à savoir profiter de ces moments passés avec l’autre sans pour autant se perdre dans des tirades infinies. De toute façon, Marcus n’aimait pas parler pour ne rien dire. Econome en paroles, il préférait largement s’abstenir de paroles inutiles, du small talk cher à certains. Sans interrompre son amie, il l’écouta ressasser ses mauvais souvenirs d’été. A vrai dire, il les connaissait déjà. Les lettres qu’ils s’étaient envoyés pendant deux mois portaient elles aussi le récit de ses événements. « Mh. Ça doit quand même lui faire bizarre que tu t’en ailles oui. Même si à Poudlard, tu n’étais pas souvent chez ta mère, ça ne sera pas pareil maintenant. Et puis tu vis ta vie dans un monde qu’elle ne connait pas … Enfin je peux comprendre qu’elle soit tendue » dit-il en haussant les épaules, avant de poursuivre : « Même si en vrai, j’en sais rien » . Parce qu’il ne connaissait pas la mère de son amie, parce qu’il ne pouvait que deviner l’effet que cela faisait d’apprendre qu’il existait un autre monde – le monde sorcier – qui se tenait là, bien caché depuis tout ce temps. Marcus s’étira alors, comme fatigué de ne rien faire. Il tendit ses pieds et les posa sur sa table basse. « Je crois que ma chouette n’a jamais autant voler que cet été. Scrabster-Liverpool, je n’aurai pas aimé le faire en balais » répondit-il en riant légèrement. « Mais ouais, ça faisait du bien de recevoir des lettres, que ce soit les tiennes ou celles de Svet’. Je me doutais qu’on resterait en contacts après Poudlard, mais c’était toujours une bonne surprise de te lire » . Le jeune homme s’affala davantage dans son canapé ; il n’avait de toute façon pas prévu de bouger de là avant plusieurs minutes. Ce canapé était sans aucun doutes la pièce maîtresse de l’appartement de Marcus. Il y passait ses journées, y stagnait pendant des heures comme si plus rien d’autre n’avait d’importance. « J’ai pu assister à quelques matchs oui, notamment ceux de l’équipe de Liverpool et c’était … particulier. Ça se voit qu’ils ne jouent pas dans la même division que les grandes équipes d’Angleterre. A côté de ça, le match de Wilda que je suis allé voir était dans une autre dimension » . Malgré des décennies d’ancienneté et de belles performances au cours des saisons, les Reds de Liverpool ne parvenaient jamais à se classer pour la division supérieure. Et heureusement, ils se feraient éclatés par les autres équipes. « Tu as pu voir à quoi allait ressembler ta première année d’études ? Tu sais déjà quel genre de cours tu auras ? » lui demanda-t-il ensuite.