Ana buvait dans une coupe de sangria à la paille, ce qui n'était sans doute pas la plus belle idée du siècle lorsque l'on se nommait Anastasia Appleton et que globalement, on ne tenait l'alcool que lorsqu'il s'agissait de cidre de pomme. C'était dire. Assise en tailleur sur le canapé de Magda, des chaussettes bien épaisses remontées plus haut que le style l'autorisait, elle regardait son amie tout aussi moldue qu'elle voler une chips dans un bol installé sur la table basse derrière laquelle elle était. « Elle est vraiment bonne, tu l'as faite toute seule ? » demanda-t-elle en s'humectant les lèvres, parce que vraiment, c'était sans doute une des meilleures coupes de sangria de sa vie. « Tu vas te déguiser comment pour la soirée au Tsarducks ? Je pensais faire quelque chose d'assez glauque mais sans trop de maquillage parce que je ne suis vraiment pas assez douée avec mes mains pour m'aventurer là-dedans » plaisanta la jeune femme à l'attention de sa meilleure amie. Elle avait en mémoire une piètre tentative pour se maquiller les paupières, avait manqué de se crever un œil dans la bataille non vraiment, cela n'en valait pas la peine. Elle vola une chips de la main de Magda pour l'engloutir avec un grand sourire : « Tu as laissé ton petit démon avec son papa ou il dort ? ». Dire qu'Ana aimait les enfants était bien en deçà de la réalité. Elle A-DO-RAIT les enfants, la jeune femme avait un instinct maternel réel qui n'attendait que cela de se révéler... Si tant est qu'elle se trouve un homme, ce qui n'était pas prêt d'arriver, entre nous soit dit. La galloise avait dans son cercle d'amis bien des garçons mais aucun pour attirer son attention. L'attention toute focalisée sur sa thèse qu'elle entendait mener à bien. C'était pour cela que vivait le rat de bibliothèque qu'elle était, c'était sa vocation. Historienne, voilà ce qu'elle voulait être, elle qui s'amusait toujours à écouter de nouvelles histoires anciennes et qui se plaisait tout autant à les raconter à d'autres lorsqu'elle en avait l'occasion. Faire briller les yeux d'enfants en évoquant les récits chevaleresques, voir la lueur d'intérêt dans les pupilles des étudiants, oui, c'était pour cela qu'elle vivait. Mais Anastasia n'avait pas d'enfant, pas plus qu'elle n'avait d'homme et bon, elle faisait avec.

Les mains déjà bien plongées dans le bol de chips, Magdaleenjte s’empiffrait comme une gamine craignant qu’on lui subtilise son buffet. « Ja! J’ai surtout échappé la poche de sucre dans le bol » il n’y avait pas grand-chose de plus magique que du sucre pour rendre un cocktail délicieux – ou à peu près n’importe qu’elle recette, selon la néerlandaise. Le danger en était d’autant plus grand, puisque la jeune mère était convaincue que leur breuvage goutait à peu prêt la même chose que les petits jus en boîte qu’elle sortait la fin de semaine pour contenter la dent sucrée de son fils, et ce, bien malgré la bouteille et demie de vin qu’elle y avait versé. La brunette aimait vivre dangereusement et l’idée du mal de crâne qu’elle ressentirait certainement demain matin ne l’effrayait pas pour deux livres. Elle était simplement heureuse d’être assise en tailleur au sol, emmitouflée dans une chaude couverture pelucheuse, un chignon bien haut sur le crâne et une coupette bien avancée entre les doigts – aucun problemo, le bol reposait à à peine une longueur de ses petits bras – en compagnie de cette resplendissante femme qu’elle admirait tant. « Tu peux passer ici avant la soirée, j’ai fait de Gayson mon esclave il pourra bien te donner un coup de bagu’ – Oh hey, tu fais quoi là!? » les yeux de Magda étaient comme des ballons, son amie avait osée lui voler une chips des main? Alors qu’elle lui offrait généreusement les services de son conjoint pour l’assister dans son déguisement d’Halloween? La brunette s’agita pour tenter se reprendre sa victuaille, mais Anastasia-la-chipie fut trop agile pour elle et enfourna sa chips. « Trahison » marmonna la néerlandaise en s’emparant du bol pour venir le sécuriser entre ses jambes et l’entourer projectivement de ses bras. Rapidement, elle s’en enfourna une poignée, au cas où. « C’est terminé pour toi les chips Anastasia » s’offusqua-t-elle faussement en pointant son doigt comme elle le faisait pour Tobias, sans pourtant libérer le bol de chips, pas tout de suite. « Alors pour ton information, je n’ai pas encore décidé de mon déguisement pour la soirée, Athos ne trouve pas marrant l’idée de se déguiser en sorcière – elle haussa les épaules, comme si c’était à ne rien y comprendre – et en ce qui concerne Tobias, il est dans sa chambre, je n’oserais pas dire qu’il dort…mais je l’espère. Il ne manquerait plus que vous soyez deux à essayer de me voler mes sources de nutriments. » Manger c’était sacré. Boire aussi. Magda se remplie donc une deuxième coupe. « T’entends quoi par glauque? Glauque sexy j’espère? » Non, la jeune femme ne faisait pas de projection…à peine. Son amie avait cette chance d’être jeune, célibataire et surtout sans enfant…elle avait intérêt à faire tourner quelques têtes et vivre cette jeunesse dont Magdaleenjte avait été privée. Oh, vous savez, pas qu’elle n’avait à se plaindre : elle avait quand même Gayson pour réchauffer ses draps.

L'automne faisait doucement son chemin dans les rues pavées de Londres comme dans le coeur de la galloise qui pensait déjà à Halloween, qui aurait lieu quelques jours plus tard. La jeune femme avait toujours été reconnue comme étant quelqu'un de particulièrement vivant - merci Sherlock - entendez par-là, pleine de vie. Ana souriait facilement et rendait les rires, elle savait s'amuser avec simplicité et sans sous-entendu. Sa nature parfois un peu stupide la rendait attachante par les boulettes qu'elle ne pouvait s'empêcher de connaître. Le manque de tact étant, tristement, son plus grand défaut. Quoiqu'il en soit, la jolie thésarde passait une soirée agréable chez son amie Magda, à boire une coupe de sangria dont elle savait très bien qu'elle regretterait le degré d'alcoolémie le lendemain... Au plus tard ! Anastasia avala tout rond la chips avant d'afficher un immense sourire à la néerlandaise. « Oh, je ne veux pas déranger Athos tu sais » lui dit-elle en souriant à travers les miettes de patate séchée qu'elle avait entre les dents, « de toute façon, je crois que je sais comment je vais m'habiller. Par contre, un petit sortilège pour ne pas avoir froid, je ne dis pas non. Pas sûre sûre que Julian accepte de m'aider ». Elle n'avait même pas dit cela tristement. Julian était plus indépendant d'elle qu'elle ne le sera jamais, triste relation pour deux jumeaux, bien à l'opposé de l'idée qu'on s'en faisait généralement. Ana cala sa main sous son menton en regardant la jeune femme : « T'as une tête de vampire, tu trouves pas ? Des canines un peu plus longues, et tu mangeras... Deux fois plus chips que celles que tu as dans le bol ». Disant cela, Ana envoya la main vivement pour en voler deux et les engloutir comme si rien n'était. Magda la questionna sur son déguisement et la galloise émit un rire à mi-chemin entre la gêne et le sincère gloussement. « Je ne crois pas que me déguiser en pendue soit très sexy » fit-elle d'un ton faussement réprobateur, « ce n'est pas comme si les gens allaient s'habiller pour finir la soirée bien raccompagnés, non ? ». Elle jeta un petit regard à la jeune femme pour chercher son naturel assentiment, tant il lui paraissait logique que ce serait juste une soirée agréable où les gens pourraient se changer les idées dans un très délicat contexte magique. « Enfin bref ! J'ai prévu un sac à patate et une corde, ça fera l'affaire pour les haillons de pendue ! » affirma-t-elle avec la conviction propre à ceux qui se destinent à l'enseignement, « en espérant que je survive à la soirée ! ». Son humour cynique la fit rire et elle but une trop grosse gorgée d'alcool tant et si bien que ses yeux bruns roulèrent dans ses orbites. « Je devrais y aller mollo... Au prochain round, je serai par terre ! ».

Derrière sa coupe de sangria, la néerlandaise observait cette nouvelle amie qu’elle appréciait déjà tant pour sa simplicité, son sourire contagieux et sa passion pour sa thèse. Magdaleenjte l’admirait et l’enviait de se stimuler autant intellectuellement, sans toutefois la jalouser. Quelque chose en son for intérieur savait que son tour viendrait, même s’il fallait attendre que Tobias entre à Poudlard. « Oh j’t’en prie, ça lui fera plaisir » affirma-t-elle tout en sachant que d’être réduit à l’esclavage – autre que celle qui impliquait des tâches à saveur charnelle – ne réjouirait pas son amant, mais il le ferait pour elle, sans trop ronchonner. Après tout, elle avait bien dû endurer seize heures de travail pour expulser leur petite merveille. « En fait je pense qu’il sera chaud qu’on s’y rendre ensemble… » la brunette ne mis pas les mots sur la fin de sa pensée, car elle n’avait pas vraiment envie de se rappeler sa libre jambette, mais ceci dit elle avait cette forte impression, depuis cet été, qu’Athos était quelque plus nerveux face à ses promenades dans le monde magique. Il avait probablement raison, mais Magda ne souhaitait ni vivre dans la peur, ni dans le passé. Elle s’enfila une longue gorgée, qui ralenti ses réflexes et permis à son amie de subtiliser une autre chips. Les petits yeux de la non-sorcière se plissèrent comiquement. « Je ne sais pas pour les dents…ce n’est pas très pratique » joua-t-elle le jeu sans vraiment considérer se déguiser en vampire. Quoique, peut-être. Allez savoir. La jeune mère déplia ses petites jambes et pris appuie sur son bras libre pendant que son amie papotait. « Anastasia, c’est toi la doctorante en histoire, mais alcool, lumière tamiser, danse et un paquet d’inconnus coincé dans une même sale ça me semble être une pratique pour faire de nouvelles et intéressantes rencontres qui perdure depuis que l’Homme est Homme, nah? » suggéra-t-elle avec quelques haussements de sourcils en trop. « Mais bon, tu es mieux placer que moi pour savoir, étant une mère tout à fait responsable, je ne connais pas ces coquineries. » Et c’était vrai. Magdaleenjte n’avait jamais connu qu’Athos et vu sa maitrise du bâton, elle ne fantasmait pas de rencontres éphémères et spontanées. « Ceci étant dit, avec des yeux comme les tiens, tu seras la plus sexy des patates ma biche! » gloussa la maman. Un délice, cette sangria. Une tristesse, ce verre vide. Anastasia était la voix de la raison – humour – et la néerlandaise regrettait que sa sangria soit si bonne et sucrée.

Un étrange rire presque diabolique retentit en provenance de la chambre de son môme, ce qui fit grogner la mère de désespoir en même temps qu’elle s’allongea au sol d’une manière dramatique. « Pitié » supplia-t-elle à tous les dieux qu’elle connaissait. Silence. Les yeux ronds comme des soucoupes, elle se redressa sur ses coudes. « C’est tout? » murmura-t-elle à son amie, pleine d’espoir. « Veux-tu bien m’expliquer pourquoi les gosses rient comme des démons? C’est flippant. » Peut-être que ça devrait être son déguisement d’Halloween, un gosse qui ricane. Magda se tortilla au sol pour remplir sa coupette, la sagesse étant déjà oubliée.

Il n'était peut-être pas une bonne idée pour deux moldues de se rendre sur le Chemin de Traverse à une petite soirée déguisée par simple envie de se promener dans le monde des sorciers à Halloween. Mais sans téméraires, il n'y aurait pas de contes, il n'y aurait pas de drames non plus. Alors comme dans tous les bons films, Ana jouait à la cocotte un peu idiote qui se jetait dans la gueule du loup - au sens figuré, s'il-vous-plaît. Et si elle avait su comment sa soirée allait se terminer, y serait-elle allée ? Ce n'était pas une question à laquelle elle avait le loisir de répondre de toute manière ni une question à laquelle elle pensait. Plaisanter sur leurs costumes était plus léger et plus amusant aussi. Elle se figura Magdaleentje avec des dents de vampires, se fit la silencieuse réflexion que ça lui irait bien comme déguisement. Mais peut-être que c'était trop... Trop. Enfin, bien entendu, la conversation lui échappa un peu et elle combla son petit trouble par une poignée de chips qu'elle enfourna pour faire passer un peu sa gêne. Oh, Ana allait aux soirées étudiantes, bien entendu. Bien entendu qu'elle y allait et qu'elle ne buvait pas trop pour ne pas finir debout sur une table à parler d'Histoire avec une voix monocorde – elle avait l'alcool triste, pauvre créature – devant des dizaines d'inconnus qui finissaient par lui demander de se taire. « Coquineries ? » reprit-elle plutôt la sémantique, en se disant simplement que Magda n'étant pas anglophone de naissance, elle venait juste de choisir un terme qui ne collait pas à ce qu'elle voulait dire. Mais peut-être que si au fond. Peut-être qu'elle lui faisait un sous-entendu. Son compliment lui tira un joli rire et elle secoua la tête.

Tobias sembla détourner assez l'attention d'elle au point de provoquer les talents d'actrice de sa mère : « Peut-être parce que ce sont des démons » fit Ana sur le ton de l'humour alors même qu'elle adorait les enfants, « déguise toi en démone, tu seras peut-être assortie à lui ! ». Ana bondit sur ses pieds pour aller chercher son sac et en sortir un miroir de poche qu'elle ouvrit et mit devant le visage de Magda : « Les pommettes bien rouges, le front bien noir » - elle accompagnait ses mots de son petit doigt qui pointait les zones sur le visage de son amie - « et peut-être des lentilles rouges ! Tu serais la star de la soirée ! Une démone et une pendue, on ne parlera que de nous, non ? ». Elle goba ses dernières chips qu'elle fit passer avec la fin de son verre qu'elle reposa un peu trop brusquement sur la table : « Oupsi, j'ai peut-être bu trop vite ».