Jacob restait le dos tourné à Stubby - posture de rejet absolue. Et il n'avait même pas honte, de toute façon, de le rejeter de la sorte. L'infirmité était quelque chose sur laquelle Jacob plaisantait. Il plaisantait même beaucoup dessus. Mais l'attitude paternaliste de certaines personnes - tout le monde - l'agaçait prodigieusement. Curieusement, le britannique vivait mieux les insultes ou les mauvaises plaisanteries sur son handicap que les mots doux destinés à lui faciliter la vie. Mais Stubby était une tête bien dure. Il lui objecta quelque chose qui, loin d'apaiser Jacob, lui donnait au contraire envie de fuir le chanteur et illico presto. Simple phrase destinée à ouvrir le débat, ou à prouver qu'il n'était pas en tort, de toute façon, le professeur l’interprétait de la même manière. Le chanteur ne voyait pas le problème, comme 90% des gens ne voyaient pas le problème. Objecter ses propres raisons, ce n'était pas une ouverture au dialogue. S'enfonçant dans le silence comme dans le matelas (si c'était possible, il aimerait le traverser), il attendit la suite. Parce qu'il y aurait une suite, bien entendu. Son amant était plus bavard que lui, à bien des égards. Et si cela ne le gênait pas en général, là, il avait envie de cogiter tout seul. Silencieusement, il blâma une nouvelle fois son incapacité à juste sortir du lit pour fuir la chambre à grandes enjambées. « Je n'ai pas besoin d'être plains » répondit Jacob en tirant sur les draps pour les ramener bien sous son visage. Il n'ajouta rien d'autre, parce qu'il n'y avait rien à ajouter.

Stubby trouvait Jacob profondément injuste et dur avec lui. D’accord, il avait eu quelques mots de travers sur le coup de la colère. Et après ? Lui aussi avait tenu des propos qu’il avait mal pris. Il ne parvenait pas à comprendre ce que voulait concrètement Jacob. Devait-il le regarder peiner à monter des escaliers sans l’aide et lui râler dessus parce qu’il serait lent ? Rien ne semblait pouvoir sauver cette soirée. Stubby s’en trouvait très attristé. Son amant n’y mettait pas du sien. Celui-ci se permit un dernier commentaire avant de tirer la couverture vers lui. Stubby interpréta ce geste comme le signe qu’il ne voulait pas de lui dans le lit. Lui-même n’était même pas sûr de vouloir y rester.
« Non, tu n’as besoin de personne pour ça. Tu le fais très bien tout seul. » répondit-il froidement.
Sur ces paroles, il s’extirpa du lit. En silence, il quitta la chambre pour rejoindre la sienne et son lit. Et le voilà reparti pour un long moment à se retourner encore et encore entre ses draps, ruminant tout du long. Il n’aimait pas être fâché avec Jacob. Il se demandait si leur relation allait vraiment s’arrêter ainsi.  Cette idée le rendait plus triste qu’il ne l’aurait voulu. Mais n’était-ce pas pour le mieux ? Il sentait les larmes lui monter aux yeux avant de se laisser sangloter silencieusement – des fois que Jacob pouvait l’entendre de l’autre côté du mur.  Il ne trouva pas le sommeil.

Quand le soleil commença à se lever, Stubby décida de quitter son lit. Jacob semblait encore dormir, ou au moins ne pas vouloir pointer le bout de son nez. Le chanteur fit ses petites affaires matinales après avoir demandé à Pomelo, déjà debout à cette heure, de lui préparer le petit-déjeuner. Il appréhendait le réveil de Jacob. De toute façon, il ne comptait pas lui adresser la parole, ni même l’aider à faire quoique ce fut. S’il voulait se débrouiller seul, qu’il en fut ainsi ! Ce que le professeur lui avait dit la veille lui restait vraiment au travers de la gorge.
Stubby monta dans la pièce à vivre et s’assit au piano. En attendant que Pomelo finisse de préparer le repas, il jouait distraitement quelques notes, lui parlant de temps à autre. Ils parlaient des rendez-vous à venir de Stubby pour la semaine.

Le lit, malgré la présence de ces deux hommes, semblait être animé d'un froid exclusivement polaire. Un frisson désagréable parcouru les membres de Jacob - en tout cas, les membres qu'il pouvait sentir - mais il n'ajouta rien. L'huile avait été largement jetée sur le feu et il ne servait à rien d'insister de la sorte. Il l'entendit quitter sa chambre et il remonta la couverture sous son cou.
Il ne dormit pas de la nuit.
Et de ce fait, c'est de bien bonne heure que Jacob prit congé. Il se leva, seul, roula seul jusqu'à l'entrée de sa chambre pour invoquer le petit elfe de maison et lui demander son aide afin d'aller dans le séjour et quitter l'appartement. Il était serviable, Pomelo et le professeur l'avait largement remercié pour sa gentillesse. Lui, il avait essayé de lui faire boire un thé, sans doute pour aller réveiller Stubby. Jacob n'avait pas été sensible à la manœuvre et il était parti. Sans un mot. Sans rien dire. Sans considération. Il était vexé, vexé comme un pou, blessé dans sa fierté. Il voulait retrouver Poudlard et l'antre de ses livres. Quelque part où la nature des Hommes ne saurait attendre son manque de motricité.