2h29, 7 février 1979.

Qu’avait-il fait sa vie ?
Alexandre ouvrait les yeux. Il s’était assoupi. Quelques minutes ou quelques heures. Tout groggy, il se redressa sur le lit. Son regard parcourut la fenêtre à sa gauche, à sa droite où reposant l’amante d’une nuit. C’était une bien belle gorge qui s’était offerte à lui. La Lune éclairait d’une lumière blafarde ce corps sublime. Pâle, enroulé dans un drap rouge qui lui faisait comme un beau linceul. Alexandre le regarda longtemps, en quête de quelque bon sentiment.
Finalement, il détourna le regard et s’extirpa du lit. Un peu à la hâte, il se revêtit. Il eut le réflexe de chercher sa baguette mais se souvint qu’on la lui avait confisquée. Sans réfléchir vraiment, il prit un couteau dans la cuisine qui était posé sur le portique à vaisselle. Il le glissa dans son sac en bandoulière. Comme un voleur, il sortit de la demeure qui l’avait accueilli pour affronter la nuit.

Il ne se rappelait plus très bien du chemin pour rentrer chez lui. Il déambula longtemps, guettant chaque coin de rue. Pas une silhouette qui vive à l’horizon, si ce n’était un chat noir qui traversait la petite route pavée. Comme il n’avait pas l’air sauvage, Alexandre tenta de l’attirer à lui. Sans succès. Le félin le jugea juste du regard avant de filer.
Et Alexandre restait planté là, seul dans la rue, avec ses sombres pensées qui tournaient en boucle dans sa tête. Vraiment. Qu’avait-il fait de sa vie ?

3h45

Alexandre avait retrouvé son chemin. Quand il se retrouva devant la porte de chez lui et qu’il chercha ses clefs dans ses poches et dans son sac, il réalisa qu’il ne les avait pas. Il esquissa alors un mouvement pour saisir sa baguette… mais celle-ci ne lui était pas revenue comme par magie. Il se retrouvait tout penaud. Il n’était même pas la peine d’aller voir la concierge qui, au mieux, allait l’envoyer paître pour l’avoir réveillé en pleine nuit. Il jura. Lâchant un long soupir, il se laissa glisser le dos contre la porte pour poser ses fesses au sol.
Une sacrée loi de Murphy, n’était-il pas ? Voici l’histoire de sa vie. Et ce n’était pas drôle du tout. Comme pour faire passer le temps, Alexandre énuméra dans sa tête tout ce qui avait mal tourné dans sa vie, en caressant du bout des doigts la surface lisse du couteau dans son sac. S’il avait été capable d’éprouver des sentiments amoureux pour des femmes et s’il avait été moins lâche, est-ce que cela aurait changé quelque chose ? Probablement. Il en vint à repenser à cet interrogatoire. A cette pensée, il se mit à pleurer silencieusement. Seul.
Il resta là quelques longues minutes avant de se décider à se lever en séchant ses larmes. Il sortit pour marcher, s’aérer les idées. Il le fit longtemps. Puis, en entendant des pas au loin, il prit peur. Alors, il se cacha soudainement dans une petite rue adjacente, fourrant sa main dans son sac pour empoigner le manche du couteau. Son cœur battait fort et vite. Il tenta de réguler son état, se concentrant sur le son. C’était des talons qui foulaient les pavés, se rapprochant petit à petit. Alexandre reconnaissait les pas d’une personne ivre.
Ne t’approche pas. Fais demi-tour.

Boum boum boum boum. Tambourinait son cœur dans sa poitrine.
Elle l’avait suivie. Cette silhouette au loin dans la nuit. Comme le chasseur chassant une biche. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle s’était réveillée, se retournant encore et encore dans son lit. Elle s’était alors levée et était partie en chasse.
Une femme bien éméchée déambulait sur le Chemin de Traverse, s’éloignant progressivement des rues les plus fréquentées. Celle-ci s’arrêta au milieu d’un carrefour. C’était le moment.
Boum boum boum boum.
Elle s’avança. Et d’un geste précisa, lui trancha la gorge à coup de diffindo.
Boum boum boum boum.
La femme s’écroula, n’ayant pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait.
Elle sentait une présence.
Boum boum boum boum.
L’Ombre regarda autour d’elle. Quelqu’un était là. Elle le savait, elle le sentait. Son cœur n’avait jamais battu aussi fort. Elle devait trouver, vite. Soudain, elle réalisa une présence derrière elle, tandis qu’elle se retournait, une vive douleur s’empara d’elle, au niveau de la hanche. Elle tomba. Saisie d’adrénaline, elle parvint à lui trancher la gorge d’un coup de diffindo avant que plus de mal lui soit fait.
Alexandre Rozen était mort.
C’était fini. Tout était fini ! Dans peu de temps, on allait l’embarquer. Ah… Elle acceptait bien son malheureux sort.
Elle mangerait bien une banane pour son dernier repas d’homme libre.