Une éternité.......voilà une éternité qu'elle était là, allongée sur son épais dessus de lit clair, contrastant ainsi avec l'atmosphère sombre qui régnait dans sa chambre et dans son esprit.
Depuis combien de temps était-elle là ? Une seconde ? Une heure ? Des jours ? La notion de temps lui paraissait totalement étrangère en ce septième jour de captivité.
Ce qu'elle avait fait pour mériter une telle punition ? La jolie blonde se demandait encore comment elle avait osé agir de la sorte..Comment elle avait osé provoquer ainsi son père....Et surtout pour quoi ? Ou plutôt pour qui ?.... oh cela elle le savait ..... pour le doux jeune homme dont la simple présence la faisait tressaillir, dont le simple regard la faisait défaillir......... Son regard......... Aussi noir et profond que l'enfer dans lequel il l'avait fait sombrer......Aussi doux et aimant qu'elle n'aurait jamais espéré en voir un jour posé sur elle.....Aussi ardent que la violence avec laquelle elle avait répondu à son père le soir de leur venue....
Sans s'en rendre même compte, les larmes lui montaient aux yeux à mesure que la boule s'alourdissait dans son ventre. Elle ferma les yeux comme pour renforcer le barrage de ses paupières au flot qui s'annonçait. Non... elle ne pleurerait pas...pas pour lui... pas pour son père...Son bourreau avait beau tout faire pour la rabaisser et la soumettre.... Elle ne le laisserait pas l'atteindre.....

Le silence assourdissant ambiant fut briser par un claquement vif et sourd. Comment avait-elle pu oublier ?
Oui c'était bien ça..... Le son venait de sa coiffeuse, du petit tiroir gauche très exactement, celui-là même qui lui avait servi à communiquer avec Bree pendant les vacances de ses six dernières années.
La vipère se précipita vers sa coiffeuse et ouvrit avec précipitation le tiroir. Soulevant le double fond, elle aperçut un petit morceau de parchemin. Elle le délivra de son lien argenté et se jeta avidement sur les écritures de son amie.....comme un lion affamé sur une proie capturée.
Lire ses mots fut comme une intense bouffée de chaleur humaine...Merci, Bree, d'être là....pensa-t-elle...
Sans trop réfléchir, Daisy saisit un parchemin vierge qui trainait sur la table basse et commença d'une écriture pressée:



Comment savoir que ses parents ne lui jouaient pas un mauvais tour. Ils avaient bien réussi à rendre hermétique sa chambre à toute intrusion extérieure. Alors comment être sûre que c'était bien une lettre de son amie ?
Méfiante, Daisy exigeait le code qu'elles employaient toujours mais que Bree avait visiblement oublié dans la précipitation.
La jolie blonde scella sa lettre et la déposa au fond du tiroir qu'elle claqua, attendant désespérément la réponse de son amie, les yeux littéralement fixés sur le coin gauche de sa coiffeuse.....

Les 3 minutes que Bree avait pris pour répondre lui avait paru une éternité. Lorsqu'elle entendit le bruit caractéristique du double fond, Daisy se jeta littéralement sur le tiroir et en sortit le morceau de parchemin. Soulagée de voir la citation du chat du Cheschire en guise de mot de passe, la captive lu rapidement le verso et réfléchit un instant à se réponse.
Il fallait faire vite, aller à l'essentiel, raconter le principal avant que quelqu'un ne s'aperçoive de leur manigance. Tout en jetant des coups d'œil furtifs en direction de la porte; ce qui était idiot, puisqu'enfermée à clé, il suffisait de tendre l'oreille et de surveiller le cliquetis de la serrure; Daisy griffonna à la hâte :


Elle envoya son mot à sa destinataire et souhaita qu'elle soit de bon conseil pour son ultime phrase. Bien qu'elle en connaisse déjà la réponse, celle de son amie se voudrait sans doute rassurante et réconfortante. Mais si elle voulait que son calvaire cesse, elle savait ce qu'elle devait faire.
Céder, accepter, se résigner...... ce qu'elle avait toujours fait en fille obéissante qu'elle était....
Il parait qu'il y a un temps pour tout.........Et il était temps de se soumettre.

Attendant la réponse de Bree, la jolie blonde fixa son reflet dans le miroir de la coiffeuse. Elle avait une mine affreuse, son regard était éteint, presque vide. Elle pinça le haut de ses joues afin que le sang les colore et remit quelques mèches blondes derrière ses oreilles. Peut-être que si elle s'enlaidissait et qu'elle se présentait comme cela à Damien, il ferait échouer le mariage...
Le claquement annonçant l'arrivée de la réponse rompit ses réflexions. Elle se pencha vers le tiroir et ouvrit le morceau de parchemin qu'elle en sortit. A mesure qu'elle le lisait, elle se rendit compte qu'elle n'avait jamais vraiment dit à la brunette de façon explicite qu'elle sortait avec Bobby, elle n'évoquait que très rarement la relation qu'elle entretenait avec lui, par pudeur, par peur d'être jugée, ou pour se préserver. De son écriture peu assurée, elle finit par répondre :

"Bobby ne sait rien,
ne parle pas du contrat,
Dis simplement de ne pas croire nos parents.
Edgar n'acceptera aucun déplacement jusqu'à ce que je plie.
Dois-je accepter ...... ?"

Une semaine qu'elle était parquée dans sa chambre et elle n'était pas encore tout à fait prête à céder. Mais Sir Blackstone l'aurait à l'usure, comme toujours. Il restait alors encore trois semaines à se morfondre dans la grande pièce, en espérant quelques contacts ponctuels avec sa meilleure amie ou bien l'une de ses sœurs. L'isolement devenait une torture....S'il te plait, Bree, aide moi....

Alors qu'elle lisait le précieux parchemin de Bree, les larmes lui montèrent aux yeux. Non, ne pleure pas Daisy, ne pleure pas, ne lui fais pas ce plaisir.., ainsi luttait-elle pour ne pas laisser les larmes passer le barrages de ses paupières. Alors qu'elle commençait déjà à répondre à sa meilleure amie, elle entendit trois coups successifs contre son mur, Orchid lui annonçait par ce nombre que son père allait la visiter.
Elle se jeta sur les missives et les planqua maladroitement sous ses bouquins d'histoire de la magie disposés aléatoirement sur le sol, Le cliquetis de sa porte se fit entendre et l'arrivée iminente de son père s'annonça. Elle ferma le tiroir, rangea les plumes à la hâte et se jeta sur son lit, un manuel de potion à la main. Lorsqu'Edgar pénétra dans la chambre, rien ne semblait avoir bougé d'un millimètre, il scruta les meubles et dévisagea sa fille avec suspicion :

- J'ai entendu du bruit, que fais-tu ?

- Je lis et je me cultive père, la seule chose que vous me permettez encore de faire ! répondit-elle avec véhémence

A mesure qu'il écoutait sa réponse avec peu d'attention, il marcha à pas lent en guise d'inspection et recherchait de ses yeux accusateurs le moindre indice qui aurait pu trahir d'autres agissements de la part de son ainée.

- N'affiche pas cet air narquois avec moi ! Tu sais que je découvre toujours tout !

Daisy le suivit de ses yeux clairs et eut un léger haut le cœur lorsqu'elle aperçut un bout de parchemin dépasser de dessous le volume 3 des livres d'histoire. Elle retint légèrement sa respiration, souhaitant que son paternel ne remarque rien et reporta son regard sur un autre endroit de la pièce.

- Je peux lire dans tes yeux ... Ta haine envers moi, ton incompréhension, ta faiblesse...

Le patriarche avançait, reculait, tout en essayant de déchiffrer son visage. Elle ne devait pas se trahir.

- ...ta suffisance, ton arrogance, ta froideur, ton mépris, ta résignation, ta lâcheté, ta fragilité .....

Mais comme attirée par ce qu'elle ne devrait pas, elle ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil involontairement en direction du parchemin. Il s'approchait inexorablement du tapis de livres.

- Mais peux-tu lire dans les miens ?

Daisy resta muette, et espéra que son amie, anxieuse de ne pas voir venir de réponse, ne lui envoie un autre message, faisant ainsi claquer son tiroir. Elle jeta un coup d'œil dans sa direction mais n'entendit rien et reporta son attention complète sur les paroles de son père :

- Y vois-tu l'indignation ? la déception ? la méfiance ?

Il s'arrêta net et comprit au regard de Daisy qu'il avait visé juste, il fixa son pied sous lequel un petit bout de parchemin blanc dépassait.

-C'est cela que tu essaie de cacher ? Dit-il en pointant du doigt l'objet du délit.

Sans attendre une quelconque réponse de sa fille, il se baissa et ramassa le parchemin, C'est alors que Daisy se jeta sur lui, dans un ultime élan de désespoir et avant qu'elle n'arrive à attraper le bout de papier, le bras dur de son père la percuta et la renvoya sur son lit. Content de lui et de sa découverte, Edgar afficha un regard aussi malveillant que radieux. A mesure qu'il déplia le parchemin, le visage de Daisy s'empourpra de colère, de honte et de peur. Lequel était-ce ? L'intégrité de son amie allait-elle aussi être mise à l'épreuve ?

- Crois tu réellement pouvoir communiquer avec ton amie ? Dit-il avec calme

- Plus aucun message n'entrera et ne sortira de cette pièce !

Ses yeux commençaient à se révulser de mépris envers elle, ce regard qu'elle connaissait bien. Il scruta la pièce, dans les moindres recoins, la cheminée ?

-Comment as-tu fait ? cria-t-il

Interdite, Daisy n'osait rien dire. Il jeta un sort de révélation à la cheminée, rien... Il ouvrit la penderie et en vida tout son contenu, rien.

-Comment as-tu fait ? hurla-t-il

Il saisit le tabouret de la coiffeuse et le fracassa contre le mur, la colère humaine prenant le pas sur celle du sorcier. Dans un instinct de survie, Daisy se recroquevilla à la tête de son lit et ne pouvait que le regarder déverser sa rage sur le matériel. A quand en viendrait-il aux mains sur elle.. C'était une question de temps.
Il donna un large coup de pied dans la coiffeuse qui se déboita complétement, détruisant la totalité de ses composants. Le silence avait envahi la maison et on n'entendait plus que la folie de Sir Blackstone. Femme et enfant, ignoraient les hurlements....
Il continua à répandre sa colère quelques secondes puis après avoir presque tout démoli, se tourna vers la jeune femme, l'air triomphant. Un sort informulé pour calfeutrer toutes les ouvertures encore possibles, et l'homme se calma instantanément, remettant ses quelques mèches de cheveux en place, il sortit en ne laissant que le désordre et le chaos :

-Nettoie moi tout ça ! Et la prochaine fois que je reviendrai ce sera pour entendre ta réponse positive à ce mariage ! Conclua-t-il avant de sortir et de fermer la porte de sa cellule à triple tour.