Encore de la paperasse à remplir, toujours les mêmes formulaires à signer, un ministre moldu à rassurer même si Eugénius ne l'était pas lui-même, les journées n'en finissaient plus. Il rangea les derniers parchemins de façon strictement symétrique et enfila son trench-coat beige. Saisissant sa mallette de la main droite il salua les portraits des anciens ministres de l'autre. Il franchit la porte de son bureau et se dirigea comme d'habitude dans l'Atrium, vers la cheminée qui le mènerait directement dans son salon. Il gratifia d'un sourire chaleureux Ferdinand, le garde spécialement nommé à cet endroit, celui qu'il croisait matin et soir à ce poste depuis sa nomination de Ministre, puis se positionna dans le foyer de la cheminée. De la même voix claire et déterminée, Burke énonça sa destination puis disparut dans un épais nuage vert.

Lorsque enfin, le "voyage" s'arrêta, le vieil homme fut surpris de ne pas reconnaître l'endroit ou il avait atterrit. Une vaste pièce, sombre et lugubre, humide à souhait, loin du paysage familier de son salon cosy de sorcier sexagénaire anglais. A peine eut-il le temps d'analyser la situation et de comprendre qu'il venait d'être piégé qu'une douleur au crâne le saisit et lui fit perdre connaissance.
Il s'étala de tout son long sur le sol en pierre, sombrant dans un sommeil sans rêve.....

Et c'est un puissant jet d'eau en pleine figure qui le sortit de son inconscience. Porter sa main à sa poche aurait été son premier réflexe si ses bras n'étaient pas fermement ligotés contre les accoudoirs de la chaise, tout comme ses jambes contre les pieds du meuble. Son membre supérieur se crispa et fit ressortir une vive douleur à l'épaule, vestige de sa chute récente. Au moment ou sa vision devint plus nette, et malgré l'épais rideau d'eau qu'il venait de recevoir, le ministre sentit un liquide chaud couler le long de sa nuque, auréolant sa chemise et son par-dessus d'une tâche écarlate légèrement diluée.

Enfin il put discerner dans le noir deux silhouettes dont le bras tendu en avant, indiquait qu'ils avaient leur baguette brandie dans sa direction. Une odeur persistante d'humidité lui enveloppait les narines si bien qu'il n'en distinguait aucune autre. Malgré sa position de faiblesse apparente et la douleur lancinante dans la mâchoire, il finit par articuler d'une voix pleine d'aplomb :

- Qui êtes-vous ?

Les deux individus ne bougèrent pas. Sans ciller, il renouvela sa requête :

- Qui êtes vous ?

Il n'était pas vraiment en position de force, mais l'homme, avec toute la confiance qu'il avait en son équipe de protection rapprochée, savait qu'il serait secouru sous peu. Il afficha alors un léger sourire provocateur sur son visage dédaigneux et lança :

- Montrez-vous !

Une des deux silhouettes s'avança vers lui et le salua suavement. Était-ce une plaisanterie ? Depuis quand les criminels étaient courtois. Le vieil homme grimaça et ne daigna pas répondre à ce salut injurieux. Il écouta attentivement son discours sans montrer aucun signe de peur ou de soumission mais lorsque l'homme dit "Vous voyez de qui je veux parler Eugenius ?..", une lueur d'horreur aussi furtive que la foudre éclaira son regard limpide. S'il ne savait pas ou il se trouvait, il savait parfaitement qui était l'instigateur de son enlèvement. Celui-là même qui terrorisait le monde sorcier depuis plusieurs mois, fomentant des attaques et autres attentats, semant la discorde, créant un climat de terreur sur toute l'Angleterre, un être capable de corrompre les esprits des hommes pour le pouvoir.

L'autre silhouette s'avança alors et énonça leur revendication. Son ton se voulait menaçant comme la baguette qu'il enfonça dans son cou. Sans faillir, Eugénius fixa le masque de l'individu et le dévisagea avec une haine palpable.

- Vous obéir ? vous obéir ? Commencez par me montrer votre visage, lâches, et assumez votre volonté de me faire plier !

On pouvait dire que le Ministre était sûr de lui pour oser parler ainsi aux deux hommes. Pourtant il savait que les disciples du Lord n'étaient pas connus pour leur tendresse et leur sang froid. Surtout après le massacre qui avait eu lieu lors de l'inauguration.
Peut-être pensait-il simplement qu'ils n'oseraient pas le tuer... lui, le Ministre de la magie. Qu'il était à l'abri, qu'il était intouchable. Jamais dans l'histoire des sorciers, un Ministre s'était vu assassiner pour des raisons aussi stupides. Sans doute aurait-il mieux valu qu'il ne lutte pas.... Mais c'était contre sa nature. La lutte du bien, la défense de la veuve et de l'orphelin, maigre excès de courage :

- Jamais... Jamais je ne ferai de telles lois ! Vous entendez..... Continua-t-il avec l'arrogance qu'on lui connaissait

Le sort impardonnable ne vint pas de l'homme qui le menaçait de sa baguette dans son cou mais de l'autre qui venait d'applaudir son refus. La douleur qui le transperça lui glaça le sang et s'insinua dans son esprit. Son visage se tordit en une grimace tandis que ses mains se crispaient violemment enfonçant ses ongles dans le bois de l'accoudoir, tétanisées, os et veines apparentes du haut de son bras au bout des doigts. Il lui sembla un instant que son cœur s'était arrêté juste avant de s'emballer une nouvelle fois. Ses membres, endoloris et violacés, maintenus contre son gré par les cordes forçaient sur leur liens, marquant ainsi sa peau. Le Ministre ferma les yeux et serra les dents dans un râle bestial d'intense souffrance et ses révulsions firent tomber sa chaise à la renverse, fracassant son crâne déjà sanguinolent contre le sol. La douleur physique était si grande qu'il manqua de perdre connaissance mais sa force morale l'emporta malgré tout et le maintint conscient pour entendre la suite des paroles des deux mangemorts. "Revenir sur son refus?", "nous obéir", "leur interdire de pratiquer la magie"......Ses phrases arrivèrent jusqu'à ses oreilles malgré le bourdonnement persistant qui lui donnait encore plus mal au crâne que ses deux chutes et le fracas du chandelier. Pour un vieillard, on pouvait dire qu'il luttait au delà de ses capacités physiques. Son esprit vaillant lui soufflait de résister tandis que son corps meurtri lui criait d'abdiquer. Qu'écouterait-il ?

- Plutôt mourir ! Articula-t-il enfin dans un sursaut de bravoure et/ou d'inconscience.

Rivé au sol, la sentence à son refus ne tarderait pas à se faire sentir. Il était au point de non retour, sa décision était inflexible, il resterait fidèle à lui-même jusqu'à ce que la mort le prenne.......

Les yeux humides, Eugénius dévisagea les deux hommes et analysa le plus précisément qu'il le put leurs gestuelles. Le plus grand des deux semblait aussi être le plus âgé et le plus raisonnable (si des mangemorts pouvaient l'être), il lui murmura quelque chose qu'il ne put entendre lorsque le jeune renouvela le sortilège impardonnable. La même douleur, plus intense encore, l'envahit, empruntant le même chemin qu'elle s'était frayé quelques secondes auparavant. Paralysant les moindres parcelles de son corps et provoquant des convulsions de plus en plus impressionnantes, le Ministre sentait son corps l'abandonner, il bascula la tête en arrière, nuque crispée, comme pour le soulager, mais la douleur qui lui déchirait les entrailles était trop forte. Du sang commençait à ruisseler entre ses dents, et continuait sa route sur sa joue blafarde jusqu'au sol glacial. L'homme se mit à crier si fort qu'on aurait pu l'entendre dans toute l'Angleterre. Un bruit de fumée se fit entendre et une lueur d'espoir transperça son regard flamboyant de souffrance, se pouvait-il que sa garde personnelle vienne enfin à son secours, entendant ses plaintes depuis le Ministère ?

- JE NE .......... cria-t-il a bout de souffle, ponctuant ses paroles de hurlement à la mort......CÉDERAI PAS !!!!

On pouvait dire que le Ministre avait perdu toute son assurance et il ne restait de lui qu'un vieillard prêt à succomber... Était-ce cela, la fin ? Ses yeux clairs se posèrent sur la silhouette qui tenait sa souffrance au bout de sa baguette et son visage l'implora d'arrêter....

A bout de souffle, Eugénius contenait comme il pouvait les douleurs aiguës qui lui parcouraient le corps. Le gout salé et la chaleur de son propre sang dans sa bouche lui indiquait clairement que s'il ne cédait pas aux revendications des deux mangemorts, il mourrait dans les prochaines minutes. Peu décidé à les satisfaire, ses assaillants mirent leur menace à exécution. Le plus jeune ramena sa femme et la jeta à ses pieds hurlant à la mort. Une ultime fougue rageuse le saisit tout entier et le vieil homme articula avec difficulté :

- LÂCHES !!!!!!!!! VOUS ÊTES DES LÂCHES !!!!

Les larmes de hargne au bord des yeux, on décelait à peine la douleur de son corps et de son cœur. Il regardait sa femme, souffrant visiblement le martyr, implorant les hommes de les épargner, il aurait voulu lui donner une dernière étreinte, un dernier baiser, une dernière carresse...

- FINISSONS-EN !!! Continua-t-il avant qu'une nouvelle vague d'Endoloris ne vienne le ravager.

Tandis que les cris du Ministre résonnaient dans toute la demeure, le Lord caressait sa baguette assis dans son fauteuil dans une pièce annexe. Il se délectait des hurlements et de ses échos en affichant un rictus vicieux à ses lèvres, les yeux fermés et les narines bien écartées. Sa respiration était lente, mesurée et semblait s'accélérer au moment ou les cris se faisaient plus intenses. Au bout d'un certain moment, las de ne pas voir revenir ses fidèles lui annoncer la nouvelle qu'il attendait, il se leva et glissa jusqu'à l'entrée. D'un pas rapide, sa cape ruisselant dans son dos, il pénétra dans la pièce et d'un mouvement léger mais efficace assassina la femme du Ministre.

Ça suffit ! Dit-il dans un râle glacial

Voldemort s'approcha sans ménagement du Ministre et fit remonter sa chaise d'une volute manuelle de façon à lui faire face. L'homme puait l'arrogance et lui arracha une grimace. Une fureur silencieuse illumina son regard tandis que sa langue sifflait d'un ton suffisant :

Regarde moi bien Burke ! Car c'est la dernière chose que tu verras !

Son souffle chaud contre son visage ne réveillerait pas son humanité. Voldemort, car c'est ainsi qu'on l'appelait, plaqua sa baguette contre le cœur de l'homme politique et la lumière verte, étincelante, le prit.

Pas un bruit, pas un cri, juste le silence.. brisé par le son de la chaise qui retombe au sol et le fracas du crâne du Ministre contre les pierres maculant de sang les interstices.

Contemplant son œuvre, le Seigneur des Ténèbres se gargarisa de plaisir et renifla bruyamment de contentement. Puis d'un geste dansant de la main, il invita ses deux fidèles mangemorts à sortir en leur murmurant :

Allez chercher Hardbull !

Une nouvelle ère était en marche...