Le réveil avait rarement été aussi difficile. Et ce ne fut pas l'affreuse migraine causé par le coup de Saule Cogneur qui fit le plus souffrir Rémus. Ses amis avaient eu beau tenter de lui relater ce qui s'était passé après sa transformation avec tous les euphémismes possibles et imaginables, les blessures de Sirius parlaient d'elles-même. Sans compter le fait qu'il était désormais persuadé de ne plus jamais pouvoir regarder Lily en face. Non seulement il avait été à deux droit de la mettre terriblement en danger, mais elle était maintenant au courant de son... état. Autant dire que c'était la fin de leur amitié. Si elle ne méritait pas d'avoir un menteur comme ami, elle méritait encore moins un loup garou.

Rémus se retrouva, comme quelques années auparavant, en train de rassembler ses affaires dans sa valise, prêt à quitter Poudlard pour toujours. Autrefois, c'était après avoir été à deux doigts de tuer James qui l'avait suivit dans la Cabane avant de devenir un Animagus. Il avait mis des semaines à se remettre de la culpabilité d'avoir put avoir la mort d'un de ses meilleurs amis sur la conscience, ou pire, d'avoir pu le mordre et le rendre comme lui... C'était Dumbledore, par quelques mots sage et en lui renouvelant sa confiance qui l'avait faire rester. Cette fois-ci, les Maraudeurs ne lui laissèrent pas plus de choix et le menacèrent de l'attacher à son lit s'il continuait à essayer de fuir. Il se contenta donc de serrer les dents et d'éviter du mieux qu'il pouvait la rouquine. Il y arriva plutôt bien d'ailleurs, pendant une bonne semaine. Mais Lily Evans n'était pas du genre à laisser tomber, et il se trouvait qu'elle VOULAIT avoir une conversation avec lui, la dernière chose dont Rémus se sentait la force d'affronter. C'est donc au moment où il s'y attendait le moins qu'elle l'attrapa au détour d'un couloir et l'entraina de force dans une salle abandonnée. Il ne put retenir un hoquet de surprise et croisa pendant un bref instant les yeux verts étincelant de la belle rousse avant de baisser la tête. Son ton de reproche lui fit un peu plus rentrer la tête dans les épaules, et il fit quelques pas en arrière. Il ne pouvait plus s'échapper, elle lui bloquait l'unique sortie.

- Lily... Je suis désolé...

Sa voix était à peine audible. Et il ne pouvait être autre chose que désolé, même si ça ne changerait rien à ce qu'il était... A ce qu'il avait failli faire...

Il se doutait bien qu'elle allait être en colère, mais il ne s'attendait pas à se faire gronder comme si il avait faire une bêtise de petit garçon. Il garda la tête baissé, la mâchoire toujours crispée. Pour elle, le fait de soi-disant ne pas lui avoir fait assez confiance pour lui avoué ce qu'il est était plus impardonnable que d'être ce qu'il est et d'avoir été à deux doigts de la boulotter si il en avait eu l'occasion. Bref, plus simplement, elle donnait l'impression de ne pas se rendre compte de la gravité de la situation. La fuyant toujours du regard, il fronça les sourcils.

- Est-ce que tu sais seulement de quoi tu parles Lily ?...

Sa voix était sourde, mais c'était peut-être la première fois qu'il lui parlait avec autant de gravité, une gravité mêlé de douleur qui la rendait très légèrement tremblante.

- Ça n'a rien à voir avec de la confiance. Ce n'est pas le genre de chose que l'on partage comme un... secret entre amis. Je ne suis PAS humain, j'aurais pu te tuer l'autre soir, tout comme j'ai failli tuer SIrius. Est-ce qu'un ami digne de ce nom est censé mettre ceux qu'il aime en danger de mort ?

Il dut faire un effort surhumain pour ravaler les larmes qui menaçaient de monter. Il n'était pas digne d'être son ami, il ne l'avait jamais été et maintenant elle devait s'en rendre compte. Il lui tourna le dos, parlant avec une curieusement froideur.

- J'avais le choix entre être un menteur ou un danger potentiel. Maintenant je suis les deux pour toi.

Lily était pourtant une des dernières personnes qu'il voulait décevoir, mais c'était trop tard. Il aurait tellement aimé qu'elle ne connaisse de lui que ce qu'il y avait de bon, d'humain, de normal. Même si ça ne lui avait jamais plu de lui mentir, leur amitié était certainement ce qui lui permettait le plus d'oublier parfois sa lycanthropie.Mais tout cela était fini.

Lorsque Lily se planta face à lui et lui prit la main pour la poser sur son coeur, Rémus leva enfin la tête pour la regarder dans les yeux. Ses mots la touchèrent plus profondément que n'importe quelle tentative de réconfort. Il ferma les yeux un moment, mais cette fois-ci quelques larmes coulèrent pour de bon sur ses joues. Il ne se souvenait pas avoir déjà pleuré devant Lily, lui qui tentait à chaque seconde de contrôler ses émotions tant qu'il le pouvait, de présenter le visage le plus serein possible malgré tout ce qu'il devait endurer. Il prit la main de son amie dans la sienne et la serra étroitement, en signe de gratitude, la gorge trop serrée pour le moment pour articuler un merci. De l'autre il balaya les larmes qui avait laissé échapper. Elle s'accusait elle-même de s'être mis involontairement en danger. Il secoua la tête avec un sourire douloureux, la voix un peu rauque.

- Toi et ta tête de mule... J'aurais du le prévoir, mais il faut croire que je t'ai sous-estimée.

Il avait certainement aussi sous-estimé les qualités d'âme de son amie. Aucune peur, aucune répulsion, et surtout aucune pitié face à la révélation de sa condition. Si il y avait de la compassion, elle restait pudique, rejetant toute dramatisation. Il n'y avait que dans des situations comme celles-ci que l'on pouvait voir apparaître toute la bonté d'une personne, et Lily Evans relevait haut la main l'épreuve qu'il n'avait pas voulu lui imposer.

Spoiler:

L'étreinte de Lily lui fit un bien fou. Il n'avait rencontrer dans sa jeune vie que très peu de personne qui avait au moins autant de capacité d'empathie que lui-même. Lily en faisait évidemment partie. C'était certainement la raison principale de leur amitié. Avoir ce "don" de comprendre ce que ressentait l'autre, pour le meilleur et pour le pire... Lorsqu'elle le relacha, Rémus avait reprit cet air calme, ce contrôle qu'il essayait à tout prix de ne pas perdre tant qu'il le pouvait, pour le bien de tous. Et pourtant, il savait maintenant que Lily connaissait la faille. La connaissant, il commençait à se douter qu'elle prendrait à coeur tout ce qu'il lui arriverait. Cela lui procura, comme le confirmait ses paroles. Cela donna à Rémus un mélange de gratitude et une pointe de malaise. Encore une personne à qui il imposait de partager son fardeau. Une ombre passa sur son visage et il approuva avec un sourire triste.

- Je sais... James et Sirius font tellement pour moi. Peter aussi... Ils... risquent leur vie pour... Bref, s'il te plait Lily, maintenant que tu sais, la meilleure aide que tu pourras m'apporter c'est de veiller le plus possible à ta sécurité.

Il ne pouvait lui décrire la panique qui avait été la sienne lorsqu'il se rendait compte qu'il risquait de ne pas atteindre la Cabane Hurlante à temps. Et la terreur qu'il avait ressentit en se réveillant, en découvrant des traces de sang sur lui. Les cauchemars qu'il continuait à faire presque toutes les nuits depuis... Il savait au moins maintenant que celui où Lily se détournait de lui, horrifié par la révélation, n'était qu'un délire fiévreux. Mais pour ceux le mettant dans la peau d'un tueur, le sang de ses amis sur les mains, jamais il ne pourra s'en défaire.

Ecoutant son amie, Rémus se forcçait à garder l'air le plus rassurant possible. Ce n'était pas d'un ami traumatisé par sa lycanthropie dont elle avait besoin. Il se devait de lui apporter du soutien, avant toute chose. Il ne fut pas vraiment surpris qu'elle ait tenu ses parents dans le secret. Impliquer le moins de personne possible dans ce qui ressemblait de plus en plus à une guerre, ce n'était pas une mauvaise chose. Il ne pu par contre empêcher un froncement de sourcil lorsqu'elle mentionna la lettre.

- Je l'ai reçue aussi.

Mr Lupin était un sang pu, mais la mère de Rémus était née-moldue, tout comme Lily, ce qui faisait du jeune homme un sang-mêlé. Il s'était demandé au début s'il avait reçu cette lettre à cause de "l'impureté" de son sang, ou en raison de son état de loup garou. Dans tous les cas, se savoir être une potentiel victime choisie de manière totalement arbitraire rendait son envie de se battre plus viscérale. Même s'il se serait engagé dans la lutte de toute façon, ne serait-ce que pour protéger ceux qu'il aime, et défendre la justice et la liberté.

- Ces lettres sont juste une tentative pour semer la panique et la paranoïa. La meilleure chose que l'on puisse faire c'est rester soudés et veiller les uns sur les autres. Et surtout, ne jamais oublier que nous ne sommes pas des proies sans défenses.