Le soleil se couchait déjà à l'horizon. Il devait être neuf heures du soir et j'avais donné rendez-vous à Sonia après le dîner. J'avais besoin de lui parler, mais j'étais nerveux. Les mains jointes, je tapais du pied contre le tronc d'arbre sur lequel je m'étais assis.
Les yeux rivés sur l'hoziron, je regardai le soleil se morceler dans les branches des arbres, passer entre les feuilles et je ne pouvais m'empêcher de me demander ce que j'allais bien pouvoir dire lorsque Sonia serait là. Je soupirai, la tête dans les nuages et les doigts serrés les uns dans les autres, à me triturer les méninges autant que les phalanges.
Ça ne collait pas, l'amitié nous réussissait mieux mais ce n'était que mon point de vue. Allait-elle comprendre ? Peut être pensait-elle pareil ? Je n'avais plus qu'à attendre son arrivée, j'allais être fixé. Alors j'attendais, me mordant la lèvre inférieure sans véritablement m'en rendre compte.

La voix de Sonia résonna doucement à mon oreille sans pour autant manquer de me faire sursauter.
— Salut, lui dis-je en retour, tout en souriant calmement.
Elle s'assit près de moi et j'éprouvai le besoin de la serrer contre moi, mon bras s'enroulant autour de sa taille. Je soupirai, c'était dur, tout ce que je ressentais là maintenant. C'était dur à penser, c'était dur à avouer.
Je me retournai alors vers Sonia, mes lèvres s'étirant toujours en un sourire sans joie, bercé simplement pas la sérénité du tableau : le soleil qui se couchait, le vent frais qui prenait le dessus sur cette journée chaude, le parfum doux de la gryffondor. Silencieux, je ne savais pas par quoi commencer. Ma dernière rupture, si c'en était bien une aujourd'hui... ne s'était pas très bien passé.
— Tu as passé une bonne journée ? lui demandai-je, l'air de rien avant de secouer la tête de droite à gauche : je devais prendre mon courage à deux mains. Ecoute, je... commençai-je, laissant la fin de ma phrase en suspens.
Que la vie était mal faite, parfois.

Lorsque Sonia me retourna ma question, je me contentai d'hocher la tête de haut en bas. Puis elle glissa sa main dans la mienne et ma mâchoire se crispa. Et si elle ne pensait pas comme moi ? Si je lui faisais du mal ? Je ne pouvais plus reculer, maintenant, il valait mieux ça que des faux semblants.
— Je t'aime. Très fort, tu vois, je t'aime énormément, Sonia. Je... Un moment, je restai silencieux, laissant le début de ma phrase en suspend. Je crois pas qu'on soit fait l'un pour l'autre, toi et moi. Je crois... Je crois qu'on est meilleurs amis que petits amis, tu comprends...
Et je débitai mes paroles assez rapidement, sans oser me retourner vers Sonia. Je craignais sa réaction, ce n'était pas la pauvre cinquième année de base à qui je disais au revoir. C'était Sonia.
— J'veux que tu comprennes, je t'aime vraiment beaucoup, je serai prêt à beaucoup de choses pour toi, mais... mais l'amitié nous réussit mieux, c'est, je sais pas, c'est mon avis et j'ai peur que tu ne le partages pas...
Les yeux d'abord baissés sur ma main encerclant un peu plus fort celle de Sonia, je fini par me risquer à relever la tête, à croiser les beaux yeux de la jeune fille. Je ne voulais pas lui faire du mal, je voulais qu'elle comprenne ça. En tout cas, ce que j'avais sur le coeur avait fini par sortir. On dit souvent qu'on est soulagé après avoir avoué ce qu'on cache. Là, j'étais pas certain d'être soulagé. J'avais attendu ce sentiment, pensant me sentir libérer après cet aveu et cette impression n'était pas venue jusqu'à moi.

Le soulagement arriva enfin. Elle ne le prenait pas mal, ne me giflait pas et même, elle partageait mon avis. Les yeux clos pendant un instant, je l'écoutai parler, me disant qu'à présent, elle n'était plus ma petite amie, elle redevenait mon amie, tout simplement. Ça m'avait semblé plus dur que ça ne l'avait été en réalité.
Sa main glissa sur ma joue avant de retomber sur son genou. Je gardai un instant la tête baissée, comme elle dans mes rêveries et je ne pus m'empêcher de sourire doucement en repensant à tout ce qu'on avait vécu. Alors j'entourai ses épaules de mon bras puis je la serrai tendrement contre moi.
— On aura vécu une belle aventure, toi et moi, on aura survécu à une tentative de meurtre, on aura bien rit, aussi...! dis-je en me retournant vers elle, un long sourire sur les lèvres.
Puis, après un soupir, j'ajoutai :
— C'est mieux comme ça, tu n'crois pas ?...
La nuit était maintenant tombée sur la contrée. Les oiseaux s'étaient tut, nous n'entendions plus que les voix lointaines de nos camarades et le feu crépitant à leur côté. La lueur des flammes à une cinquantaine de mètres reflétaient d'ailleurs dans notre dos, créant devant nous des ombres mouvantes, nos ombres l'une contre l'autre comme si rien ne pouvait nous séparer.

Le regard perdu dans le vague pendant encore quelques minutes, je me surpris à sourire, épaule contre épaule avec Sonia. Il faisait bon malgré l'air un peu frais qui nous enveloppait et les éclats de voix de nos camarades derrière nous avaient quelque chose de rassurant. On était... presque bien, là, tous les deux, malgré la rupture, malgré... tout.
Puis au bout d'un moment, d'un long moment, je fini par prendre la main de Sonia avant de me lever et de l'attirer dans mes bras. Je la serrai un instant, gardant ce sourire serein sur les lèvres. Je lui déposai un dernier baiser sur la tempe, la main sur la nuque.
— Viens, on retourne au camp... lui dis-je, retirant mon nez de ses longs cheveux bruns.
Et tous les deux, nous repartîmes en direction du feu de camp où quelques élèves s'adonnaient à la guitare tandis que d'autres bavardaient entre deux marshmallows. C'était une bonne soirée, finalement.

hey ma biche (: