Si recevoir la marque était devenu l'un de ses objectifs principaux, Daisy n'en oubliait pas son appartenance au groupe des SERPENTS qui exerçaient au château. Elle en était à la tête, avec Brionan, guidées par les sœurs Black, et bientôt elles devraient passer le flambeau afin de faire partie intégrante du groupe homologue adulte. Quelques membres se distinguaient déjà pour prendre leur suite...
Afin de se fondre dans le décor de la gare de King's Cross, où elle avait rendez-vous avec la fille Rookwood, la jeune femme avait passé un manteau noir par dessus ses vêtements sorciers, dissimulant une maigreur qu'on lui connaissait peu. Elle repéra la brunette assise, au lieu annoncé, et se dirigea vers elle, d'un pas si discret qu'on aurait dit qu'elle glissait.

- Bonjour Alshaïn.. S'était-elle contentée de chuchoter tout en s’asseyant sur le banc dos à celui de la serpentard.

Elle baissait la tête et sortit un livre qu'elle ouvrit à moitié afin d'en simuler la lecture.

Lorsque Alshaïn l’appela Mrs Donagan, Daisy tiqua. On l’appelait rarement par ce nom là. D’une famille de noble sang, la jeune femme avait gardé son identité de Blackstone même si elle en avait perdu la chevelure. Après le mariage elle avait pris naturellement le patronyme de son mari en deuxième nom, mais souhaitait intimement garder une part de son passé. Avec une froideur contenue, l'ancienne serpentard mentit :

- Parfaitement bien !

Quel beau masque de porcelaine ! Elle était habituée... Elle focalisa son attention sur la voix de son interlocutrice, squizzant tous les bruits annexes de gare :

- Mais venons en au fait . Sais-tu pourquoi nous nous rencontrons ?

A sa réponse, Daisy fit la moue, cachée derrière le roman dont elle tourna une page, elle finit par dire, peu convaincue de l'ignorance de la serpentard :

- mmm.. Avant de commencer, je dois m'assurer d'une chose.

Son regard glacier se dirigea vers le pied du banc ou elle prit soin de disposer délicatement une fiole de quelques millilitres et développa son propos :

- Tu vois cette fiole ?

Elle retira sa main et la porta de nouveau à son bouquin :

- Bois son contenu et nous poursuivrons notre entretien...

Elle se sentit tout à coup très directive et elle appréciait peu l'image qu'elle renvoyait.. elle devait se radoucir.

Ce n'est que lorsqu'elle l'entendit déglutir que la jeune femme poursuivit son entretien, si doucement que seule Alshaïn pouvait l'entendre :

- Comme tu l'as sans doute deviné, tu viens de boire du Véritasérum.

Elle marqua une pause, tentant de jauger, à l'aveugle la réaction de la jeune serpentard. Était-elle à la hauteur de la tâche qu'ils allaient lui confier ? Quand Dolohov lui avait dit qu'il fallait choisir un successeur au petit groupe officiant à Poudlard, elle avait elle-même proposé la brune Rookwood, bien consciente de ses capacités et de son ambition démesurée. Son statut de préfète était également un atout, puisque au delà de tout soupçon, à l'image de l'ancienne tête de file, son amie Bree. Voldemort avait alors exigé une condition. Une seule. Et c'est celle-ci qu'elle allait vérifier sur le champ.

- Les SERPENTS n'ont plus de leader au sein du château, il n'y a plus de liens entre ses membres et nous. Cette place est pourtant capitale pour pouvoir mener à bien les plans du Lord. Comprends-tu ce que cela veut dire ? ... pause...- Te crois-tu capable d'assumer un tel rôle ?

A l'écoute du moindre souffle, du moindre silence, l'ancienne blonde était concentrée sur la respiration de son interlocutrice, mesurant ses inspirations pour en saisir les impressions. Elle continua en pesant chacun de ses mots :

- Je dois m'assurer que tu corresponds bien au critère qu'il a choisi. Connais-tu un sort impardonnable, as-tu déjà pratiqué l'un d'entre eux ?

Daisy ne doutait pas une seule seconde de sa première réponse. D'une part, parce que le véritaserum parlait dans la bouche d'Alshaïn et d'autre part parce qu'elle savait, à son image, qu'elle ferait tout pour briller. De son côté du banc, tout en tournant une nouvelle page de l'ouvrage qu'elle tenait dans ses mains, Daisy plissa les lèvres lorsque la sixième année avoua ne pas savoir lancer un sort impardonnable. C'était pourtant une condition sine qua non que Voldemort imposait. Embêtée, elle ne sut quoi répondre, surtout après la dernière demande qu'elle lui adressa.

- Mon rôle n'est pas de te montrer ! Finit-elle par répondre, mal à l'aise, puis elle ajouta, dans le désir d'aider la jeune brunette.

- Écoute, il y a une librairie dans l'allée des embrumes, "les grimoires du temps". Rends toi y, je toucherais quelques mots à son propriétaire.


Elle attendit quelques secondes afin de laisser une chance à son interlocutrice d'absorber toutes ces informations, puis conclut :

- Reprends contact avec moi quand tu maîtriseras l'un d'entre eux, une simple date et heure, à ce même endroit. .... Tu as des questions ?

- On risquerait de nous voir ensemble ... Répondit-elle en plissant les lèvres.

Tout en tournant une nouvelle page du livre qu'elle tenait dans ses mains, Daisy leva ses yeux clairs en direction de l'horizon. Sans vraiment voir les trains qui démarraient ou les voyageurs qui attendaient impatiemment, elle focalisa petit à petit son regard sur un groupe d'individus. Ils étaient trois hommes, avec des imperméables un peu trop grand pour eux et tenaient fermement dans leur main des attachés-case. Méfiante, elle analysa leur gestuelle malhabile quand l'un d'eux, la main libre plongée dans sa poche intérieure tourna son visage dans leur direction. Se pouvait-il que des sorciers la filent ? Daisy était prête à dégainer, quand le moldu sortit un journal plié en trois de son manteau.
La jeune femme reposa son regard de fer sur les pages encrées et poursuivit alors :

- .. et je doute que cela n'éveille pas la méfiance ...

Daisy percevait parfaitement l’agacement au son de la voix de la serpentard, mais ne le commenta pas. Maintenant qu’elle était dehors, la jeune femme ne ressentait plus autant la frustration d’être coincée au château, avec tout un tas de gens qu’elle n’appréciait pas, loin de la guerre qui se préparait, mais elle pouvait aisément comprendre le sentiment de son interlocutrice.
D’un geste lent, elle ferma son livre, puis se leva avec nonchalance. Elle baissa la tête et dit d’une voix à peine perceptible mais maternante :

- Tout a été dit …. Bon courage Al’

Un diminutif qu’elle avait souvent usité au château à son égard, qu’elle lâcha presque par inadvertance, baissant sa garde, laissant place à la Daisy qu’elle connaissait, plutôt qu’à la messagère Blackstone. Puis, se perdant dans la foule, la brune partit à d’autres préoccupations.