La bibliothèque offrait un silence chaleureux et propice à l'étude. Aussi Luzia avait dès le réveil décidé qu'elle y ferait un tour pour rattraper l'énorme retard qu'elle avait prise en astronomie. C'était une matière avec laquelle elle n'avait pratiquement pas d'affinités. Non pas qu'elle trouvait le sujet inintéressant - au contraire, les planètes et leurs mouvements la fascinaient. Elle nourrissait aussi l’espoir qu'ils n'étaient pas les seuls et qu'il y avait d'autres galaxies habitée.

Mais là, force était de constater que le cours ne l'inspirait pas du tout. Elle ne comprenait pas ce qu'elle avait bien pu noter. Et les ouvrages qu'elle avait pris des étagères de la bibliothèque n'étaient pas franchement une aide. C'était trop complexe pour l'entendement de Luzia.


- Mouais, soupira Luzia...

Elle nota cependant la formule sur son cahier, faisant gratter sa plume contre le parchemin rugueux. "Poursuivons."


Luzia arqua un de ses sourcils. Toro-quoi ? Elle se força à relire la phrase ; elle comprenait les mots pris un par un, mais le sens était flou lorsqu'elle tentait une compréhension globale. La barbe !
Elle reposa sa plume sur sa feuille et se passa une main dans les cheveux.

Ça n'allait pas être demain la veille qu'elle aurait de bons résultats en astronomie...

Luzia sursauta sur sa chaise et se raidit immédiatement. Devant elle se tenait un jeune homme qui lui semblait sortir tout droit d'un livre imagé pour enfant. Elle ne comprenait pas trop ce qu'il avait fait à ses cheveux, mais il avait une cabellera alambiquée - une véritable crinière de lion. Un sourire amusé sur les lèvres, les yeux rieurs et une main négligemment posée sur la table de travail, l'élève avait une attitude décontractée qui plût de suite à Luzia.

Elle ne savait pas comment il s'appelait - en tout cas, à ce moment-là, son nom lui échappait complètement. Elle sut cependant qu'il était de sa maison pour l'avoir plusieurs fois croisé dans la salle commune. Elle le voyait régulièrement s'esclaffer avec ses amis. Le voilà devant elle à présent, qui lâchait une petite blague.

La jeune fille lui sourit et hocha de la tête. Elle s'assura que la bibliothécaire n'était pas dans le coin et que l'intervention du garçon n'avait pas troublé le calme studieux de ce temple de papier.

- Je crois bien oui, lui dit-elle en riant.

Puis comme elle sentait que c'était un peu court, elle se força à ajouter :

- Ça me fait plus l'effet d'un texte en runes qu'en anglais tellement c'est... ardu...

Elle n'avait pas l'habitude que l'on vienne lui parler ainsi et elle devait avouer qu'elle n'était pas très à l'aise. Qu'allait-elle bien pouvoir trouver à lui dire à présent ? Et pourquoi était-il venu la voir ? Gênée, elle lissa sa feuille de parchemin, laissant une traînée noire là où elle avait posé un point d'encre qui n'avait pas complètement séché.

Mierda

De quoi avait-elle l'air, à présent ?

Malheureusement, il avait tout vu pour l'encre étalée sur le parchemin de la jeune fille et qui tâchait aussi un peu ses doigts.

- J’espère pour toi que t’avais pas écris beaucoup, et surtout qu’il n’est pas à rendre, sinon tu dois tout recommencer ! Les profs ne supportent pas les copies trop mal soignés, et tu vas avoir du mal à l’enlever je pense, à part si tu connais le sort parfait.

Elle allait lui dire qu'un sort de nettoyage allait convenir - elle avait toujours trouvé ces sorts pratiques car ils s'appliquaient pratiquement à toutes les situations. Une fois, Luzia avait trébuché dans le parc en se rendant à un cours de botanique. Comme c'était l'hiver, elle avait mis de la boue sur ses genoux ; le sort de nettoyage lui fut salutaire. Son interlocuteur ne lui laissa pas le temps de dire quoi que ce soit : son regard parcourait la bibliothèque et s'accrocha à quelque chose que Luzia ne pouvait voir car c'était par dessus son épaule.

Soudain, le regard du septième année s'éclaira davantage - si c'était possible !

- Si tu as besoin d’aide, reprit-il, tu peux toujours demander à la fille derrière toi, je crois qu’elle se ferait un plaisir de t’aider !

La jeune fille arqua les sourcils - qui ça ?
Elle se retourna alors, en prenant garde d'être discrète. Elle fit comme si elle allait regarder les grandes fenêtres qui donnaient sur le parc et, ni vu ni connu, son regard ne fit qu'effleurer un trio de septième année. Une fille avec de longs cheveux ramassés en queue de cheval discutait d'une façon animée avec ses amies - elles étaient toutes les trois à Serpentard. Luzia comprit qu'elles discutaient du cours de potions et que la fille aux cheveux ramassés tentaient de le faire comprendre aux deux autres.

- Mais enfin, s'énervait-elle, ce n'est pas compliqué de comprendre que du pus de strangulos mêlé à du venin d'acromentule constituent un élément clé dans le breuvage du Mort Vivant !

Sa voix montait dans les aigus et prenait des allures agaçantes. Nul besoin d'être discrets : ce serait elle à qui la bibliothécaire s'en prendrait. La jeune espagnole se tourna vers le jeune qui regardait la scène avec amusement - son conseil n'était pas à prendre à la lettre.

- Je ne crois pas que j'irai me frotter à elle si je peux l'éviter, avoua-t-elle avec une moue rieuse. Je tâcherai de trouver quelqu'un de plus... charmant.

Elle lui sourit puis se poussa à demander :

- Je suis désolée mais... Ton nom m'échappe...

Avouer qu'elle ignorait son nom mettait Luzia mal à l'aise. Il paraissait tellement sûr de lui, comme si tout coulait de source, qu'à côté, elle se sentait puérile et... bête. Si seulement elle possédait son aisance et sa capacité à parler sans bafouiller !

- Ah oui… Je suis Charlie, s'exclama-t-il.

Sa bonne humeur l'entourait sans cesse et il ne semblait pas vouloir se départir de son sourire. Cependant, elle remarqua quand même que le garçon ne semblait pas franchement enthousiaste à l'idée de révéler son pénom – en avait-il honte ? La jeune poufsouffle se frotta les mains pour tenter de faire partir l'encre - elle ne voulait pas se risquer à jeter un sort devant Charlie au cas où il ne serait pas réussi. Autant ne pas prendre de risque !

- Enlève moi un doute, toi c’est Luzia c’est ça ? l'interrogea-t-il en plissant légèrement des yeux.

La jeune fille cessa son manège avec ses mains et écarquilla les yeux. Quoi, il savait comment elle s'appelait, elle, l'invisible, la discrète, celle dont personne ne faisait attention parce qu'elle prenait garde à ne pas se faire remarquer ? A ces mots, il écarta la chaise à côté de Luzia, produisant un petit bruit léger et fugace contre le parquet, et s'y assit. Puis il lui adressa un sourire ultra-brite auquel elle ne résista pas longtemps.

- Dios, souffla-t-elle avec un sourire, on peut dire que tu as bien appris ta leçon.

A ce moment là, elle songea que trois explications s'offraient à elle : Primero, elle lui plaisait et après avoir enquêté sur elle, il tentait une approche. Segundo, il s'intéressait à elle parce qu'il était une grosse commère - d'où le fait qu'il connaisse son prénom. Tercero, aller vers les gens faisait partie de sa personnalité et il connaissait naturellement les prénoms des élèves de sa Maison. S'il s'avérait qu'il s'intéressât réellement à elle, Luzia ne savait pas comment elle réagirait. Il était mignon et adorable, cela ne faisait aucun doute, mais... N'ayant pas confiance en elle, elle s'était toujours demandé ce qui, chez elle, était susceptible de plaire aux garçons. En fait, elle savait qu'elle ne se sentait pas capable de plaire à un garçon et que, si c'était le cas, c'était totalement fortuit !

En tous les cas, Luzia trouvait qu'elle avait affaire à un drôle de bonhomme jovial et plein d'entrain et que par conséquent, elle n'avait pas à se montrer farouche. Elle savait qu'au fond il parviendrait à la mettre à l'aise.

- Oh bah tu sais, je suis pas du genre à me casser la tête, je connais les gens ou je les connais pas…

Cierto, songea la jeune fille en riant - de bon coeur cette fois-ci et sans se soucier de troubler le calme de la bibliothèque. De toutes façons, la Serpentard se chargeait de cela à merveille.

- Je crois que c'est pareil pour moi, lâcha-t-elle entre deux éclats de rire. Je connais ou je ne connais pas les gens !

Elle se reprit et balaya ses cheveux d'un revers de la main. Charlie semblait déjà être passé à autre chose, comme s'il ne se souciait guère d'avoir dit quelque chose qui finalement, n'apportait pas grand chose à la conversation.

- Après, ajouta-t-elle sur un ton plus bas, tout dépend de ce que tu entends par connaître.

Luzia devait avouer qu'elle connaissait finalement peu de gens à Poudlard. Certes, il y avait Deidre, et il y avait ses amies. Et elle avait quelques connaissances - mais de là à les connaitre... Elle s'aperçut qu'elle entrait dans une réflexion qui dépassait de très loin ce qu'avait voulut dire - ou ne pas dire - Charlie. Aussi se garda-t-elle de formuler le cours qu'avait pris sa pensée. Et puis, qu'en avait-il à faire de l'inventaire de ses amis.
Elle remarqua alors qu'il regardait sa feuille souillée par l'encre avec un air sincèrement désolée - presque peiné...

- Bon, comment tu vas faire pour ton devoir du coup ? lui demanda-t-il en désignant son travail d'un léger signe de la tête.

Luzia sourit. C'était sympa de s'intéresser à ce qu'elle faisait, et surtout, de s’inquiéter.

- Ce n'est pas un devoir, assura-t-elle en secouant la tête. Je prenais juste des notes pour tenter de comprendre le cours.... Mais, je dois avouer que ça ne m'avance pas beaucoup.

Vale, il y avait bien une dizaines de lignes sur la symbolique des orbites des planètes - d'où son besoin de comprendre les calculs... Ceci dit, si elle n'arrivait pas, elle n'allait pas insister - elle rendrait le travail mais sans s'arracher les cheveux. Elle regarda sa feuille ; l'encre avait séchée et cependant, on voyait l'écriture arrondie de la jeune fille - tout n'était pas perdu.

- Je devrais peut-être arranger ça, sin embargo.

Elle se pencha et saisit sa baguette dans son sac. Charlie lui inspirait confiance - même si elle échouait, elle ne l'imaginait pas se moquer d'elle. D'ailleurs, n'avait-il pas lui même avoué qu'il ne s'y connaissait en rien au niveau des sorts de nettoyage ?

- Je ne suis pas sûre du tout de moi, prévint-elle, mais je crois que le sortilège Tergeo conviendrait le mieux.

Elle pointa sa baguette sur une tâche d'encre et prononça la formule. Rien ne se produisit. Mierda... Comment faisait son père, déjà ? Ne bougeait-il pas sa baguette ? Juste légèrement ?

- Tergeo.

Elle suivit le dessin de l'encre - et la tâche, sans s'effacer complètement, pâlit. Plutôt satisfaite, elle montra le résultat à Charlie :

- Alors ? Que pienses ?

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