Une non-voyante, c'est aussi efficace qu'une reconnaissance vocale moldue ... [Brook]

Sue était assise au bord de la table de consultation, les jambes pendantes, le visage baissé. Elle tremblait encore un peu, et ne demandait qu'une chose : s'endormir dans un profond sommeil qui l'éloignerait de ce cauchemar qu'elle vivait en ce moment. Elle avait cessé de pleurer, se fondant dans un mutisme à faire peur. Bobby n'avait rien dit non plus, se contentant d'agir comme un petit ami exemplaire, la conduisant à l'hôpital. Comment pouvait-il encore se montrer si gentil alors qu'elle avait été la pire des petites amies, perdant le contrôle face à son premier amour qui avait succombé au sort des plus impardonnables ?

Brionan. Comment avait-elle osé ? Comment avait-elle pu tomber aussi bas ? Chuck était mort et Sue ressentait une souffrance intérieure bien plus importante que celles qui s'affichaient sur son visage. On l'avait battue, rouée de coups ... on l'avait soumis au sort endoloris pour la première fois de sa vie ... Elle avait été torturée et cette torture ne faisait que renforcer ce besoin de se battre aux côtés de l'Ordre du Phoenix. En colère, pleine de rage, rien ne pourrait la dissuader de faire le bien. Elle se rendait compte que la meilleure amie qu'elle avait eu était devenue son ennemie.

Une porte s'ouvrit, et elle ne prit pas la peine de lever la tête, encore abattue.

Les quelques mots du médicomage furent suffisant pour provoquer des frissons d'angoisse à la non-voyante. Cette voix, elle l'aurait reconnue entre mille. Même si son état de fatigue, son manque de force ... et le fait de n'avoir rien mangé depuis 24h, cela ne l'empêchait pas de garder ses facultés de reconnaissance optimale. Grâce à son ouïe, elle "voyait" à qui elle parlait. Et cet homme-là était tout sauf commode ! C'était lui ... lui qui l'avait fait taire durant la journée, la frappant, lui envoyant quelques endoloris. Il l'avait torturée ! Peut-être pas autant que vous-savez-qui, mais ses bleus sur le visage venaient du poing de cet homme de soins ! Comment pouvait-il exercer une telle profession en étant ce qu'il était ?

Elle gardait le silence, alors que la question du mangemort restait en suspend. Elle flippait ! Elle ignorait ce qu'il allait lui faire ... Devait-elle jouer la carte de "je suis trop conne que pour reconnaître sa voix" ou justement l'accuser ?

La sagesse de l'ex Serdaigle la poussait à jouer l'ignorance ...

- " Enlèvement. Coups entrainant équimoses et contusions. Endoloris. " expliqua-t-elle le plus brièvement possible dans un débit rapide, habitée par la panique que lui provoquait la présence de cet homme dans cette pièce où personne, encore une fois, ne pouvait l'aider. Sa baguette ? Elle était toujours dans sa chambre ...

Elle montrait aussi des marques de brûlures sur les poignets, traces des cordes qui la maintenaient prisonnière ... Prisonnière. Elle se sentait comme ça en ce moment même !

Alors qu'il touchait son visage, la non-voyante sentait son coeur battre à tout rompre, l'adrénaline se répandant dans ses veines. Elle avait peur. Sue retenait sa respiration, alors qu'il lui faisait tourner la tête à droite à gauche. Quand il la relâcha, elle sentit sa respiration saccadée. Elle devait se calmer.

Sue était partagée dans ses émotions, entre la peur et la colère. Peur de se trouver impuissante face à lui et qu'il décide d'en finir réellement avec elle ... lui appliquant à nouveau les tortures dont il avait pu lui affliger. Ou alors cette colère qui avait envie d'exploser, de lui crier en plein visage qu'elle savait très bien qui il était. Elle avait envie de répondre sèchement à ses questions.

Si elle avait reconnu ses ravisseurs ? Elle voulait lui dire qu'une chose : " J'SUIS AVEUGLE, espèce de TROLL DES MONTAGNES ! " Mais elle se contenait. Elle devait garder son calme et sortir le plus rapidement de cette pièce.

- " Non, j'en ai parlé à personne. Je veux juste rentrer chez moi. " finit-elle par lui répondre. Fuir. Voilà ce qu'elle voulait faire. Et oublier ! Oublier tout ce qu'il s'était passé. " Je ne vois rien, monsieur. Je vois pas comment je pourrais reconnaître quelqu'un. " fit-elle remarquer, gardant son calme ... et continuant à faire croire à son agresseur qu'elle n'était pas capable de reconnaître une personne rien qu'au son de sa voix.

- " Je peux m'en aller maintenant ? Si ce ne sont que des ecchymoses, je ne vois pas ce que vous pourriez faire de plus ... " dit-elle, se relevant de la table de consultation, résignée à filer de là. C'était la deuxième fois dans l'espace d'une minute qu'elle parlait de partir ... Elle finirait par éveiller les soupçons si elle ne calmait pas son jeu. Mais comment se calmer quand on se trouvait face à son agresseur, et sans baguette ?!?

Ne pas avoir la vue avait permis à Sue de développer certains sens ... et même d'en créer un autre qui palliait à l'absence de la vue. Un sens que personne n'avait : c'était comme une intuition qui ne lui faisait jamais défaut. Une sorte de conviction qu'elle ressentait sans en connaître l'origine. Et celle qu'elle ressentait en ce moment, était cette persuasion que ce médicomage avait compris le jeu de la non-voyante. Il se doutait que Sue l'avait reconnu, et en entendant ses gestes, elle se rendait compte qu'il était prêt à la faire taire.

Sue savait que jouer les agressives ne l'aiderait pas, qu'appeler à l'aide ne la sauverait pas ... et que continuer à mentir ne la tiendrait peut-être que quelques minutes en plus en vie. Il ne lui restait plus que la franchise pour espérer s'en sortir.

Elle se retourna vers le jeune homme, consciente qu'il tenait dans sa main sa baguette magique :

- " Ok. Dès que vous avez prononcé un mot, j'ai su qui vous étiez. Je veux pas avoir plus de problème que j'en ai eu durant ces dernières 24h. Je veux juste rentrer chez moi et oublier la nuit que j'ai passé. " marmonna-t-elle comme pour montrer sa bonne foie à ne pas faire griller le mangemort. " Laissez-moi partir. Je n'ai rien contre vous. Je ne connais même pas votre nom ... " supplia-t-elle. Elle finissait par avoir l'habitude de supplier depuis quelques heures ... Elle n'avait fait que ça ! Mais qu'était-on prêt à faire pour avoir la vie sauve ?

Son stratagème marcherait-il ? Elle l'ignorait, et ne mettait pas beaucoup d'espoir de son côté ...

« Ok. Dès que vous avez prononcé un mot, j'ai su qui vous étiez », fit la patiente.
Tiens donc, il avait vu juste. Et certains osent dire que l'intuition est exclusivement réservée aux femmes.
« Je veux pas avoir plus de problème que j'en ai eu durant ces dernières 24h. Je veux juste rentrer chez moi et oublier la nuit que j'ai passé », poursuivit-elle.
Il était peut être trop tard pour ne pas avoir de problème. Choisir comme amies des filles de mangemorts... Brooklyn ne connaissait pas toute l'histoire mais tout ce qu'il savait était que cette gamine avait risqué sa vie toute seule. Maintenant, elle allait en payer le prix.
Le médicomage l'écoutait déblatérer en lui tournant le dos. Un léger sourire aux lèvres, il était en train de préparer une piqûre qui allait laisser la jeune fille sans voix. Ou sans vie.
« Laissez-moi partir. Je n'ai rien contre vous. Je ne connais même pas votre nom...
— Silencio », la coupa Brooklyn.
Sa baguette dirigée vers la non-voyante, il venait de la rendre muette d'un simple sortilège. Ce serait plus simple, pas de cri, pas d'alerte, rien du tout. Puis il s'approcha d'elle, sa seringue en position d'attaque...
« Quand bien même tu connaîtrais mon nom, tu n'en aurais plus aucune utilité dans moins de deux petites minutes... »

Encore une fois, quand tu te trouves aveugle ... t'es en position de faiblesse. Il ne te reste plus qu'à espérer qu'il se passe quelque chose qui te sauvera encore une fois la vie. Chuck n'était pas mort pour que Sue crève dans les 24h qui suivaient son décès !
Et pourtant, la non-voyante était là, devant un mangemort qui avait toute son emprise sur elle ... et elle ne savait même pas ce qu'il s'apprêtait à faire ! Elle en avait juste une petite idée.

Sa bouche s'ouvrit, essayant de crier à l'aide ... mais c'était inutile, aucun son ne sortait. Alors que son agresseur la tenait fortement, prêt à faire la piqûre, ... une porte s'ouvrit.

- " Non, je n'attends pas. Je travaille dans l'hôpital, j'ai bien le droit d'examiner moi-même ma propre fille ! "
" Papa, mon sauveur ! " pensa-t-elle, n'ayant jamais été aussi heureuse d'entendre le son de sa voix. Il avait été mis au courant. En même temps, elle portait son nom, un de ses collègues urgentistes avaient du surement faire le rapprochement : une aveugle au nom de Wilson, ça courait pas les rues !

Son père semblait s'adresser à une des assistantes médicomages. Le geste de Brooklyn s'était stoppé net. Sue ne sentit rien : elle était réellement saine et sauve ... mais pour combien de temps ?

- " Merci, jeune homme. Je prends le relais. " dit-il en s'adressant au médicomage déjà présent. Puis, une fois face à sa fille, ignorant déjà le jeune homme, il prit Sue dans ses bras : " Que s'est-il passé ? Le ministère m'a appelé ... tu as disparu de la résidence. Bobby va bien ? Que vous a-t-on fait ? " posaient-ils déjà un millier de questions, examinant déjà les bleus de sa fille et les contusions.

Sue était encore en état de choc et restait sans voix, quelques larmes de soulagement s'échappaient de ses yeux bleus océan ...

Brooklyn, à quelques centimètres à peine de sa victime, s'apprêtait à enfoncer la seringue dans la peau de la jeune fille quand soudain...
« Non, je n'attends pas. Je travaille dans l'hôpital, j'ai bien le droit d'examiner moi-même ma propre fille ! »
Brooklyn recula vivement et cacha son arme dans la poche de sa blouse. Eh merde ! Qu'avaient-ils tous à lui tomber dessus avec un aussi mauvais timing, en ce moment ?
« Merci, jeune homme. Je prends le relais. »
Il ne l'avait même pas regardé. Pas une seule fois. La respiration de Brooklyn s'était accélérée, il tenta de la calmer tout en quittant la pièce à reculons. Il ne l'avait pas vu. Mais merde ! Brooklyn se flanqua son poing sur le front. Son nom était inscrit sur le dossier comme étant le médicomage qui se chargeait de la patiente. Il n'avait plus qu'une solution, employer une technique que son père lui avait apprise...
Brooklyn sortit sa baguette magique et, dans le cadre de la porte, il pointa discrètement son bout de bois en direction de la non-voyante. Grâce à un sortilège informulé, il fit en sorte qu'il serait dorénavant impossible à Sue Wilson de mentionner ce qui venait de se passer. Dès qu'elle ouvrirait la bouche pour raconter ce qui s'était produit dans cette pièce, aucun son ne sortirait. On prendrait ça pour un traumatisme quelconque. Et Brooklyn serait tranquille. Pour l'instant.

- " Bobby va bien. " avait-elle répondu dans un soupire. Elle ignorait où il était en ce moment. Peut-être occupé de boire un café serré à la buvette.

Au son de sa propre voix, Sue se douta que Brooklyn avait levé le sort ... Elle pouvait parler ! Rapidement, elle tenta de raconter ce qu'il venait de se passer dans la salle de consultation :

- " ... "

Mais aucun son ne sortit.

- " Oui, ma chérie, que veux-tu me dire ? " demanda son père, se rendant compte que sa fille essayait de lui expliquer quelque chose.

Elle retenta, mais encore une fois, ce fut le calme plat.

- " Je n'arrive pas à le dire. " dit-elle, surprise que d'autres paroles arrivaient à sortir de sa bouche, mais pas les faits qui venaient de se produire. Et Sue comprit rapidement avec effroi : les yeux horrifiés, elle se rendit compte qu'elle était seule ! Personne ne pourrait être au courant de ce qu'il venait de se dérouler ... Brooklyn avait du lui lancer un sort avant de partir.

- " Ne t'inquiète pas, c'est le choc post-traumatique. ça te reviendra. On va te faire passer quelques radios pour être sûr que tu n'as pas reçu un coup qui risquerait de provoquer une commotion cérébrale. Tu n'as pas la nausée ? Tu as remis avant de venir ? Tu te sens fatiguée ? "

Mais Sue ne l'écoutait déjà plus, apeurée à l'idée que Brook la retrouve ... et finisse ce qu'il avait commencé. Elle ne pourrait prévenir personne, même pas Bobby. Elle était seule.

[THE END ]