Les yeux de la sorcière brune se posèrent sur le visage de son époux, vides de toute expression. D'un simple regard, les deux Lestrange se comprirent. Nulle discussion n'était utile quant à la façon de résoudre la situation. Rodolphus reporta son intérêt sur son assiette, saisit son verre de brandy et regarda vers la fenêtre, croisant les jambes. Bellatrix se redressa, sortit sa baguette de sa poche et la pointa sur l'elfe de maison qui venait de renverser un des plateaux d'argent du service de leur mariage. Pas que Bellatrix lui eut trouvé une quelconque beauté, mais elle n'appréciait pas l'incompétence de la part de son personnel. Et ce qu'elle n'appréciait pas, elle le rayait de sa vie. Une lueur verte illumina le salon, emportant la vie de la minuscule créature. Trouve-m'en un autre avant la réception de mercredi, lança-t-elle à son mari avant de quitter la salle. Sautillant comme une enfant, elle lança des sortilèges à droite et à gauche, sans se préoccuper des fenêtres et des vases qui volèrent en éclats. Rodolphus les réparerait. Attrapant sa cape - puisqu'il n'y avait plus d'elfe pour le faire, elle transplana sur le Chemin de Traverse.

Poussant la porte de la boutique Moon & Stars, les lèvres de la sorcière se courbèrent en un rictus de plaisir. Tout était sombre, bien différent de d'habitude. Bellatrix adorait qu'on se plie en quatre pour elle - cela signifiait qu'on la craignait. Et à défaut d'être appréciée, elle préférait qu'on frémisse en sa présence. La patronne - la cadette Moon - était de celles dont elle se méfiait profondément. Son allégeance au Seigneur des Ténèbres n'était pas des plus ferventes et, malgré les relations des Black avec les Moon, Bellatrix ne voyait pas en Minerva la plus assidue des servantes de son Maître. Dès que la rousse ouvrit la bouche, ce fût pour envelopper Bellatrix d'un nuage de flagorneries qui amusèrent la brune. Elle adorait qu'on la flatte et plus l'hypocrisie était lourde, plus elle s'en délectait. Elle-même virtuose dans l'art de mentir et de tromper, elle ne voyait l'étendue de son talent que lorsque les autres s'évertuaient à l'atteindre. Elle ne répondit que par un signe du menton, sans un regard pour l'autre vendeuse. Et ne remarqua même pas la présence de l'elfe de maison. Elle suivit Minerva Moon à travers les sécurités menant au salon privé. C'était la moindre des choses, répondit froidement Bellatrix lorsque la vendeuse mentionna qu'elle l'avait réservé spécialement pour elle.

D'un rapide coup d’œil autour d'elle, la sorcière remarqua la décoration luxueuse des lieux. Elle arqua un sourcil en voyant les multiples miroirs parant les murs. Votre décoration doit plaire aux narcissistes, mademoiselle Moon, lança-t-elle avant de prendre place dans un des fauteuils. Un whisky pur feu, répondit-elle en portant son regard sur les petits fours disposés sur la table basse. Remarquant qu'ils étaient exactement ce qu'elle affectionnait, elle courba les lèvres en un sourire ironique, puis releva la tête, plongeant son regard sombre dans les yeux de la vendeuse. Vous semblez bien informée, dit-elle avec un petit sourire, avant de mettre le petit four dans sa bouche.

Bellatrix attrapa son verre d'alcool, se délectant de la première gorgée. Rodolphus et elle savaient apprécier un bon verre de Whiskey Pur Feu après le retour d'une mission, installés dans leur salon. C'était bien là l'unique moment "normal" de leur journée. Le reste du temps, ils tuaient, terrifiaient et ordonnaient. La routine, quoi. Et, assise dans la boutique Moon à faire ses courses, Bellatrix se sentait horriblement banale. Elle croisa les jambes, espérant ainsi se débarrasser de cette désagréable impression. Tout ce qui la rapprochait de l'image de femme au foyer lui faisait horreur. Rodolphus avait bien fini par le comprendre.

Bien sûr, s'amusa-t-elle lorsque Moon l'informa que Narcissa avait vendu la mèche. Elle se promit d'avoir une discussion avec sa petite sœur. Pas qu'elle lui en veuille, mais elle espérait au moins qu'une telle information avait été bien monnayée, à l'avantage de l'épouse Malefoy.

Buvant une nouvelle gorgée de sa délicieuse boisson, la sorcière reporta son attention sur les robes pendues aux portants. Qu'avez-vous donc à me proposer, ma chère Minerva ? demanda-t-elle alors, semblant se détendre. Ce n'était, bien sûr, que vile tromperie. Bellatrix n'était jamais détendue. Toute marque de sympathie ou de déférence était toujours savamment calculée pour mettre l'hôte à son aise, histoire de le faire mariner.

La sorcière se leva, s'approchant des portants. Toutes aussi noires que son âme, les robes étaient assez semblables. Celle-là, dit-elle alors en en décrochant une d'un mouvement de baguette, l'envoyant dans la cabine. Elle engloutit son verre et le déposa sur le guéridon. Un autre, dit-elle avant de gagner la cabine et d'en tirer le rideau. Elle se tourna alors vers le miroir placé dans la cabine, faisant face à son propre reflet. A vingt-cinq ans, elle en paraissait dix de plus. Engoncée dans sa robe sombre, le teint pâle comme la mort et les cheveux en bataille, il n'y avait que l'étincelle de folie naissante dans ses yeux pour rappeler au monde à quel point elle était à craindre.

Reportant son attention sur la robe, elle en examina les détails avant de quitter la sienne, pour se changer. Lorsqu'elle eut fermé les boutons, elle écarta le rideau d'un geste énervé et s'avança vers le centre de la pièce, devant le miroir. Un rapide coup d’œil puis elle lança la conversation. Comment va votre famille, ma chère ? demanda-t-elle. Bellatrix avait une profonde aversion pour les Moon, mais si elle voulait savoir sur quel pied dansait la jeune Minerva, elle devait bien se tenir au courant des relations que l'héritière entretenait avec le reste de sa famille.   

La grâce innée des Black... Certes Narcissa était d'une beauté rare. Andromeda quant à elle, avait ce petit air effronté qui avait auréolé son visage d'espièglerie pendant leur enfance, jusqu'à ce qu'elle choisisse de renier son sang pour épouser ce bon à rien de Tonks. Les yeux de Bellatrix rencontrèrent son reflet. Elle avait un gracieux port, elle ne pouvait le nier. Cependant, ces trop nombreuses fois à regarder la mort en face ou, pire, à l'infliger, avaient altéré ses traits. La beauté héritée de Druella Rosier s'était évaporée, ne laissant que les vestiges de cette grâce que vantait la jeune sorcière rousse. Bellatrix n'avait que faire, d'être belle. Elle était mariée et ne cherchait nullement à plaire à son mari. Son unique bonheur était de plaire au Seigneur des Ténèbres, puisqu'il n'y avait plus cet Homme pour éveiller en elle une féroce passion pour la vie. Pour Lui elle s'était pomponnée, pour Lui elle s'était maquillée, pour Lui elle avait fait attention à son habillement et amélioré son maintien. Pour Lui uniquement elle avait été belle et gracieuse - pour personne d'autre.

La sorcière fit la moue, affichant son mécontentement. Puis elle embraya sur les Moon. Le malaise de la commerçante se fit aussitôt sentir - malaise qu'elle tenta vainement de cacher d'un bien maigre sourire. Bellatrix jubilait. Le plus tôt sera le mieux, ma chère. Et je ne peux que confirmer vos dires. Ces impurs pullulent tels des bubons de Peste noire. Il est de notre devoir de les empêcher de procréer. Je suppose que vous avez bien compris cela, très chère ? demanda-t-elle avec un sourire. Bellatrix prit son verre et en avala un gorgée, se délectant de l'alcool coulant dans sa gorge. Non, celle-ci ne me convient pas, finit-elle par déclarer en regagnant la cabine d'essayage. Apportez-moi la dernière sur la droite, ordonna-t-elle en tirant le rideau.

Se tordant en deux, la sorcière tenta d'ouvrir les boutons qui fermaient la robe dans son dos. Alors qu'elle la retirait, elle s'empêtra dedans. Battant des bras comme un oisillon tombant du nid, la sorcière glissa en arrière. Dans sa chute, elle saisit le rideau, l'arrachant à la tringle. Empêtrée dans sa robe et dans le rideau sombre, les fesses par terre et les cheveux en bataille, la sorcière serra les dents et retrouva la lumière. Elle se redressa, le buste découvert et la robe encore attachée à la taille. Elle releva le tissu pour cacher sa quasi-nudité couverte par un soutien-gorge du même ton. Noir, toujours. Bellatrix avait porté des couleurs, à Poudlard. Elle avait osé l'excentricité de l'adolescence et de l'expression personnelle loin de la rigidité de son père. Et puis la fatalité était venue s'en mêler, emportant avec elle la joie de vivre d'une jeune adulte trop tôt projetée dans le monde sombre et triste de la réalité. Alors elle avait opté pour le noir dès le lendemain de sa lune de miel, devenant sombre, détestable et cruelle. Elle avait toujours eu un penchant pour infliger la douleur aux autres et s'en délecter mais l'égarement de ses amours avec Dolohov avait évaporé en elle les dernières effluves d'une prévenance que lui-seul avait connue.  

Sortant sa baguette, elle remit le rideau en place et regagna la cabine d'essayage. Ma robe, je vous prie, dit-elle froidement en se tournant vers Minerva avant de tirer le rideau et d'enlever lentement celle qu'elle venait d'essayer.

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Dans sa cabine d'essayage, Bellatrix contenait sa colère. L'humiliation qu'elle venait de s'auto-infliger ne faisait qu'augmenter son mécontentement. Et la sorcière avait pour habitude de faire payer aux autres sa fort méchante humeur. Moon ne ferait pas exception.

Préparant déjà ses prochaines répliques cinglantes, l'héritière Black passa la robe que la commerçante venait de lui donner. Non, celle-là n'allait pas non plus. A vrai dire, Bellatrix ne se sentait plus dans l'ambiance pour faire des essayages. L'impression de normalité qu'elle détestait tant ne faisait qu'augmenter au fur et à mesure qu'avançait le temps. Et il n'y avait guère que le malaise de Minerva Moon pour lui redonner de sa fourbe gaieté. Encore fallait-elle que les deux sorcières soient face à face. Quoique Bella imaginait déjà la réaction de la sorcière rousse après cet épisode.

Elle remit sa propre robe et ouvrit le rideau d'un geste énervé avant de se saisir de son verre, en avalant une gorgée. Elle s'approcha de la tringle sur laquelle étaient pendues les robes et tout en passant son doigt sur chacune d'elles, engagea la conversation comme si les dernières minutes n'avaient pas existé. Je suppose que votre mère vous a déjà choisi un époux, ma chère, dit-elle sans tourner la tête vers la commerçante. Les bons partis se font de plus en plus rares, ces temps-ci. Il y aurait bien le cadet Lestrange, mais je ne supporterais pas de vous avoir pour sœur, ajouta-t-elle en se tournant d'un bloc vers Minerva, plongeant son regard noir dans les yeux craintifs de la rouquine. Il doit bien y avoir une famille digne de son sang-pur qui accepterait de vous épouser. Les derniers mots furent prononcés avec tout le profond mépris qu'avait Bellatrix pour le clan Moon.

Bellatrix aurait été à la place de Minerva, elle n'aurait pas supporté une minute de plus qu'on s'en prenne ainsi à sa famille. Mais la sorcière brune savait fort bien qu'on n'avait jamais osé s'élever contre elle. Et qu'on n'oserait sûrement pas. Quoique cela ne serait pas pour lui déplaire. Bellatrix n'appréciait rien de plus que souffler une flamme d'espoir. Je ne comprends même pas qu'à votre âge vous ne soyez ni mariée, ni mère si vous souhaitez tant n'être qu'un ventre pour aider notre cause, ajouta-t-elle en la regardant droit dans les yeux.