« It was twenty years ago today, Sgt. Pepper taught the band to play, they've been going in and out of style, but they're guaranteed to raise a smile... »

La voix basse d'Emmeline n'était qu'un murmure un peu rauque dans la pénombre de la salle commune. Il était minuit passé, et les Serdaigle étaient tous en train de prendre des forces pour l'entraînement et les cours du jour suivant. Tous, sauf elle.

« ...So may I introduce to you, the act you've known for all these years.... »

La lumière magique qui flottait doucement autour d'elle lui permettait tout juste de relire ses notes de métamorphose pour le contrôle du lendemain, sans pour autant éclairer trop au risque d'atteindre les couloirs plus hauts. Malgré l'heure tardive, c'était les yeux grands ouverts et le pied battant le rythme de la chanson qu'elle révisait tranquillement adossée contre un sofa. Certes, il fallait avouer que trouver un élève chantant une vieille chanson des Beatles entouré par des dizaines et des dizaines de feuilles volantes éparpillées sur ses genoux et chaque centimètre carré disponible de son fauteuil n'était pas... chose courante, dirions-nous. Pas vraiment. Pas vraiment du tout. Mais une personne connaissant un minimum Emmeline Vance et sa lubie de ne jamais travailler sans bruit aurait comprit qu'elle chantait simplement pour ne pas être confrontée au pesant silence habituel de cette heure singulière; lorsque tous les êtres vivants du château étaient plongés dans un profond sommeil et que plus aucun signe de vie n'était visible...

« ...Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band!!! »

Heureusement qu'elle avait cette bonne vieille chanson au rythme entraînant pour s'isoler de la solitude des insomniaques. Insomniaque, oui, parce qu'elle tenait trop à son quota de sommeil (et à son teint de peau matinal) pour y renoncer volontairement, même pour réviser... Par contre le sommeil lui n'avait eu aucun scrupule à l'abandonner, la laissant se tourner et se retourner dans son lit pendant des heures avant qu'elle ne finisse par renoncer, agacée, et parfaitement réveillée. Elle se connaissait, pas la peine d'essayer de s'endormir surtout après avoir dépassé l'heure des ronflements de ses camarades de dortoir... Impossible de fermer les yeux dans l'angoissant silence de sa chambre!

Cela faisait bien une heure qu'elle passait en revue les plus grands chefs d'œuvres des Beatles; Yesterday, Hey Jude, Let It Be, Penny Lane... et maintenant le refrain de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band. Ce qui était presque plus instructif que de relire ses cours qu'elle maîtrisait déjà. Bon, il fallait l'avouer, elle s'ennuyait. Profondément. Mais elle ne voyait pas ce qu'elle aurait pu faire d'autre que de travailler. Et d'ailleurs, c'était ce qu'elle devait faire, travailler. C'était sa dernière année et même si Emma ne doutait pas un instant de sa réussite, elle préférait se concentrer toute entière sur ses études.

« ... Sgt. Pepper's Lone..... » Emmeline se stoppa brutalement. Le "tam-tam" pesant de l'individu bruyant et à première écoute pas des plus légers (ou du moins qui ne faisait aucun effort pour faire preuve de discrétion, encore un qui se souciait beaucoup des dormeurs alentours!) lui signifiait que contrairement à ce qu'elle pensait, elle n'était pas le seul oiseau de nuit.  "Putain Vance, tu m'as fait flipper. Encore plus que d'habitude, j'veux dire. Qu'est-ce que tu fous ici ?"

Oh joie. Oh doux son parvenant aux oreilles d'Emmeline, qui grimaça à la grossièreté de Bertram. On pourrait croire qu'à force de subir ses moqueries, en sept ans, elle se serait habituée. Sauf que non. On ne s'habituait jamais à un tel vocabulaire... enfin pas elle.
Reprenant un air indéfinissable, la brune se retourna, maudissant mentalement sa malchance... et se félicitant de la pénombre ambiante qui prit soin de cacher son teint pivoine à la vue de la tenue de Bertram. Fichtre. Il était vraiment bien fait comme même. Mais Merlin s'acharnait sur elle, pourquoi n'avait-il pas eu la divine idée de dormir en chemise?! Et elle de porter autre chose qu'une chemise de nuit en soie française offerte généreusement par sa grand-mère...et pas des plus couvrante. Note à elle-même : ne plus sortir de sa chambre autrement qu'habillée complètement ou recouverte d'un châle, a minima.

« Je peux te retourner la question. » lui répondit-elle d'une voix froide, et peut-être aussi un peu sèche. De un, il l'avait interrompue dans son ennui nocturne. De deux, il la prenait au dépourvu, ce qui signifiait qu'il avait pris un avantage sur elle. De trois... Ah mince, elle en avait oublié sa bonne résolution. Se montrer gentille pour aller dans le sens de Bertram, qui sans qu'elle ne puisse comprendre pourquoi, s'était mis à cesser de la poursuivre de ses moqueries pour se montrer presque... cordial. Oui, elle en était la première étonnée.

« Tu m'as aussi surprise, je pensais être la seule oubliée par le marchand de sable. » dit-elle d'une voix plus douce en rangeant ses papiers dans une pile parfaite avant de se lever complètement et de les poser sur l'accoudoir. Emmeline offrit l'ébauche d'un sourire au Serdaigle (il ne fallait pas trop en demander non plus) : « Insomnie pré quidditch? Si tu veux, il me reste une potion de sommeil quelque part dans ma chambre, ça ne me dérange pas de te la donner. »

On pouvait croire qu'elle faisait juste preuve d'une grande gentillesse. C'était en partie vraie. L'autre partie, c'était qu'elle aimerait bien qu'il la laisse seule, parce qu'il était trop tard pour qu'elle étudie le cas si complexe de Bertram et de leur "relation"... Ou plus exactement de Bertram et du capharnaüm d'émotions contradictoires qu'il provoquait chez elle.

Emmeline comprit tristement que son plan n'avait absolument pas fonctionné dès qu'elle vit Bertram s'installer comme s'il s'attendait à y passer la nuit dans un fauteuil... Bien entendu, il avait fallu qu'elle réussisse à raconter quelque chose d'idiot dès ses premiers mots. Voilà pourquoi elle évitait au mieux les longues conversations, elle n'était jamais à l'aise lorsqu'il s'agissait d'échanger avec un autre individu doué de parole... Parce qu'elle ne savait jamais à quoi s'attendre. Toute logique pourtant primordiale en ce monde semblait déserter les êtres et leurs gestes, chaque mot, chaque mouvement était une nouvelle surprise. L'inattendu déplaisait à la jeune Serdaigle qui aimait tout contrôler. Mais Bertram se situait hors de ses capacités de compréhension et d'analyse.

"Ma belle". Voilà qu'il recommençait! Emmeline détourna son visage brulant en entendant ce surnom qu'il se plaisait tant à lui donner depuis peu. Pourquoi? Cela le mettait terriblement mal à l'aise qu'il l'appelle ainsi alors qu'ils n'étaient que... que quoi? Au final, elle était incapable de trouver ce qui qualifiait leur relation. C'était frustrant, de voir avec quelle facilité il réussissait à la déstabiliser. Il se moquait encore. Toujours. C'était habituel, mais pourtant différent de tout ce qu'il pouvait lui faire subir quelques mois plus tôt. Un revirement de comportement auquel elle avait du s'adapter par la force des choses.


« Ah.... eum... oui c'est vrai, je voulais dire entraînement. » se justifia-t-elle maladroitement. Elle ne savait pas quoi faire. Retourner à ses révisions? Impensable. Le souvenir cuisant des humiliations que lui faisait subir Bertram était encore trop vif pour qu'elle se permette de faire quelque chose qu'il pourrait voir comme une attaque personnelle. Car oui, si elle faisait autre chose alors qu'il était à côté d'elle, il aurait l'impression qu'elle le prenait pour trop inintéressant; et ainsi il risquait de redevenir comme avant. Ce qu'elle ne voulait pour rien au monde. En attendant, elle ne pouvait que jouer la carte de la prudence et suivre Bertram dans sa "gentillesse"; sans savoir si elle était la cible d'une nouvelle sorte de jeu aux règles inexistantes ou qu'un mystérieux évènements avait convaincu Bertram qu'elle n'était pas un punching-ball verbal.

Comme le fait de rester debout la faisait se sentir vulnérable, Emmeline retourna s'asseoir lentement, dans le fauteuil en face de celui de Bertram, politesse oblige. Scrutant de ses intenses yeux bleus le Serdaigle comme plongé dans quelques autres pensées, Emmeline songeait qu'elle allait devoir faire avec. Il avait décidé de rester, elle aussi. Elle ne partirait pas même si elle se sentait complètement perdue en sa compagnie, bien qu'heureusement elle réussisse généralement à le dissimuler... Enfin sauf lorsqu'il sortait ce genre de phrases à sens caché qu'elle ne préférait pas connaître.

La brune garda un visage inexpressif même si en vérité, elle bouillonnait de l'intérieur, d'un trouble étrange qui la faisait se sentir toute chose à ce genre de déclarations. A croire que chacun des mots de Bertam n'était destiné qu'à la plonger dans d'intenses réflexions existentielles qui n'en finissaient pas... Emma ne savait plus ou se mettre. Voilà qu'il devenait ironique, c'était gênant. Elle croisa les jambes. Les décroisa. Les recroisa à nouveau, cherchant vainement une position qui la ferait se sentir moins découverte.

Le silence succéda à la réplique malicieuse de Bertram, et pour une fois, Emmeline n'avait aucune solution. Droite comme un I, elle le fixait simplement, sans réaction apparente. Que dire? Que faire? Bien que qu'elle ne pouvait pas répondre à quelque chose d'aussi...
Il lui fallait trouver un moyen de briser de retourneur (oui, parce qu'il semblait qu'ils soient bien partis pour passer la nuit ensemble -pas de sous entendu là-dedans- alors autant trouver de quoi faire), et aussi de changer de sujet de conversation. Quelle réponse logique pouvait-elle fournir? Ah, oui. Emmeline se rendait compte qu'elle ne connaissait pas grand chose de son "bourreau", sauf qu'il aimait se moquer d'elle et qu'il était capitaine de l'équipe des bleus. Et bon élève, aussi, bien que moins qu'elle (ce qu'elle mettait un point d'honneur à démontrer dès qu'elle en avait l'occasion).
Mais elle devait avouer qu'elle avait un véritable désir d'en savoir plus. Il l'intriguait, et pas seulement à cause de son comportement difficile à prédire. Autant profiter de cette occasion inespérée d'en apprendre plus, de traduire la partition si particulière qui constituait Bertram Aubrey. Et toujours de changer de sujet.

« Tu comptes faire carrière dans le Quidditch, alors? »

Emmeline n'avait pas prévu que Bertram se prendrait au jeu, qu'il accepte si honnêtement de répondre à sa question. Elle n'avait pas non plus prévu sa réaction, ce sourire qu'elle ne lui avait encore jamais vu. En effet, Bertram s'étant toujours montré particulièrement odieux avec elle, et Emma avait eu droit à un bon nombre de sourires : moqueur, amusé, méchant... Mais jamais quelque chose d'aussi... naturel. Cela le rendait plus beau, fut la première pensée qui lui vint à l'esprit. Emma n'avait jamais porté grand intérêt à l'apparence physique (seulement à celle vestimentaire!), mais en cet instant, face à un Bertram semblant si passionné, si honnête, elle était touchée... et se sentait toute chose. Étrange comme une simple expression pouvait faire apparaître quelqu'un sous un jour totalement différent. Peut-être qu'il n'était pas seulement ce jeune homme désagréable qu'il avait toujours paru. Peut-être que les quelques gentillesses dont il faisait depuis peu preuve à son égard n'étaient pas qu'une feinte, mais une autre parcelle de sa personne qu'il ne dévoilait que maintenant?

Et voilà que sa question qu'elle voyait comme une échappatoire se retournait contre elle. Emma en venait à douter de ce qui lui avait toujours paru si évident : Bertram Aubrey était un adolescent détestable qui prenait du plaisir en ridiculisant les autres, elle particulièrement. Elle ne pouvait pas apprécier quelqu'un comme cela, n'est-ce pas?
Heureusement -ou malheureusement- le Serdaigle ne tarda pas à redevenir lui, ce qui permis à Emma d'abréger sa réflexion. Peut-être qu'il fallait mieux ne pas chercher à mettre à jour ses sentiments. C'était mieux pour sa survie. Pour une fois, elle ne voulait pas savoir.

Aïe. Problèmes à l'horizon. Ainsi Bertram ne s'était pas laissé totalement berné par l'apparente gentillesse d'Emma. Elle pensait pourtant jouer à la perfection la fille aimable et sans rancune. Mais lui même était loin d'être stupide, s'il savait à quel point il était proche de la vérité... Elle n'était pas assez courageuse pour lui avoir avoué toute la rancœur qu'elle ressentait à son égard. Ou peut-être qu'elle aurait pu, s'il ne s'était pas soudainement décidé à la traiter plus gentiment. Cela l'avait complètement déboussolée, elle n'était pas habituée à ce qu'on se comporte ainsi avec elle. Pour Bertram, elle n'était pas invisible. Quant à savoir ce qu'elle était...
Emma garda la même expression, laissant Bertram s'approcher avec une légère appréhension. Il arrivait toujours à la prendre de court, avec cette question à laquelle elle devait trouver un beau mensonge comme réponse.

Bleu contre bleu, ciel contre glace. Emmeline interpréta ce contact visuel soutenu comme un défi sous-entendu lancé par Bertram. Défi qu'elle releva de bon gré, parce qu'elle n'avait plus l'intention de le laisser gagner par manque de courage.
La jeune fille garda les yeux bien fixes, soutenant avec intensité le regard de celui qui réussissait tant à la troubler; laissant transparaître dans ses yeux ce désir de vaincre qui pouvait sembler puéril, mais elle avait trop longtemps subit en silence pour ne pas profiter de l'occasion pour gagner un combat. Elle ne pouvait dire à haute voix ce qu'elle pensait vraiment, mais ses yeux, eux, pouvaient parler sans complètement la trahir. Cette fois, elle ne perdrait pas. Elle ne baisserait pas ses yeux, malgré cette proximité dérangeante, elle ne pouvait laisser transparaître la moindre faiblesse. Plus que jamais elle devait être Emmeline Vance au masque de glace, sinon il prendrait l'avantage. Inacceptable.

« Je ne te déteste pas, si c'est ce que tu veux savoir. » Elle n'aimait pas forcément mentir, loin de là. Alors autant lui donner une mi-vérité qui l'occuperait assez pour qu'il ne se rende pas compte qu'elle n'avait pas complètement répondu à sa question. Et puis c'était vrai, elle ne le détestait pas. Elle ne ressentait pas l'envie de lui faire du mal lorsqu'elle le voyait, simplement de le battre, d'être meilleure. « Toi par contre, il n'y a pas si longtemps, tu semblais ne pas me porter dans ton cœur... » Et maintenant? Maintenant elle ne savait plus quoi penser...

Une tension soudaine semblait les relier, peut-être à cause de leurs regards qui ne pouvaient pas se lâcher, peut-être à cause de leur proximité... Comme si la tempête n'attendait qu'un seul geste pour se déchaîner.

Cette discussion prenait un tour des plus étranges. Du Quidditch ils en venaient à parler de leurs... leurs sentiments respectifs. Plus que jamais Emma rêvait d'être à mille lieux de là, quelque part ou elle n'aurait pas à discuter émotions alors que de toute manière, elle était incapable de les exprimer. Et encore moins de les comprendre. Sinon pourquoi se trouverait-elle dans une telle situation avec quelqu'un qu'elle aurait du détester, ou au moins mépriser pour tout ce qu'il lui avait fait subir? Mais non. Elle en était incapable, décidément incapable. Et le pire, le pire était la réaction que ses mots engendraient. Voilà qu'inconsciemment la jolie brune sentit comme si les battements de son cœur s'accéléraient au "Je ne te déteste pas" de Bertram. Et si elle savait contrôler les émotions de son visage, et en général ses émotions lorsqu'il le fallait; elle n'avait jamais pris à faire taire cet organe-là.

Ne pas détourner les yeux. Un peu plus, et elle rompait le contact. Mais non : elle ne devait pas se laisser embobiner. Tout ceci n'était qu'une splendide mascarade; mais sans que les masques soient visibles. Elle feintait de l'apprécier, il feintait d'être agréable... Ils avaient tous deux des buts cachés, voilà tout, un égoïste intérêt duquel elle devait se méfier. Elle ne devait pas se laisser abuser par une simple phrase, aussi sincère semblait-elle. Aussi touchante lui paraissait-elle. Emmeline n'avait jamais porté grand intérêt à ce que les autres pensaient d'elle. Ca n'allait pas changer aujourd'hui.
Un léger froncement de sourcil brisa l'imperméabilité de son expression lorsque le ton moqueur si habituel de Bertram revint. Bien sur, il ne pouvait pas s'empêcher de se jouer d'elle, de s'en moquer, même avec un sujet aussi sensible. Sensible pour Emma, du moins. C'était une mauvaise plaisanterie. Et puis, elle n'avait jamais eu beaucoup d'humour.

« Ne plaisante pas avec les sentiments... » Non, c'était trop cruel de rire de ça. Emmeline était déjà assez perdue, et considérait la situation avec tant de sérieux qu'elle aurait aimé que pour une fois Bertram le fasse aussi... Ou du moins ne les mène pas tous les deux sur une pente si dangereuse. Ah si seulement il était resté le même gamin odieux... « ...s'il te plaît. »

Ne pas le lâcher des yeux.
Emma ne savait quoi dire d'autre. Elle n'avait jamais été bavarde. Les mots étaient futiles, seuls les actes comptaient. Mais elle n'avait jamais non plus été portée à agir instinctivement. Elle réfléchissait. Trop peut-être. Et là elle en venait à se noyer dans les yeux de Bertram, flairant le danger qui menaçait ce qu'elle protégeait si chèrement, et ne sachant comment éviter de perdre complètement pied. Elle ne devait plus y penser, changer de sujet.

Mais elle en était incapable.

Emmeline était véritablement très mal à l'aise par la proximité de Bertram. Bien élevée comme elle l'était, elle savait que ce n'était pas bien. Il fallait... une distance de sécurité. Et une tenue décente. Or, entre elle et sa chemise de nuit -pouvions-nous réellement appeler ce tissus ainsi?- et Bertram et son... manque de haut, eh bien... Rien n'était respecté.
Le dentiste lui avait dit que grincer des dents était mal... Mais c'était bien ce qu'elle avait envie de faire aux mots de Bertram. Non, rester calme. Ce n'était pas son genre de s'agacer pour si peu. Elle avait supporté sept ans de Bertram moqueur, et cette simple phrase destinée à vicieusement la faire céder (comme si elle ne remarquait pas son petit manège, toucher à sa fierté pour la faire réagir, pff) n'y arriverait pas. Même si elle était incapable de ne pas lui répondre.

« Te décevoir ou non est la moindre de mes préoccupations, Aubrey. » répliqua-t-elle d'une voix quelque peu cassante. L'appréhension, la curiosité, Bertram... Tout cela était trop, et lentement mais sûrement son masque glacial se craquelait. Il était peut-être temps qu'elle s'esquive, avant qu'elle ne perdre contrôle de son trop plein d'émotions. Mais... Mais elle était incapable de bouger. Paralysée par l'étrange comportement de Bertram, par son regard brillant sous la flamme des bougies, par son petit sourire irré.... NON. C'était juste sa curiosité qui la retenait. Tout simplement. Rien d'autre. Bertam agissait vraiment étrangement. Plus que d'habitude. Il était normal qu'elle en soit intriguée. Mais ce n'était certainement pas pour Bertram en personne qu'elle restait là. Pour son mystère. Pour son étrangeté. Pas pour lui.

Emma poussa un soupir mental de soulagement lorsque Bertram s'éloigna un peu d'elle (ce qui lui permit de respirer de nouveau). Ouf. Elle commençait à vraiment avoir du mal à garder une expression neutre alors qu'il était si proche, si agaçant dans ses mots comme dans ses gestes. Et si peu vêtu. A cette pensée, les yeux d'Emmeline parcoururent fugacement le corps de Bertram -et pas son visage cette fois, si vous voyez ce que cela veut dire-. Fugacement, ou pas. Se prenant elle-même en flagrant délit (et avant que Bertram ne se fasse des idées) Emma détourna furieusement la tête. Que Merlin lui vienne en aide!! Elle contrôlait toujours ses gestes! D'habitude. Or, elle venait de... non. Elle venait de rien du tout. C'était la fatigue qui lui faisait imaginer des choses qui n'avaient pas lieu d'être. Parce que Emmeline Vance n'aurait jamais jeté un regard appréciatif sur le corps d'un autre, encore moins de Bertram.

La phrase suivante de Bertram lui fit de nouveau le regarder en face d'un air outré. Mais ou se croyait-il, enfin?! Il était toujours si sur de lui, si certain que tout lui était dû que cela donnait envie à Emmeline de lui faire la morale et de s'en aller tout simplement... Mais elle voulait savoir.

« Si je n'étais pas une "telle assoiffée de connaissance", sache que ta suffisance viendrait de te faire perdre toute chance de tester quoi que ce soit sur ma personne. » répondit-elle donc avec froideur, droite comme un I, n'osant bouger de peur que sa chemise déjà trop fine ne laisse apercevoir plus qu'il n'en fallait.

Partir. Partir. Partir. C'était mauvais signe, vraiment. Le comportement de Bertram était suspect. Et Emma n'arrivait plus du tout à réfléchir correctement. Elle savait qu'elle devait partir, mais elle voulait tellement savoir....

« De quoi s'agit-il? »

Perdu. Elle avait cédé, finalement. Se donnant une claque mentale, la jeune Serdaigle serra les dents et détourna résolument le regard du superbe corps de Bertram. Ses yeux brillaient plus que jamais de cette curiosité mal contenue qui la dévorait.