« - Vous n'auriez pas vu passer Fluffy ? Il s'est encore échappé, je ne le trouve nulle part ! Je lui ai mis des petits chaussons roses aux pattes aujourd'hui, et un nœud de la même couleur, et...
- Bah pas étonnant qu'il se soit barré ton Fluffy alors ! » répondit le serdaigle auquel Georgina s'adressait, partant d'un éclat de rire bien gras, suivit de ses trois autres copains. Triste à en pleurer, Gigi n'eut pas la force de répondre et repartit à la recherche de son lapin. Comme tous les mâles dans sa vie, Fluffy essayait de mettre le plus de distance possible entre eux. En clair il la semait, la larguait, se taillait, se faisait la malle dès qu'il le pouvait. Et la pauvre Gigi ne comprenait pas pourquoi. Sérieux, Fluffy était traité comme un vrai pacha ! Elle le maternait et le couvait d'attention et de tendresse. Mais ce sale ingrat faisait le mur dès qu'elle avait le dos tourné. Chagrinée et agacée, la pouffy était néanmoins déterminée à passer tout le parc de Poudlard au crible, quitte à y passer la nuit, et à grelotter à s'en faire trembler le string dans l'air froid de cette mi-septembre. Évidemment, Brittany et Cherry avaient disparues elles aussi, jamais là quand on avait besoin d'elles ! Georgy se sentait plus seule que jamais. Apercevant une silhouette un peu plus loin devant elle, elle se précipita vers l'élève et lui sortit le même laïus ;
« - Hey ! Tu n'aurais pas vu passer Fluffy dans l'coin par hasard ? »

Keith avait son balai dans une main, son banjo dans l'autre, et ses lunettes de vol sur la tête. Il s'apprêtait à aller s'entraîner un peu sur le terrain, sur les conseils de Daithe, qu'il suivait aveuglément en faisant du mieux qu'il pouvait. Après, il comptait passer son après-midi allongé près du lac, laissant l'herbe lui chatouillant le nez, profitant des derniers jours de soleil, à jouer de son banjo en paix. En paix. EN PAIX. Il ne s'attendait pas à recevoir une Poufsouffle éplorée qui se jeta presque littéralement sur lui.
Hey! Tu n'aurais pas vu passer Fluffy dans l'coin par hasard?
C'était qui, quoi, comment Fluffy? Ça se mange en soupe? Keith regarda sa collègue de maison: elle était blonde comme les blés et avait le même regard que celle qu'il avait surnommé "Harmony", et avec qui il avait échangé son premier baiser (enfin, "échangé" était un mot un peu fort). Il avait appris par la suite par Dowey qu'elle s'appelait Brittany. Bien sûr, il avait omis de dire à son ami ce qu'il s'était réellement passé dans la salle commune, craignant les plaisanteries douteuses de ce dernier, et Dowey l'avait regardé avec un regard amusé et suspicieux qu'il prenait lorsqu'il avait envie d'embêter les filles. Mais Keith n'était pas une fille, et son confrère avait respecté sa vie privée (peut-être projetait-il d'aller demander à la personne en question ce qu'il s'était réellement passé? Dans ce cas, c'était une catastrophe, mais Keith ne préférait pas intervenir; d'ailleurs, il n'en n'avait pas le pouvoir. Dowey était bien trop fort).
Depuis qu'il commençait à comprendre que tous les gens ne lui voulaient pas du mal, et même parfois, qu'ils l'aimaient plutôt bien, Keith était plus à l'aise pour parler, et il prenait même parfois l'initiative de la conversation. Il sourit donc poliment à la jeune fille de toutes ses dents.
Ben, si tu me disais qui était Fluffy, ça m'aiderait!
Elle était jolie dis donc, cette Poufsouffle. Keith regarda la sangle de son banjo qui était accroché dans son dos et lui jura mentalement fidélité jusqu'à la fin de ses jours (c'était arrivé deux fois déjà depuis le début des cours, ce qui était beaucoup, beaucoup trop. Keith ne voulait pas risquer une crise de jalousie de la part de son instrument. C'était sensible ses bêtes-là, même quand ce n'est pas magique).

Georgina regarda un instant son collègue poufsouffle, comme si une troisième tête lui poussait ; tout le monde connaissait les sœurs Taylor, mais surtout : tout le monde connaissait Fluffy ! La quasi totalité des élèves de Poudlard pouvait certifier avoir déjà vu au moins une fois dans leur vie Fluffy courir dans le parc, et Gigi lui courir après comme une folle ! Mais trop éplorée, l'américaine passa outre et se plia aux présentations,
« - Fluffy c'est mon lapin, expliqua-t-elle, en reniflant un peu, et en baissant les manches de son uniforme qu'elle avait retroussées sur ses avants-bras. Il est tout blanc, comme celui d'Alice aux pays des Merveilles, dit-elle en souriant un peu bêtement, juste parce que de son Fluffy, elle en était gaga. Je lui ai mis des petits chaussons roses aux pattes aujourd'hui, et un nœud de la même couleur, on ne devrait voir que lui ! » ajouta-t-elle, coinçant dans son exaspération une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille. C'était la seule technique qu'elle avait trouvé : l'affubler de tenues colorées pour pouvoir facilement le retrouver ! Seulement le stratagème semblait enrager le rongeur, et lui donner encore plus le goût de l'escapade. Mais cela, le petit cerveau de Georgy n'était pas apte à le comprendre malheureusement. D'une petite voix triste, ses grands yeux noisettes implorant de l'aide, elle demanda à nouveau ;
« - Alors, tu ne l'as pas vu par hasard ? » ses fines lèvres tremblotaient. Certes, Georgina avait beau avoir 17 ans, son immaturité et sa grande sensibilité handicapante faisaient qu'elle s'émouvait d'un rien. Surtout lorsqu'il s'agissait de son lapin adoré.

Keith remarqua le tic de tristesse de la jeune fille. Il s'en retrouva tout ému! Il détestait voir quelqu'un triste, il pensait que c'était son côté Burdon-Poufsouffle-loyal qui se manifestait comme ça. Son petit coeur d'artichaut vola en mille morceaux en voyant cette fille au bord des larmes. Il se sentait même coupable de ne pas avoir vu le lapin. Il osa (ce qui pour lui était un acte incroyable!) poser sa main amicalement sur l'épaule de la jeune fille.
Allez, je veux bien t'aider à le chercher.
Trop gentil, Burdon. Beaucoup trop gentil. Tout ça alors qu'il n'avait qu'une envie, qui était de passer l'après-midi tranquille. Mais quand on lui demandait un service, il ne pouvait pas refuser, surtout quand il s'agissait d'une jeune fille éplorée, même si l'action d'affubler un lapin de chaussons était ridicule et insensée. Il était trop empathique avec les gens, c'était clair: il ressentait, parfois inconsciemment, leur tristesse ou leur douleur. C'était à un point où Keith se demandait parfois s'il ne s'agissait pas là d'un don magique. Une fois, ça l'avait même mis dans le pétrin, avec un Serdaigle. Et finalement, c'était plutôt une malédiction qu'un don du ciel, parce qu'il se sentait obligé d'aider tout le monde, vu que son empathie maladive faisait des émotions négatives des autres sa propre tristesse, même quand ça allait à l'encontre de sa propre volonté... Il soupira et sourit timidement, mais chaleureusement.

Le poufsouffle la regarda un moment, comme compatissant à son malheur, et Georgina sentit sa bouche se retrousser en une petite moue triste, ce qui sembla finalement trancher en sa faveur, puisqu'il posa une main amicale sur son épaule et consentit à l'aider. Folle de joie, Georgy ne s'en formalisa pas, et l'attrapa au contraire dans ses bras en le serrant très fort contre elle ;
« - Oh merci, t'es un chic type... euh... ! » balbutia-t-elle, mi émue, mi-gênée, parce qu'elle se rendit compte qu'elle ne se souvenait plus du nom du jeune homme, si tant est qu'elle l'ai connu un jour. Lui adressant un sourire éblouissant, elle s'essuya le nez du revers de sa manche, et jeta un œil au matériel du garçon : il avait apporté son balai et un genre de guitare - quel incongru duo ! et depuis quand connaissait-elle le mot incongru ? -, et eut un haussement de sourcils en direction de son sauveur ;
« - J'ai l'impression que j'interromps quelque chose en plus... non, si peu. Gigi se reprit néanmoins très vite. Mais c'est tellement gentil de bien vouloir m'aider ! enchaîna-t-elle en attrapant le bras gauche de son camarade de maison, et s'y accrochant comme une patelle à son rocher. J'ai pas encore longé le lac, je pensais le faire. J'y retrouve parfois Fluffy, peut-être qu'il y est en ce moment ? » dit-elle, les yeux brillant d'espoir et de reconnaissance envers son homologue.

La timidité naturelle de Keith revint aussi vite qu'elle s'était éclipsée pendant un instant lorsque la Poufsouffle le serra très fort contre elle. Keith n'avait jamais été physiquement aussi proche de quelqu'un d'extérieur à sa famille, et en plus, c'était une fille. Il vira au rouge tomate et essaya de balbutier quelque chose de poli, sans arriver à faire en sorte que ce soit intelligible (autant à cause de la pression qu'exerçait la Poufsouffle en le serrant que parce que sa joue touchait la sienne). Décidément, trop de proximité avec des filles en ce moment...
Si jamais... Je m'appelle Burdon... Keith Burdon. dit-il alors que la jeune fille l'entraînait derrière elle vers le lac. Elle avait déjà une idée d'où commencer à chercher. C'était déjà ça.
Sa camarade de maison lui tenait le bras si fort, comme si elle avait peur qu'il s'en aille. Keith avec son esprit d'observateur aguerri en déduit qu'elle avait dû être souvent fuie et délaissée dans le passé... Peut-être avait-elle eu une histoire d'amour qui s'était mal terminée? Ou peut-être qu'elle était simplement ultra-possessive? Ou les deux d'ailleurs. Oui, ça devait être une alliance de ces deux choses. Keith ne le saurait probablement jamais et ça l'importait peu, il n'était pas quelqu'un de très curieux sur ce genre de sujet. Mais il trouvait que cette nana était touchante, par son entrain et sa spontanéité abusive, même si ça pouvait sûrement être énervant à la longue. En tout cas il risquait de le vérifier de façon imminente...

Keith Burdon... Keith Burdon... Ça sonnait bien, mais ça n'évoquait rien à Georgina. Bah, de toute façon elle avait une mémoire de poisson rouge disait sa famille, alors elle lui adressa quand même un sourire en lui tenant toujours le bras et lui répondit ;
« - Georgina Taylor. Mais tu peux m'appeler Georgy, ou Gigi, c'est comme tu veux. Tu connais peut-être mes sœurs ? Cherry et Brittany ? On est toutes à Poufsouffle, à croire qu'on a ça dans le sang ! » expliqua-t-elle fièrement en bombant un peu la poitrine. La jeune fille aimait vraiment appartenir à cette maison, en plus elle trouvait que la cravate jaune seyait particulièrement bien à son teint de native du Rhode Island et à la couleur de ses cheveux. Soliloquant à moitié dans sa tête et à moitié à voix haute, elle poursuivit ; « C'est bizarre qu'on se soit jamais vraiment croisés avant. Puis trouvant que sa phrase ne voulait rien dire, reprit en fronçant ses sourcils parfaitement épilés de ce matin ; je veux dire, qu'on ne se soit jamais vraiment parlé avant. T'es en quelle année ? » Faire la conversation à Keith lui remontait un peu le moral, mais ne la détournait pas complètement de sa tâche initiale, Fluffy était le seul pour qui sa mémoire ne flanchait pas. Tout en discutant, les deux poufsouffles arrivèrent finalement près du Lac. Le long duquel le lapin ne se trouvait pas, Gigi, les yeux grands ouverts, ayant scanné comme au laser les environs. Son cœur se serrant, elle soupira et sentit à nouveau ses yeux s'embuer. Si jamais elle revoyait Fluffy un jour, pour sûr qu'elle lui ferait la peau. Et qu'elle accrocherait sa queue en pompon au sommet de son bonnet préféré !

Georgina, trop concentrée sur son propre petit malheur, ne remarqua pas la gêne de Keith, et son malaise lui passa à mille lieux au dessus du cocotier. Pourtant, lorsqu'il lui avoua ne jamais avoir entendu parler d'elle(s), elle ne put tout à fait cacher sa déception.
« - Oh... », répliqua-t-elle mollement en tâchant tout de même de sourire, parce que Keith était sympa de l'aider, et que c'était finalement le seul qui avait bien voulu accepter. C'était ça, le problème des filles superficielles ; Gigi, a trop vouloir être aimée et admirée de tous, se sentait souvent déçue lorsqu'elle s'apercevait que c'était loin d'être le cas. Son petit cœur d'artichaut se serra pour la dixième fois de la journée, mais elle tâcha de ne pas trop le montrer, car elle se souvenait que parmi toutes les conneries que sa mère avait put lui dire, elle lui avait pourtant sortie une vérité vraie ; l'imperfection est beauté, la folie est génie et il vaut mieux être totalement ridicule que totalement ennuyeux. Alors comme être totalement ridicule, c'est ce qu'elle faisait de mieux, Georgy décida d'y consacrer toute son énergie plutôt que de laisser une larme franchir la barrière de ces cils blonds.
« - Moi je parle beaucoup, et à beaucoup de monde, c'est pour ça que ça m'étonne de ne jamais l'avoir fait avec toi avant ! s'exclama-t-elle, puis trouvant que sa phrase était bizarre encore, se corrigea ; Parler avec toi, je veux dire. » Keith changea de sujet de conversation, et finalement, ça l'arrangeait bien la petite américaine. Il proposa même une idée fort astucieuse pour retrouver son rongeur, l'appâter ! Oui mais avec quoi ?
« - Qu'est-ce qu'il mange Fluffy ? Oh, un tas de choses... Il aime beaucoup la tarte aux poireaux, quand je la coupe en tout petits morceaux, et il est fou de pudding ! Il aime bien aussi les haricots en gelée, et le sandwich au concombre, expliqua-t-elle en souriant. Voyant le regard de Keith, elle se sentit obligée d'ajouter ; Je sortais avec le préfet de gryffondor l'année dernière, il avait accès aux cuisines du château. Les elfes sont si gentils !... dit-elle, l'air rêveur. Oh, et il aime les chocogrenouilles aussi ! Et j'en ai sur moi ! » s'exclama-t-elle, comme frappée par un éclair de génie, en plongeant sa main valide dans la poche de son uniforme et en sortant la friandise. Non content de trouver des bonnes idées, le jeune homme était aussi d'une grande aide quand il s'agissait de remonter le moral à quelqu'un.
« - C'est gentil Keith, merci de me remonter le moral. T'es vraiment un chouette gars tu sais ! Faut vraiment que je te présente mes sœurs à l'occasion, elles vont juste T'A-DO-RER ! déclara-t-elle, sincèrement convaincue de ce qu'elle avançait, loin de s'imaginer où en était les relations entre son nouvel ami et sa sœur. Bon, et si on essayait ta technique ? » dit-elle en ouvrant la paume de sa main où se tenait la chocogrenouille.

Haaaaaaa! Cette fois, Keith ne put réprimander une exclamation avant de s'empourprer une nouvelle fois lorsque Georgie parla de ses soeurs. Je ne sais pas si c'est une très bonne idée de me présenter à tes soeurs tu sais, je suis bizarre, et asocial, et aussi un peu bête et pas très intéressant, voilà, c'est pas une bonne idée, enfin, je pense, mais bon, bref.
De sa vie entière, Keith ne pensait pas avoir dit plus de mots à la suite que tout ce qu'il venait de déblatérer. Non pas que l'idée de revoir Brittany le dérangeait, au contraire, mais il préfèrerait la revoir dans un contexte plus intime. Pas intime au sens intime-intime, mais sans craindre d'être découvert par quelqu'un d'extérieur (Keith réagissait comme si ce simple baiser était un secret aussi secret que d'être le fils de Vous-savez-qui par exemple).
Bon... Allez... dit-il en retrouvant son calme. On va... mettre le chocogrenouille un peu plus loin... Et on va nous cacher derrière cet arbre là-bas... et attendre...
L'idée était rudimentaire, mais Keith espérait qu'elle marcherait. Il n'avait pas envie de s'essayer à un sort foireux pour tenter de retrouver le petit lapin. Quand on était aussi nul avec une baguette que Keith Burdon, on se limitait à des choses terre-à-terre. Keith entraîna Georgie vers l'arbre qu'il avait indiqué, et il s'y cachèrent plus ou moins discrètement en scrutant derrière et espérant voir Fluffy sortir de sa cachette. Georgie, alors qu'ils se cachaient, essaya de parler, mais Keith lui plaqua la main sur la bouche, et en posant son doigt sur ses lèvres, sourit et dit timidement:
Dé... Désolé, mais... Il... vaut mieux rester le plus silencieux possible... Si ton lapin est en colère contre toi et qu'il entend ta voix, il ne viendra jamais.
Finalement, ça l'arrangeait que Georgie se taise. Il la trouvait gentille et elle l'amusait, mais elle parlait beaucoup, beaucoup. Et... Oh mon Dieu, Keith avait eu un contact physique avec Georgie de son initiative!!! Pour la troisième fois depuis le début de cette aventure, il devint plus rouge qu'une tomate magique! Il espérait que le fuyard se montrerait bien vite pour couper court à cette situation, et ses espoirs se réalisèrent: Fluffy sortit de derrière un buisson plus loin pour se jeter littéralement sur le chocogrenouille. C'est qu'il était gourmand l'animal! Sa voracité effrayait presque Keith: c'était un petit lapin tout mignon ou un dragon affamé?... Il se focalisa sur l'accoutrement ridicule dont Georgie avait affublé son compagnon à quatre pattes. Pas étonnant qu'il se soit enfui... Mais Keith trouvait que c'était mignon, et ça le faisait trouver Georgie encore plus attendrissante. Finalement, il relâcha sa main de sur la bouche de la jeune fille et murmura:
Il vaut mieux que ce soit... toi qui l'attrape. Il ne me connaît pas, et même s'il est en colère contre toi, il sera moins craintif...
C'était aussi une manière d'éviter un contact avec ce rongeur qui l'effrayait réellement, et aussi de ne pas révéler qu'il était nul en sortilèges en tentant de l'attraper avec un sort.

Georgina ne s'attendait pas au petit cri de Keith et sursauta, lâchant son bras pour le coup. Le garçon trouva tout un tas d'excuses pour ne pas rencontrer ses sœurs, et Gigi sourit d'un air entendu ; son camarade de maison manquait cruellement de confiance en lui, un problème qu'elle-même ne connaissait pas, mais qui touchait bon nombre de ses copines.
« - Allons, allons Keith, qu'est-ce que tu me chante ? Et que crois-tu, mes sœurs et moi on est égocentriques, caractérielles, capricieuses, colériques et superficielles ! Et cherry chante comme une casserole ! Et Britt sent des pieds ! Et moi je pleure pour un rien ! Tu vois, nous aussi on est bizarres ! » tenta-t-elle de le persuader. Riant brièvement, elle suivit Keith derrière l'arbre pour se cacher, bien que son popotin dépassait de leur abri de fortune et ne la dissimulait pas vraiment. Un peu plus loin, la chocogrenouille diffusait son parfum cacaoté grâce au vent qui s'était levé dans l'enceinte du château. Georgy croisait les doigts et les doigts de pieds pour que Fluffy montre le bout de sa truffe.
« - Tu crois que... » commença-t-elle, mais elle n'eut pas le temps de finir que Keith plaqua sa main sur sa bouche. Surprise, elle ouvrit de grands yeux écarquillés et eut le réflexe d'ouvrir la bouche, bavouillant un peu au passage sur la main du garçon. Lorsque celui-ci lui expliqua que c'était pour ne pas faire fuir le lapin, Georgina hocha la tête, et jura en silence de ne plus parler, un gros effort pour elle. Et le fait est que la tactique paya : la fourrure blanche de Fluffy envahit soudain son champ de vision, et son cœur manqua un battement. Keith lui conseilla d'aller le chercher elle-même et, sur la pointe des pieds, face au vent pour ne pas qu'il sente son odeur, Gigi se dirigea vers lui à pas de loup, pour finalement lui sauter dessus lorsqu'elle fut suffisamment proche. S'étalant comme une crêpe, elle arriva néanmoins à chopper le rongeur par les oreilles, et le serra fort contre son cœur, avant de plonger son nez dans son joli pelage blanc, en gazouillant. Heureuse, elle releva la tête vers Keith et lui adressa un grand sourire triomphal. Avant de revenir vers lui ;
« - Tu m'as aidé à le retrouver et à l'attraper, il faut au moins que je te présente Fluffy ! » babilla-t-elle joyeusement.

En voyant Georgie si heureuse de serrer son petit lapin dans ses bras, Keith sourit, croisa les bras comme un papa, et s'appuya contre l'arbre en la regardant déborder de joie. Il était content d'avoir pu aider la jeune fille, même si ça lui avait coûté son temps et sa tranquillité, et qu'il avait écopé d'une main pleine de bave. Il essuya la dite main contre le tronc de l'arbre au passage, et Georgie lui proposa de lui présenter le rongeur fuyard. Il avait l'air heureux de retrouver sa propriétaire, malgré leur dispute (oui, on parlait d'un lapin, mais vous savez, Keith se disputait parfois avec son instrument de musique, alors pour lui, se disputer avec un lapin c'était parfaitement normal). Keith craignait un peu le rongeur après l'avoir vu manger comme un ogre, mais il lui caressa le museau du bout des doigts. Il remarqua finalement le petit noeud et les chaussons roses: sales et déchirés. Il les désigna à Georgie.
Tu sais... Je ne crois pas que ce soit une bonne idée... Il marqua une pause et mentit: Bien que ça soit super mignon, je ne pense pas qu'il les apprécie...
Il se disait que pour convaincre une personne aussi butée que Georgie en avait l'air, il fallait rentrer dans son jeu.

Georgina sourit en voyant Keith caresser le museau de Fluffy, qui semblait heureux de revoir sa maîtresse malgré tout.
« - Il est tout doux, hein ? » dit-elle dans un sourire béat, les yeux rivés au rongeur. Elle n'avait cependant pas remarqué le degré de saleté de l'accoutrement de sa petite bête. C'est Keith qui le lui fit remarquer en les désignant du doigt,
- Tu sais... Je ne crois pas que ce soit une bonne idée...
« - Oh ? »
- Bien que ça soit super mignon, je ne pense pas qu'il les apprécie... poursuivit-il.
« - Tu crois ? Gigi réfléchit un moment, puis reprit ; C'est peut-être pour ça qu'il s'est enfui ce matin ? Oh, il me fait sa crise d'ado ! » dit-elle en se frappant le front du plat de sa main face à l'évidence. Comment n'y avait-elle pas pensé plus tôt. « Ça y est, il entre dans l'âge ingrat, ça va être terrible ! Tu vas me faire tourner en bourrique, hein Fluffy, c'est ça ? » dit-elle en secouant le pauvre lapin entre ses mains. La jeune fille soupira, mais sourit à Keith. « Merci en tout cas, je ne l'aurais sans doute pas retrouvé avant demain matin sans ton aide ! » Puis sans crier gare, elle se pencha vers le garçon et lui déposa un petit baiser sur la joue. « Merci pour le coup de main, je pense que je vais rentrer maintenant, j'ai un peu froid. Tu viens aussi ? »

Trop mignon toute cette petite scène. Georgie faisait vraiment la maman pour sa petite boule de fourrure blanche. On aurait dit une petite fille qui jouait à la maman avec sa poupée. Ce qui aurait énervé beaucoup de gens à ce sujet attendrissait Keith. Certes, Georgie était une tête de mule incroyable, mais c'était une personne sensible, très sensible. Trop sensible. Keith, en ses qualités d'observateur aguerri, crut comprendre que lorsqu'elle aimait quelqu'un ou quelque chose, elle s'y accrochait de toutes ses forces, parfois au point d'étouffer la chose en question et créer l'effet inverse. Keith se jura que s'il devenait vraiment son ami, il ne la laisserait pas tomber. Il était sentimental, Keith.
Lorsque Georgie lui proposa de rentrer avec elle, Keith se souvint de son balai qu'il tenait toujours dans sa main gauche et de son projet d'entraînement. Au diable. Mullet le tuerait certainement et enterrerait son corps dans la Forêt Interdite, mais Keith venait de se faire une nouvelle amie, et il comptait bien en profiter. Il sourit à Georgie.
Je te suis!
Le petit lapin ex-fugitif commençait à beaucoup bouger dans les bras de Georgie. Il semblait de moins en moins content d'avoir retrouvé sa maîtresse. En le regardant vaguement et en pensant au match qui allait se jouer la semaine prochaine, Keith pensa qu'il aurait bien aimé que Georgie et Brittany viennent l'encourager. De plus, si elles décidaient d'amener leur troisième soeur et qu'elle était aussi délurée que les deux autres, ça promettait d'être un spectacle. Ces réjouissances en tête, Keith se risqua en prenant son courage à deux mains:
Tu... Tu comptes venir au match la semaine prochaine?...

Fluffy gigotait comme un beau diable dans les bras de sa maîtresse, mais celle-ci ayant retrouvé son petit animal n'était pas décidée à le laisser filer encore une fois comme un veracrasse. Il y aurait bien un jour où la crise d'adolescence cesserait enfin pour céder le pas à l'âge de raison, non ? Oui mais si c'était non, était-ce à elle, de montrer l'exemple ? Merlin non, sinon on n'était pas sorti de l'auberge !
Keith dit qu'il la suivait à l'intérieur, et Goergy lui adressa un sourire lumineux, du genre de ceux qui veulent généralement dire ; très bonne décision. Sur le chemin du retour vers le château, Gigi était étrangement silencieuse, ayant retrouvé son calme à mesure qu'elle caressait la douce fourrure blanche de son lapin. Le rongeur agissait sur elle comme un vrai médiateur d'humeur. Chose incroyable qui rappelait à Georgina une bague moldue que son père lui avait acheté un jour, alors qu'ils habitaient encore aux States, et qui changeait de couleur dès qu'on la suçotait. Retroussant son petit nez, elle fit rapidement la grimace en s'imaginant suçoter une des oreilles de Fluffy.
- Tu... Tu comptes venir au match la semaine prochaine?...
« - Le match ? Oh oui, c'est déjà la semaine prochaine ! » se frappa-t-elle le front du plat de la main. « Bien sûr que j'y vais, et comment ! Avec mes soeurs, on est les cheerleaders officielles de l'équipe de quidd' de poufsouffle. On a même créé nos tenues, elles sont juste TOPS - GENIALLISSIMES - DES DETRAQUEURS- QUI - TUENT - TOUT !! s'exclama-t-elle, ravie et fière d'elles. « Tu verras, tu vas hal-lu-ci-ner quand tu les verras ! »