A la table des gryffondors, beaucoup étaient silencieux. On sentait chez certains de la rancœur qui semblait émaner par tous les pores de leur peau, on sentait chez d'autres un immense soulagement. C'était le cas de Florian. Un gros pansement barrait le front du jeune homme sous ses mèches brunes rebelles, et pour une fois, il n'était pas lancé dans une de ces passionnantes conversations qui animaient souvent la table des gryffons, à grand renfort d'éclats de voix et de rires. Soulagé mais mutique, Flo en était au dessert, et lapait littéralement comme un petit chat la crème anglaise qui nappait à l'origine le pudding qu'il avait englouti en deux coups de cuillère - s'il avait pu lécher l'assiette, peut-être même qu'il l'aurait fait. Dans sa tête, il se repassait certains épisodes de l'été qu'ils venaient de passer à l'institut Clevergrace, et ressassait les paroles du directeur de Poudlard.
– « de jeunes sorciers qui n'auraient pas dû être mêlés à la folie de grandeur de certains adultes », tu parles ! Fit-il en se retournant sur sa gauche, là où était assise Anne, puis face à lui, où se tenait Jaimie, avec de la crème qui lui coulait sur le menton. C'est facile de dire ça ! C'est pas lui qui était dans ce fichu camp ! Une dernière cuillère, et son dessert fut fini et lui repu. Enfin, espérons que cette année se déroule plus sereinement... Remarquez, ça ne pourra jamais être pire que cet été !

Jaimie était bien content d’être de retour à Poudlard. Enfin, il allait pouvoir manger à sa faim et passer du temps avec ses amis sans avoir peur d’avoir une conséquence. Il n’écoutait pas réellement le discours du directeur, ayant l’esprit ailleurs. Jaimie avait toujours l’esprit ailleurs et ce n’était pas nouveau. Il pensait à ce qui s’était passé pendant l’été et il aimait mieux ne pas y penser, c’était du passé et ils devaient tous regarder en avant pour pas qu’un autre évènement comme celui de l’été dernier se reproduise. Le discours fut enfin terminé, et tout le monde se mit à manger. – Le pudding est troooop bon ! s’écria Jaimie à ses amis. Le jeune homme se goinfrait tout en écoutant son meilleur ami. Il hochait positivement de la tête aux paroles de Floflo, totalement d’accord avec ce dernier. – Je suis totalement d’accord avec toi, mec ! affirma Jaimie. Suite au regard persistant de Anne sur son menton, le jeune homme se rendit bien compte qu’il y avait de la crème qui y coulait, il l’essuya donc avec une serviette. Et il continua de s’empiffrer. –Je crois pas qu'il peut y avoir quelque chose de pire que cet été…quoique, il ne faut jamais dire jamais ! dit-il en balançant sa cuillère dans les airs, envoyant un peu de pudding sur les gens autour.

Philippa était totalement déchirée ; d’un côté, il y avait Bram, son désormais fiancé, et de l’autre côté, Reg, son cousin qui avait toujours été là pour elle. Elle se sentait prise dans cette situation qu’elle avait créée avec un geste innocent. Le regard courroucé de Bram, suite à ses excuses, lui fit de nouveau baisser le regard vers son assiette. Comme elle aurait aimé disparaître à ce moment ! Toutes les autres personnes autour d’eux semblaient apprécier la rentrée ; ils retrouvaient leurs amis dans de meilleures circonstances. Au lieu de célébrer, le PARC se disputait comme à leur habitude. Elle fut bien heureuse de voir Regulus se rassoir à sa place, ses excuses ayant porté fruit. Également, les paroles de Bram lui firent chaud au cœur, elle avait besoin d’entendre que son geste n’était pas déplacé et que c’était Regulus qui exagérait. De plus, elle n’aimait pas la façon dont Regulus parlait du fait qu’elle était un bon partie…elle n’était pas qu’un simple partie ! On parlait d’elle comme si elle n’était pas assise à leurs côtés. Et puis, la jalousie dont Bram parlait n’était pas celle qu’imaginait son cousin. Son fiancé parlait plutôt d’une jalousie du fait qu’ils étaient des bons amis avant d’être des fiancés et que Regulus n’avait pas la chance d’avoir une relation comme celle-ci. Philippa soupira lorsque Black parla de Dylhan ; Bram n’avait rien en commun avec ce dernier, et leur comportement, encore moins. Elle ne voulait pas prendre parti lors de cette dispute, mais chaque fois que Regulus parlait, c’était pour les insulter, Bram et elle. – Tu ne trouves pas que tu exagères Reg ? demanda-t-elle. – Je n’ai fait que déposer ma main sur le genou de Bram, rien d’autre ! dit-elle en se défendant. Ils étaient loin du comportement de certains couples dans la grande salle. Philippa repoussa également son assiette, à peine entamée, devant elle. Son appétit étant coupé. Elle croisa les bras et soupira de nouveau, jamais elle n’avait eu autant hâte d’accompagner les premières années à la salle commune. – Que diriez-vous d’oublier cette conversation et de profiter du restant de la soirée comme les bons amis que nous sommes ? demanda-t-elle, ironiquement.

Florian et Jaimie étaient donc lancés dans le grand débat du « qu'est-ce qui pourrait être pire que le pire été que l'on venait de vivre ? » à grand renfort d'exemples abracadabrants, ce qui avait le don, en ce qui concernait Flo, de chasser momentanément de son esprit les bribes de souvenirs de l'institut Clevergrace qu'avait ravivé le discours de Dumbledore. Momentanément, car comment oublier définitivement l'épisode traumatisant qu'ils avaient vécu dans cet asile ? Mais les garçons de dix-sept ans, aussi traumatisés soient-ils, avaient cette faculté communément appelée insouciance qui leur permettait, passagèrement, de faire du tri dans leur cerveau. Aussi, le sentiment d'insécurité qui n'avait pas lâché Florian depuis le début du repas semblait enfin, peu à peu, le quitter. Ça ne semblait pourtant pas être le cas de tout le monde ; si Anne avait joué le jeu et les avait berné depuis le commencement de la soirée, elle se leva soudain de table et annonça qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle partait se coucher. Les sens de Florian furent en alerte. Fronçant les sourcils, il leva la tête dans sa direction ;
– Eh... Tu veux qu'on t'accompagne ? Demanda-t-il, pas franchement à l'aise à l'idée de laisser son amie toute seule.

Paul est assis à la gauche de Travis, sa fourchette à la main. Le banquet du soir est bon et de temps en temps il cesse les aller-retour vers sa bouche pour écouter le discours du Directeur. C'est que c'est important quand même. D'être au courant de la vérité, de laisser aux adultes une chance de s'expliquer. De dire pourquoi ce qu'il s'est passé cet été est arrivé. Parce que ce n'est pas anodin. A toutes les tables sauf celle des serpentard, il y a des blessés. Pas des graves (ou alors ils sont absents, à l'infirmerie), mais des tronches en biais, avec des bleus, des yeux enflés ou des pansements. Sur le front, le menton, des bras en écharpes. Des béquilles appuyées à la table. Ca craint. Ca ne devrait pas se passer comme ça, rien n'aurait du arriver. A la table des gryffondor, il y a l'ami de Tray, Stan, qui a une grosse balafre sur la joue. Paul s'apprête à le désigner à son cousin mais remarque qu'il a la tête ailleurs. Le regard qu'il a... C'est celui des mauvais jour. Il pose une main sur son avant bras et lui demande,
« Ca va Tray ? Travis lui dit que oui très bien. Paul n'est pas dupe mais le connait suffisamment pour savoir qu'il est inutile d'insister. Il prend le pichet de jus de citrouille et verse un verre à con cousin avant de se resservir. Ce soir au dortoir, ils auraient une discussion. Dans la tranquillité de leur chambre. Ce serait plus facile pour raviver les souvenirs et calmer ses angoisses.