Marlene avait été ravie de constater chaque fois qu’elle passait devant le panneau d’affichage la solidarité de ses merveilleuses copines qui jour après jour inscrivaient leur nom sur le parchemin. Nombreux étaient les élèves qui se bousculaient au portillon pour brûler les planches et elle avait un instant eu peur de devoir se taper toute seule les décors, les sortilèges, les costumes, la régie et tout ça ! Heureusement au-delà des nombreux clivages qui ridaient le monde, il existait une chose bienheureuse appelée la solidarité féminine. « Alors Tsadki, pas trop apeuré de te trouver entouré par toutes ces filles ? Si ça te plaît, tu pourras joindre les Soirées Aphrodite où on débat de la place des femmes dans le monde magique ! » avait-elle raillé son assistant mise en scène sur le chemin qui les menait à la salle de classe réservée pour leur réunion de préparation et sans oser lui avouer que les fameuses soirées qu’elle organisait terminaient généralement par une comparaison des différents sortilèges d’épilation publiées dans le dernier numéro de sorcière hebdo.

Ils avaient très rapidement disposés les pupitres et les chaises en rond à l’aide de leur baguette - ça se prêtait quand même mieux à la situation - et avaient déposé devant chaque place le scripte de la pièce adaptée Romulus et Julieta. Marlene qui n’en était pas à la création de son premier club et encore moins à sa première réunion prit naturellement la parole lorsque les apprentis techniciens prirent place. « Salut les filles ! Salut Saul, merci de ta présence, ça permet aussi la mixité des sexes en plus de celle des maisons ... » dit-elle en lui souriant comme si elle lui avait laissé le choix alors qu'elle l'avait inscrit d'office. « Alors voilà, je vous cache pas qu’on a vraiment de la patacitrouille sur la planche pour dépoussiérer la pièce qui est au moins aussi indigeste que les vieux parchemins de Bathilda Tourdesac et au moins aussi vieille que la dame elle-même ! Elle date du seizième siècle, la pièce, pas Bathilda … Histoire que ça parle à tout le monde et qu’on prenne vraiment le parti de dénoncer le trouble du monde actuel sans forcément tomber dans l’impudeur, je pensais partir sur quelque chose de pop avec des couleurs vives et acidulés, quelque chose qui soit seventies quoi, plus Festi’Witch que Poudlard … J’veux que les spectateurs entendent du Shakespeare mais voient du Jick Magger ! Vous en pensez quoi ? Vous avez déjà des petites idées ?  ». Marlene regarda à tour les personnes présentes avec un large sourire plein d’espoir.

L’assemblée majoritairement composée de jeunes aiglons était bien calme - quelle surprise - alors Marlene était plutôt heureuse que Poppy partage ainsi son enthousiasme et toutes ses idées. Surtout qu’elle démontra par une simple remarque qu’elle avait bien compris l’esprit de la pièce. « C’est exactement ça Poppy ! Et j’adore l’idée des tubes moldus ! Il faut absolument en parler à Ange et Gabin qui joueront sur scène … ». Elle tourna la tête d’un coup vers Tsadkiel en le fouettant sans faire exprès d’un grand coup de natte blonde pour lui adresser un sourire épuisant, vlan ! « Tu peux noter ça Tsadkiel s’il te plaît ? Je ne voudrais pas qu’on oublie ! ». Elle n’avait pas remarqué qu’elle l’avait fouetté. « Ils pourraient faire des reprises de tubes sorciers et moldus donc ! Ce serait vachement mixité ça ! ». Des étoiles brillaient dans ses yeux comme à chaque fois qu’elle prononçait le doux nom du concept qui animait ses rêves les plus fous. « On vous fera écouter les vinyles avec Poppy, vous allez A-DO-RER ! » poursuivit-elle à l’adresse du groupe en espérant que les héritiers de Rowena soient plus enclin à se laisser décoincer par de la musique que par leur babillage. « Tu notes Tsadkiel, hein ? » dit-elle en tapotant son parchemin du calamus de sa plume qui ne lui servait à rien à elle, sinon à menacer les yeux de ses camarades d’une violente crevaison.

Elle reposa aussitôt sa plume jaune poussin sur le bureau et se pencha vers Saul et Emmeline qui étaient assis à côté - nota-t-elle avec un sourire amusé car tout se déroulait comme elle l’avait prévue … Poudlard recelait d’amours aussi intéressants que ceux de Julieta et de son Romulus - et les interrogea à la manière d’un professeur. « Saul, Emmeline, vous avez prévu quoi pour les sortilèges d’attaques ? La pièce est très violente en matière de duels et pour éviter que quiconque ne se blesse, ce serait bien de trouver un subterfuge … » les questionna-t-elle en supposant évidemment qu’en bons représentants de leur maison ils aient déjà pensé à absolument tout. Elle ne s’était pas entouré de bleus pour qu’ils fassent leur bleus justement et espérait bien que l’enthousiasme de Proserpine les ait ici inspirés. S’ils répondaient « paillettes » ils marqueraient encore des points. Paillettes, c’était toujours une bonne réponse pour Marlene qui pimpait toujours ses vêtements, ses accessoires, son maquillage - certains devoirs même - avec.

Saul et Emmeline ne répondirent pas immédiatement à son interrogation et Marlene les jaugea curieusement en se demandant si finalement ça n’avait pas été une mauvaise idée de les réunir en tant que machinistes. Se pouvait-il que, aussi Serdaigles soient-ils, ils se laissent perturber par les ondes sexuelles l’un de l’autre ? Ca aurait été terrible pour la pièce ! Et Marlene crut en recevoir la confirmation lorsque la brunette avoua que ni son camarade ni elle n’avaient réfléchi avant de venir. « Han ! » s’exclama Marlene en laissant tomber sa plume criarde pour porter des mains choquées à sa bouche. Emmeline tenta de se rattraper mais Marlene n’écoutait déjà presque plus. « Tu n’as pas réfléchi ? » insista-t-elle gravement sans cligner des yeux. Elle agita tristement une mine déçue de droite à gauche comme si Vance brisait cruellement tous ses espoirs. Elle en faisait exprès des caisses car espérait que la jeune fille se mette à culpabiliser et redouble d’efforts … Proserpine sauva heureusement l’ambiance en prononçant le mot paillettes. « Des paillettes évidemment ! Tu es vraiment parfaite Poppy ! » la félicita-t-elle plus chaudement. Elle se pencha vers Tsadkiel pour vérifier qu’il écrive bien le mot paillettes car il ne lui semblait pas du tout attentif.

Saul leva finalement la main et Marlene leva vers lui une main courtoise à la manière d’une lady pour l’inviter à délivrer son intelligente parole. Il la refroidit aussi vite que Emmeline en commençant par un ‘tout simplement’. C’était quoi leur problème à vouloir faire simple chez les bleus ? Ils étaient à ce point intelligent qu’ils en devenaient de flemmardes limaces de feu ? « C’est très offensant ce que tu dis là Saul, tu devrais t’excuser auprès de Proserpine et même de toute l’assemblée je crois … » lui fit-elle savoir très sérieusement. C’est que quand une cause touchait au coeur de Marlene, elle se transformait immanquablement en dictatrice et n’était plus du tout l’amie sympathique qu’on pouvait croiser dans les couloirs. « Je savais que c’était une mauvaise idée vu la blague du tutorat en astronomie … » souffla-t-elle contrariée à voix basse (mais quand même assez fort pour que le garçon entende). Elle claqua finalement des mains sur la table pour présentement déclarer. « La réunion est ajournée ! ». Elle se leva de sa chaise et regarda à chacun leur visage. « Visiblement, il n’y a que Proserpine qui a travaillé aujourd’hui et je suis très déçue par toutes les autres idées ! Je vous incite tous à réfléchir plus attentivement à la pièce et à sortir la tête de vos livres pour penser de manière plus - elle hésita de l’étiquette qu’elle voulait coller à la pièce et finit naturellement par trancher - PAILLETTES ! Voilà, pensez plus paillettes et moins chiant les bleus, c’est exactement ça ! Là vous m’endormez et si vous m’endormez, le public s’endormira aussi, okay ? ». Elle leur adressa un sourire faussement réconfortant puis un clin d’œil à Proserpine et s’en alla finalement de son pas guilleret vers ses autres tâches. Elle espérait que son coup de pression ait marché et attendait la réponse à la réunion suivante. Elle passa une tête par la porte avant de complètement disparaître. « Tsa ? J’te laisse gérer l’organisation de la seconde réunion et tout ça hein ? Allez bisous ! ».